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    1. Briefing Document: "La Rentrée 2025 pour les élèves de seconde, première et terminale" au Lycée Louis Vincent Ce document synthétise les informations clés et les thèmes principaux abordés lors du YouTube live de rentrée scolaire 2025-2026 du Lycée Louis Vincent.

      Date de l'événement: YouTube live de la rentrée scolaire 2025-2026 Intervenants Principaux:

      Olivier Palaise, Proviseur du Lycée Louis Vincent Alexianne Bonasso, Proviseure adjointe (BTS et 1ère) Lauren Fortini, Proviseure adjointe (Terminales et examens) Véronique Lefèvre, CPE (Internat) Janny Deico, Président du Conseil des Parents d'Élèves de Moselle (FCPE Moselle) Lionel René, Directeur Délégué sur les formations technologiques et industrielles Sylvie Bontempli, Secrétariat pédagogique 1. Présentation Générale du Lycée Louis Vincent Le Lycée Louis Vincent est un établissement historique, ouvert en 1920, construit par les Allemands, et qualifié d' "impérial" en raison de son envergure. Initialement un lycée technique avec 80% de formations industrielles, il est aujourd'hui un lycée général et technologique, majoritairement général (80% d'enseignement général).

      Effectifs: Le lycée compte entre 1500 et 1600 élèves chaque année, avec environ 1580 élèves cette année. 485-486 élèves de seconde Environ 450 élèves de première Environ 450 élèves de terminale Formations BTS et Classes Préparatoires (TSI1, TSI2) Spécificité: Le lycée est réputé pour sa rigueur dans son fonctionnement. Accès: L'entrée principale pour les élèves se fait par le portail métallique bleu de la rue Toule. Les entrées et sorties sont contrôlées, les sacs vérifiés, et les élèves doivent présenter leur livret d'accueil avec photo. Historique Technologique: Le lycée célèbre les 200 ans des formations industrielles de Metz cette année, soulignant son héritage technique et son adaptation aux enjeux actuels (STI2D, STL). 2. Organisation de la Rentrée et Informations Pratiques La rentrée est échelonnée pour les différents niveaux afin de faciliter l'accueil:

      Horaires de Rentrée:Secondes: 8h00 Premières: 9h00 Terminales: 9h30 Techniciens supérieurs / Classes prépa TSI1, TSI2: 10h00 / 8h30 Internat: Les internes sont attendus le dimanche soir (sauf rares exceptions le lundi matin). Une réunion pour les parents d'internes est prévue le dimanche soir à 20h30 en salle d'honneur. Pour l'internat d'excellence, l'accueil des parents est à partir de 16h, avec une réunion à 16h30 en présence de l'adjoint du commandant de la caserne CRS. Affichage des classes: Les classes seront affichées dans la cour. Il est noté que des "fuites" informatiques permettent parfois aux élèves et parents de connaître les classes à l'avance. Premières Réunions de Parents:Terminales: 8 septembre à 18h en salle d'honneur Premières Générales: Mercredi 10 septembre à 18h en salle d'honneur Premières et Terminales Technologiques: Vendredi 12 septembre à 18h en salle d'honneur Secondes: Réunion générale en salle d'honneur à 18h, suivie d'une répartition par classe avec les professeurs principaux à 18h30 pour discuter des attentes du lycée. Réunion d'explication de fonctionnement du lycée (ouverte à tous les parents): Vendredi 5 septembre à 18h en salle d'honneur. Emplois du temps: Les emplois du temps standard sont opérationnels dès le lundi 14h. Les parents sont invités à les consulter régulièrement via Pronote. Casiers: Attribution limitée, réservée aux demandes particulières (difficultés à porter des charges lourdes, problèmes médicaux). 3. Le Projet Lycée 4.0 et le Numérique La Région Grand Est met en œuvre le projet "Lycée 4.0", un projet pédagogique sur l'informatique et le numérique.

