Synthèse du webinaire : Le programme EVARS, un outil indispensable pour la protection des enfants
Résumé
Ce document de synthèse résume les points clés du webinaire organisé par la FCPE nationale le 23 septembre 2025, consacré au programme d'Éducation à la Vie Affective, Relationnelle et à la Sexualité (EVARS).
Entré en vigueur à la rentrée 2025, ce programme vise à garantir l'application effective de la loi Aubry de 2001, qui rendait obligatoire trois séances annuelles d'éducation à la sexualité, mais qui n'était appliquée que pour 15 % des élèves en 2024.
Les intervenants — Marc Pelletier du Ministère de l'Éducation nationale, Sarah Durocher du Planning familial et l'animateur Didier Valentin — ont unanimement présenté le programme comme un enjeu nécessaire et indispensable pour la protection de l'enfance.
Il répond aux missions fondamentales de l'École : promouvoir l'égalité, lutter contre les discriminations, enseigner le consentement et prévenir toutes les formes de violence.
Le programme est également une réponse directe aux défis contemporains auxquels la jeunesse est confrontée, notamment l'exposition précoce à la pornographie, le harcèlement et les violences sexistes et sexuelles.
Élaboré suite à un vaste processus consultatif et validé par le Conseil d'État, le programme repose sur trois principes directeurs : l'unité thématique, la progressivité stricte des contenus adaptés à l'âge, et la complémentarité avec les autres enseignements. Il est obligatoire et les parents ne peuvent y soustraire leurs enfants.
La mise en œuvre s'appuie sur une formation massive des personnels de l'Éducation nationale et, dans le second degré, sur des interventions complémentaires d'associations agréées, toujours dans le cadre de projets co-construits avec les équipes pédagogiques.
Face aux campagnes de désinformation, les intervenants ont insisté sur la nécessité d'une communication claire auprès des familles pour dissiper les malentendus et réaffirmer que l'objectif n'est pas d'enseigner des pratiques sexuelles, mais de construire une culture du respect, de l'égalité et du bien-être.
Contexte et Justification du Programme EVARS
Un Impératif Légal et une Nécessité Sociale
Le programme EVARS a été conçu pour répondre à un déficit majeur dans l'application de la législation française.
Bien que la loi Aubry de 2001 ait rendu l'éducation à la sexualité obligatoire à raison de trois séances par an, un constat alarmant a été dressé en 2024 : seuls 15 % des élèves en avaient réellement bénéficié.
L'objectif principal du nouveau programme est donc de garantir l'effectivité de cette loi sur tout le territoire.
Marc Pelletier, de la Direction générale de l'enseignement scolaire (DGESCO), a souligné que l'EVARS s'inscrit pleinement dans les missions fondamentales que la Nation confie à l'École, telles que définies dans le Code de l'éducation :
• Promouvoir l'égalité, notamment entre les femmes et les hommes.
• Lutter contre toutes les formes de discrimination, y compris celles fondées sur le sexe, l'identité de genre ou l'orientation sexuelle.
• Éduquer au principe du consentement et au respect du corps humain.
• Prévenir toutes les formes de violence, en particulier les violences sexistes et sexuelles, et contribuer au repérage des situations de violences intrafamiliales, y compris l'inceste.
Répondre aux Enjeux Contemporains de la Jeunesse
Le programme a été jugé indispensable pour outiller les enfants et les adolescents face aux réalités et aux risques de leur époque. Plusieurs statistiques alarmantes ont été citées pour justifier son déploiement :
Enjeu
Donnée Clé
Exposition à la pornographie
23 millions de mineurs y sont exposés chaque mois.
Agressions sexuelles
Un enfant est victime toutes les trois minutes en France.
Violences sexuelles sur mineurs
80 % des victimes sont des filles.
Harcèlement scolaire
Concerne 5 % des écoliers, 6 % des collégiens et 4 % des lycéens qui se trouvent dans une situation de vulnérabilité.
Inceste
160 000 enfants en sont victimes en France.
Pour Sarah Durocher, présidente du Planning familial, l'un des principaux leviers pour contrer la désinformation massive à laquelle les jeunes sont exposés via Internet est une éducation structurée et fiable dispensée à l'école.
