Document de Synthèse : Effets d'Espacement et de Répétition dans l'Apprentissage
Introduction
Ce document de synthèse présente les principaux thèmes, idées et faits clés issus de la conférence "Effets d’espacement et de répétition".
L'objectif est de définir l'apprentissage d'un point de vue édimétrique, d'explorer les effets liés à l'espacement et la répétition, et de proposer des applications concrètes pour optimiser l'enseignement.
1. Définition Édimétrique de l'Apprentissage
L'apprentissage est souvent mal évalué en milieu scolaire, où l'on se concentre davantage sur la performance que sur l'apprentissage lui-même.
La psychométrie mesure des choses de manière rigoureuse, tandis que l'édimétrie, concept plus récent (première mention en français en 1988), est
"l'étude quantitative des variables relatives aux apprentissages justement suscités par l'éducation."
Pour observer minimalement un apprentissage d'un point de vue édimétrique, trois éléments sont nécessaires :
- Une première observation.
- Une activité positive visant l'apprentissage.
- Une seconde observation.
Cette nécessité d'une seconde observation implique que "la notion d’apprentissage est donc pratiquement indissociable de la notion de répétition."
En effet, l'apprentissage n'est utile que si une situation identique ou équivalente se présente à nouveau dans le futur, ce qui constitue la motivation fondamentale de l'apprentissage.
L'apprentissage peut être vu comme "une réaction adaptative à la répétition," permettant de s'adapter à son milieu.
2. Les Effets Clés de l'Espacement et de la Répétition
Plusieurs effets ont été identifiés par la recherche :
2.1. Effet de l'Entraînement
"Plus on s'entraîne, plus on réussit" et "plus on réussit rapidement."
Cet effet est constaté dans diverses tâches, de l'apprentissage du piano à la lecture d'un nouvel alphabet ou la résolution de preuves en géométrie.
La courbe de performance (temps pour effectuer une tâche) diminue avec l'entraînement, tandis que la courbe d'apprentissage (taux de réussite) augmente, prenant souvent une forme sigmoïdale avec des paliers aux extrémités (0% et 100%).
2.2. Rétention (Courbe de l'Oubli)
"Après un premier entraînement, plus le temps passe et moins on réussit."
Cette observation, étudiée dès les années 1800, montre que la performance diminue avec le temps si l'apprentissage n'est pas réactivé.
La forme exacte de cette courbe est toujours un sujet de recherche.
2.3. Effet d'Espacement
L'espacement des entraînements a un impact significatif :
- Activation Cérébrale : Le cerveau est "plus activé lorsque les périodes sont espacées."
Des recherches en neurosciences montrent que des entraînements massés (regroupés) peuvent entraîner une saturation de l'activité cérébrale, tandis que des entraînements espacés maintiennent une activité régulière et productive.
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Mémoire à Long Terme : Des entraînements trop rapprochés sollicitent davantage la mémoire de travail (mémoire à court terme) plutôt que la mémoire à long terme, ce qui réduit l'efficacité de l'apprentissage durable.
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Rôle du Sommeil : Le sommeil est un facteur important.
Il peut "consolider l'apprentissage en réactivant les mêmes réseaux de neurones."
Des expériences ont montré que des stimuli sonores pendant le sommeil peuvent renforcer l'apprentissage d'une tâche, et même sans stimuli, le simple fait de dormir entre deux périodes d'étude améliore la rétention à long terme.
- Mécanismes Cellulaires et Moléculaires : Le renforcement des connexions synaptiques (l'apprentissage au niveau cellulaire) "demande du temps."
Il existe différents mécanismes qui se déroulent sur des échelles de temps variées (secondes, minutes, heures, jours), ce qui limite l'efficacité d'entraînements trop rapprochés.
2.4. Espacement Optimal
"Il existe un espacement optimal" pour l'apprentissage, qui n'est "ni trop court ni trop long."
Cet espacement optimal est souvent progressif, augmentant avec le temps. Les recherches montrent que l'utilisation de séquences d'espacement optimales peut "produire jusqu'à 150% plus d'apprentissage."
L'espacement optimal dépend du délai jusqu'au test final, mais une proportion courante est de 10% à 30% du délai total (par exemple, pour un test dans 10 jours, un espacement d'un jour serait optimal ; pour un test dans 168 jours, 28 jours).
Cet effet est généralisable à différents âges, sujets (vocabulaire, histoire, sciences, etc.) et types d'apprentissage (simples ou complexes), et même chez les animaux, suggérant un mécanisme fondamental du fonctionnement cérébral.
2.5. Séquences Progressives d'Espacement
"Les séquences progressives d'espacement semblent préférables."
