Synthèse du Documentaire "Ceci est mon corps"
Résumé
Ce document analyse le parcours de Jérôme, une victime d'abus sexuels, alors qu'il navigue dans le complexe processus judiciaire contre son agresseur, le prêtre Olivier de Citivau.
Le récit, que Jérôme décide de documenter lui-même, est déclenché par la découverte d'autres victimes, ce qui légitime sa propre démarche.
Le documentaire explore en profondeur plusieurs thèmes centraux : la nature fragmentée et douloureuse de la mémoire traumatique, les dynamiques familiales complexes oscillant entre soutien et incompréhension, la faillite institutionnelle de l'Église face à des alertes répétées, et le parcours judiciaire éprouvant menant à une résolution inattendue.
Le processus force Jérôme à affronter des souvenirs refoulés, des confrontations violentes et des doutes familiaux, culminant lors du procès aux assises où Olivier de Citivau fait des aveux complets, validant enfin l'expérience de sa victime et révélant l'ampleur systémique des abus.
I. Le Point de Départ : La Plainte et la Décision de Documenter
La démarche de Jérôme commence par une plainte déposée 20 ans après les faits pour des attouchements subis dans son enfance et adolescence.
Cependant, la décision de transformer son histoire en documentaire est un tournant crucial, motivé par un facteur externe.
• Le Déclencheur : Jérôme explique sa décision de filmer : "pour être sincère j'ai pris la décision de filmer quand j'ai appris qu'il y avait d'autres histoires en fait".
La découverte d'autres plaintes, notamment une plainte pour viol déposée par une victime nommée "Juillet", est l'élément qui a conduit à l'incarcération d'Olivier de Citivau.
• Légitimation de la Démarche : Cette révélation confère une nouvelle légitimité à son combat et à son projet. Il déclare : "c'est là où je me suis dit je délire pas je suis pas tout seul et la légitimité de ma plainte va avec ma légitimité de filmer".
• Le Contexte des Abus : Olivier de Citivau était une figure d'autorité omniprésente dans la vie de nombreux jeunes garçons, s'occupant de "la colo, du groupe scolaire, des scouts d'Europe, de l'aumônerie, des enfants de chœur".
II. Le Labyrinthe de la Mémoire Traumatique
Un thème central du documentaire est la lutte de Jérôme avec sa propre mémoire, qui est marquée par des lacunes importantes et des résurgences violentes.
• Amnésie Traumatique : Jérôme souffre de "trous dans la mémoire" concernant les abus.
Il exprime ce vide : "J'aimerais qu'Olivier me dise tout ce qu'il m'a fait [...] dans mes souvenirs souvent je me vois sonner à sa porte ressortir par le jardin mais de ce qui s'est passé entre rien".
• Reconstitution du Passé : En consultant des archives familiales (photos, agendas) avec sa mère, Jérôme découvre que l'étendue des abus est bien plus grande qu'il ne s'en souvenait.
Il réalise avoir passé six étés au camp du "Quinquis", et non deux comme il le pensait, ce qui le choque : "non c'est vénère ça veut dire que c'est passé 6 ans au quinqu et je me souviens que de deux".
• Résurgence des Souvenirs : La confrontation avec Olivier de Citivau agit comme un puissant catalyseur, provoquant des flashbacks et des symptômes post-traumatiques intenses. Jérôme décrit un "état de cauchemar éveillé", avec des sensations physiques violentes : "j'ai des sensations physiques très violentes en fait de [...] pénétration quoi mais de comme si vraiment on le faisait vraiment".
• Émergence de Faits Nouveaux : Le processus judiciaire fait émerger des souvenirs d'une gravité accrue, notamment une pénétration anale au "Quinquis" et une fellation forcée.
Ces souvenirs sont si clairs qu'il déclare à son avocate : "c'est pas des simples souvenirs là vous avez une vous avez une scène".
III. Le Parcours Judiciaire et ses Rebondissements
Le documentaire détaille les étapes clés du processus judiciaire, marquées par des moments de tension, de revers et de révélations.
