Document d'information détaillé sur les études de genre :
Ce document d'information examine les principales thématiques et les idées ou faits les plus importants concernant les études de genre, en s'appuyant sur les extraits de l'émission "France Culture Questions du soir : le débat Études de genre : pourquoi tant de polémiques".
1. La nature controversée des études de genre :
- Division de l'opinion : Les études de genre suscitent des réactions diverses.
Certains les perçoivent comme une "remise en cause des repères", tandis que d'autres les considèrent comme un "outil utile pour penser les inégalités". * Controverses politiques et médiatiques : Aux États-Unis, des recherches ont été "freinées voire arrêtées sous l'administration Trump".
En France, des "polémiques régulières alimentent la méfiance, même dans les sphères ministérielles".
Le collectif "La Manif pour tous" s'oppose à l'intrusion du "gender à l'école", affirmant que cela "favoriserait l'indifférenciation entre les sexes et la théorie du genre", et que l'idéologie du genre à l'école "signifie propager l'idée aux enfants qu'ils peuvent changer d'identité sexuelle".
- Menace perçue sur les repères anthropologiques : Pour les opposants, les études de genre menacent les "repères viscéraux auxquels nous sommes attachés en terme d'anthropologie, c'est-à-dire qu'est-ce que l'homme, qu'est-ce que la femme, de quoi a besoin un enfant".
2. Qu'est-ce que les études de genre ?
- Un champ d'étude multidisciplinaire : Éric Fassin, sociologue, décrit les études de genre comme un "champ d'étude" mobilisant "des disciplines différentes qui sont mobilisées.
Ça va des sciences sociales, à la philosophie, mais aussi à la biologie ou à toutes sortes de disciplines."
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Pluralité des théories : Il n'existe pas une "théorie du genre" monolithique, mais "des théories qui peuvent s'opposer". Sylviane Agacinski, philosophe, confirme qu'il s'agit d'une "caricature", d'une "simplification" de parler d'une idéologie monolithique, car "il y a plusieurs théories, c'est-à-dire il y a aussi plusieurs usages du mot genre."
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Un concept central : le "genre" comme "sexe social" : Le concept de genre a été "approprié par le féminisme à partir des années 70" et s'est transformé. Il signifiait initialement le "sexe social", comme l'a utilisé Ann Oakley.
Cette notion est cruciale pour comprendre que "quand on parle des femmes, on parle toujours à mon avis simultanément des femmes telles qu'elles sont dans telle ou telle société, dans telle ou telle culture.
C'est-à-dire que en tant que sexe [...] elles sont toujours socialisées, de même que le masculin est toujours socialisé."
- Origine dans les mouvements sociaux : Ce champ d'étude est né de "mouvements sociaux et en particulier du féminisme mais aussi des mouvements sociaux liés aux minorités sexuelles en général." Cela souligne le lien entre "le savoir et la politique".
3. Le débat sur la biologie et le sexe :
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Critique du "biologisme" : Le reproche courant est que les études de genre nieraient l'importance de la biologie. Cependant, Éric Fassin explique que ce qui est critiqué n'est pas la biologie en tant que fait, mais le "biologisme", c'est-à-dire "l'idée que nous serions tout entier posé par cette définition."
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La perspective d'Anne Fausto-Sterling : Cette biologiste féministe utilise le concept de genre pour "déconstruire l'idée même de notre rapport à la biologie".
Elle remet en question la dualité homme/femme, soulignant une "variété bien plus grande que le simple sexe mâle et femelle" et la possibilité de penser le sexe à "différents niveaux : chromosomal, hormonal, formation des organes génitaux, gonades, et développement humain".
Elle propose que la discipline biologique propose "des manières d'organiser le réel" mais que cela "ne veut pas dire que c'est le réel".
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Catégorisation et hiérarchie : Éric Fassin insiste sur le fait que "catégoriser, c'est-à-dire organiser le monde selon des catégories, c'est pas simplement décrire de manière neutre, c'est toujours déjà organiser des hiérarchies."