Le Soutien des Fédérations de Parents et des Associations
La FCPE, organisatrice du webinaire, a exprimé son soutien "avec force et convictions" au programme.
Pour la fédération, l'EVARS est essentiel pour informer, prévenir, construire une société plus égalitaire, libérer la parole, donner des repères clairs, apprendre à dire non et comprendre la notion de consentement.
La FCPE fait également partie du Collectif pour une véritable éducation à la sexualité, aux côtés du Planning familial et d'autres organisations, afin de parler d'une même voix et de fournir des outils concrets aux familles et aux établissements pour contrer la désinformation.
Élaboration, Contenu et Principes Directeurs
Un Processus de Création Consultatif et Validé
Le programme EVARS n'a pas été créé de manière arbitraire. Son élaboration a suivi un processus rigoureux et consultatif :
1. Groupe de travail (2023) : Mis en place pour analyser les raisons de la faible application de la loi de 2001.
2. Saisine du Conseil Supérieur des Programmes (CSP) : Le ministre Pap Ndiaye a mandaté le CSP pour élaborer un projet de programme, avec une attention particulière à la distinction entre le premier et le second degré.
3. Consultations : La DGESCO a mené de larges consultations sur la base du projet du CSP, incluant des professionnels de l'éducation, des organisations syndicales, des partenaires institutionnels et une consultation publique.
4. Adoption (Janvier 2025) : Le projet a été adopté à l'unanimité des votants au sein des instances consultatives.
5. Validation Juridique (Juin 2025) : Le Conseil d'État a rejeté deux recours administratifs demandant son annulation, confirmant ainsi sa conformité légale et son caractère "neutre et objectif".
Trois Principes Fondamentaux
Le programme est structuré autour de trois principes essentiels pour garantir sa cohérence et son adéquation.
1. Unité : À tous les niveaux, l'enseignement s'articule autour de trois questions structurantes :
- ◦ Comment se connaître, vivre et grandir ?
- ◦ Comment rencontrer les autres, construire avec eux des relations respectueuses et s'y épanouir ?
- ◦ Comment trouver sa place dans la société, y être libre et responsable ?
2. Progressivité : Le principe le plus fondamental est l'adaptation stricte des contenus et des modalités à l'âge et à la maturité des élèves. Le nom même du programme change pour marquer cette distinction :
- ◦ Premier degré (école) : Éducation à la Vie Affective et Relationnelle (EVAR).
- ◦ Second degré (collège/lycée) : Éducation à la Vie Affective, Relationnelle et à la Sexualité (EVARS).
Le mot "sexualité" n'apparaît dans le programme qu'à partir de la classe de quatrième.
3. Complémentarité : Les trois séances annuelles forment un parcours cohérent.
L'EVARS est conçu pour compléter les enseignements disciplinaires (SVT, Enseignement Moral et Civique) et les actions éducatives globales de l'établissement (ex: programme de lutte contre le harcèlement).
Une Approche Progressive et Adaptée à Chaque Âge
Niveau
Dénomination
Thèmes Abordés
Maternelle
EVAR
Émotions, identification des parties du corps, notion d'intimité, reconnaissance des adultes de confiance.
Élémentaire (CP-CM2)
EVAR
Sentiments, stéréotypes de sexe, lutte contre les discriminations, consentement (abordé sans forcément nommer le terme), dangers d'Internet, harcèlement.
Collège
EVARS
Changements liés à la puberté, vie privée, respect de l'intimité, sentiments amoureux, respect des différences, prévention des violences (sexuelles, emprise).
Lycée
EVARS
Engagement dans une relation, droit d'être soi, acceptation et pression sociales, construction de relations saines à soi et aux autres.
Il est crucial de noter que le terme "sexualité" est entendu dans un sens global, incluant les dimensions psychologiques, affectives, juridiques et sociales, et non comme un cours sur les pratiques sexuelles.
Mise en Œuvre Pratique et Pédagogie
Le Rôle Central des Personnels de l'Éducation Nationale
Un effort de formation massif est en cours pour accompagner les équipes. Cela inclut des séminaires nationaux, des formateurs académiques, et des parcours de formation en ligne ("parcours magister") accessibles à tous les professeurs.