La Confrontation
La première rencontre avec Olivier de Citivau depuis les faits est une expérience "intense".
L'accusé commence par nier, puis minimise ses actes.
• Il "a commencé par nier tous les faits".
• Face à Jérôme, il "nie l'intentionnalité et dit 'Oui j'ai eu des attouchements mais je voulais pas quoi c'était fort vie'". Pour un autre cas de viol avec pénétration, où il avait fait des aveux par messagerie, il ne peut nier.
La Libération Provisoire et l'Appel aux Victimes
La décision de remettre Olivier de Citivau en liberté sous contrôle judiciaire est un choc, perçu comme un "signe hyper mauvais". Cette décision pousse Jérôme et ses soutiens à agir.
• Création d'un Groupe Facebook : Ils décident de lancer un "appel à la victime" via un groupe Facebook nommé "appel aux victimes d'Olivier de Cittivo" et une adresse mail "appellevictimeorleans".
La Requalification des Faits
Avec l'émergence de souvenirs de pénétration, la question de requalifier les faits en "viol" devient centrale. Cette décision est lourde de conséquences et suscite la peur chez Jérôme.
• Hésitation et Crainte : "J'ai peur de relancer la machine à dossier j'ai peur de lui être confronté à nouveau j'ai peur d'être dépassé j'ai peur des assises".
• Décision Finale : Malgré ses craintes, il annonce à ses proches : "j'ai pris la décision tout tout seul et puis avec mes avocats de demander de de requalifier en viol".
Le Procès aux Assises et l'Aveu Complet
Le procès constitue le point culminant du documentaire. Olivier de Citivau, qui risque 20 ans de réclusion criminelle, surprend toute l'audience par des aveux complets et sans réserve dès le début.
• Déclaration Initiale : "Je reconnais l'ensemble des faits qui me sont reprochés à savoir attouchement pénétration fation reçu et forcé".
• Validation de la Victime : Face à l'avocate de Jérôme, il confirme la véracité des souvenirs de ce dernier. À sa demande, il déclare : "Oui Jérôme non Jérôme tu n'es pas fou".
• Ampleur des Actes : Le procès révèle une ampleur inimaginable des abus, avec une quantification estimée à "plusieurs centaines d'acte par victime".
IV. Dynamiques Familiales : Entre Soutien et Incompréhension
La relation de Jérôme avec ses parents est une source majeure de tension et de douleur, illustrant la difficulté pour l'entourage de comprendre et de répondre adéquatement au traumatisme.
Le Rôle de la Mère
La mère de Jérôme oscille entre un soutien apparent et une méfiance qui blesse profondément son fils.
• Doute sur la Sincérité : Lors de la décision de requalifier les faits en viol, elle émet un doute : "que tu sois pas complètement sincère [...] que tu ailles au-delà si tu veux pour donner plus de poids". Cette insinuation choque Jérôme : "Attends je rêve ou quoi elle a dit que j'étais en train de bidonner".
• Incompréhension de la Réparation : Elle ne comprend pas la demande de compensation financière de Jérôme, la qualifiant d'étrange : "C'est bizarre que tu demandes une [...] compensation financière à ta famille j'ai plus de mal même je comprends pas du tout".
Le Père et la Faute
Le père est perçu comme celui qui a failli à son devoir de protection.
• Connaissance des Faits : Il est révélé que le père a écrit une lettre à l'évêque de l'époque, Monseigneur Picandet, vers 1996 ou 1997, pour dénoncer les agissements d'Olivier de Citivau.
• Manque d'Action : Malgré cette connaissance, il a continué à envoyer Jérôme en colonie de vacances avec le prêtre. Jérôme le verbalise avec colère : "il a continué à m'envoyer à mes 13 ans 14 ans et 15 ans dans les bras d'un prêtre dont il savait qu'il était pédophile".
• Colère Déplacée : L'avocat de Jérôme observe que sa colère est plus intense envers son père qu'envers son agresseur, en raison de l'attente de protection inhérente au rôle parental.
