- Feb 2020
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vivre dans un monde toujours plus rempli d’informations de surface, comme celles que l’on trouve en surfant sur Internet, « stimule une mémoire du passé immédiat ou, dans le meilleur des cas, une mémoire de travail surdimensionnée capable de traiter simultanément de multiples informations (textes, images, sons…), commente Francis Eustache. Ce type de mémoire à court terme s’exerce au détriment d’une réflexion sur notre passé et notre futur, sur notre relation aux autres, sur le sens de la vie… Or les travaux en neurosciences cognitives montrent que l’un de nos réseaux cérébraux (le réseau par défaut), indispensable à notre équilibre psychique, s’active lorsque nous nous tournons vers nos pensées internes, que nous nous abandonnons à la rêverie, à l’introspection, ce que ne favorise pas le recours intensif à des béquilles mnésiques. Enfin, mémoriser des chansons, des poèmes, etc., nourrit le partage et la solidarité, renforce le lien social, améliore la qualité du vivre ensemble.
Argument dialectique PRO : L'auteur se réfère à Francis Eustache, source scientifique, pour contrebalancer ses propositions : dans une première proposition : il met en lien la quantité d'informations et la capacité de la mémoire de travail dans la seconde partie de l'argument l'auteur s'appuie sur les neurosciences, domaine d'expertise de la source scientifique, pour infirmer la proposition de départ.
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Mais on peut aussi imaginer que, dans un système où notre cerveau déléguerait une majorité d’informations à des dispositifs techniques, le juste équilibre à maintenir entre mémoire interne et mémoire externe se trouverait rompu.
L'argument relayé par la source scientifique est de type rhétorique logos, avec un enchainement des propositions suivantes : si une majorité d'informations est déléguée à des dispositifs techniques, alors, "le juste équilibre..se trouverait rompu" conclusion : "cela porterait très certainement atteinte à notre réserve cognitive".
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les multiples « prothèses » physiques (parois de grottes, os, cailloux, tablettes d’argile ou de cire, peaux animales traitées, rouleaux de papyrus, parchemins, papiers, microprocesseurs…) utilisées par les sociétés humaines, au fil des siècles et des innovations technologiques, pour démultiplier la puissance et pallier les défaillances de cette fonction cognitive qui nous permet d’enregistrer, synthétiser, conserver et récupérer des informations
analogie entre support technologique et support physique expression de culture. l'auteur considère que les enjeux sont les mêmes : enregistrer, stocker, conserver et récupérer les informations. Ce raccourci n'engage que l'auteur, l'argument est donc de forme rhétorique.
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Extraordinairement inventive, notre mémoire est aussi terriblement fragile. D’où les multiples « prothèses » physiques
L'auteur s'appuie sur 2 opinions "mémoire inventive" et "mémoire fragile" pour en conclure que les différents supports d'écriture, de dessin..sont un remède à la soi-disante "fragilité" de la mémoire. Il s'agit d'une abduction. L'enchainement inventive/fragile/donc prothèse me semble de nature rhétorique logos;
L'auteur omet la fonction transmission, communication des supports d'écriture. De même aucun élément ne vient étayer "la mémoire présentée comme fragile" (labilité de la mémoire ?)
La référence à la "prothèse", comme prolongement du corps humain ancre les propos dans un registre rhétorique.
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les mémoires artificielles offertes par les actuelles technologies de l’information remédient aux failles de notre mémoire biologique, mais nous font entre autres désapprendre l’orthographe
Il s'agit du point de vue de l'auteur, qui s'appuie sur les propos de Bernard Stiegler : Les nouvelles technologies nous privent de l'apprentissage de la règle, des éléments nous permettant d'intégrer les connaissances, et de construire notre raisonnement.
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Réfléchir aux conséquences de l’externalisation de la mémoire humaine ne date pas d’hier. Au Ve siècle avant notre ère déjà, Socrate, le père de la philosophie, traitait du sujet dans le Phèdre, un dialogue écrit par Platon. « Dans ce texte fameux, Socrate évoque un mythe égyptien, celui du dieu Theuth qui aurait inventé l’écriture, laquelle serait à l’origine de la puissance des Égyptiens, explique Bernard Stiegler. Lorsque Theuth présente son invention au roi Thamous, celui-ci lui répond que cette mémoire artificielle va affaiblir la mémoire véritable, celle par laquelle l’homme pense par lui-même et invente, et qu’elle va produire une illusion de savoir, l’apparence de la sagesse. En fait, Socrate ne dit pas qu’il ne faut pas fréquenter les livres, bien au contraire, mais que les livres peuvent être toxiques si l’on n’en a pas une pratique raisonnée. » Pas de pensée sans mémoire biologiqueVingt-cinq siècles plus tard, la leçon, appliquée au numérique, vaut toujours, estime Bernard Stiegler. Toute technique, depuis que l’homme a commencé à devenir homme en taillant des silex, « est en effet ambivalente comme un pharmakon (un médicament, en grec). Toute technique est à la fois remède et poison, émancipation et aliénation ».
Argument épistémique comparatif :
analogie entre la pensée développée par Socrate à propos de l'écriture et celle développée par Bernard Stiegler à propos du numérique permettant à l'auteur de souligner l'ambivalence de la technique.
