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  1. May 2025
    1. Note de Synthèse : Rapport sur la prise en charge des urgences psychiatriques

      Introduction :

      • Ce document prĂ©sente un aperçu des conclusions d'une mission d'information transpartisane sur la prise en charge des urgences psychiatriques, menĂ©e conjointement par Mme Nicole DubrĂ©-Chira et Mme Sandrine Rousseau.

      Le rapport, fruit de près d'un an de travail, incluant plus de 360 auditions et visites de terrain à travers la France (y compris en Outre-Mer), répond à des alertes généralisées des acteurs de la psychiatrie et suscite de fortes attentes. Il souligne une crise profonde de la psychiatrie en France, exacerbée par la crise sanitaire, et formule des propositions concrètes pour y remédier.

      Thèmes Principaux et Idées Clés :

      • DĂ©tĂ©rioration Alarmante de la SantĂ© Mentale, en Particulier chez les Jeunes :
      • Le rapport met en Ă©vidence une dĂ©gradation "prĂ©occupante" et "rapide" des indicateurs de santĂ© mentale depuis 2020.
      • Cette dĂ©gradation est particulièrement marquĂ©e chez les jeunes (18-24 ans), avec une augmentation de 77% de la prĂ©valence des Ă©pisodes dĂ©pressifs entre 2017 et 2021, atteignant 20,8% de cette population.
      • La situation est "particulièrement alarmante" chez les jeunes femmes : "les hospitalisations liĂ©es aux gestes auto-infligĂ©s c’est-Ă -dire aux tentatives de suicide et auto-agression chez les femmes âgĂ©es de 10 Ă  19 ans (...) ont progressĂ© de 133 % entre 2020 et aujourd’hui et de 570 % entre 2007 et aujourd’hui."
      • La consommation de psychotropes chez les jeunes (12-25 ans) a augmentĂ© de 19% entre 2019 et 2023.
      • Cette souffrance psychique se traduit par une "hausse de l’activitĂ© d’urgence" : le nombre de passages aux urgences pour motifs psychiatriques a augmentĂ© de 21% entre 2019 et 2023, une croissance plus rapide que celle des urgences gĂ©nĂ©rales.
      • Crise Profonde des Services de Psychiatrie et Dysfonctionnements :
      • La notion mĂŞme d'"urgence psychiatrique" reste mal dĂ©finie et il n'existe pas de services dĂ©diĂ©s, la prise en charge relevant traditionnellement du secteur psychiatrique. Un examen somatique prĂ©alable est nĂ©cessaire.
      • Les services d'urgence ne sont pas toujours adaptĂ©s pour gĂ©rer les crises psychiques, ce qui conduit Ă  une "orientation par dĂ©faut tardive des patients en crise psychique".
      • Les patients peuvent attendre "parfois des jours voire des semaines qu’une place en hospitalisation se libère et ce dans des conditions rudimentaires pour ne pas dire plus". Des tĂ©moignages font Ă©tat de "personnes en contention dans les services d’urgence".
      • La prise en charge est souvent tardive, dans un Ă©tat de santĂ© dĂ©gradĂ©, faisant des urgences un "point d’entrĂ©e incontournable dans le système de soins psychiatrique".
      • La prise en charge aux urgences tend Ă  se "substituer Ă  un suivi psychiatrique" pour de nombreux patients, compte tenu de la saturation de l'offre de soins de ville.
      • DĂ©sĂ©quilibre entre Secteurs Public et PrivĂ© Lucratif :
      • L'activitĂ© de psychiatrie d'urgence repose "largement sur le secteur public et le secteur privĂ© Ă  but non lucratif qui accueille 80 % de ces Ă©pisodes de crise".
      • Le "virage ambulatoire" a entraĂ®nĂ© la suppression de 7000 lits d'hospitalisation complète en psychiatrie en 15 ans, principalement dans les hĂ´pitaux publics et privĂ©s Ă  but non lucratif (10400 lits en moins depuis 2008), tandis que 3700 lits Ă©taient créés dans le privĂ© lucratif.
      • Le rythme des fermetures de lits s'est "emballĂ©" après la crise sanitaire en raison du manque de personnel.
      • Le secteur privĂ© lucratif gère près d'un quart des capacitĂ©s et est la "discipline la plus rentable aujourd’hui du secteur privĂ© lucratif avec un taux de marge qui avoisine les 9 %".
      • Ce contraste est saisissant car les hĂ´pitaux publics assurent la "permanence des soins, la prise en charge des patients les plus lourds ainsi que les hospitalisations sous contrainte".
      • Situation "SinistrĂ©e" de la PĂ©dopsychiatrie :
      • Le secteur de la pĂ©dopsychiatrie est "totalement sinistrĂ©" et caractĂ©risĂ© par une offre de soins "cruellement insuffisante", notamment dans le contexte de l'explosion de la souffrance psychique des jeunes.
      • Le nombre de pĂ©dopsychiatres a chutĂ© de 34% entre 2010 et 2022.
      • 58% des lits d'hospitalisation en pĂ©dopsychiatrie ont Ă©tĂ© fermĂ©s entre 1986 et 2013.
      • Les Centres MĂ©dico-Psychologiques infantojuveniles (CMP) sont saturĂ©s, avec des dĂ©lais de rendez-vous pouvant atteindre "18 mois ou 24 mois".
      • La prĂ©vention est "dĂ©faillante", en particulier en milieu scolaire oĂą la mĂ©decine scolaire est "elle-mĂŞme dĂ©ficiente".
      • La prise en charge des mineurs est souvent inadaptĂ©e, dans des conditions potentiellement traumatisantes (hospitalisation dans des unitĂ©s d'adultes), voire "parfois impossible", entraĂ®nant des "pertes de chance Ă©videntes". En 2023, 123 enfants de moins de 15 ans s'Ă©tant prĂ©sentĂ©s aux urgences du CHU de Nantes pour idĂ©es suicidaires ou tentative de suicide n'ont pu ĂŞtre hospitalisĂ©s malgrĂ© l'indication d'un pĂ©dopsychiatre.
      • Les dĂ©faillances actuelles "hypothèquent la santĂ© mentale d’une gĂ©nĂ©ration d’enfants et c’est toute la sociĂ©tĂ© qui en paiera le prix".
      • Manque de Moyens Humains et d'AttractivitĂ© des MĂ©tiers :
      • Il existe un "manque alarmant de psychiatres et d’infirmières en santĂ© mentale".
      • La hausse des effectifs (+21% entre 2010 et 2023) est un "trompe-l’œil", principalement liĂ©e au recours aux retraitĂ©s actifs, intermittents et mĂ©decins Ă  diplĂ´me Ă©tranger.
      • Le manque de moyens humains et matĂ©riels est corrĂ©lĂ© au "recours Ă  la contention des patients".
      • Les conditions de travail sont dĂ©gradĂ©es, ce qui nuit au bien-ĂŞtre des soignants et Ă  la qualitĂ© des soins.
      • Les soignants, en particulier dans le corps infirmier, sont en "très grande souffrance personnelle" et perdent le "sens de leur travail" faute de moyens, recourant Ă  la contention ou Ă  l'administration de substances chimiques.