      Distribution d'ordinateurs: Tous les nouveaux élèves (secondes, et autres classes s'ils ne proviennent pas d'un lycée de la région) recevront un ordinateur portable offert par la Région. La distribution aura lieu dès le lundi de la rentrée pour les secondes. Il est recommandé de ne pas ouvrir l'ordinateur immédiatement pour éviter tout dommage et de conserver le carton d'emballage pour la garantie. L'ordinateur est prêté pour les trois années (seconde, première, terminale) et pourra être conservé à l'issue de la 3ème année, sauf si l'élève quitte la Région Grand Est. Usage de l'ordinateur:Le lycée est entièrement équipé de Wifi. Les manuels scolaires sont numériques et fournis gratuitement par la Région (licences incluses). L'installation des logiciels et manuels sera encadrée par les professeurs de SNT (Sciences Numériques et Technologiques) durant la première semaine. Mise en garde: Il est fortement déconseillé d'installer des jeux sur l'ordinateur, car "c'est pas un ordinateur qui est prévu pour jouer, c'est un ordinateur qui est prévu pour les manuels scolaires pour aller faire des recherches pour internet et cetera". Tests de Positionnement: Les ordinateurs devront être opérationnels dès la deuxième semaine pour les tests de positionnement. Autres ressources numériques:Compte EduConnect: Permet l'accès à "Mon Bureau Numérique", aux notes (Pronote), au cahier de texte, aux procédures d'orientation et aux bourses. Les comptes EduConnect sont les mêmes que ceux utilisés au collège. Il est annoncé que les classes et emplois du temps seront accessibles via "Mon Bureau Numérique" dès le lendemain de la réunion. Compte Wifi Grand Est: Sera distribué aux élèves à la rentrée. Office de Microsoft: Fourni gratuitement avec des comptes spécifiques. Application Pronote et ScolenGo: Pronote sera la référence pour les emplois du temps. Les informations du cahier de texte seront sur Mon Bureau Numérique (ScolenGo). Les notes seront également sur Pronote. 4. Résultats Scolaires et Exigences Le lycée affiche de "très bons voire excellents" résultats, fruit du travail des élèves et des équipes éducatives.

