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  1. Jun 2025
    1. Compte Rendu Détaillé de l'Audition du Ministre de la Santé et de l'Accès aux Soins

      Introduction et Contexte

      Cette audition, menée par une commission d'enquête parlementaire, vise à échanger sur le système de santé français et l'accès aux soins, ainsi que sur les évolutions possibles pour améliorer son efficience et sa soutenabilité.

      Le Ministre de la Santé et de l'Accès aux Soins, Yannick Neuder, a souligné que l'accès aux soins est "le plus grand et le plus important défi de notre système de santé", une priorité mais aussi une "préoccupation" pour les Français confrontés à "des délais inacceptables, à des distances infranchissables, à des découragements silencieux".

      Il a insisté sur la nécessité de mobiliser "tous les leviers dans une action globale qui mobilise tous les acteurs" et de "rebâtir les organisations à la hauteur des défis et de notre époque" (vieillissement de la population, maladies chroniques, nouvelles attentes).

      I. La Formation des Professionnels de Santé : Un Axe Majeur de la Politique du Ministre

      La formation est placée au "centre de gravité" de l'action du Ministre, avec le triptyque "former plus, former mieux, former partout".

      Augmentation des Capacités de Formation :

      • Quatrième annĂ©e d'internat de mĂ©decine gĂ©nĂ©rale : Cette mesure vise Ă  injecter 3 700 "docteurs juniors" dans les circonscriptions dès novembre 2026. L'objectif est de les positionner "en libĂ©ral" sur les territoires, et non dans les services hospitaliers, pour renforcer l'offre de soins de ville. Le Ministre reconnaĂ®t que cette quatrième annĂ©e ne fait pas l'unanimitĂ© parmi les syndicats de mĂ©decins et "il faudra savoir Ă©valuer l'intĂ©rĂŞt de de cette 4e annĂ©e de mĂ©decine".
      • RĂ©forme des voies d'accès aux Ă©tudes de santĂ© : Inclut la suppression dĂ©finitive du numerus clausus (dĂ©sormais numerus apertus, et en voie d'ĂŞtre totalement supprimĂ©, avec un vote au SĂ©nat prĂ©vu le 17 juin).

      L'objectif est d'adapter les besoins en formation aux réalités territoriales et aux capacités des universités, tout en renforçant les moyens alloués à la formation. * Retour des étudiants français formés à l'étranger : Le Ministre estime qu'environ 10 000 étudiants français partis en Belgique, Pologne, Roumanie pourraient être réintégrés.

      Il s'interroge sur la "souveraineté sanitaire" de la France, 7ème puissance mondiale, dépendante d'autres pays pour la formation de ses soignants (ex: 54% des dentistes inscrits en France sont formés à l'étranger).

      • Augmentation des places en formation paramĂ©dicale : Plus 5 870 places en IFSI depuis 2020.
      • Chiffres clĂ©s et perspectives : 9 000 mĂ©decins formĂ©s cette annĂ©e, 10 900 l'an prochain. En incluant les mĂ©decins Ă  diplĂ´me hors Union europĂ©enne (PADU) et les Ă©tudiants français formĂ©s Ă  l'Ă©tranger, l'objectif est d'atteindre "50 000 mĂ©decins supplĂ©mentaires en 2027" (33 000 en formation initiale, 12 000 PADU, 5 000 Ă©tudiants de l'Ă©tranger).

      Adaptation des Cursus et Compétences :

      • Management et relations humaines : Le Ministre, ancien chef de pĂ´le, reconnaĂ®t le manque de formation des mĂ©decins sur les aspects managĂ©riaux, comptables, administratifs et relationnels, que ce soit en libĂ©ral (gestion d'entreprise) ou Ă  l'hĂ´pital (gestion de pĂ´le). Il salue la suggestion d'intĂ©grer des cours sur ces sujets.
      • DĂ©centralisation des Ă©tudes : L'idĂ©e d'une première annĂ©e dans chaque dĂ©partement est saluĂ©e comme novatrice et comme une rĂ©ponse Ă  la dĂ©centralisation.

      L'objectif est de familiariser les futurs médecins avec les réalités des territoires ruraux dès le début de leurs études.

      • Alternance et stages : Le Ministre est favorable Ă  ce que le deuxième cycle des Ă©tudes mĂ©dicales (dès la 4ème annĂ©e) puisse se faire en ville plutĂ´t qu'exclusivement Ă  l'hĂ´pital, pour rapprocher les Ă©tudiants du terrain. Cependant, il insiste sur la nĂ©cessitĂ© de maintenir un "socle de connaissance fondamental" (physiologie, anatomie, biochimie) qui ne peut s'apprendre en alternance dès la 2ème annĂ©e.
      • Passerelles professionnelles : Les passerelles sont jugĂ©es "extrĂŞmement importantes" pour permettre aux professionnels paramĂ©dicaux d'Ă©voluer vers le mĂ©tier de mĂ©decin, notamment pour attirer vers des spĂ©cialitĂ©s peu attractives (santĂ© publique, mĂ©decine du travail, gĂ©riatrie, soins palliatifs, psychiatrie).

