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  1. May 2025
    1. NOTE DE SYNTHÈSE – AUDITION SUR LES VIOLENCES SCOLAIRES DANS LES ÉTABLISSEMENTS RELEVANT DES MINISTÈRES DE L'AGRICULTURE ET DES ARMÉES

      • Date de l'audition : (Non spécifiée, mais la référence à septembre 2024 et octobre 2024 suggère fin 2024) Instance d'audition : Commission d'enquête de l'Assemblée nationale sur les violences en milieu scolaire. Personnes auditionnées : Représentants du Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire et du Ministère des Armées.

      I. Introduction et Cadre de l'Audition

      • L'audition vise à comprendre les mesures prises par les établissements relevant des ministères de l'Agriculture et des Armées pour assurer le bien-être des élèves et lutter contre toutes les formes de violence.

      Les auditions se déroulent dans le cadre d'un travail d'enquête, imposant aux personnes auditionnées de prêter serment. L'audition est diffusée en direct et fera l'objet d'un compte-rendu écrit.

      II. Établissements et Effectifs

      • Ministère de l'Agriculture et de la Souveraineté Alimentaire :
      • Forme à environ 200 métiers (agriculture, environnement/territoire, services).
      • Accueille 217 000 "apprenants" (élèves, étudiants, apprentis) de la 4ème aux études supérieures (écoles d'ingénieurs, écoles vétérinaires).
      • L'enseignement technique agricole concerne 201 160 élèves et apprentis en 2024-2025.
      • Répartition public/privé sous contrat :
      • 220 lycées publics (44% des effectifs, > 88 000 apprenants).
      • 579 établissements privés sous contrat (56% des effectifs, 112 000 apprenants) relevant de trois fédérations (CNEAP, UNREP, Maisons Familiales et Rurales).
      • Répartition par niveau : 4ème/3ème (21%), Lycée (70%), Supérieur (10%).
      • Particularité forte : 52% des élèves sont en internat.
      • Indice de positionnement social (IPS) : 4 à 5 points inférieur à l'Éducation Nationale, mais taux de réussite supérieurs sur les mêmes niveaux de diplôme.
      • Part des filles : 44% (total), 50,5% (voie scolaire), 47% (public), 53% (privé).
      • Effectifs enseignants/cadres/agents (sur emplois publics ou de droits publics) : 12 307 enseignants, 1120 cadres administratifs, 2000 agents (public uniquement).
      • Ministère des Armées :
      • Armée de Terre : Quatre lycées militaires (La Flèche, Saint-Cyr l'École, Autun, Aix-en-Provence).
      • 3290 élèves (rentrée 2024).
      • 273 militaires d'encadrement, 303 personnels de direction/enseignants détachés de l'Éducation Nationale, 175 ETP surveillants contractuels.
      • Niveaux : Collège (Autun uniquement), Lycée, CPGE, BTS Cyber (Saint-Cyr l'École).
      • Norme : Régime d'internat pour tous les élèves.
      • Féminisation : < 40% (secondaire), ~20% (post-bac).
      • Recrutement :
      • Aide à la famille (collège/lycée) : Pour les contraintes de la vie militaire, logique de droit et quotas (Groupes 1, 2, 3 - Pupilles/enfants de militaires, enfants de fonctionnaires, enfants boursiers). Minimum 70% d'élèves du Groupe 1.
      • Aide au recrutement (CPES, BTS, CPGE) : Pour les futures carrières militaires, basé sur le mérite scolaire (via Parcoursup).
      • Marine Nationale : L'unique lycée naval (Brest).
      • 400 élèves (dont 60 en demi-pension en secondaire - internat obligatoire en prépa).
      • Structure organisationnelle : Proviseur du lycée et un Chef de Corps (forme de double tutelle).
      • Situation géographique : Au sein d'un campus marine (avec école de Maistrance, école des Mousses).
      • Encadrement : 27 militaires, une vingtaine de surveillants, 39 détachés de l'Éducation Nationale.
      • Armée de l'Air et de l'Espace : L'unique école des pupilles de l'air (Grenoble).
      • Double vocation : Aide à la famille (vocation sociale marquée - 20% boursiers, 51 orphelins/pupilles de la nation) et aide au recrutement.
      • 766 élèves (250 collège, 390 lycée, 126 étudiants en prépa, dont 18 en CPES).
      • Offre de formation : Généraliste (80%), technologique STMG (10%), professionnel (10% - métiers de la sécurité). Cité scolaire complète.
      • Encadrement : 140 militaires (dont 60 pour l'encadrement de proximité/moniteurs de sport), 90 civils (dont 66 enseignants de l'Éducation Nationale, CPE, adjoints, etc.).
      • III. Organisation des Contrôles et Inspections
      • Point commun et Spécificité de l'Internat : Tous les établissements ont une part très importante, voire totale, d'élèves internes, ce qui est un sujet majeur de préoccupation pour la commission d'enquête, car les internes sont les plus exposés à de potentielles agressions, notamment sexuelles.
      • Ministère de l'Agriculture :
      • Inspection de l'enseignement agricole : 75 inspecteurs pour 800 établissements et 15 000 agents. Missions : contrôle, évaluation, formation, expertise, appui, accompagnement.