Plutôt que des intervalles réguliers, espacer progressivement les entraînements (par exemple, 1 jour, 4 jours, 9 jours, 16 jours – correspondant aux carrés des nombres naturels) permet non seulement de maintenir la performance au-dessus d'un seuil désiré à long terme, mais aussi de faire vivre aux apprenants "plus de succès" tout au long du chemin, renforçant leur sentiment de compétence.
3. Applications Pédagogiques
Les connaissances sur l'espacement et la répétition offrent des pistes concrètes pour améliorer les pratiques éducatives :
3.1. Maintenir la Performance au-dessus d'un Seuil
En espaçant progressivement les entraînements selon une règle (par exemple, les nombres carrés), il est possible de garantir que la performance des élèves reste au-dessus d'un seuil de réussite prédéfini sur une longue période.
Cela permet d'introduire de nouveaux contenus sans sacrifier la rétention des précédents.
3.2. Espacement Régulier pour Augmenter la Réussite
Un espacement régulier peut être utilisé pour augmenter le taux de réussite jusqu'à un niveau désiré, avant de passer à un espacement progressif pour maintenir cette performance.
3.3. Planification des Séquences Conceptuelles
Il est crucial de "planifier les séquences conceptuelles" en tenant compte de l'espacement.
Cela signifie organiser le contenu non pas en blocs isolés, mais en intégrant des rappels et des réactivations des notions antérieures.
Rappels Réguliers : Intégrer des moments de révision au début des cours, en rappelant non seulement ce qui a été vu la veille, mais aussi des notions plus anciennes.
Manuels Scolaires : Privilégier des manuels qui intègrent des retours sur les chapitres précédents plutôt que des chapitres distincts et isolés.
Séquençage au niveau Ministériel : À terme, il serait bénéfique de "scénariser des séquences scolaires" au niveau systémique pour optimiser l'apprentissage.
3.4. Éviter les Cours Intensifs
Les cours intensifs produisent une bonne performance temporaire mais ne favorisent pas l'apprentissage à long terme. "Éviter les cours intensifs" est recommandé pour des objectifs d'apprentissage durable.
3.5. Comparaison Massé vs. Espacé
"L'idée de travailler avec un espacement qui est plus grand produit un effet plus grand à long terme."
Un étudiant qui "bourre" son crâne juste avant un examen peut réussir, mais sa rétention à long terme sera bien inférieure à celle d'un étudiant qui a étudié la même quantité de matière de manière espacée.
3.6. Stratégies Générales pour l'Apprentissage Durable
Utiliser les Expériences des Élèves : Rendre l'apprentissage pertinent en se référant aux expériences passées des élèves, faisant en sorte que le nouveau contenu apparaisse comme la suite de quelque chose et non comme une nouveauté isolée.
Contextes Pertinents et Authentiques : Choisir des contextes d'apprentissage qui ressemblent à ce que les élèves utiliseront ou ont déjà utilisé, renforçant la motivation intrinsèque et la perception de l'utilité future.
Varier les Contextes et Situations : Exposer les élèves à des contextes variés élargit l'apprentissage et leur permet de mieux cerner les invariants conceptuels.
Entremêler les Éléments (Interleaving) : Plutôt que d'étudier un sujet à la fois de manière exhaustive (par exemple, toute la géométrie, puis tout le numérique), entremêler les sujets permet d'augmenter l'espacement entre les révisions de chaque sujet et développe des "habiletés de plus haut niveau" en obligeant les élèves à choisir la bonne stratégie.
Devoirs pour la Réactivation : Utiliser les devoirs comme une occasion de "réactiver les choses" déjà apprises, plutôt que d'introduire de nouvelles notions complexes.
Le but est un "exercice qui est positif."
Examens Cumulatifs : Bien que source de pression, les examens cumulatifs forcent la révision des notions antérieures, contribuant à un apprentissage plus durable.
Nommer et Structurer : Donner des noms spécifiques aux catégories, regroupements ou étapes d'une méthode permet de créer un "pouvoir d'évocation" qui facilite la réactivation rapide et l'accès à l'information.
Conclusion
La conférence souligne l'importance capitale de la répétition et de l'espacement pour un apprentissage efficace et durable.
En comprenant les mécanismes sous-jacents (activation cérébrale, consolidation synaptique, rôle du sommeil) et en appliquant des stratégies d'espacement progressif et d'entremêlement des contenus, les éducateurs peuvent significativement améliorer la rétention à long terme et la réussite de leurs élèves.
La clé réside dans une planification consciente et systématique des interventions pédagogiques, transformant la répétition en un levier puissant d'apprentissage.