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  1. Nov 2025
    1. Former les Futurs Enseignants à une Approche Sensible de l'Espace : Synthèse et Analyse

      Résumé

      Ce document synthétise les arguments clés d'une recherche sur la nécessité de former les futurs enseignants à une approche sensible, incarnée et interdisciplinaire de l'espace.

      La thèse centrale est que l'éducation scolaire, qui a historiquement cherché à neutraliser et contraindre le corps des élèves, doit évoluer pour faire de ce dernier un outil fondamental d'apprentissage et de compréhension de l'environnement proche.

      En créant un pont entre l'architecture et la géographie, deux disciplines qui partagent un intérêt pour l'espace vécu mais restent peu intégrées dans les cursus, il est possible de développer une pédagogie plus riche et émancipatrice.

      Une expérimentation menée à l'INSPÉ de Bordeaux auprès de futurs enseignants a servi de cas d'étude.

      En mobilisant des dispositifs comme le "parcours augmenté" ou la "carte mentale", l'étude a révélé une tendance des participants à privilégier des représentations conceptuelles et objectives de l'espace (vue de dessus, absence de corps), conformes aux normes scolaires traditionnelles.

      Ce constat démontre l'urgence de former les enseignants à dépasser l'approche purement cartographique pour intégrer la dimension vécue, sensorielle et émotionnelle.

      La conclusion préconise l'intégration de modules de formation basés sur l'expérience sensible, capables de croiser les disciplines et de donner aux élèves les moyens de devenir des acteurs conscients et engagés de leur environnement.

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      1. Le Paradigme de l'Espace Scolaire : Corps et Pédagogie

      L'analyse de l'espace scolaire révèle des tensions profondes entre les cadres physiques, les modèles pédagogiques et la place accordée au corps de l'élève.

      1.1. Le Déterminisme Spatial en Question

      Une idée reçue suggère que modifier l'espace d'apprentissage (mobilier, lieu) suffit à transformer la pédagogie.

      Une expérimentation de terrain contredit ce "déterminisme spatial". Sur trois enseignants invités à faire classe dans la cour de récréation, deux ont répliqué leur modèle frontal et contrôlé, réorganisant les élèves en rangs.

      Seul l'enseignant qui pratiquait déjà une pédagogie différenciée (en îlots) en classe a permis aux élèves une plus grande liberté corporelle.

      Constat : Le changement spatial ne garantit pas un changement pédagogique.

      Le Triptyque de Pascal Clerc : Cette observation illustre la persistance du modèle où "une classe qui fait classe dans une classe" se reproduit, même en extérieur.

      Nécessité d'accompagnement : Il est crucial de former et d'accompagner les enseignants pour qu'ils puissent exploiter différemment les potentiels pédagogiques des espaces, intérieurs comme extérieurs.

      1.2. La Neutralisation du Corps à l'École

      L'institution scolaire a historiquement cherché à neutraliser le corps des élèves, le contraignant par le mobilier et les règles.

      Cette mise à l'écart du corps, relégué aux cours d'Éducation Physique et Sportive, entre en paradoxe avec l'ambition d'une éducation intégrale qui devrait englober les dimensions physique, sensible et intellectuelle.

      Le Corps comme Outil de Mesure et de Perception : L'expérience personnelle de la chercheuse, Maylis Leuret, en tant qu'étudiante en architecture, illustre comment le corps peut devenir un outil premier pour comprendre et représenter l'espace (mesurer avec ses pas, évaluer les proportions avec son regard).

      Corps, Intimité et Espace : Faire exister le corps en classe revient à aborder la question de l'intime et du rapport à soi et aux autres.

      Des sujets comme l'éducation à la vie affective et relationnelle (EVARS) ou l'aménagement des toilettes scolaires sont des extensions de cette problématique, soulignant un rapport au corps souvent tabou ou négligé.

      Passer d'un Espace Subi à un Espace Habité : L'enjeu central de la recherche est de transformer l'espace scolaire d'un cadre subi en un lieu réellement habité par les élèves, porteur d'apprentissages et d'expériences.

      2. Un Pont entre Architecture et Géographie

      La recherche propose de créer un "rapport fécond" entre l'architecture et la géographie pour développer une éducation à l'espace plus complète, ancrée dans le vécu.