      • Contrôles systématiques annuels : Suivi des établissements publics (171), équipes de direction, finances.
      • Appui aux établissements : Missions d'expertise à la demande des autorités (73 à 80 par an).
      • Contrôle pédagogique des enseignants : 10% des enseignants visités annuellement.
      • Évaluation des établissements : 20% des établissements publics, CNEAP et UNREP évalués chaque année (visite conjointe inspecteurs/personnalités qualifiées). Ces missions d'évaluation incluent systématiquement la visite des internats et des entretiens avec les CPE, voire les élèves, pour détecter d'éventuelles anomalies ou signaux faibles.
      • Contrôle de la mise en œuvre du contrat d'association (MFR) : Moins fréquent (7 en 2023-2024, 4 programmées en 2024-2025 sur 361 établissements).
      • Enquêtes administratives : Rares (4 en deux ans), à la demande d'autorité pour évaluer une situation ciblée, pas des inspections administratives globales.
      • Distinction public/privé sous contrat : Le taux et le type de contrôle sont différents selon que l'établissement est public, privé temps plein (CNEAP, UNREP) ou MFR. L'objectif est d'augmenter le taux de contrôle, notamment pour les MFR.
      • Ministère des Armées :
      • Contrôle exclusivement de la responsabilité du ministère de tutelle.
      • Deux formes principales :Inspections : Inspection Générale des Armées, États-majors de zone de défense, Inspection de l'Armée de Terre, inspections d'armée spécifiques (Marine, Air). Audit externe (Cour des Comptes).
      • Audits : (Ex: Cour des Comptes sur les VSS).
      • Fréquence : Les lycées font l'objet d'un contrôle très regardé. Le Prytanée National Militaire a vu 6 contrôles/inspections sur 24-25. Inspections générales tous les 2 ou 3 ans dans les établissements militaires.
      • Objet des contrôles : Outre le corpus réglementaire et le bon fonctionnement organisationnel, les inspections s'intéressent essentiellement à la vie scolaire. Inspections thématiques sur la "qualité scolaire et éducative".
      • Base doctrinale : Plan d'excellence comportementale (2018), documents spécifiques sur les VSS (2025), guide ministériel disciplinaire VSS, guide pratique référents mixité égalité (2023), guide relatif à la discipline, violentomètre (2024), note mixité. Plans d'action des Chefs de Corps, note prévention harcèlement, guide du chef de section.
      • Modalités d'inspection : Tables rondes avec tous les niveaux scolaires (4 demi-journées). Elles abordent spécifiquement les aspects de violence. Rencontre avec les élèves sans les cadres systématisée.
      • Enquêtes de commandement : Possibilité de déclencher des enquêtes ciblées en cas de dysfonctionnement ou problème de discipline/violence. Peuvent être menées en interne au lycée ou confiées à l'Inspection de l'Armée de Terre si la situation le dépasse.
      • Particularité de la double tutelle (Marine, Air) : Proviseur (responsabilité pédagogique) et Chef de Corps (gestion de l'établissement comme une base, cohésion, bien-être des élèves). L'encadrement militaire gère l'internat et l'accompagnement. L'Éducation Nationale applique ses propres méthodes de contrôle des CPE.
      • IV. Lutte contre les Violences et Libération de la Parole
      • Ministère de l'Agriculture :
      • Plan de lutte : Le plan de lutte contre les discriminations et toute forme de violence existe depuis 2017 (première version). Il sera renouvelé en septembre 2024.
      • Enquêtes nationales quinquennales : Évaluation robuste des phénomènes de violence (première en 2015, renouvelée en 2022). Concerne jeunes et personnels. Comprend des moments d'expression et d'écoute accompagnés des jeunes pour dégager des indicateurs macros. Les cyberharcèlement est à la hausse. Les données 2017-2022 montrent une stabilité des indicateurs globaux.
      • Évaluation annuelle par les établissements volontaires : Sur la base des résultats nationaux, les établissements peuvent réaliser leurs propres évaluations pour identifier les signaux et mettre en place des actions spécifiques.
      • Dispositifs de libération de la parole :Médiation entre pairs.
      • Dispositif "Sentinelle et référent".
      • Partenariats avec associations (318, 119). Importance du suivi des informations collectées.
      • Médiation de l'enseignement agricole : Peut être saisie par tout enfant ou famille estimant ne pas être écouté. 21 saisines en 2024 sur des sujets de violences présumées.
      • Articulation avec le plan Borne ("Brison le silence") : Collaboration avec l'Éducation Nationale. Au moins deux dispositions seront intégrées : un décret étendant aux questions de climat scolaire les points de contrôle (y compris pour le privé sous contrat) et une mesure pour accroître le taux de contrôle (notamment MFR). Renforcement du corps d'inspection prévu.