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commente Francis Eustache.
Les propos des sources scientifiques sont ici replacés dans un contexte explicatif , Francis Eustache puis Bernard Stiegler apportent les connaissances nécessaires à l'élaboration, la construction du point de vue que l'auteur, propose au public et donc au débât.
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Mais les appendices technologiques qui nous épargnent de fastidieux efforts d’archivage nous permettent-ils de nous adonner à des tâches plus valorisantes et d’avoir « la tête bien faite plutôt que bien pleine », comme le souhaitait Montaigne ? À l’inverse, ces artefacts, en privant la mémoire interne d’informations à synthétiser, ne risquent-ils pas de l’affaiblir et, à terme, de porter atteinte à notre façon de penser et à notre libre arbitre ?
Thème centrale de l'auteur : L'auteur replace la question argumentative dans un contexte humaniste (Montaigne) : l'utilisation de la maxime "la tête bien faite plutôt que bien pleine" permet à l'auteur de dépasser les "seules" fonctions d'enregistrement, de stockage et de restitution de l'information développées dans la première partie du texte, pour appréhender l'ensemble des fonctions de la mémoire (analyse et synthèse) et en premier lieu son rôle structurant pour l'homme et les hommes.
l'utilisation des termes "appendices technologiques" et "artefact" laissent entrevoir l'ambivalence des supports technologiques ; ambivalence sur laquelle l'auteur s'appuie pour construire son article.
La question argumentative est : quel est l'impact des nouvelles technologies sur notre capacité à penser ?
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Notre époque est la première à disposer de si gigantesques capacités de stockage et de traitement des données »,
- "Jamais notre mémoire ne s'est trouvée à ce point hors de nos têtes", puis
- "notre époque est la première à disposer de si gigantesques capacités de stockage et de traitement de données" ; ces deux positions aboutissent à la question argumentative de l'auteur traitée dans le paragraphe suivant " mais les appendices...faute de recul" Il s'agit d'un raisonnement dialectique Neutre : Opposition entre externalisation des fonctions de stockage, de conservation..de la mémoire, et capacités technologiques croissantes /enjeux commerciaux ; La conclusion de l'auteur est : Est ce le rôle de la mémoire ?)
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Jamais notre mémoire ne s’est trouvée à ce point hors de nos têtes
L'argument est composé sur un mode rhétorique pathos de la façon suivante : postulat : "la mémoire nous échappe" , puis, les opinions suivantes: "ordinateurs, smartphones...permettent d'accéder en un clin d’œil,à la super-mémoire, ..et d'y treuiller à tout moment,...," " depuis le XXe siècle,le processus d’externalisation,...jadis, lent et progressif....s'est brusquement accéléré et massifié" Conclusion : " jamais, notre mémoire ne s'est trouvée à ce point hors de nos têtes"
l'auteur joue avec un vocabulaire lié au temps, au rythme qui va crescendo jusqu’au paroxysme, la conclusion, introduite par l’adverbe jamais qui lui confère un caractère irrévocable.
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Tout au long de son histoire, l’homme a fait appel à des supports externes pour consolider et amplifier sa mémoire interne », résume le neuropsychologue Francis Eustache,
le recours au propos de Francis Eustache n'ajoute aucun nouveau contenu, si ce n'est un appui scientifique. Le propos reste très vague. Il s'agit d'un argument rhétorique éthos.
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Nous confions de plus en plus le soin à des appareils d’enregistrer les informations à notre place. Le fait de se reposer sur les technologies numériques pourrait permettre à notre cerveau de se consacrer à d’autres tâches. Mais cela ne risque-t-il pas, à terme, d’affaiblir notre mémoire ?
quel impact peut avoir sur notre mémoire, "l’exteriorisation"/externalisation de notre activité de mémorisation ? l'auteur propose de traiter cette question en faisant intervenir le point de vue de" spécialistes du sujet". l'article est présenté par l'auteur comme une enquête.
l'article suit une raisonnement dialectique PRO : la première série d’arguments permet de mettre en valeur le point de vue de l'auteur qui est développé en seconde partie.
L'auteur construit son article et donc son point de vue en s'appuyant sur les propos de deux sources scientifiques (Bernard Stiegler et Francis Eustache) auxquels il adhère. Il médiatise de cette façon leur parole auprès des lecteurs du CNRS le journal.
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le travail de la mémoire est le terreau de la pensée. Un savoir n’est acquis et fertile que s’il est intériorisé. « Seule cette inscription dans la mémoire permet d’organiser les connaissances », insiste Bernard Stiegler qui, loin de rejeter les technologies numériques qui transforment aujourd’hui très profondément notre mémoire psychique, invite à « les critiquer, au sens grec du terme, c’est-à-dire développer une réflexion sur leur mode de fonctionnement et leurs limites. Ce n’est qu’en mobilisant le corps des philosophes, des épistémologues, des anthropologues, des mathématiciens, des historiens…, que l’on y parviendra, pour le bienfait de tous les sujets du savoir : chercheurs, professeurs, enseignés, citoyens ».
L'auteur et plus globalement le CNRS, le journal numérique, en concluant par l'appel à mobilisation de Bernard Stiegler aux scientifiques pour débattre de la question argumentative, amorce cette démarche.
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