      2.1. Des Notions et Enjeux Communs

      Bien que relevant de champs académiques distincts, ces deux disciplines convergent sur plusieurs points :

      Notions partagées : Le corps, l'espace, l'habiter, l'environnement proche.

      Évolution commune : Elles intègrent de plus en plus la dimension du vécu, de l'expérience sensible et des appropriations pour analyser la manière dont les individus trouvent leur place sur un territoire.

      2.2. Une Faible Intégration Curriculaire

      Malgré leurs synergies potentielles, la relation entre géographie et architecture est faible dans les parcours de formation :

      • La géographie occupe une place restreinte dans les 21 écoles d'architecture françaises.

      • L'architecture n'est pas un objet d'étude explicite dans les programmes de géographie du primaire, du secondaire ou des licences universitaires.

      2.3. Vers une "Géographie Expérientielle"

      Un courant de la géographie scolaire, la "géographie expérientielle", promeut une approche alignée sur ces principes.

      Portée par des chercheuses comme Sophie Gojal et Caroline Lingénère-Frésal, elle valorise une géographie ancrée dans l'expérience spatiale des élèves.

      "La géographie expérientielle permet aux élèves de penser l'espace, de se penser dans l'espace et de faire le lien entre leur pratique spatiale et le cours de géographie." - Caroline Lingénère-Frésal (2020)

      Cette approche mobilise des démarches actives comme les sorties de terrain, les jeux de rôle et les dispositifs sensibles pour rendre les enfants enquêteurs et acteurs de leur environnement.

      3. L'Expérimentation de l'INSPÉ de Bordeaux : Méthodologie et Constats

      Une séance de formation a été menée le 26 mars 2025 à l'INSPÉ de Bordeaux auprès de 11 étudiants en Master 2, en collaboration avec la géographe Julie Picard, pour tester l'impact de dispositifs sensibles.

      3.1. Objectifs et Hypothèses

      Objectif : Analyser comment l'introduction de dispositifs interdisciplinaires et sensibles transforme le rapport des futurs enseignants à leur environnement proche.

      Hypothèse : Ces démarches, croisant architecture et géographie, diversifient les représentations de l'espace et constituent des outils pédagogiques transférables.

      3.2. Dispositifs Pédagogiques Déployés

      L'expérimentation s'est articulée autour de trois dispositifs principaux dans la cour de l'INSPÉ :

      Dispositif

      Description

      Objectif

      Parcours Commenté

      Les participants s'enregistrent seuls (téléphone) en décrivant oralement ce qu'ils voient, observent et ressentent dans l'espace.

      Verbaliser la perception, identifier les lieux emblématiques ou marquants.

      Parcours Augmenté

      Expérimentation de l'espace avec des sens altérés ou mis en avant (ex: guidé les yeux fermés, marcher pieds nus).

      Solliciter des sens autres que la vue (toucher, ouïe) pour générer de nouvelles perceptions et émotions.

      Parcours Iconographique

      Prise de photographies représentant un lieu caractéristique, un endroit de bien-être ou de malaise.

      Capturer une représentation subjective et visuelle du rapport à l'espace.

      3.3. Analyse des Résultats : La Carte Mentale comme Révélateur

      À l'issue des parcours, les participants devaient réaliser une carte mentale de l'INSPÉ de mémoire.

      L'analyse de ces productions a révélé plusieurs tendances :

      Prédominance de la Vue de Dessus : Les représentations s'apparentaient majoritairement à des plans cartographiques, conformes aux normes scolaires.

      Injonction à l'Objectivité : Les cartes étaient souvent structurées, légendées et zonées, dans une quête de clarté et d'objectivité.

      Absence quasi totale du Vivant : Les participants ne se sont pas représentés, ni n'ont représenté les autres. Les corps étaient absents, une distance étant mise avec l'expérience vécue.

      Les participants ont justifié cela par le mouvement constant des corps, difficile à "fixer" sur une carte.

      Freins à la Représentation : Une difficulté à "bien dessiner" et l'absence de modèle ont freiné l'expressivité.

      3.4. Analyse des Perceptions Sensorielles

      L'analyse des retours a montré que les expériences de déambulation ont principalement sollicité trois sens :

      La vue : Omniprésente et indispensable à l'orientation.

      L'ouïe : Devenue dominante lorsque la vue était réduite, souvent associée à des sons apaisants (chant des oiseaux).