      • Dispositif Fait Établissement : Un système équivalent existe sur le harcèlement (national, intégré, systématique depuis septembre 2024). Travail en cours pour étendre ce mécanisme à l'ensemble des faits de violence d'ici septembre 2025, en lien avec le décret modifié.
      • Ministère des Armées :
      • Tolérance Zéro : Appliquée pour les violences sexuelles et sexistes et le harcèlement. Sanctions sévères pour les élèves (contestées parfois par les parents en justice administrative).
      • Culture de l'article 40 : Considérée comme "bien en place" avec un objectif de transparence totale. Respect du droit et de la réglementation militaire (règlement propre à chaque lycée).
      • Engagement des familles et élèves : Lettres envoyées aux parents et élèves sur le comportement attendu.
      • Incitation au dépôt de plainte : Les familles sont encouragées à porter plainte en cas de délit.
      • Enquêtes de commandement : Déclenchées en cas de violence grave.
      • Sanctions des personnels encadrants : Peu nombreux (moins d'une dizaine sur les deux dernières années sur les 4 lycées militaires). Le niveau de gravité varie. Ces cas donnent lieu à une action judiciaire et/ou une action d'éloignement ou de mutation.
      • Priorité : Protéger la victime. Accompagnement psychologique, information des parents, suspension de l'auteur présumé envisagée.
      • Cellule Thémis : Existe depuis 2014, renforcée en mars 2024. Objectifs : libérer la parole, accompagner le commandement, prévention. Rôle renforcé sur le contrôle de l'application des procédures. Point de contact direct pour les victimes ne se sentant pas à l'aise avec leur encadrement de proximité. Thémis n'est pas le seul capteur d'information (référents mixité égalité, turnover de l'encadrement).
      • Exemple Armée de l'Air : Un cas signalé sur 22-23 (comportement inapproprié d'un encadrant). Parole libérée, encadrant exclu, sanctionné (30 jours d'arrêt), contrat rompu, affaire judiciarisée (article 40, en cours de traitement pour atteinte sexuelle - faute non caractérisée au niveau pénal à ce stade).
      • Échanges interministériels : Pas de descente d'information directe aux DRH sur le plan Brison le silence à ce stade. Les applicatifs ne sont pas les mêmes (pas de "Fait Établissement"). Échanges courants entre inspecteurs généraux, mais pas spécifiquement sur ce champ actuellement.
      • V. Points d'Attention et Sujets d'Amélioration
      • Disparité des contrôles : Reconnaissance d'une différence de taux et de type de contrôle, notamment pour les Maisons Familiales et Rurales relevant du Ministère de l'Agriculture. Volonté d'augmenter ce taux.
      • Articulation des dispositifs : Nécessité de parfaire l'intégration des systèmes d'information (comme le "Fait Établissement") pour avoir un suivi systématique et homogène des signalements de violence.
      • Libération de la parole en internat : La difficulté à connaître ce qui se passe en dehors des heures de cours (soirées, weekends) est reconnue. Les inspections utilisent les tables rondes pour tenter de briser le silence, mais reconnaissent que les élèves ne disent pas toujours tout. L'encadrement de proximité est essentiel pour regarder ces aspects au plus près.
      • Culture de l'article 40 : Bien que considérée comme en place dans les armées, la question de savoir si elle doit être encore développée est posée par la commission. L'action judiciaire est déclenchée en cas de suspicion/doute, parallèlement aux enquêtes internes et aux mesures de protection/éloignement.
      • Collaborations interministérielles : Les échanges existent mais semblent perfectibles, notamment sur le partage d'expertise et l'harmonisation des outils (comme les applicatifs de signalement).

      Conclusion Provisoire :

      • Les deux ministères présentent des organisations distinctes pour leurs établissements (agricoles et militaires), mais partagent des défis communs, particulièrement liés à la forte proportion d'élèves en internat et à la nécessité de prévenir et de traiter les violences, y compris celles commises par des adultes ayant autorité. Des dispositifs de contrôle, d'inspection et de libération de la parole sont en place, avec des plans spécifiques (Plan de lutte dans l'agriculture, Plan d'excellence comportementale, Thémis dans les armées). Cependant, les modes de contrôle et la fréquence des inspections varient, notamment dans l'enseignement agricole entre public et privé. L'articulation avec les initiatives nationales (comme le plan Brison le silence) est en cours d'élaboration. La "culture de l'article 40" et les enquêtes internes visent à assurer une réponse transparente et rapide face aux cas de violence dans les armées. L'audition met en lumière l'importance de l'encadrement de proximité et des points de contact multiples pour permettre aux victimes de s'exprimer.