      Résultats BTS (session 2025):Métiers de la Chimie: 100% de réussite (en augmentation constante depuis 4 ans). SIRA: 67% CPI: 91% CPRP: 80% CRSA: 90% Moyenne des BTS: environ 88% de réussite. La classe prépa technologique (STI2D, STL SPCL) permet l'intégration en écoles d'ingénieurs. Résultats Baccalauréat (session juin 2025):Baccalauréat Général: Supérieur à 95% de réussite, 74% de mentions. Filières Technologiques (STI2D, STL): Supérieur à 95% de réussite. STI2D: 57% de mentions. STL: 66% de mentions. Parcoursup: Tous les élèves ont obtenu une réponse sur Parcoursup. Calculatrices: Une calculatrice spécifique et programmable est requise pour les épreuves de baccalauréat (mathématiques, physique). Une procédure de commande groupée est mise en place via les professeurs de mathématiques, avec un lien disponible sur le site du lycée jusqu'au 10 septembre. Épreuve Anticipée de Mathématiques (EAM) en Première: Nouveauté cette année, cette épreuve aura lieu en juin (2h écrite, avec une partie orale). Les sujets sont adaptés selon que l'élève suit la spécialité mathématiques ou l'enseignement mathématique obligatoire. Exigence et Bienveillance: Le lycée insiste sur la "certaine exigence au niveau travail [et] au niveau cadre de vie scolaire". Respect des adultes, pas de cris dans les couloirs. Téléphones portables: Interdits d'utilisation dans les bâtiments, sauf autorisation d'un adulte. L'ordinateur portable sera privilégié en classe. Absences et Retards: Une rigueur est demandée. Les retards dus aux transports scolaires sont à anticiper. Les absences doivent être justifiées, mais une vigilance est demandée aux parents sur les motifs réels. "on est exigeant tout en étant bienveillant". Ouverture du Lycée: Du lundi au vendredi de 7h30 à 18h30. Les cours commencent à 8h. Samedi Matin: Le lycée est ouvert 24 samedis par an pour "devoirs de rattrapage, rattrapage de devoirs, colle, etc." En cas de non-respect du règlement (ex: utilisation du portable dans les couloirs), des "colles" de 3h le samedi matin sont appliquées. 5. Soutien Scolaire et Orientation Accompagnement Personnalisé (AP): Des séances (environ 27 par an) sont proposées en mathématiques, physique et français (ou philosophie en terminale) en seconde, première et terminale. Ces aides ciblent des groupes d'environ 5 élèves. Préparation aux examens: Des exercices de simulation, notamment pour le "Grand Oral" (avec sollicitation des parents pour faire partie des jurys, ex: avocats). Accompagnement à l'Orientation: Réalisé par les professeurs principaux en seconde, première et terminale, axé sur la méthodologie et les informations Parcoursup. Psy-EN: Il est fortement recommandé aux élèves de terminale de prendre rendez-vous avec les psychologues de l'Éducation Nationale ("psy-EN") dès le premier trimestre, car leur planning est très chargé en fin d'année. Parcoursup: Présenté comme un "outil" et non comme la source de la complexité de l'orientation. Les élèves sont encouragés à créer leurs comptes Parcoursup dès la seconde et à explorer les formations. Pix: Certification d'usage du numérique, obligatoire pour toutes les terminales avant le baccalauréat, utile pour Parcoursup. SNU (Service National Universel): Les élèves de seconde peuvent y participer et cela peut remplacer les stages de seconde. 6. Restauration Scolaire et Aides Financières Accès Cantine: Possible dès la rentrée pour les demi-pensionnaires inscrits. Les élèves externes pourront également manger, mais la procédure administrative sera "un peu plus complexe". Tarifs: Complexité des tarifs en raison des aides régionales. Internat: L'hébergement est "gratuit" (coût de 10€, mais équivaut à une aide de 1200€), mais les repas sont payants (environ 1400€ pour l'internat complet). Demi-pension: Coût global d'environ 650€ à l'année pour un élève standard. Aides Régionales (ARS): Une aide de 20 centimes par repas est proposée aux familles non boursières mais dont les revenus sont juste au-dessus du seuil, ce qui représente environ 100€ de réduction annuelle. Fonds Sociaux: Disponibles pour les familles en difficulté (pré-bac). S'adresser aux professeurs, CPE, proviseures adjointes, gestionnaires, ou au secrétariat élève. Une adresse mail dédiée: fondsocial@ellvmes.fr. 7. Communication et Événements Info Parents: Toutes les informations sont régulièrement envoyées par mail via ce canal. Projet d'établissement et Plan d'évaluation: Documents communiqués aux parents pour présenter les objectifs et le fonctionnement des évaluations. Journée du Patrimoine: 20 septembre, occasion de visiter l'établissement (ateliers, vue depuis le clocher). Fête de la Science: Octobre. 8. Représentants de Parents d'Élèves L'importance de la participation des parents est fortement soulignée, à tous les niveaux: conseils de classe et conseil d'administration. Les élections se feront par voie numérique (Pronote).

      Deux associations présentes: FCPE et PEEP. Réunions d'information pour les associations:PEEP: Mardi 9 septembre à 18h30 en salle d'honneur. FCPE: Jeudi 11 septembre à 18h30 en salle d'honneur. Rôle des Parents Élus:Accompagner les enfants dans leur parcours scolaire. Faire valoir les droits et représenter les parents et les enfants. Donner un avis sur les décisions pédagogiques et financières. Rôle de médiateur. FCPE (Janny Deico, Président FCPE Moselle): Association de 75 ans, défend les valeurs d'une "école publique gratuite, inclusive et laïque". Propose des formations aux parents élus pour les aider à intervenir efficacement. Participation aux Conseils de Classe: Il est essentiel d'avoir des parents formés et de représenter tous les enfants. Deux parents par conseil de classe sont nécessaires (84 parents pour 42 classes). 9. Infrastructures et Projets Abri Vélo Connecté: Un nouvel abri vélo autonome et connecté a été installé, équipé de panneaux solaires photovoltaïques pour recharger les vélos électriques et trottinettes. Il s'intègre à l'architecture en bois et permet de suivre la production et consommation d'énergie, promouvant la mobilité douce et le développement durable (STID2D). Il comprend également un espace personnel pour les élèves avec tables en bois pour recharger téléphones et ordinateurs. Travaux futurs: Des travaux sont prévus devant l'établissement dans le cadre du projet "Métis", visant à créer un espace piéton plus grand, moins de parkings et de voitures. L'ancien site de l'hôpital Bonsecours a déjà été transformé en appartements. Dangérosité du carrefour: Vigilance demandée aux élèves concernant le carrefour devant le lycée, très fréquenté. Interdiction de fumer: Il est interdit de fumer aux abords de l'établissement, y compris sur la placette de la rue Toule. Visite virtuelle: Une vidéo montre les locaux intérieurs (escalier monumental, loge, bureaux de la vie scolaire, CPE, secrétariat élèves, proviseures adjointes, salle des professeurs, CDI, salle de permanence, salle d'honneur, couloirs des salles de classe, bureau des Psy-EN, service informatique). Il est précisé que le lycée est entièrement accessible aux PMR (ascenseur). 10. Conclusion Le Lycée Louis Vincent se présente comme un établissement à la fois historique et moderne, axé sur la réussite de chaque élève, l'exigence bienveillante, l'innovation numérique et la collaboration avec les familles. Les équipes se tiennent à disposition pour accompagner les élèves et les parents tout au long de l'année scolaire.