      Propositions et Recommandations Clés (Organisées selon 5 axes) :

      • Axe 1 : Renforcer l'offre de soins de premier niveau pour Ă©viter le passage aux urgences.

      Cela passe par une meilleure formation des médecins généralistes (stage obligatoire en psychiatrie, numéro territorial pour conseils), le renforcement des moyens des CMP (pivots du secteur) et l'élargissement de leurs horaires, ainsi que la simplification de l'organisation territoriale des soins psychiatriques pour la rendre plus lisible et accessible.

      • Axe 2 : Structurer un parcours de prise en charge d'urgence clair et accessible.

      Établir un parcours commun, généraliser le volet psychiatrique dans les Services d'Accès aux Soins (SAS), systématiser le suivi post-urgence, modifier les conditions d'accueil aux urgences et créer des lits dédiés en Unités d'Hospitalisation de Courte Durée (UHCD).

      • Axe 3 : Mobiliser davantage le secteur privĂ©.

      Réviser les obligations de permanence des soins pour inclure la psychiatrie, garantir un quota de service public en psychiatrie dans chaque territoire, y compris dans les cliniques.

      • Axe 4 : Soutenir particulièrement la pĂ©dopsychiatrie et la santĂ© des jeunes.

      Mettre en place les recommandations des Assises de la Pédiatrie et de la Santé de l'Enfant de 2024, prévoir des mesures ciblées pour les enfants protégés et la psychiatrie périnatale, garantir une offre de soins pédopsychiatrique homogène et adaptée, commander un diagnostic sur l'usage croissant des psychotropes et renforcer les moyens de prévention (médecine scolaire). Une "révolution de la santé mentale dans l'éducation nationale" est appelée de leurs vœux.

      • Axe 5 : AmĂ©liorer la formation et l'attractivitĂ© des mĂ©tiers de la psychiatrie.

      Renforcer massivement l'offre de formation (augmentation des effectifs de psychiatres et d'infirmiers, passerelles, IPA), rendre la filière plus attractive (campagne de communication, stages obligatoires pour déstigmatiser), commander un audit sur les conditions de travail et les améliorer (rémunérations). * Nécessité d'une Action Politique Ambitieuse et Urgente : * Les politiques actuelles sont "pas suffisantes face à l’ampleur des besoins". * La situation oblige "collectivement à une prise de conscience et à une action résolue en faveur de la jeunesse et de l’avenir de notre société". * Les attentes du secteur sont "très fortes". La Grande Cause Nationale dédiée à la santé mentale en 2025 doit se traduire par un "portage au plus haut niveau", des "moyens supplémentaires substantiels" et une "participation effective du secteur privé". * Des "choix politiques majeurs sont nécessaires pour définir une stratégie de long terme". * Les rapporteurs souhaitent que leurs travaux débouchent sur un colloque à l'Assemblée nationale et la rédaction d'une proposition de loi transpartisane sur la santé mentale et la psychiatrie.