      Le toucher : Émergeant dans des situations spécifiques (marche pieds nus), provoquant des ressentis variés (curiosité, inconfort, fraîcheur, humidité, dégoût).

      Le fait d'être dehors a été majoritairement ressenti comme positif, renforçant le bien-être (calme, relaxation).

      4. Conclusions et Recommandations pour la Formation

      L'ensemble de cette démarche souligne l'importance de former les enseignants à une éducation à l'espace qui dépasse le cadre conceptuel pour intégrer le corps et le sensible.

      4.1. Vers une Application Pédagogique Concrète

      L'utilisation de ces dispositifs avec des élèves nécessite un cadrage précis pour être efficace. Interrogée sur la possibilité de faire dessiner aux élèves leur "école idéale", Maylis Leuret met en garde contre une consigne trop ouverte qui mène souvent à des imaginaires stéréotypés (piscine, dromadaires) sans portée concrète.

      Pour viser une amélioration réelle du cadre de vie, l'enjeu doit être précis et s'appuyer sur un récit commun construit à partir de l'expérience quotidienne.

      4.2. La Nécessité d'une Pédagogie Interdisciplinaire

      Une approche sensible de l'espace constitue un levier puissant pour l'interdisciplinarité, permettant de croiser de multiples compétences et domaines :

      Géographie et Mathématiques : Relation à l'environnement, structuration de l'espace.

      Français et Arts Plastiques : Mise en récit, représentation sensible.

      Éducation Physique et Sportive : Balade sensible, mesure de l'espace par le corps.

      4.3. Propositions pour la Formation des Enseignants

      Malgré un cadrage institutionnel qui tend à prioriser le français et les mathématiques, il est essentiel d'intégrer cette dimension dans la formation :

      Intégrer des modules dédiés aux méthodes de recherche ancrées dans l'expérience sensible au sein des maquettes de formation des INSPÉ.

      Organiser des sessions pratiques : balades sensibles, parcours augmentés, ateliers utilisant la carte, la photo, le son ou la maquette.

      Renforcer la coordination institutionnelle et valoriser les liens entre la géographie expérientielle et les pratiques d'atelier de projet des écoles d'architecture.

      En définitive, faire place au corps dans l'enseignement de l'espace ouvre la voie à une éducation plus émancipatrice, attentive aux vécus et capable de former des citoyens plus conscients des enjeux liés à leur environnement.

    1. Les Espaces Scolaires : Analyse d'un Milieu de Vie et d'Apprentissage

      Résumé

      Ce document de synthèse analyse la nature complexe des espaces d'apprentissage scolaires, en s'appuyant sur les recherches de Guilhem Labinal.

      L'analyse révèle que la "forme scolaire" traditionnelle, caractérisée par une salle de classe fermée et une disposition frontale des élèves (type "bus" ou "wagon"), reste prédominante malgré son inadéquation reconnue avec les pédagogies actives et le bien-être des élèves.

      Un paradoxe central émerge : une majorité d'enseignants, notamment dans le secondaire, utilise quotidiennement une configuration spatiale qu'ils ne jugent pas idéale pour leurs pratiques pédagogiques.

      Le maintien de ce modèle s'explique par de multiples contraintes systémiques : la gestion du temps (cours de 45-50 minutes), les effectifs élevés, les normes sociales entre collègues, les impératifs de sécurité et l'inertie d'un modèle historiquement ancré.

      L'analyse souligne qu'il n'existe pas de déterminisme spatial : changer le mobilier ne suffit pas à transformer la pédagogie.

      Une transformation durable requiert une approche écosystémique qui intègre les dimensions matérielle, pédagogique et relationnelle (l'espace vécu).

      L'étude des espaces scolaires doit être multiscalaire (de la salle de classe à l'établissement) et pluridisciplinaire, en mobilisant la géographie, la sociologie et la psychologie environnementale.

      Des méthodes qualitatives comme les "parcours commentés" se révèlent particulièrement efficaces pour documenter la singularité de l'expérience spatiale des différents acteurs (élèves, enseignants, CPE, personnel non enseignant), démontrant que l'espace de l'un n'est pas l'espace de l'autre.

      En fin de compte, l'aménagement des espaces scolaires est le produit d'un arbitrage constant entre des tensions et des besoins variés, nécessitant une réflexion globale et concertée.