    1. Document de Synthèse : Réflexions sur l'Éducation, le Savoir et l'Intelligence selon Bernard Lahire

      • Ce document de synthèse présente les idées principales et les faits marquants des extraits de l'interview de Bernard Lahire, sociologue et directeur de recherche au CNRS, à l'occasion de la publication de son livre "Savoir ou périr".

      L'entretien explore la nature de l'apprentissage, le rôle de l'école et de l'évaluation, la définition de l'intelligence, la recherche scientifique et la transmission du savoir dans nos sociétés contemporaines.

      1. Le Savoir comme Condition de Survie et l'Origine de l'École

      Bernard Lahire insiste sur une perspective fondamentale : l'apprentissage et la transmission des savoirs sont intrinsèquement liés à la survie de toute espèce vivante, y compris l'espèce humaine.

      • Survie et Adaptation : "Nos sociétés ne fonctionneraient pas, ne survivraient pas si elle n'organisait pas cet apprentissage."

      L'apprentissage est une capacité d'adaptation essentielle, présente chez toutes les espèces. Un animal qui n'apprend pas à reconnaître ses prédateurs ne survit pas.

      • L'Apprentissage Humain : Chez l'homme, l'apprentissage est extrêmement développé, allant de l'apprentissage social par imitation à l'enseignement organisé, complété par le langage.

      • L'Émergence de l'École : L'école, en tant qu'institution dédiée à l'apprentissage, est une invention relativement tardive dans l'histoire de l'humanité (XVIe siècle au sens moderne).

      Avant, la transmission se faisait "par voir faire et ouï-dire", via la culture orale.

      L'écriture, apparue il y a environ 5000 ans, a permis d'objectiver et d'accumuler le savoir, rendant possible son organisation pédagogique et l'institutionnalisation de l'école.

      • La Sophistication du Savoir : La complexification et la division des savoirs dans nos sociétés modernes ont rendu l'école indispensable et allongé les parcours scolaires.

      La survie collective repose sur une masse considérable de savoirs sophistiqués, gérés par des corps de professionnels divers.

      2. La Recherche de la Vérité et la Vulnérabilité du Savoir

      Lahire aborde la nécessité de la vérité et les dangers de l'affaiblissement des institutions du savoir.

      • La Vérité comme Nécessité Vitale : La vérité n'est pas qu'une question philosophique, c'est une condition de survie.

      "Si nos savoirs d'ailleurs avant même les savoirs scientifiques… avaient été faux… ça fait longtemps qu'on aurait disparu."

      Même les savoirs empiriques anciens devaient avoir un rapport minimal à la vérité pour permettre aux sociétés de survivre face aux fléaux naturels et aux maladies.

      • Le Suprême Pouvoir et la Vulnérabilité : La division du travail et des connaissances a rendu l'humanité "surpuissante" en permettant des réalisations complexes comme le téléphone portable.

      Cependant, attaquer les lieux de transmission et de création culturelle (recherche, éducation) est une forme de "suicide collectif".

      • L'Attaque contre la Recherche : Des coupes budgétaires dans la recherche, la limitation du nombre de chercheurs ou l'exigence de rentabilité immédiate sont des freins à la production de nouveaux savoirs.

