Note de synthèse : Sortir de la Crise Démocratique - Rapport Annuel sur l'État de la France 2024
Introduction
- Ce briefing document synthétise les thèmes principaux, les idées clés et les faits les plus importants issus du rapport annuel du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur l'état de la France 2024, intitulé "Sortir de la crise démocratique".
Il s'appuie également sur une grande enquête menée avec l'Institut Ipsos et les discussions tenues lors de sa présentation.
Le rapport et les débats mettent en lumière les préoccupations majeures des Français et proposent un diagnostic des défis démocratiques du pays, soulignant le rôle crucial du CESE en tant que "troisième assemblée" et lieu de "participation citoyenne".
1. La Crise Démocratique et l'Impact des Inégalités
Le rapport dresse un tableau alarmant de la "crise démocratique" en France, qu'il juge "forte et multifactorielle".
Cette crise est intrinsèquement liée à la prolifération et à l'accentuation des inégalités dans la société française.
Multiplicité des Inégalités : Les sources soulignent la présence d'inégalités à plusieurs niveaux :
- Pouvoir d'achat et revenus : C'est une préoccupation majeure. Près d'un Français sur deux (45%) déclare ne pas pouvoir couvrir ou couvrir tout juste ses besoins essentiels, un chiffre qui monte à 78% pour les chômeurs, 77% pour les habitants des territoires ultramarins, et 72% pour les familles de trois enfants ou plus. Jacques Cressel souligne que "près d'un Français sur deux ne couvre pas ou couvre tout juste ses besoins essentiels en matière de consommation quotidienne".
- Accès aux services : L'accès au logement (58% de difficulté perçue) et aux soins de santé (première préoccupation personnelle des Français à 40%) est particulièrement problématique. François de Rugy, président de la Fédération nationale des associations d'usagers de transport, évoque la difficulté des transports en zone rurale et Antoine G. président de France Nature Environnement, met en lumière les injustices environnementales et sociales. Jean-Pascal Thomas, du groupe des associations, témoigne de communes rurales sans médecins.
- Éducation, territoires, genre et générations : Le rapport pointe des inégalités à l'école (manque de mixité sociale), des disparités territoriales en richesse et accès aux soins (par exemple, la différence d'espérance de vie de 6 ans entre le nord et le sud de Paris le long du RER B), et des inégalités persistantes entre femmes et hommes, ainsi qu'entre générations. Josianne Bigot met en évidence les "absents des sondages" que sont les enfants, dont trop vivent sous le seuil de pauvreté.
- Conséquences sur la Démocratie : Ces inégalités ont un effet structurant sur le système démocratique, érodant la confiance dans les institutions et le "vivre ensemble". Cynthia Fleury, philosophe, insiste sur le lien entre l'expérience des inégalités et l'adhésion démocratique, citant des études mondiales et françaises qui "convergent tous pour dénoncer un lien extrêmement fort entre inégalités socio-économique et inégalité ressenti d'égalité et la question de l'adhésion démocratique".
Elle ajoute que "la concentration de la richesse et des revenus... a conduit à un sentiment d'injustice sociale très fort qui érode la confiance dans les institutions démocratiques et réduit la participation politique." Le sondage Ipsos révèle que "plus vous avez accès à des services, plus vous faites confiance en la démocratie... inversement, un moindre accès à ces services-là délite la démocratie." Mael Nisan, présidente de la FAGE, souligne que "les jeunes n'auront pas confiance envers le système" si l'État ne leur fait pas confiance. * Déconnexion et Défiance : Le sentiment que les responsables politiques sont "déconnectés des réalités des citoyens" est partagé par 76% des Français. Eric Chenu, président de la Mutualité Française, évoque une société "démantelée petit à petit parce qu'on... a rendu technique un certain nombre de questions qui sont éminemment politiques." Patricia Drevon, de Force Ouvrière, rappelle l'importance de la démocratie sociale et de la négociation collective. * Pessimisme et Optimisme Relatif : Si les Français sont majoritairement optimistes quant à leur avenir personnel (82% de satisfaction moyenne sur leur bien-être), ils sont nettement plus pessimistes concernant l'avenir de la France et de la planète.
Patrick Martin, président du MEDEF, appelle à ne pas auto-alimenter un "pessimisme Crass" et rappelle les initiatives positives en France, comme la création d'entreprises. Cependant, Maël Nisan et Claire Touri rappellent qu'il ne faut pas "confondre pessimisme et réalisme".
2. Le Rôle du CESE et la Démocratie Participative
Le CESE se positionne comme un acteur essentiel pour "sortir de la crise démocratique" en renforçant la démocratie participative et en assurant le lien entre les pouvoirs publics et la société civile.
- La "Troisième Assemblée" : Le CESE est la "troisième assemblée citée dans la Constitution", après l'Assemblée Nationale et le Sénat. Son rôle historique est de conseiller le gouvernement et le Parlement, mais il est "plus récemment... aussi devenu la chambre de la participation citoyenne."
- Voix de la Société Civile : Le CESE est composé de "femmes et d'hommes de terrain qui travaillent dans des entreprises, des syndicats, des organisations patronales, des associations ou des ONG", représentant une "sorte de mini France".