      Points de Discussion et Interrogations Soulevées lors des Échanges :

      • La distinction entre santĂ© mentale et psychiatrie comme enjeu essentiel.
      • L'impact des violences sexistes et sexuelles, ainsi que de l'Ă©co-anxiĂ©tĂ©, sur la santĂ© mentale des jeunes.
      • La place croissante du secteur privĂ© et les inquiĂ©tudes quant Ă  une "solution" reposant sur sa progression.
      • L'impact de la loi RIST sur le dĂ©part des professionnels vers le privĂ©.
      • L'amĂ©lioration de l'accès aux CMP (dĂ©lais d'attente, visibilitĂ©, publics vulnĂ©rables).
      • La nĂ©cessitĂ© de reconsidĂ©rer l'Ă©volution des moyens financiers et humains dĂ©diĂ©s Ă  la psychiatrie.
      • La difficultĂ© Ă  obtenir des donnĂ©es prĂ©cises sur la psychiatrie aux urgences.
      • La situation des soins psychiques en prison, la surreprĂ©sentation des troubles psychiatriques et les dispositifs sous-dimensionnĂ©s (UHSA).
      • L'articulation entre les structures d'addictologie et de psychiatrie.
      • La rĂ©interrogation du rattachement de la mĂ©decine scolaire au Ministère de l'Éducation Nationale.
      • L'impact de la T2A (Tarification Ă  l'ActivitĂ©) et la financiarisation sur les pratiques psychiatriques (temps de relation, contention, mĂ©dicaments, temps avec la famille).
      • Le rĂ´le dĂ©lĂ©tère des rĂ©seaux sociaux.
      • Le dispositif "mon soutien psy" et son adĂ©quation.
      • La coordination entre les professionnels de santĂ© de ville (CPTS, Contrats Locaux de SantĂ© Mentale).
      • L'importance de la prĂ©vention et du dĂ©pistage prĂ©coce Ă  tous les niveaux (Ă©coles, collectivitĂ©s, associations, entreprises, familles).
      • L'intĂ©rĂŞt d'une loi de santĂ© pluriannuelle pour assurer un suivi serrĂ© des objectifs.
      • La question de l'irresponsabilitĂ© pĂ©nale et la difficultĂ© de sa mise en Ĺ“uvre.
      • La situation particulière de la gĂ©rontopsychiatrie (taux de suicide Ă©levĂ©, isolement, manque de suivi).
      • L'intĂ©rĂŞt d'un dĂ©lĂ©guĂ© interministĂ©riel sur la santĂ© mentale ou d'un secrĂ©tariat d'État dĂ©diĂ©.
      • Le dĂ©veloppement des Ă©quipes de liaison pour faciliter l'accueil et prĂ©venir la violence aux urgences.
      • La sollicitation croissante des structures d'aide aux jeunes (missions locales, PAJ) par les Ă©tablissements scolaires.
      • Le manque d'accompagnement dans les universitĂ©s.
      • La question de l'intĂ©gration des psychologues dans la filière.
      • La rĂ©flexion sur le "transfert de propriĂ©tĂ©s" et l'Ă©largissement du secteur public (proposition de nationalisation de cliniques).
      • L'impact de la baisse de la natalitĂ© et de la vision de la famille sur la pĂ©dopsychiatrie.
      • L'augmentation de la consommation de stupĂ©fiants chez les jeunes.
      • La question des politiques sanitaires mises en Ĺ“uvre pendant la pandĂ©mie et leur contribution Ă  la dĂ©gradation de la santĂ© mentale.

      Conclusion :

      Le rapport dresse un tableau sombre mais réaliste de la prise en charge des urgences psychiatriques en France, révélant une crise systémique de la psychiatrie.

      Les conclusions et recommandations formulées appellent à une action urgente et coordonnée de tous les acteurs, avec un accent particulier sur la prévention, le renforcement de l'offre de soins de proximité, la structuration des parcours, la mobilisation du secteur privé, et surtout, un investissement massif dans la pédopsychiatrie et l'amélioration de l'attractivité des métiers.

      La désignation de la santé mentale comme Grande Cause Nationale en 2025 est vue comme une opportunité majeure qui doit être saisie par des moyens substantiels et un portage politique fort pour éviter une "promesse trahie".

      Le travail transpartisan de la mission d'information est salué comme un modèle pour les actions futures, y compris la proposition d'une loi sur le sujet.