      De même, les doubles cursus (ingénieur-médecin) sont encouragés face à l'évolution technologique (IA, radiologie, biophysique). * Causes Historiques des "Déserts Médicaux" : Le Ministre attribue la pénurie actuelle à plusieurs facteurs : * Un numerus clausus trop bas (3 500 en 1993), n'ayant pas anticipé l'augmentation de la population (+15 millions d'habitants depuis les années 70, avec un nombre de formations similaire). * Le vieillissement de la population et l'émergence des maladies chroniques (ex: 10% de diabétiques à La Réunion). * Le changement du rapport au travail des professionnels de santé (impact des 35 heures, nécessité de 2,3 médecins pour remplacer un généraliste partant à la retraite). Le Ministre cite: "il est préférable de demander peu à beaucoup de médecins que demander beaucoup à très peu".

      II. Le Rôle et la Gouvernance des Agences Régionales de Santé (ARS)

      Le rôle des ARS est au cœur des discussions, avec des perceptions contrastées.

      • Critiques et Perceptions : Bien que le Ministre salue le travail des ARS comme les "bras armĂ©s" du ministère, la commission d'enquĂŞte a relevĂ© une perception "unanime" des ARS comme une "structure Ă©norme, très dĂ©connectĂ©e du terrain", avec une communication "hyper compliquĂ©e", en dĂ©calage avec la volontĂ© du Ministre de travailler en proximitĂ© avec les Ă©lus.
      • RĂ©duction des Effectifs et Augmentation des Missions : Les ARS ont vu leurs effectifs baisser de 15% depuis leur crĂ©ation en 2010 (de 9 500 Ă  environ 8 000 ETP en 2025), alors mĂŞme que leurs missions ont augmentĂ©. La rĂ©partition des ETP montre une forte concentration sur la "santĂ© publique veille" (2 300 ETP) et l'"offre de soins" (1 800 ETP).
      • AmĂ©lioration de la ProximitĂ© : Le Ministre souhaite renforcer les liens entre les Ă©lus locaux et les reprĂ©sentants des ARS, notamment les directeurs dĂ©partementaux. Il a d'ailleurs organisĂ© une rĂ©union inĂ©dite avec prĂ©fets, directeurs gĂ©nĂ©raux et directeurs dĂ©partementaux des ARS pour dĂ©cloisonner le travail. Il estime que le dĂ©partement est l'"air gĂ©ographique le plus efficient" pour une proximitĂ© accrue.
      • Repositionnement des Missions : La question est posĂ©e de savoir si les ARS devraient se concentrer davantage sur l'offre de soins. Le Ministre suggère de "creuser" la possibilitĂ© de rapprocher la mission "environnementale" des prĂ©fectures, ce qui permettrait aux ARS de se concentrer sur l'offre de soins et le mĂ©dico-social.
      • Statut des Directeurs DĂ©partementaux : La proposition de crĂ©er un "sous-prĂ©fet sanitaire" est Ă©voquĂ©e pour valoriser l'Ă©chelon dĂ©partemental et amĂ©liorer l'attractivitĂ© des mĂ©tiers de l'ARS, en lien avec les compĂ©tences des prĂ©fectures en amĂ©nagement du territoire. Le Ministre se dit favorable Ă  une rĂ©organisation pour un meilleur service rendu Ă  la population et Ă  des services de l'État "le plus dĂ©concentrĂ©s possible".
      • DĂ©pendance et PrĂ©vention : Le rapporteur propose de confier la gestion totale de la dĂ©pendance aux dĂ©partements et la prĂ©vention aux EPCI.
      • DĂ©pendance : Le Ministre est plus prĂ©occupĂ© par le "mode de financement" de la dĂ©pendance que par l'attribution de la compĂ©tence. Il souligne l'hĂ©tĂ©rogĂ©nĂ©itĂ© des dĂ©partements en termes de richesse et donc de capacitĂ© Ă  financer cette compĂ©tence.
      • PrĂ©vention : Le Ministre n'est pas "convaincu" que les soignants soient les "meilleurs effecteurs de la prĂ©vention". Il insiste sur le rĂ´le crucial des maires ("capital sympathie et confiance auprès des Ă©lus le plus fort c'est le maire") et d'autres professions de santĂ© de proximitĂ© comme les biologistes et les pharmaciens.