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      1. La Forme Scolaire Traditionnelle en Question

      La conférence de Guilhem Labinal s'ouvre sur une critique fondamentale de la "forme scolaire" traditionnelle, un modèle spatial et temporel qui sépare l'école du reste de la société et impose un cadre normatif rigide à l'apprentissage.

      1.1. Caractéristiques du Modèle Dominant

      Le modèle de la salle de classe conventionnelle est décrit comme un "dispositif carré qui est quand même fermé".

      Il est le fruit d'une histoire et de normes anciennes, comme les instructions de Marcelin Berthelot au XIXe siècle (1,25 m² par élève, salles de 40-50 m²). Ce modèle induit :

      La Fixité et l'Immobilité : Les chaises, parfois "arrimées au sol", contraignent les corps et limitent les mouvements, ce qui pose des questions sur le développement moteur et le bien-être des élèves.

      La Séparation : L'école est conçue comme un lieu clos, séparé de la société, des familles et même des objets du quotidien comme le smartphone.

      L'architecture de certains établissements, avec des "double herse de château fort", renforce cette image d'enfermement sécuritaire.

      L'Organisation Frontale : À partir du CP, l'organisation spatiale bascule vers un "ordre magistraux-centré", avec une disposition privilégiée dite en "bus" ou "wagon".

      1.2. Le Paradoxe de l'Usage par les Enseignants

      Une enquête menée auprès d'enseignants d'histoire-géographie de l'académie de Versailles révèle un paradoxe frappant.

      Dispositif Spatial

      Usage Quotidien

      Dispositif Jugé Idéal

      Type "Bus" ou "Wagon" (Frontal)

      • Plus de 80 % (74 % des 32 répondants)

      Majoritaire

      Autres (îlots, U, etc.)

      • Moins de 25 % (25 % des 32 répondants)

      Minoritaire

      Ce décalage significatif soulève une question centrale : "pourquoi les enseignants utilisent un dispositif qui a priori ne correspond pas du tout au dispositif idéal pour mettre en œuvre leur séquence ?".

      Le faible taux de réponse au questionnaire suggère également que ce dispositif est si "normé qu'il a été intégré dans la forme scolaire sans qu'on la questionne beaucoup", surtout dans le secondaire.

      2. Les Contraintes Empêchant la Transformation des Espaces

      Le maintien du modèle traditionnel n'est pas simplement le fait d'un choix individuel mais le résultat d'un ensemble de contraintes systémiques qui pèsent sur les acteurs éducatifs.

      La Contrainte Temporelle : La durée des cours (45 à 50 minutes) est citée comme un obstacle majeur.

      Un enseignant interrogé déclare ne pas avoir "le temps ou le courage de modifier la disposition" et de la remettre en place, qualifiant la démarche de "trop chronophage".

      Les Normes Sociales et la Pression des Pairs : Les salles étant partagées, modifier l'agencement peut créer des tensions.

      La nécessité de remettre la salle "dans l'ordre que les collègues sont susceptibles d'attendre" sous peine d'une "pause café assez désagréable" est une puissante force d'inertie.

      Les Effectifs : Gérer une classe de 35 élèves rend toute réorganisation logistiquement complexe et difficile à mettre en œuvre.

      L'Appropriation de l'Espace : Les enseignants ont besoin de s'approprier leur espace de travail.

      L'expérience post-Covid, où les enseignants devaient changer de salle à la place des élèves, a montré que beaucoup se sentaient "pas chez eux".

      Cette appropriation est essentielle pour installer une organisation "didactiquement finalisée".

      L'Absence de Déterminisme Spatial : L'idée qu'il suffit de changer le mobilier pour changer la pédagogie est un postulat erroné.

      Guilhem Labinal insiste : "il n'y a pas de déterminisme par le dispositif spatial de la pédagogie".

      L'aménagement doit accompagner un projet pédagogique, et non le précéder.

      Les Impératifs de Sécurité : La logique de sécurisation, exacerbée depuis les attentats, conduit à un renforcement de l'enfermement (portiques, vitres peintes).

      Cette approche est parfois paradoxale, car elle peut créer des attroupements dangereux devant les entrées.

      3. Approches Théoriques et Cadres d'Analyse

      Pour comprendre la complexité des espaces d'apprentissage, une approche pluridisciplinaire et un cadre conceptuel robuste sont nécessaires.

