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- Nov 2019
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Les réticences de mon père m’étonnaient et me piquaient bien davantage. Il aurait dû s’intéresser à mes efforts, à mes progrès, me parler amicalement des auteurs que j’étudiais : il ne me marquait que de l’indifférence et même une vague hostilité. Ma cousine Jeanne était peu douée pour les études mais très souriante et très polie
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Mon père, qui souffrait de se trouver à cinquante ans devant un avenir incertain, souhaitait avant tout pour moi la sécurité ; il me destinait à l’administration qui m’assurerait un traitement fixe et une retraite.
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Le scepticisme paternel m’avait ouvert la voie ; je ne m’engageais pas en solitaire dans une aventure hasardeuse.
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Mon père ne croyait pas ; les plus grands écrivains, les meilleurs penseurs partageaient son scepticisme ; dans l’ensemble, c’était surtout les femmes qui allaient à l’église ; je commençais à trouver paradoxal et troublant que la vérité fût leur privilège alors que les hommes, sans discussion possible, leur étaient supérieurs.
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Moi j’avais parlé comme un perroquet et je ne trouvais pas en moi le moindre répondant.
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Par la suite, et peut-être en partie à cause de cet incident, je n’accordai plus à mon père une infaillibilité absolue.
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Plus sa vie devenait ingrate, plus la supériorité de mon père m’aveuglait ; elle ne dépendait ni de la fortune ni du succès, aussi je me persuadais qu’il les avait délibérément négligés ; cela ne m’empêchait pas de le plaindre : je le pensais méconnu, incompris, victime d’obscurs cataclysmes.
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Mais cet après-midi, ce qui me transporta, ce fut bien moins la représentation que mon tête-à-tête avec mon père ; assister, seule [Page 95]avec lui, à un spectacle qu’il avait choisi pour moi, cela créait entre nous une telle complicité que, pendant quelques heures, j’eus l’impression grisante qu’il n’appartenait qu’à moi.
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