NOTE D'INFORMATION : Traque des pédocriminels en ligne par l'association Les Enfants d'Argus
Source : Extraits du documentaire "Ils TRAQUENT les pédocriminels en ligne - documentaire complet" (france.tv access)
Date : 26/10/2023
Sujet : Activités et motivations de l'association Les Enfants d'Argus dans la lutte contre la pédocriminalité en ligne.
Résumé Exécutif :
- Le documentaire présente l'association Les Enfants d'Argus, composée de bénévoles qui se font passer pour des enfants de 10-12 ans sur les réseaux sociaux afin d'attirer et d'identifier des pédocriminels potentiels.
L'objectif est de recueillir des preuves d'infractions (corruption de mineurs, proposition sexuelle, diffusion d'images pornographiques, etc.) pour constituer des dossiers solides et les transmettre aux autorités judiciaires (police, gendarmerie, parquets) afin de mener à des arrestations et des condamnations.
L'association, active dans les pays francophones d'Europe (France, Suisse, Luxembourg, Belgique), s'appuie sur le travail d'une vingtaine à une trentaine de bénévoles, répartis en "enfants virtuels" (les appâts) et "enquêteurs" (ceux qui analysent les preuves et identifient les auteurs).
Les motivations des membres sont souvent liées à des expériences personnelles de traumatisme, la démarche étant perçue comme un moyen de trouver une utilité et de combattre un fléau omniprésent mais tabou.
Le travail est éprouvant émotionnellement et nécessite des précautions importantes pour la sécurité et la crédibilité des profils.
L'association collabore avec les autorités, précisant ne pas "voler" leur travail mais le compléter.
Thèmes Principaux et Idées Clés :
La méthode de l'Appât Virtuel :
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L'association crée des profils fictifs sur les réseaux sociaux (principalement Facebook et Instagram) représentant des enfants de 10 à 12 ans. Ces profils sont conçus pour être crédibles, avec des centres d'intérêt (dessin, danse, chant, équitation), des photos (adultes rajeunis avec accord, photos libres de droit modifiées), et des publications imitant le langage et les fautes d'orthographe d'un enfant de cet âge.
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"Un enfant virtuel, comme son nom l'indique, ce n'est pas un enfant, c'est un adulte qui a rejoint notre association... qui représente, sur les réseaux sociaux, un enfant qui aurait entre 10 et 12 ans..."
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Ces comptes servent d'"appât" : "Le compte, c'est un appât ? - Oui, c'est un appât. - Et ça marche ? - Oui. Bah oui."
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Étonnamment, les algorithmes des réseaux sociaux aident à diriger les "enfants virtuels" vers des "présumés pédocriminels" via les suggestions d'amis.
"Paradoxalement, nous, on ne fait rien. Absolument rien. Les algorithmes des réseaux sociaux, d'une manière générale, vont eux-mêmes nous diriger, en suggestion d'amis, chez certains présumés pédocriminels." Un "enfant virtuel" mentionne avoir près de 1000 demandes d'amis, majoritairement d'hommes.
L'omniprésence de la Pédocriminalité :
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Les participants soulignent la fréquence alarmante des contacts initiés par des pédocriminels dès la création d'un faux profil enfant.
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Un membre affirme : "La pédocriminalité, c'est vraiment... On se rend pas compte que nous, on connaît tous des gens... C'est partout. En moyenne, il y en a trois par classe."
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Un autre ajoute : "sur les réseaux sociaux ou sur n'importe quel jeu électronique, il y a des pédocriminels. Comme je vous l'ai dit : là où il y a des enfants, il y aura des pédocriminels."
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Le documentaire souligne que les agresseurs ne correspondent pas à un "profil type" et peuvent être "ton jardinier, ça peut être ton boulanger, ça peut être absolument n'importe qui."
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La majorité des abus (environ 95%) ont lieu dans les cercles familiaux ou connus de l'enfant. L'association se concentre sur les 5% d'agressions commises par des inconnus rencontrés en ligne.
Les Motivations des Bénévoles :
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De nombreux membres sont personnellement touchés par le fléau, ayant eux-mêmes été victimes ou connaissant des proches abusés.
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"Je suis rentré dans l'association Les Enfants d'Argus parce que, malheureusement, comme beaucoup de gens dans le monde, j'ai été abusé quand j'étais enfant, et c'est ce qui a principalement motivé mes démarches pour rejoindre l'association."
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Un membre exprime sa motivation principale par la "haine" envers les agresseurs, qui lui donne "tellement de détermination".
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La démarche est aussi un moyen de trouver une "utilité à sa vie" et de "se servir de ses traumas comme d'une force".
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La "satisfaction" de voir un agresseur inquiété ou arrêté est un facteur de motivation.
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Le fait d'occuper les agresseurs sur les faux profils empêche ces derniers de contacter de vrais enfants : "même, juste le temps qu'on passe à parler avec ces mecs, c'est du temps en moins qu'ils ont à parler avec des vrais enfants. Donc, on ne fait pas rien."
Le Processus de Traque et de Constitution de Dossiers :
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Les "enfants virtuels" interagissent avec les agresseurs potentiels, en maintenant la crédibilité de leur rôle et en évitant toute incitation. "Ne jamais laisser sous-entendre qu'on est d'accord pour avoir des relations sexuelles... jamais d'incitation."