      "À chaque fois qu'on affaiblit ces secteurs bah on se rend pas compte de tout ce qui serait possible."

      La recherche, par nature, est imprévisible et ses applications ne peuvent pas toujours être anticipées à court terme.

      3. L'École et la Destruction de la Curiosité et de l'Intelligence

      Lahire critique vivement le système scolaire actuel, qui, selon lui, entrave les dispositions naturelles des enfants.

      • La Curiosité Innée : Les enfants sont naturellement curieux, testant et explorant leur environnement par l'expérimentation et les questions.

      Cette "pulsion exploratrice" est une disposition naturelle.

      • L'École, Frein à la Curiosité : Le système scolaire, avec sa discipline collective, ses programmes surchargés et surtout l'évaluation constante, tend à étouffer cette curiosité.

      "L'évaluation devient quelque chose qui bloque en fait la curiosité des enfants."

      • Le Piège de l'Évaluation : L'évaluation est censée vérifier l'apprentissage, mais elle est devenue un objectif en soi, inversant la logique.

      Les élèves apprennent "pour pouvoir passer un contrôle", ce qui nuit à un apprentissage profond et désintéressé.

      • Les Mathématiques, Instrument de Sélection : Les mathématiques, une discipline intrinsèquement incroyable, sont devenues un "instrument de torture", un "perfouettard" pour la sélection scolaire, ce qui génère de l'aversion chez les élèves.

      • Nuire à la Créativité : L'école, en privilégiant la reproduction des connaissances transmises, laisse peu de place à l'imagination et à la créativité.

      Les artistes, par exemple, ont souvent un rapport "très contrarié à l'école", perçue comme un lieu de mémorisation rigide plutôt que de stimulation créative.

      • La Docilité des Bons Élèves : Le système sélectionne des élèves qui sont de bons reproducteurs des savoirs scolaires, mais paradoxalement, ils ne sont pas toujours les mieux placés pour la recherche qui demande de la rébellion intellectuelle.

      "Quand on a été trop bon élève, on est aussi très docile."

      4. L'Intelligence au-delà du QI et les Voies de la Recherche

      Lahire propose une vision plus large de l'intelligence et met en lumière les qualités du "vrai chercheur".

      • L'Intelligence comme Capacité d'Adaptation : L'intelligence n'est "certainement pas ce que mesure un quotient intellectuel".

      C'est avant tout "des capacités d'adaptation, c'est résoudre des problèmes".

      Cette forme d'intelligence est présente "un peu partout dans le vivant", des plantes aux unicellulaires.

      • L'Intelligence Créatrice : L'intelligence créatrice, notamment artistique, implique d'inventer des formes et des regards nouveaux, ce qui ne correspond pas aux critères d'évaluation académiques standards.

      • Le Vrai Chercheur : Un vrai chercheur est "un sale gosse", "un peu rebelle", qui ose poser des questions "stupides" et aller au-delà des demandes.

      Il faut "retrouver l'enfant qui est en nous" et ne pas se laisser impressionner, comme le souligne le mathématicien Alexandre Grothendieck.

      • Exemples Notables : Des figures comme Einstein ou Grothendieck, malgré leur génie, ont eu un rapport difficile avec l'école ou le système académique, qui pouvait freiner leur curiosité et leur capacité à prendre du recul.

      Grothendieck distinguait les mathématiciens "caseurs" (qui travaillent à l'intérieur d'une maison déjà faite) des "bâtisseurs" (qui reconstruisent les fondations).

      5. Une Éducation Rationnelle et Collective : Propositions et Défis

      Lahire esquisse des pistes pour une réforme de l'éducation.

      • Respecter la Curiosité : Il faut s'appuyer sur la curiosité naturelle des enfants, l'accompagner et l'alimenter, plutôt que de la briser.

      Des pédagogies comme celle de Freinet, avec des "leçons de choses" concrètes, sont des exemples positifs.

      • Alléger les Programmes et Donner du Temps : Les programmes scolaires sont surchargés, rendant impossible un apprentissage approfondi.

      Il est crucial de donner "le temps" aux enseignants et aux élèves pour l'approfondissement, car l'assimilation des connaissances demande du temps. "Terminer un programme ça n'a aucun sens."