      3.1. Le Triptyque : Ordre Distributionnel, Fonctionnel et Transactionnel

      Guilhem Labinal propose un modèle d'analyse en trois dimensions pour appréhender la salle de classe comme un "microsystème" :

      1. L'Ordre Distributionnel : Il s'agit du cadre matériel et architectural, de la "façon dont sont disposés des objets dans l'espace". C'est la matérialité brute.

      2. L'Ordre Fonctionnel : C'est la disposition pédagogique, "la manière dont on organise les différents éléments dans l'espace en relation avec une finalité pédagogique".

      3. L'Ordre Transactionnel : C'est l'espace vécu, qui reconnaît que les lieux "sont vécus différemment [...] par les uns et par les autres".

      Il intègre les régulations, les transgressions et les relations interpersonnelles.

      3.2. L'Apport des Différentes Disciplines

      L'étude des espaces scolaires est un champ de recherche où convergent plusieurs disciplines :

      La Géographie : Longtemps focalisée sur les échelles macro (quartier, ville), elle s'intéresse désormais à l'échelle micro, en appliquant des concepts comme la distance, la proximité ou l'itinéraire aux interactions dans une salle de classe.

      L'analyse porte sur la place du corps, du regard et des gestes.

      La Psychologie Environnementale : Elle a été précurseur dans l'étude de l'influence de l'architecture et du design sur les états psychologiques et les comportements sociaux.

      La Didactique : Ce champ a longtemps été un "impensé", se concentrant sur le triangle savoir-élève-enseignant ou les supports technologiques, mais rarement sur "les effets de la matérialité du dispositif architectural".

      La Sociologie et l'Anthropologie : Ces disciplines analysent les relations entre pairs, les relations de pouvoir, les dynamiques de genre et de régulation au sein des espaces comme la cour de récréation ou la salle de classe.

      4. Données Empiriques et Méthodes de Recherche

      Différentes études, quantitatives et qualitatives, permettent de documenter l'impact des espaces sur l'apprentissage et le bien-être.

      4.1. Les Études Expérimentales et Quantitatives

      Ces études analysent les effets de variables isolées sur les apprentissages : luminosité, température, qualité de l'air, acoustique.

      Une étude de grande ampleur menée par Peter Barret a identifié que 16 paramètres spécifiques (lumière, température, appropriation, complexité, couleur, flexibilité...) pouvaient expliquer 16 % de la variation des progrès scolaires des élèves sur un an.

      Cependant, ces approches présentent des limites :

      Difficulté d'isoler les variables dans un environnement complexe.

      "Effet établissement" (exposition au soleil, localisation des salles) qui rend les comparaisons difficiles.

      "Effet maître" : l'efficacité pédagogique d'un enseignant est une variable majeure difficile à neutraliser.

      Excès de codification dans les questionnaires, qui empêche l'expression d'un vécu singulier.

      4.2. Les Approches Qualitatives et Phénoménologiques

      Pour surmonter ces limites, les approches qualitatives se concentrent sur l'expérience vécue ("le vécu").

      Le Concept d' "Habiter" : Il ne s'agit pas seulement d'être présent dans un lieu, mais de le "vivre [...] dans la diversité des modes d'habiter", en fonction des moments, des personnes rencontrées et des actions menées.

      Les Parcours Commentés : Cette méthode consiste à se promener dans l'établissement avec un acteur (enseignant, CPE, élève...) et à le laisser commenter son vécu des lieux.

      Elle fait émerger la "singularité de la relation qu'on entretient avec les lieux" et révèle une approche multisensorielle (sons, bruits, circulation).

      Les Cartes Mentales : Elles permettent d'exprimer la relation subjective à un lieu, mais nécessitent d'être triangulées avec d'autres méthodes (entretiens d'explicitation) pour éviter les omissions.

      5. L'Établissement Scolaire : Un Écosystème Multiscalaire

      L'analyse ne peut se limiter à la salle de classe.

      L'établissement dans son ensemble fonctionne comme un écosystème complexe où les espaces sont vécus et appropriés différemment par chaque acteur.

      5.1. L'Espace de l'Un n'est pas l'Espace de l'Autre

      Les parcours commentés révèlent des "régimes d'habiter" distincts :

      L'enseignant fréquente principalement la salle des profs, le CDI, la salle de reprographie et sa propre salle.