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Ils documentent les échanges, en particulier les "infractions claires et nettes" (demandes de photos, propositions sexuelles, envoi d'images pornographiques).
Les captures d'écran sont essentielles car les agresseurs suppriment souvent les messages. "Capture d'écran immédiatement et j'enregistre le média qu'il m'a envoyé... Heureusement qu'on l'a screenée, parce qu'on a bien notre preuve d'infraction."
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Il est crucial de rappeler l'âge supposé de l'enfant virtuel dans les conversations pour caractériser l'intentionnalité de l'agresseur. "C'est précieux pour aller sur l'aspect psychologique, sur ce qu'on appelle l'intentionnalité... En ayant créé un avatar et en ayant fait... plusieurs messages un peu types : 'J'ai cet âge-là', 'Ça me fait peur, ce que tu me dis'... Avec plusieurs messages comme ça, ça permet de caractériser toute l'intentionnalité."
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Les dossiers, compilant les preuves et les infractions caractérisées, sont ensuite transmis aux "enquêteurs".
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Les "enquêteurs" analysent les nombreuses captures d'écran et messages (parfois plus de 140 screens et 1500 messages par dossier).
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Ils effectuent des recherches en ligne ("OSINT" - Open Source INTelligence), en utilisant des informations publiques (profils Facebook, likes, photos, commentaires, etc.) pour tenter d'identifier l'auteur réel.
Des exemples de techniques d'identification sont donnés, comme l'analyse d'arrière-plans sur les photos pour repérer des lieux précis (une rambarde en fer forgé identifiée grâce à Google Street View).
- Une fois le dossier complet, il est révisé et envoyé au parquet, accompagné d'une lettre de dépôt de plainte.
L'association peut être convoquée comme partie civile lors du procès pour représenter l'enfant virtuel.
Les Défis et les Conséquences Émotionnelles :
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Le travail d'"enfant virtuel" et d'"enquêteur" est décrit comme "fastidieux" et demandant "énormément de temps".
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L'exposition constante à du contenu choquant ("voir des choses qui vont peut-être me faire vomir ou pleurer") est un poids émotionnel majeur.
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"On est parfois confrontés à des choses qui sont dures... Les écrits, ça peut être dur, au même titre que les vidéos... Ce qu'il y a de plus dur, c'est le son. C'est ça, le plus dur."
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Certains membres "craquent" et quittent l'association en raison de la difficulté émotionnelle.
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Le "syndrome de Peter Pan" est mentionné pour décrire l'idéalisation du monde de l'enfance par les pédophiles, souvent liée à un sentiment de frustration de leur propre jeunesse.
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Le suivi psychologique n'est pas optionnel pour les professionnels et est fortement recommandé pour les bénévoles compte tenu de l'exposition. Se mettre dans cette démarche sans préparation est perçu comme "se mettre soi-même en danger".
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Les bénévoles doivent apprendre à "faire la part des choses" et à prendre du temps pour "décompresser" afin de préserver leur santé mentale.
La Collaboration avec les Autorités :
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L'association précise ne pas "voler le travail de la police", mais les aider. "On n'est pas des shérifs... on va juste faire des dépôts de plaintes, et après, c'est entre les mains de la police ou de la gendarmerie et de la justice."
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La collaboration avec certaines unités de police ou de gendarmerie est décrite comme positive ("Eux, ils sont vraiment bien").
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Les dossiers bien documentés de l'association sont précieux pour les autorités car ils caractérisent l'"intentionnalité" des agresseurs.
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Un procureur adjoint reconnaît que le système judiciaire actuel est débordé par la masse de signalements et que, malgré l'existence de peines et de condamnations, les moyens humains et matériels sont limités. "si l'intégralité de ces plaintes devait amener à des procès, notre système exploserait."
Structure et Fonctionnement de l'Association :
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L'association compte entre 25 et 30 bénévoles, avec une limite d'environ 40-50 personnes pour rester gérable.
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Elle s'organise avec des "enfants virtuels" et des "enquêteurs", encadrés par des "chefs d'équipe".
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Une nouvelle salariée ("Akela") est embauchée pour professionnaliser l'association et aider à gérer la charge de travail croissante et les relations avec la justice.
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La communication interne peut être complexe ("ça part dans tous les sens ou ça s'engueule presque"), nécessitant de la diplomatie.
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Les arrivées et départs de bénévoles sont réguliers.
Conclusion :
Le documentaire met en lumière l'engagement profond et souvent douloureux des bénévoles de l'association
Les Enfants d'Argus dans la lutte contre la pédocriminalité en ligne.
Leur méthode, basée sur l'utilisation d'avatars d'enfants pour attirer les agresseurs et documenter leurs actes, est à la fois efficace pour obtenir des preuves et émotionnellement très éprouvante.
Bien que l'association contribue de manière significative à l'identification et la poursuite des agresseurs, elle opère dans un contexte où le phénomène de la pédocriminalité en ligne est massif et où le système judiciaire fait face à des contraintes de moyens importantes.
Les motivations personnelles, souvent liées à un passé traumatique, constituent un moteur puissant pour ces bénévoles, mais les risques pour leur santé mentale sont bien réels.
L'association représente une initiative citoyenne essentielle pour combler les lacunes dans la surveillance et la lutte contre ce fléau sur internet.