Briefing Doc : Émotions, relations, bien-être et bonheur à l'école : liens et perspectives
Source : Excerpts de la transcription de la conférence "Émotions, relations, bien-être et bonheur à l'école : liens et perspectives" par Madame Gaël Espinoza, professeure en Sciences de l'éducation et de la formation à l'Université de Lorraine (France), membre du laboratoire LISEC et associée au réseau Réverbère (Québec) et à l'Observatoire du bien-être à l'école (France).
Date de la conférence : Indiquée comme faisant partie de la "deuxième partie du coloc tac" (date précise non mentionnée dans les extraits).
Introduction :
La conférence de Madame Gaël Espinoza aborde les concepts d'émotions, de relations, de bien-être et de bonheur dans le contexte scolaire, en explorant leurs liens et en offrant des perspectives pour leur prise en compte.
L'introduction par Louis Houde (responsable des instituts et coordonnateur de la série Impact 3 au Centre Franco) et Paul Cadieu (présentateur) met en lumière l'importance de ces thématiques dans le milieu éducatif et présente l'expertise de Madame Espinoza.
Paul Cadieu souligne que "ce sont les émotions des élèves et également les émotions des enseignants [qui sont] vraiment déterminantes aujourd'hui" et que "le bien-être et les émotions c'est ce qui rend possible l'apprentissage".
Thèmes principaux et idées importantes :
- Définition et distinction des concepts clés :
- Affectivité : Définie comme l'ensemble des sentiments, des émotions et des humeurs. Madame Espinoza souligne la difficulté de les distinguer clairement dans le langage courant, notamment chez les enfants, d'où son usage privilégié du terme "affectivité" dans ses recherches. Scientifiquement, elles se différencient par leur durée (émotions courtes, humeurs moyennes, sentiments longs) et leur stimulus (déclencheur précis pour les émotions et sentiments, plus diffus pour les humeurs). Les "affects" sont présentés comme un terme générique pour les regrouper.
- Elle présente également une définition québécoise de l'affectivité (Louise Lafortune et Lis Saint-Pierre) incluant cinq composantes : la motivation ou l'engagement, la confiance en soi, l'attitude, les émotions et l'attribution (croyances attributionnelles de contrôle). Ceci met en évidence que les émotions sont une composante de l'affectivité et que des notions comme la motivation ont une dimension affective.
- Émotions : Sont présentées comme des phénomènes multicomposants et adaptatifs. L'existence de six émotions de base (joie, tristesse, colère, peur, dégoût, surprise) est mentionnée, avec une prédominance d'émotions désagréables. L'émotion survient suite à une évaluation cognitive de l'environnement ou de nos pensées et se manifeste par un sentiment, des réactions motrices, des réactions du système nerveux autonome et une impulsion à agir. Madame Espinoza insiste sur la rapidité et la fugacité des émotions.
- Bien-être : Deux perspectives sont distinguées :
- Bien-être hédonique (subjectif) : Défini par Edward Diener comme un état final composé de la satisfaction à l'égard de la vie, des affects positifs et des affects négatifs. Ces trois composantes sont liées. Le bonheur est souvent opérationnalisé à travers ce bien-être subjectif. Un modèle du bien-être à l'école (Anna-Liisaেরা) est brièvement évoqué, soulignant l'importance des relations sociales ("aimé") aux côtés des conditions scolaires, de l'épanouissement ("être") et de la santé.
- Bien-être éudémonique (psychologique) : Défini par Carole Ryff comme un processus d'accomplissement et de réalisation de soi, comprenant six composantes : l'autonomie, la maîtrise de l'environnement, la croissance personnelle, les relations positives avec les autres, les buts dans la vie et l'acceptation de soi. Ce bien-être est plus projectif et orienté vers l'avenir, contrairement au bien-être subjectif plus ancré dans le présent. Les relations positives sont communes aux deux perspectives.
- L'importance des relations positives (constructives, de qualité) à l'école :
- Elles font écho à la composante humaine et affective des relations.
- La "relation affective enseignant-élève" est présentée comme bénéfique pour la performance, la persévérance et les comportements scolaires des élèves, ainsi que pour leur bien-être en dehors de l'école (baisse de la dépression, de l'anxiété, de la délinquance). Elle repose sur la confiance, l'intimité, la communication, le partage, l'affect positif, le soutien émotionnel, la chaleur émotionnelle et l'acceptation.
- Madame Espinoza insiste sur le fait que cette relation doit être bénéfique pour les enseignants également, leur permettant d'exercer correctement leur métier et de trouver du sens.
- Les notions d'empathie et de bienveillance sont abordées. L'empathie est vue comme pertinente pour les relations entre pairs (égalité), tandis que la bienveillance, impliquant une asymétrie (veiller sur l'autre), est plus adaptée à la relation enseignant-élève, mais doit s'inscrire dans une posture éthique (se questionner sur ce qui est réellement bien pour l'autre).