      III. Financement du Système de Santé et Lutte Contre la Fraude

      • SĂ©curitĂ© Sociale en Danger : Le Ministre alerte sur l'avenir de la SĂ©curitĂ© Sociale, avec une CADES (Caisse d'Amortissement de la Dette Sociale) "quasiment remplie" (231 milliards d'euros de dette rĂ©siduelle) et une COSS (Caisse Nationale d'Assurance Maladie) confrontĂ©e Ă  des risques de financement dès 2027 (selon la Cour des Comptes).
      • Mutualisation des Caisses et des Mutuelles : La proposition d'une "grande sĂ©cutualisation" des diffĂ©rentes caisses et des mutuelles, qui pourrait gĂ©nĂ©rer 3 Ă  6 milliards d'euros d'Ă©conomies sans dĂ©savantage pour les citoyens, est soulevĂ©e. Le Ministre reconnaĂ®t que le sujet a dĂ©jĂ  Ă©tĂ© Ă©voquĂ© il y a une dizaine d'annĂ©es et rappelle que la SĂ©curitĂ© Sociale a Ă©tĂ© créée dans un contexte de rassemblement national.
      • Lutte Contre la Fraude : Le Ministre identifie la lutte contre la fraude comme un levier majeur. La fraude est estimĂ©e Ă  13,5 milliards d'euros. Le Ministre souhaite porter l'objectif de retour sur les fraudes indues de 700 millions d'euros en 2024 Ă  1,5 milliard d'euros en 2026. Il propose d'utiliser l'intelligence artificielle pour croiser les donnĂ©es entre l'assurance maladie obligatoire et complĂ©mentaire, de gĂ©nĂ©raliser la carte Vitale digitalisĂ©e, et de rendre les arrĂŞts de travail et ordonnances infalsifiables.
      • PrĂ©vention comme Investissement : Le Ministre voit la prĂ©vention (qui reprĂ©sente environ 8 milliards d'euros dans le compte de la Cnam) comme un "investissement" : "un € investi dans la prĂ©vention c'est 10 € de moins consommĂ© dans le soin". Il dĂ©plore le faible taux de dĂ©pistage des cancers (moins de 50% de la cible) et la non-atteinte des objectifs de vaccination.
      • StabilitĂ© MinistĂ©rielle : Le Ministre souligne l'instabilitĂ© ministĂ©rielle ("4e ministre de la santĂ© en 2024 avec des durĂ©es de vie de parfois 2 3 mois") comme un obstacle Ă  la mise en Ĺ“uvre de rĂ©formes structurelles profondes.

      IV. Gouvernance des HĂ´pitaux

      • Relations Directeur / PCME : Le Ministre estime que la relation entre le directeur d'hĂ´pital et le prĂ©sident de la Commission MĂ©dicale d'Établissement (PCME) doit ĂŞtre une "affaire de personnes" et un "couple qui doit faire avancer les choses". Il rejette l'idĂ©e d'un "enjeu de pouvoir" et met en avant les exemples de rĂ©ussite.
      • DĂ©lĂ©gation de Gestion : PlutĂ´t que de renforcer le pouvoir hiĂ©rarchique, le Ministre privilĂ©gie la "dĂ©lĂ©gation de gestion" au niveau des pĂ´les et des services. Il souhaite donner plus d'autonomie au "trio de pĂ´le" (chef de pĂ´le, cadre paramĂ©dical, directeur administratif) pour gĂ©rer les ressources humaines et les moyens, tout en maintenant le contrĂ´le.
      • RĂ´le du CNG (Centre National de Gestion) : Le CNG, qui gère les carrières et le pouvoir disciplinaire des praticiens hospitaliers au niveau national, est perçu comme Ă©loignĂ© du terrain et entraĂ®nant des dĂ©lais longs.

      Le rapporteur suggère de transférer le règlement des conflits aux conseils de l'ordre départementaux.

      Le Ministre reconnaît une différence de traitement entre PH (CNG) et HU (juridiction universitaire). * Pénurie de Médecins et Pouvoir : La pénurie de médecins est reconnue comme ayant inversé le rapport de pouvoir, donnant aux médecins une influence significative et la possibilité de "chantage" en raison de la facilité de départ. * GHT (Groupements Hospitaliers de Territoire) : Les GHT sont vus comme une solution pour les petits hôpitaux, souvent plus "médico-dépendants" et confrontés à des problématiques différentes des CHU.

      Une "deuxième génération de GHT" pourrait favoriser la collaboration territoriale et réduire les tensions.

      V. Relations Public-Privé et Médecine de Ville

      • Collaboration NĂ©cessaire : Le Ministre rejette la "guĂ©-guerre" entre le public et le privĂ©, estimant que la "subsidiaritĂ©" est essentielle.