La Demande de Réparation
Jérôme demande à ses parents une compensation financière, non par cupidité, mais pour "rétablir un peu l'inégalité de départ", arguant que les huit années d'abus ont constitué un "petit handicap dans la vie" qui l'a désavantagé par rapport à ses frères et sœurs.
V. La Faillite Institutionnelle de l'Église
Le documentaire met en lumière une série d'alertes et de signalements concernant Olivier de Citivau qui ont été ignorés ou mal gérés par la hiérarchie ecclésiastique pendant des décennies.
Date
Événement
Source de l'Information
Décembre 1983
Premier signalement concernant les "comportements de Olivier Citivau".
Documents du dossier judiciaire.
Juillet 1984
Naissance de Jérôme. Le premier signalement précède sa naissance.
Documents du dossier judiciaire.
~1996-1997
Le père de Jérôme écrit une lettre à l'évêque, Monseigneur Picandet (décédé en oct. 1997).
Témoignage du père.
1997
Nathalie, responsable de l'aumônerie, avertit l'évêché des "plaintes" arrivant. Elle doit le "surveiller" pendant deux ans avant de démissionner.
Témoignage de Nathalie.
2007-2009
La responsable de l'aumônerie écrit à l'évêché qu'un animateur a dénoncé les "gestes pédophiles" d'Olivier envers son fils.
Témoignage de Nathalie.
Cette chronologie prouve que les penchants d'Olivier de Citivau étaient un secret de polichinelle. Une connaissance le résume ainsi : "Les penchants d'Olivier de Citivau pour les jeunes garçons c'est quelque chose qui était connu comme la Loire qui coule sous le pont", ajoutant que "la moitié d'Orléan qui savait".
VI. Citations Clés
Sur le Traumatisme et la Mémoire :
• Jérôme : "J'ai des trous dans la mémoire. J'aimerais qu'Olivier me dise tout ce qu'il m'a fait."
• Jérôme (après la confrontation) : "Je pensais pas que ce serait aussi violent de le revoir. Depuis des flashes m'envahissent. Je suis comme dans un espèce d'état de cauchemar éveillé en fait."
• Jérôme (sur ses souvenirs de viol) : "Il y a une pénétration de aucun kiss [...] Il faudra qu'on qu'on retourne dans le juge là."
Sur les Dynamiques Familiales :
• La mère (questionnant sa sincérité) : "Que tu ailles au-delà si tu veux pour donner plus de poids."
• Le père (admettant sa défaillance) : "On a sûrement été en dessous de tout à ce moment-là. Moi j'ai je suis complètement fautif à cet égard mais ça a pas été une volonté de cacher si tu veux."
• Jérôme (à sa mère) : "Tu considères pas que c'est un petit handicap dans la vie de se faire abuser pendant 8 ans ?"
• Jérôme (sur son père) : "Il a continué à m'envoyer [...] dans les bras d'un prêtre dont il savait qu'il était pédophile."
Sur le Processus Judiciaire :
• Olivier de Citivau (lors de la confrontation) : "Oui j'ai eu des attouchements mais je voulais pas quoi c'était fort vie."
• Olivier de Citivau (au procès) : "Je reconnais tout sans réserve notamment l'effation et pénétration."
• Olivier de Citivau (s'adressant à Jérôme par l'intermédiaire de son avocate) : "Oui Jérôme non Jérôme tu n'es pas fou."
• L'avocat de Jérôme : "Il faut quand même vous préparer au fait qu'il niera les faits, qu'il ne les reconnaîtra jamais." (Une prédiction qui se révélera fausse).
Sur la Connaissance des Faits par l'Institution :
• Une connaissance : "Mais ma pauvre amie mais il y a longtemps qu'on le sait [...] il y a la moitié d'Orléan qui savait."
• Jérôme (découvrant l'ancienneté des faits) : "Décembre 83, premier signalement sur les comportements de Olivier Citivau. Juillet 84, c'est ma naissance. Avant ma naissance il y a eu un signalement."