      Le CPE (Conseiller Principal d'Éducation) a un parcours beaucoup plus large, de la grille d'entrée à son bureau, traversant la cour où il est constamment interpellé par les élèves (un trajet qui peut prendre "entre 15 et 20 minutes").

      Le personnel de cuisine ou d'entretien a ses propres itinéraires et temporalités, souvent méconnus des autres acteurs, ce qui peut générer des incompréhensions (ex: propreté des toilettes pendant la pause déjeuner).

      5.2. Une Typologie des Espaces Vécus

      Au sein de l'établissement, différents types d'espaces coexistent :

      Espaces privatisés : L'espace derrière le bureau du professeur, où aucun élève ne s'aventure par convention.

      Espaces à accès conditionnel : L'administration.

      Espaces sacralisés : Un banc ou un recoin qui devient un "haut lieu de la vie particulière de l'élève".

      Espaces genrés : La cour de récréation, où les usages varient fortement (jeux de ballon vs autres activités).

      Espaces de sociabilité : Les "cabinets" de physique ou d'histoire-géographie, qui peuvent renforcer la cohésion disciplinaire au détriment de l'interdisciplinarité.

      La gestion de ces espaces est un "arbitrage" constant entre les besoins de différents acteurs, illustrant que "l'espace c'est le fruit d'une équation de tension entre acteurs sociaux".

  2. Feb 2024
    1. Résumé de la vidéo de [00:00:00][^1^][1] à [00:28:47][^2^][2] :

      Cette vidéo est un parcours sur le climat scolaire et le bien-être à l'école, animé par deux enseignants-formateurs. Ils présentent les différents niveaux de bien-être (physique, relationnel, psychologique et pédagogique) et les facteurs de stress qui peuvent les affecter. Ils proposent des pistes pour créer des espaces de relaxation et de détente dans les classes ou les établissements, à travers des témoignages et des exemples concrets. Ils expliquent aussi comment utiliser le design thinking pour adapter les envies au possible et impliquer les élèves dans le projet.

      Points forts : + [00:00:00][^3^][3] Introduction du parcours et des animateurs * Présentation du module 6 sur le bien-être en classe * Présentation des deux enseignants-formateurs + [00:02:31][^4^][4] Les différents niveaux de bien-être * Le bien-être physique : lié à l'environnement, à la santé, au rythme * Le bien-être relationnel : lié aux interactions avec les pairs, les enseignants, les parents * Le bien-être psychologique : lié à la sécurité, à la réussite, à l'estime de soi * Le bien-être pédagogique : lié à l'intérêt, à l'aide, aux méthodes, à la différenciation + [00:08:10][^5^][5] Les facteurs de stress à l'école * Le faible sentiment de contrôle, l'imprévisibilité, la nouveauté, la menace de l'ego * Les situations stressantes vécues par les élèves au quotidien * Les référentiels qui visent l'épanouissement de l'élève + [00:13:19][^6^][6] La création d'un espace de relaxation * Quatre exemples de coin zen : à l'école maternelle, à l'école élémentaire, au collège, au CDI * Les objets et les activités possibles dans cet espace * La démarche du design thinking pour analyser, générer et adapter les idées

  3. Nov 2023
  4. Jul 2023

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  5. Mar 2023
  6. Apr 2021
    1. Les espaces parents qui se développent dans beaucoup d’établissements sont certainement un levier pour associer les familles à l’élaboration de ce diagnostic. Ainsi au collège Jules Valès de Choisy-le-Roi (Val-de-Marne) « Les orientations du comité ainsi que les différentes actions qui en découlent ont toutes fait l’objet d’une concertation née du diagnostic partagé. Depuis l’élaboration du projet d’établissement, les parents sont fortement impliqués dans la démarche et participent activement à la réussite des actions (équilibre alimentaire, commission des menus, développement durable, éducation à la citoyenneté notamment). Leur présence régulière dans l’espace parents du collège permet de fédérer les énergies et de créer une dynamique particulièrement précieuse ».
  7. Sep 2020
    1. le numérique est l’espace dans lequel nous vivons. Il ne s’agit plus d’outils au service des pratiques anciennes, mais d’un environnement dans lequel nous sommes plongés, qui détermine et façonne notre monde et notre culture

      En ce sens, le présent ouvrage s'inscrit dans le paradigme de la continuité. Il s'oppose aux théoriciens de la rupture qui font une distinction entre espace numérique et espace « réel ».