      • Lutter contre les Inégalités Sociales : Les enfants ne sont pas égaux devant l'école, car les "déterminismes sociaux" jouent un rôle majeur.

      Les enfants de milieux favorisés bénéficient d'interactions culturelles et pédagogiques précoces qui les avantagent considérablement.

      Il faut des politiques de compensation, donner "plus à ceux qui ont moins", en réduisant par exemple la taille des groupes pour les élèves en difficulté.

      • Recherche de Synthèse : La spécialisation excessive des sciences, notamment sociales, rend difficile une vision systémique.

      Il est nécessaire de développer des pôles de "synthétisation" et de faire des liens entre les différentes branches du savoir, à l'image des grands "synthétiseurs" comme Newton, Einstein ou Darwin.

      • Critique des Classements : Les classements comme PISA ou Shanghai sont jugés peu pertinents.

      Ils alimentent une "concurrence internationale" mais "n'ont jamais servi à améliorer en de quelque manière que ce soit le système éducatif", car ils ne s'attaquent pas aux causes profondes des problèmes.

      6. L'Altricialité Secondaire et le Développement Culturel

      Lahire fait le lien entre la biologie humaine et la nécessité de l'apprentissage.

      • Dépendance Prolongée : L'espèce humaine se caractérise par une "altricialité dite secondaire", c'est-à-dire une longue période de dépendance des petits envers les parents. Cette vulnérabilité prolongée a accru la durée de l'apprentissage.

      • Entrelacement Biologique et Culturel : Le développement physiologique de l'enfant est intimement lié à son développement culturel et social.

      Apprendre à grandir dans une société humaine ne se limite pas à la maturité biologique, mais englobe l'acquisition d'une grande quantité de savoirs, notamment la lecture, l'écriture et le calcul, bases essentielles de la scolarisation précoce.

      • En conclusion, Bernard Lahire dresse un tableau critique mais lucide du système éducatif actuel, en le replaçant dans une perspective biologique et historique.

      Il plaide pour une réorientation profonde, qui remette la curiosité, l'approfondissement et la justice sociale au cœur des processus d'apprentissage et de création du savoir, conditions essentielles à la survie et à l'épanouissement collectif de l'humanité.

    1. Joy, Bill. “Why the Future Doesn’t Need Us.” Wired, April 1, 2000. https://www.wired.com/2000/04/joy-2/.

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      Reprints available at: - Joy, Bill. “Why the Future Doesn’t Need Us.” 2000. AAAS Science and Technology Policy Yearbook 2001, edited by Albert H. Teich et al., Amer Assn for the Advancement of Science, 2002, pp. 47–75. Google Books, https://www.google.com/books/edition/Integrity_in_Scientific_Research/0X-1g8YElcsC.<br /> - Joy, Bill. “Why the Future Doesn’t Need Us.” 2000. Emerging Technologies: Ethics, Law and Governance, by Gary E. Marchant and Wendell Wallach, edited by Gary E. Marchant and Wendell Wallach, 1st ed., Routledge, 2020, pp. 65–71.

    1. Brown, John Seely, and Paul Duguid. “A Response to Bill Joy and the Doom-and-Gloom Technofuturists.” 2000. Emerging Technologies: Ethics, Law and Governance, by Gary E. Marchant and Wendell Wallach, edited by Gary E. Marchant and Wendell Wallach, 1st ed., Routledge, 2020, pp. 65–71.

      via: https://web.cs.ucdavis.edu/~koehl/Teaching/ECS188_W16/Reprints/Response_to_BillJoy.pdf

      annotation URL: urn:x-pdf:1e8f84f1b5e3fb65dfe49ef6f173c79e

      A reprint of: <br /> - “Re-Engineering the Future: A Response to Bill Joy and the doom-and-gloom technofuturists,” The Industry Standard, John Seely Brown and Paul Duguid. 24 April 2000, p.196. - “A Response to Bill Joy and the Doom-and-Gloom Technofuturists,” AAAS Science and Technology Policy Yearbook 2001, edited by Albert H. Teich, Stephen D. Nelson, Celia McEnaney and Stephen J. Lita, American Association for the Advancement of Science, 2001.