N'importe quel professeur volontaire peut animer ces séances, pas uniquement les enseignants de SVT.
Les personnels de santé scolaire (infirmières, psychologues) sont des acteurs clés.
Leur connaissance des élèves permet d'adapter les séances aux problématiques locales.
Des protocoles clairs existent pour l'accueil de la parole des enfants en cas de révélation de violences, garantissant que l'enseignant n'est jamais seul face à ces situations.
L'Intervention des Associations Agréées
Le recours à des partenaires extérieurs est encadré :
• Recommandé dans le second degré : Les interventions d'associations sont encouragées au collège et au lycée pour leur expertise complémentaire.
• Non prioritaire dans le premier degré : Le ministère préconise que les séances soient menées par les professeurs des écoles, intégrées au quotidien de la classe.
• Conditions strictes :
◦ L'association doit être agréée par le Ministère, un label garantissant son respect des valeurs de la République et la pertinence de son approche pédagogique. ◦ L'intervention doit s'inscrire dans un projet pédagogique co-construit avec l'équipe de l'établissement. ◦ Un professionnel de l'établissement doit toujours être présent pendant la séance.
Le Planning familial, qui intervient auprès de 3600 établissements, a précisé refuser autant de demandes qu'il en accepte, illustrant la forte demande du terrain.
Déroulement Type d'une Séance : L'Approche de Didier Valentin
Didier Valentin a illustré la pédagogie active et non-jugeante utilisée lors des séances.
• Philosophie : "N'essayons pas de convaincre, tentons de faire réfléchir." L'objectif est la réduction des risques et le développement de l'esprit critique.
• Focus sur le "Relationnel" : Une grande partie du travail porte sur la manière dont les jeunes interagissent, se parlent et vivent ensemble, bien avant d'aborder la sexualité.
• Outils interactifs : Les séances ne sont pas des cours magistraux. Elles s'appuient sur des outils participatifs qui partent du vécu des jeunes :
- ◦ Exemple 1 : Un tableau où les élèves collent des post-it sur les "avantages et inconvénients" d'être une fille, un garçon ou une personne non-binaire, pour lancer un débat sur les stéréotypes et l'empowerment.
- ◦ Exemple 2 : Diffusion de courtes vidéos vues sur les réseaux sociaux (TikTok) pour lancer un débat contradictoire et analyser les discours (ex: masculinistes).
Questions des Parents et Lutte Contre la Désinformation
Cadre Réglementaire et Communication
• Caractère obligatoire : Il a été rappelé que l'EVARS est un enseignement obligatoire. Un parent ne peut pas demander une dispense pour son enfant.
• Information des familles : Le Ministère recommande fortement que les établissements communiquent de manière transparente sur les objectifs du programme, par exemple lors des réunions de rentrée, afin de "dissiper les malentendus".
• Rôle des parents d'élèves : Les représentants des parents ont un rôle à jouer dans les instances comme le Comité d'Éducation à la Santé, à la Citoyenneté et à l'Environnement (CESCE) pour participer à l'élaboration du projet d'établissement.
Répondre aux Inquiétudes et aux "Infox"
Les intervenants ont reconnu l'existence d'une "panique morale" et de campagnes de désinformation actives. Sarah Durocher a mentionné que certains groupes tentent de se faire élire comme représentants de parents d'élèves dans le but de faire barrage au programme.
Pour rassurer les familles, plusieurs points ont été martelés :
• Formation des intervenants : Les professionnels des associations sont formés (ex: 160 à 400 heures pour le Planning familial) et leur casier judiciaire est vérifié.
• Développement des compétences psycho-sociales : Le programme vise à renforcer les compétences émotionnelles, cognitives et relationnelles des élèves, qui sont des vecteurs de réussite scolaire et de bien-être.
• Une éducation féministe pour tous : Didier Valentin a résumé l'objectif comme une "éducation féministe" visant à déconstruire les stéréotypes de genre pour créer des relations plus égalitaires et, in fine, faire baisser les violences.