      Pour en savoir plus à ce sujet, consulter notamment : Enrico Agostini-Marchese, « Les structures spatiales de l’éditorialisation », Sens Public, 2017.

  8. Aug 2020
  9. Apr 2019
    1. C'est pourquoi, d'ailleurs, l'image d'un territoire peut constituer une sorte d'espace transitionnel pour un individu, qui y rencontre à la fois la résistance de l'objet, mais atténuée par la représentation (la carte est moins aliénante que le monde), et la toute-puissance du sujet, qui peut sortir de soi sans encore engager la totalité de son corps.

      En effet, peut-être pour proposer une actualisation de ce propos, lorsque nous nous déplaçons en ayant recours à une carte (papier traditionnel ou googlemap), nous avons accès à une représentation, à une première connaissance informelle, du lieu où nous désirons nous rendre, du chemin que nous nous apprêtons à parcourir, avant une connaissance sensorielle véritable de ces espaces.

  10. Dec 2018
    1. en plaçant la production du sens exclusivement dans le domaine de l'humain

      La production de sens est liée au signe et le signe existe bien sûr bien avant l'humain. Il n'y a qu'à regarder les plantes et les animaux. C'est une évidence que je n'ai peut-être pas rappelée assez fort. Et donc: "Ce n'est pas parce que le symbole commence avec l'humain que le sens commence avec l'humain (ce que je n'ai jamais dit)". La différence entre la niche ou le territoire au sens zoologique, d'une part et la terre au sens anthropologique, d'autre part, vient de deux manières de faire sens et de lire/écrire dans l'espace. Et bien sûr la manière humaine inclut la manière animale, elle ne s'en sépare pas. Là je suis en train d'écrire un article qui reprend tes idées sur l'écriture, l'espace et la méta-ontologie et j'affirme que oui, l'écriture est constitutive de l'être et elle produit de l'espace et elle est pré-humaine. Mais je reste humaniste, c'est-à-dire que je crois toujours que le symbole est un genre particulier de signe, propre à l'humain. Le symbolisme (langue mais aussi musique, sacrifice, économie, etc.) est une manière particulière de produire du sens. Je veux bien que l'on dissipe les grosses oppositions molaires sujet/objet, nature/culture onto/épistémo, etc.... Mais pas au prix d'une indistinction (genre: il n'y a pas de différence entre X et Y...), au contraire: on le fait pour introduire des distinctions plus fines, plus petites que la taille de X et Y, transversales à X et Y, etc... Et puis n'oublions pas que tout ce que nous faisons dans ce champ philosophique et conceptuel a une portée existentielle, esthétique, politique. Il n'y a pas de vérité objective de tout ce travail conceptuel, c'est plutôt de la création culturelle. Quels sont les enjeux?

  11. Jun 2017
    1. Le numérique apparaît ici comme un nœud, un espace ouvert qui concentre et diffuse en même temps. En effet, le numérique, du blog au site, en passant par les réseaux sociaux, accueille et reçoit. Pour l’écriture du Général Instin, c’est un espace d’expérimentation qui repose sur un principe de mouvement et de prolifération. Un des effets les plus surprenant est peut-être la production d’un commun, non pas d’une communauté, même littéraire, mais la production d’un point de rencontre partagé ouvrant un dialogue artistique. C’est bien ce commun qui crée les interactions entre le réel et le virtuel (si l’on conserve encore un peu ces catégories et ces distinctions).

      articulation numérique/commun/espace

  12. Mar 2017
    1. Pour reprendre Goody : “ce qui est dispersé dans le temps devient contigu dans l’espace” Il s’agit de délinéariser le discours, de permettre son découpage en unités juxtaposables.

      On est ici clairement dans l'opposition espace-temps telle qu'elle a été pensée au XX. La notion de mélodie et juxtapposition de l'Essai sur les données immédiates de Bergson. Je me demande si on peut dépasser cette opposition. L'espace aussi est multiple, dynamique et mélodique... En gros, cela sert à dire que je trouve l'approche de Bruno - qui en effet découle de celle de Goody, un peu trop rigide. En réalité il y a au moins "des raisons computationnelles" et en plus je ne suis pas sûr que tout soit computationnel dans les espaces qui s'agencent dans les environnements numériques. Surtout parce que ces espaces se donnent toujours dans l'interaction homme-machine et jamais seulement du côté de la machine comme semble le penser Bruno - au moins dans le sens qu'il fait abstraction de l'interaction pour se concentrer sur l'un des deux pôles...