      Cross reference: Bill Joy's paper and notes at urn:x-pdf:753822a812c861180bef23232a806ec0

    1. https://www.youtube.com/watch?v=trdxrBVknXg

      Synthèse : Le Malaise de l'Éducation Nationale Française Ce dossier de briefing examine les multiples facettes du malaise qui ronge l'Éducation Nationale française, révélant une institution en crise, tiraillée entre violence, surcharge de travail, manque de reconnaissance, inégalités et un rôle éducatif élargi qui dépasse largement sa mission d'instruction.

      Le suicide tragique de Christine Renon, directrice d'école, sert de catalyseur pour explorer ces problèmes systémiques.

      I. Une Institution Ébranlée : Violence, Incivilités et Perte de Repères

      L'éducation nationale, pilier de la République française, est confrontée à une perte de repères.

      La violence et les incivilités, bien que rares en leur forme extrême (comme l'incident filmé dans un lycée de Seine-et-Marne), contribuent à ce sentiment.

      Violences et Incivilités : Le document s'ouvre sur l'image choc d'un élève violentant un personnel enseignant, un "geste rare mais pas isolé". Ce phénomène n'est pas la seule raison du malaise, mais il est significatif.

      Au collège Côrousse en REP (Réseau d'Éducation Prioritaire) à Chambéry, les mesures de sécurité sont renforcées : "ils doivent présenter leur carnet à chaque entrée et à chaque sortie, enlever capuche et tout ce qui pourrait couvrir leur visage".

      Perception du Public : Un sondage Ipsos révèle que "94 % des parents souhaitent le retour de l'autorité à l'école", illustrant une inquiétude généralisée.

      Compréhension des Codes : Les enseignants en REP se heurtent à la difficulté que "les élèves ici n'ont pas les codes", conduisant à des malentendus profonds.

      Isabelle Dumet, professeure d'histoire-géographie, cite un élève lui ayant dit "Madame tu me casses les couilles", et un autre qui a explosé de colère après qu'elle lui ait dit "arrête de m'aboyer dessus", l'interprétant comme une insulte grave : "Vous me dites que je suis un chien mais qu'est-ce que c'est ça ?".

      II. Surcharge de Travail, Isolement et Souffrance des Directeurs d'École

      Le suicide de Christine Renon, directrice d'école primaire à Pantin en septembre 2019, est l'illustration la plus tragique de la surcharge et de l'isolement des directeurs.

      Sa lettre, envoyée à ses collègues, dépeint un tableau accablant : "je n'ai pas confiance au soutien et à la protection que devrait nous apporter notre institution et pour finir je me demande si je ne ferai pas une petite déprime".

      Un "Geste Politique" : Sabine, syndicaliste, affirme que le suicide de Christine est "un geste politique, il est marqué par la lourdeur de ses conditions de travail, par son épuisement général lié à son à son travail".

      Poste "d'Hommes et de Femmes à Tout Faire" : Les directeurs d'école primaire sont décrits comme des "hommes et des femmes à tout faire sans équipe pour les épauler comme dans le secondaire", ce qui génère un profond "isolement".

      Missions Débordantes : La fonction de directeur dépasse largement la seule mission d'instruction. L'école devient un "point de ressources pour les familles" qui viennent chercher de l'aide pour "remplir des papiers", résoudre des "problèmes de logement". Sandrine Delmas, directrice à Pantin, confirme : "tout ça ça fait partie aussi des choses en plus des questions de l'école qu'on retrouve dans ce quartier".

      L'Effet Miroir de la Lettre : La lettre de Christine a eu un "effet miroir" pour de nombreux collègues, les aidant à prendre conscience de la surcharge de travail et de la solitude.

      Sandrine exprime ce sentiment : "notre métier c'est tout ça c'est tout ça et c'est pas tout à fait normal que tout ça pèse sur les épaules d'une seule personne".

      Réponse Insuffisante de l'Institution : Deux ans après le suicide de Christine, "peu de choses ont changé" selon Sabine.

      Le rectorat a tenté d'"étouffer l'affaire" et les "améliorations" promises pour alléger les tâches administratives ne se sont pas concrétisées.