Il est le "lieu où s'organise le débat avec les représentants de la société civile organisée et avec les citoyens."
Marie-Lise Léon, secrétaire générale de la CFDT, insiste sur l'importance de "rendre visible ces millions de personnes" qui ne rentrent pas dans les statistiques macro. François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises, défend le CESE en affirmant que "si on le fout en l'air, on se dira, c'était quand même mieux avant." * Missions et Contribution : Le CESE a quatre missions principales : conseiller le gouvernement et le Parlement, favoriser le dialogue social, évaluer les politiques publiques et renforcer la démocratie participative. Des exemples concrets de propositions du CESE ayant eu un impact sont cités, comme la "garantie jeune" et les dispositifs d'alerte pour les violences faites aux femmes. * Pétitions Citoyennes : Les citoyens peuvent soumettre une pétition au CESE dès l'âge de 16 ans. Si elle recueille plus de 150 000 signatures, le Conseil "doit obligatoirement étudier le sujet".
Même sans atteindre ce seuil, une pétition peut retenir l'attention du Conseil. * Méthodes Participatives : Le CESE utilise des méthodes participatives telles que le tirage au sort de citoyens, l'organisation de conventions citoyennes ou les consultations en ligne.
Claire Touri, rapporteure du rapport, souligne que "participation ne veut pas dire consultation, c'est bien de coconstruction dont il s'agit." Elle ajoute que "les citoyens n'ont jamais été aussi éduqués, informés, connectés ; ils veulent participer davantage."
3. Les Solutions Proposées et les Défis à Relever
Le rapport et les débats identifient des pistes pour "sortir de l'urgence" et "retrouver du pouvoir d'agir", en mettant l'accent sur la proximité, la co-construction et une vision à long terme.
- Bataille de la Proximité : Claire Touri invite à une "approche plus rosenvalonienne de la société" et à "engager une bataille de la proximité".
Il est crucial d'apporter des "réponses ciblées" aux situations diverses, car "construire des réponses trop macro empêche d'appréhender finement le vécu, les aspérités et donc d'apporter des solutions adaptées aux besoins des individus."
Dominique Charger, président de la coopération agricole, insiste sur l'importance de l'ancrage et des "réalités vécues". * Reconstruire la Confiance et le Sens Commun : La demande d'écoute et de considération est "extrêmement forte" chez les Français.
Il est essentiel de "retisser le lien" entre l'action publique et les citoyens.
Laurent Escure, secrétaire général de l'UNSA, met en avant le besoin d'une "fabrique de commun et de commodités" pour réduire les fractures sociales et territoriales. Noël Léandri, président du collectif Alerte, souligne le "besoin de dignité pour nourrir notre cohésion sociale." * Dette Publique et Investissement Stratégique : La dette publique est une "préoccupation majeure" pour les Français. Le rapport suggère de l'utiliser pour des "politiques structurelles" et pour "investir" plutôt que pour couvrir des dépenses de fonctionnement. Jacques Landriot, président de la Confédération des Scops et des Scop, cite une étude sur la transition écologique montrant que "ne pas investir dans la transition écologique pourrait coûter plus cher que de le faire." Jean-Charles Deschamp, du groupe des associations, appelle à aborder la "réforme fiscale" sans tabou. * Importance de l'Éducation et du Travail : L'éducation est perçue comme un "outil de lutte contre les inégalités" (27% des sondés). Le travail et l'emploi sont également "toujours extrêmement valorisé par les Français", comme des "leviers d'insertion" et des ressources économiques déterminantes. * Interdépendance et Coopération : Marie-Lise Léon met en avant l'importance de l'"interdépendance entre acteurs de la société civile" et avec les acteurs politiques et économiques. Patrick Livet, président de France Tiers-Lieu, souligne que "personne n'a la réponse tout seul" et que les crises sont "communes" et "se rejoignent". Marc Clamel, présidente de la CoFaC, insiste sur le fait que "l'intérêt général ne se décrète pas, qu'il se construit pas à pas avec les intérêts individuels, les intérêts collectifs pour aboutir à l'intérêt général." * Politisiser la Société : Claire Touri appelle à passer d'une société engagée à une société "beaucoup plus politisée", non pas au sens partisan, mais en développant "une approche plus systémique" et en créant des "espaces où s'expriment les désaccords", car "ce n'est pas grave de ne pas être d'accord".
Sylvain Boucherin, de l'association Humanité Biodiversité, évoque une "inquiétude" sur le fait que la transition écologique aura un coût, mais aussi un "point positif" sur la capacité de la biodiversité à repartir.
Conclusion
Le rapport et les discussions soulignent l'urgence d'une refonte du contrat social français, axée sur la lutte contre les inégalités, le renforcement de la démocratie participative et une approche holistique des défis.
Le CESE, en tant qu'instance unique de dialogue entre la société civile et les pouvoirs publics, se positionne comme un acteur central pour initier ces transformations, en encourageant l'écoute, le respect et la co-construction des solutions adaptées aux réalités des citoyens.