      Il souligne que dans certains territoires, l'offre d'hospitalisation est uniquement privée, et l'hôpital public ne pourrait pas absorber le flux si elle disparaissait. Il souhaite réunir les PCME et directeurs, y compris du privé, pour envisager des projets de territoire. * Permanence des Soins (PDSES) : Le Ministre appelle à la vigilance sur la permanence des soins, notamment la nuit profonde, pour éviter de mobiliser des moyens disproportionnés par rapport aux besoins réels. Il souligne également les limites à la mutualisation des équipes et du matériel entre le public et le privé pour des actes techniques d'urgence, où la sécurité du patient prime. Il juge que "sur le papier ça fonctionne mais dans la réalité c'est pas ça". * Accès aux Médicaments : La pénurie de médicaments est un "enjeu qui dépasse largement la problématique française", nécessitant une solution à l'échelle européenne.

      La relocalisation des entreprises pharmaceutiques est cruciale, mais la dépendance aux principes actifs produits en Asie ou aux États-Unis est une réalité.

      Le Ministre a pris des mesures nationales (substitution, interdiction d'export, préparation magistrale, dispensation à l'unité), mais leur efficacité est limitée sans la "souveraineté de production". * Dispensation à l'Unité : Le Ministre réaffirme que la dispensation à l'unité en cas de pénurie est autorisée par la loi et qu'aucun pharmacien ne devrait être sanctionné pour son application. Il a cependant clarifié un cas spécifique où des pharmaciens ont été sanctionnés pour des motifs disciplinaires plus larges et non pour cette pratique.

      VI. Points Divers et Transversaux

      • Application des Lois AntĂ©rieures : Le Ministre s'engage sur la sortie des dĂ©crets nĂ©cessaires Ă  l'application de lois antĂ©rieures, notamment sur les Infirmières en Pratique AvancĂ©e (IPA) et la 4ème annĂ©e d'internat de mĂ©decine gĂ©nĂ©rale, avant l'Ă©tĂ©. Le dĂ©cret sur l'ouverture du CESP (Contrat d'Engagement de Service Public) dès la 2ème annĂ©e est prĂ©vu pour juin, et la limitation du cumul des aides Ă  l'installation a Ă©tĂ© publiĂ©e le 12 mars.
      • PrĂ©vention des InĂ©galitĂ©s Sociales dans l'Accès aux Études : Le Ministre insiste sur l'importance de dĂ©mocratiser l'accès aux Ă©tudes de santĂ©, rappelant qu'Ă  son Ă©poque, seulement 3% des Ă©tudiants Ă©taient issus du monde ouvrier. La première annĂ©e de mĂ©decine dans chaque dĂ©partement est une mesure clĂ© pour tendre la main Ă  ces Ă©tudiants.
      • FlexibilitĂ© et Évaluation : Face Ă  l'Ă©volution constante de la population, des pathologies chroniques, du rapport au travail et de la mĂ©decine (IA, exercice pluriprofessionnel), le Ministre juge "difficile" de dĂ©finir un "nombre idĂ©al" de mĂ©decins. Il privilĂ©gie la "flexibilitĂ©" et l'Ă©valuation des mesures mises en place sur le court terme.
      • En conclusion, le Ministre a exposĂ© une feuille de route axĂ©e sur la formation, la rĂ©organisation territoriale et la modernisation du système de santĂ©, tout en reconnaissant les dĂ©fis complexes et les interdĂ©pendances internationales.
  2. Dec 2023
    1. AXE 3 : La réparation incluant le soinPréconisation-clé 7 :garantir des soins spécialisés du psychotraumatisme aux victimes de violences sexuelles dansl’enfance en mettant en œuvre le parcours de soin modélisé par la CIIVISEL’intensité des souffrances endurées par les enfants violés ou agressés sexuellement, qui impactent leur développementet donc aussi leur vie d’adulte, impose l’organisation de soins adaptés à la spécificité du psychotraumatisme résultantdes violences sexuelles.Dans ses conclusions intermédiaires du 31 mars 2022, la CIIVISE avait préconisé que ces soins spécialisés soient garantispour les enfants victimes comme pour les adultes ayant été victimes de violences sexuelles dans leur enfance.L’existence de soins spécialisés est largement décrite dans la littérature scientifique et fait l’objet d’un consensusinternational. Pourtant, les victimes de violences sexuelles n’en bénéficient pas ou de façon trop aléatoire, selon laformation du thérapeute vers lequel elles sont orientées, ou l’état des dispositifs institutionnels susceptibles de lesdispenser. La définition d’un parcours de soins spécialisés est d’abord un impératif collectif à l’égard de chaque vic-time. C’est aussi un objectif de santé publique compte tenu des coûts à long terme mis en évidence par la CIIVISEdans le présent avis, soit 6,7 milliards d’euros par an
  3. Feb 2023