- Concernant les relations entre pairs (enfants), deux types de travaux sont mentionnés : la psychologie s'intéressant aux facteurs de risque/protection des pairs, et la sociologie se concentrant sur le climat scolaire (justice scolaire, stabilisation des équipes pédagogiques). L'importance de faire dialoguer ces deux approches complémentaires est soulignée.
- L'intérêt de s'intéresser aux émotions, relations, bien-être et compétences psychosociales à l'école :
- Permet à l'enfant (et à l'adulte) de mieux comprendre ce qu'il ressent, ce qui favorise la réussite scolaire et l'adoption de comportements sociaux de qualité.
- La régulation émotionnelle, facilitée par la compréhension des émotions, rend l'individu plus disponible intellectuellement.
- L'expression adéquate des émotions communique les besoins et les demandes, facilitant le développement de relations apaisées.
- La capacité à exprimer, discriminer, identifier et réguler ses émotions fait partie des "compétences émotionnelles", un aspect important du développement cognitif lié aux comportements sociaux, aux performances scolaires et à la santé. Il est possible d'entraîner ces compétences dès le plus jeune âge.
- Les compétences psychosociales (CPS) :
- Sont présentées comme un ensemble de compétences cognitives, émotionnelles et sociales interconnectées.
- Un document de Santé publique France est mentionné, définissant ces compétences et leurs différentes catégories (avec 21 compétences spécifiques).
- Les travaux sur les émotions et les relations sont antérieurs au concept de CPS, mais ce dernier peut être un outil utile pour les enseignants.
- D'autres approches pour travailler sur les émotions et les relations sont possibles (communication non violente, techniques de respiration et de relaxation, activités ludiques, artistiques, sportives).
- La formation et la posture réflexive de l'enseignant :
- Pour s'occuper au quotidien de ces éléments, il est essentiel que cela devienne un objet de formation pour les professionnels de l'éducation.
- Il faut encourager la réflexion sur sa propre posture professionnelle (relation aux élèves, aux collègues, à la direction) et sur ses propres compétences psychosociales, émotions et affectivité.
- Inviter les enseignants à devenir des "enseignants réflexifs" est crucial, en leur permettant de construire progressivement leur posture, d'expérimenter et d'échanger.
- La posture évolue avec l'âge et l'expérience.
- Les CPS de l'enseignant peuvent être des protections de soi (détection des limites).
- Des exercices de recul réflexif sont proposés : se questionner après une journée scolaire sur ses interactions et son vécu, et mettre en place des moments de discussion et d'échange avec des collègues.
Conclusion :
Les concepts abordés sont interconnectés et essentiels pour le bien-être et le fonctionnement harmonieux de l'école.
S'intéresser quotidiennement à ces aspects rend les individus (élèves et enseignants) plus disponibles intellectuellement et plus apaisés dans leurs relations.
L'intégration de ces thématiques dans la formation des enseignants et la promotion de la réflexivité professionnelle sont souhaitables. Le bien-être et le bonheur sont une construction individuelle, nécessitant de trouver son propre équilibre.
Points à retenir :
La distinction claire entre affectivité, émotions, humeurs et sentiments est importante pour une compréhension approfondie. Le bien-être, qu'il soit subjectif ou psychologique, est étroitement lié aux émotions et aux relations positives.
La relation enseignant-élève affective et de confiance a des impacts significatifs sur la réussite et le bien-être des élèves (et des enseignants). Développer les compétences émotionnelles et sociales des élèves (et des enseignants) est crucial pour un climat scolaire apaisé.
La formation des enseignants doit intégrer ces dimensions et encourager la réflexion sur la posture professionnelle. Une prise en compte quotidienne et proactive de ces aspects est plus efficace qu'une intervention ponctuelle en cas de problème.
Citation notable :
Paul Cadieu : "ce sont les émotions des élèves et également les émotions des enseignants [qui sont] vraiment déterminantes aujourd'hui" et "le bien-être et les émotions c'est ce qui rend possible l'apprentissage".
Définition de l'affectivité par Louise Lafortune et Lis Saint-Pierre incluant la motivation, la confiance en soi, l'attitude, les émotions et l'attribution. Définition de l'émotion comme un "phénomène multicomponentiel adaptatif".
Citation sur les compétences émotionnelles soulignant leur lien avec le développement cognitif, les comportements sociaux, les performances scolaires et la santé, et la possibilité de les entraîner dès le plus jeune âge.
Suites potentielles :
Explorer plus en détail les stratégies concrètes pour développer les compétences psychosociales à l'école.
Approfondir la question de la formation des enseignants sur ces thématiques.
Examiner les liens entre le bien-être des enseignants et la qualité de leur enseignement et de leurs relations avec les élèves.
Analyser les approches et outils spécifiques pour favoriser un climat scolaire positif et prévenir le harcèlement.