  13. Aug 2016
    1. a particular way of producing and organizing reality

      l'espace numérique n'est pas une représentation du monde. OK. mais est-ce une façon de produire et d'organiser la réalité ? ou est ce qu'il veut dire que la réalité produite est l'espace numérique (produite par l'éditorialisation) ? Ca me semble plus juste.

    2. Writing is the actual material of digital space

      Est ce que la matérialité de l'espace numérique ne s'exprime pas également autrement ? Les fibres optiques et les routeurs appartiennent-ils à l'espace numérique ? Si non, quels impacts ont-ils sur l'espace numérique (qu'on comprendrait alors comme immatériel et juste informationnel) ?

    1. Les plus fortes autorités dans l'espace numérique sont les entreprises puissantes pour lesquelles cette organisation non hiérarchique offre la possibilité de cultiver un modèle ultracapitaliste

      méritocratie capitaliste

    2. Dans l'espace numérique, les autorités peuvent apparaître – comme disparaître – subitement, et elles résultent toujours d'une dynamique récursive entre les pratiques collectives et la structure numérique.

      est ce qu'on parle de la structure des autorités ?

    3. un commentaire publié sur Amazon à propos de mon livre, par exemple – affecte directement l'objet « livre », puisque ce dernier partage le même espace avec tout ce qui est écrit sur lui

      question de la matérialité à nouveau..

  14. Jul 2016
    1. Minimally, the infosphere denotes the whole informational environment constituted by all informational entities, their properties, interactions, processes, and mutual relations. It is an environment comparable to, but different from, cyberspace, which is only one of its sub-regions since the infosphere also includes offline and analogous spaces of information. Maximally, the infosphere is a concept that can also be used synonymously with reality, once we interpret the latter informationally. In this sense, the suggestion is that what is real is informational and what is informational is real24

      Floridi introduit cette même idée d'une fusion réel et discours. Il appelle l'espace numérique cyberspace, qui est contenu dans l'"infosphère", comprenant également les espaces d'informations analogiques. Ce n'est pas une fusion de l'espace numérique et pré-numérique.

    2. Mais dans l'espace numérique, le réel s'apparente davantage à une hybridation d'objets connectés et non connectés. En ce sens, le réel relève de ce que Luciano Floridi appelle l'« infosphère »

      introduction de l'infosphère

    3. dans l'espace, parce qu'il n'est pas limité à une plateforme ou à un groupe spécifique de personnes comme c'était le cas pour la version papier

      Ici l'espace est considéré comme la juxtaposition des plateformes. on ne parle plus de "l'espace numérique" comme un territoire à traverser, mais bien d'espaces, poreux certes, mais disctincts.

    4. ces structures font partie intégrante de l'article, puisqu’elles existent dans le même espace que celui-ci

      Ca se discute selon le niveau d'abstraction ou le point d'observation : l'espace dont on parle possède une (et sans doute plusieurs) matérialités : l'écran, les BDD, les plateformes. Est ce que "même espace" doit vouloir dire "espace visuel", soit l'écran ? ou est ce qu'un texte dans une base et un commentaire dans une autre base, voir sur une autre IP doivent être considérés comme le même espace ?

      voir ce commentaire sur Le profil : rhétorique dispositive

    5. dans le même espace : le web

      l'espace du web est tout de même un territoire : avec des distances et des trajectoires, et des frontières. Je parlerais plutôt d'un rapprochement ou d'une accéleration, mais spécifiquement d'un même espace. Selon le référentiel évidemment.

    6. Il est important de souligner que si nous comprenons le mot « numérique » dans un sens culturel, l'espace numérique est notre espace principal, l'espace dans lequel nous vivons, et pas seulement l'espace du web ou des objets en ligne

      l'espace numérique est l'espace, si on prend numérique au sens culturel. Doueihi ?

    7. Pour qu'une personne existe dans l'espace numérique, elle doit avoir un profil sur Facebook, sur Twitter, sur LinkedIn ou sur une autre plateforme qui puisse l'identifier et la rendre visible

      "avoir un profil pour qu'une plateforme puisse identifier et rendre visible"