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Le point de vue de Sylviane Agacinski sur la reproduction et le sexe : Agacinski rejette l'approche de Fausto-Sterling comme un "biologisme réductionnisme". Pour elle, "la définition du sexe se donne par la fécondité, par la reproduction".
Elle considère que la distinction mâle/femelle est "universelle" et que les personnes intersexes, bien qu'humaines, sont des "exceptions" qui "confirment la règle".
- Le sexe comme fait politique et d'état civil : Éric Fassin soutient que le sexe n'est pas "juste une donnée biologique, c'est un fait politique", citant la possibilité de "changer de sexe selon certaines conditions qui sont variables selon les pays et selon les époques".
Il utilise l'exemple de Donald Trump qui veut "restaurer le sexe biologique", montrant que "c'est un fantasme la biologie" dans ce cas.
La controverse sur "l'homme enceinte" découle de l'abandon de la stérilisation pour le changement de sexe, montrant que "c'est l'État, c'est la politique qui détermine le sexe." Sylviane Agacinski conteste l'idée que l'on puisse "changer de sexe" facilement, affirmant que les réalités physiologiques persistent.
4. Les études de genre face à l'individualisme et aux normes sociales :
- Critique de l'individualisme : Éric Marty suggère que les études de genre, avec leur aspiration à la "gender fluidité" et au "genderless", pourraient être en "parfaite harmonie avec le discours néolibéral" et le masque d'un "ordre social" ou une "idéologie".
- Réponse des études de genre : Éric Fassin rejette cette critique comme un "contresens". Le féminisme et les études de genre ne visent pas à la disparition des normes, mais à questionner le fait que "ces normes, elles sont historiques et politiques, autrement dit, elles sont susceptibles de changer".
- Renégociation des normes : Pour Fassin, il ne s'agit pas d'une "disparition des normes" mais d'une "renégociation des normes, les repenser, imaginer d'autres normes".
Les violences sexuelles en sont un exemple, où il y a eu "une prise de conscience que il y a des normes démocratiques, c'est-à-dire de respecter la liberté, c'est-à-dire la capacité de consentir et l'égalité".
- Asymétrie des sexes et violence : Sylviane Agacinski insiste sur l'asymétrie de force physique entre hommes et femmes, qui explique selon elle pourquoi les femmes "souffrent de violence sexuelle".
5. Pourquoi les études de genre cristallisent-elles tant de polémiques ?
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Touche à l'intimité et aux peurs : Éric Fassin explique que la controverse vient du fait que "ça touche à notre intimité et mobiliser l'intimité, les peurs sur l'intimité et sur les changements de l'ordre amoureux, de l'ordre sexuel et bien c'est politiquement efficace".
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Un langage politique pour les rapports de pouvoir : Il souligne une deuxième partie de la définition des études de genre, telle que donnée par Joan Scott : "une manière de signifier les rapports de pouvoir".
Cela signifie que le genre "ne parle pas seulement des hommes et des femmes", mais aussi d'"immigration, de laïcité, d'islam, d'identité nationale, etc."
C'est un "langage politique pour mobiliser des troupes" et jouer sur des "questions raciales, sur des questions économiques". * Instrumentalisation politique : Sylviane Agacinski reconnaît une "instrumentalisation" et une "utilisation politique". Elle évoque des "violences activistes" qui peuvent se mêler à la "réflexion et la théorie", ce qu'elle déplore.
- Lien entre féminisme et politique : Éric Fassin insiste sur le caractère "politique" de toutes ces questions, soulignant que "les féministes ne parlent pas d'une seule voix" et s'affrontent parce que ce sont des "enjeux démocratiques".
Il alerte sur le fait que des leaders comme Trump, Milei, Orban et Poutine "défendent l'idée que l'ordre sexuel et bien ça ne doit pas bouger", ce qui a des "effets sur des gens bien réels et pas simplement sur des minorités sexuelles mais aussi sur des femmes."
- En résumé, les études de genre sont un champ académique diversifié qui questionne les constructions sociales et politiques des catégories de sexe et de genre.
Elles sont l'objet de vifs débats, souvent politisés, concernant la nature du sexe, la relativité des normes sociales et leur rôle dans la compréhension et la contestation des rapports de pouvoir.