      III. Inégalités Territoriales et de Moyens

      Le système éducatif français est paradoxal : il revendique l'égalité des chances tout en présentant de profondes inégalités de moyens.

      Pantin, Ville à Deux Vitesses : Pantin, en Seine-Saint-Denis (93), est coupée en deux : d'un côté "les quartiers pauvres, parfois insalubres" où "les 3/4 des familles sont au chômage, certaines parlent à peine le français", et de l'autre "les quartiers bobo" en pleine expansion. Sur 11 écoles primaires, six sont en REP, "c'est énorme".

      L'Origine Sociale : "La France est l'un des pays développés où l'origine sociale pèse le plus sur les trajectoires scolaires", résumant la situation par "dis-moi quel est le salaire de tes parents et je te dirai si tu réussiras".

      Budgets Inégaux : Annabelle, ancienne directrice d'école, dénonce les "inégalités au niveau des territoires" et les budgets "qui varient du simple au double au triple" par enfant.

      Elle souligne : "l'égalité des chances elle passe aussi parce qu'on va apporter en terme de moyen à l'école".

      "Mixité Sociale" : Cédric Pusser, jeune directeur à Saint-Paul (Haute-Vienne), dans une école privilégiée, s'interroge sur la préparation de ses élèves à la vie en dehors de leur "environnement tellement protégé" et souligne l'importance d'une "mixité sociale".

      IV. Désenchantement de la Profession Enseignante

      Les conditions de travail et la faible reconnaissance salariale contribuent à un désenchantement croissant et à une crise des vocations.

      Salaires Insuffisants : Avec un Bac+5, un instituteur débutant gagne en moyenne 1800 € net par mois, comparé au SMIC à 1200 € net. La France est en "20e position des pays développés" pour la revalorisation des salaires. Les témoignages révèlent une stagnation, voire une baisse du pouvoir d'achat : "j'ai pas vu bouger mon salaire du tout j'ai vu mon pouvoir d'achat baisser".

      Crise des Vocations et Démissions : "Qui veut être enseignant aujourd'hui en France ? Je crois ceux qui ont la foi, ceux qui ont la vocation". Cependant, de plus en plus de personnes "rentrent dans le métier qui n'y restent pas, qui démissionnent, qui s'en vont parce que les conditions de travail ne sont pas forcément celle auxquelles ils s'attendaient".

      En 2018, "1400 enseignants ont démissionné, c'est quatre fois plus qu'il y a 10 ans".

      Non-Remplacement des Enseignants : Le document pointe un problème grave : "entre la rentrée des vacances des grandes vacances [...] jusqu'aux vacances d'automne, on a quand même 107 jours de classes qui n'ont pas été remplacés", ce qui représente "au moins un jour sans enseignant dans la classe".

      Manque de Reconnaissance : Sandrine exprime le sentiment que les parents ne voient pas les enseignants comme des "professionnels de l'enseignement", attribuant cette perception aux "politiques éducatives" et aux clichés sur les fonctionnaires "toujours en vacances".

      Elle insiste sur le "travail qu'on ne voit pas mais qui se fait à la maison".

      V. Entre Instruire et Éduquer : Un Débat Central

      Le débat entre "instruire ou éduquer" est au cœur des préoccupations et de la campagne présidentielle. Si la droite insiste sur le "retour au savoirs fondamentaux", la réalité du terrain est plus complexe.

      La Priorité en REP : La directrice du collège Côrousse affirme que "quand on travaille en collège en REP la priorité c'est l'éducation".

      Elle va plus loin en disant : "l'éducation nationale n'a jamais été aussi bien nommée que maintenant éducation nationale".

      Pour elle, l'instruction n'est qu'un "prétexte" pour "poser les fondamentaux d'un citoyen éclairé autonome".

      Former le Futur Citoyen : La mission du collège est de former "un futur citoyen", de lui donner un "esprit critique, une liberté" et de lui "remplir leur besace" pour qu'il puisse "choisir ce qu'ils en font ou pas".

      Le Conseil de Discipline comme Acte Éducatif : Le conseil de discipline de Karim, un élève ayant dégradé une porte, est présenté comme un "acte éducatif" plutôt qu'une simple sanction.

      La directrice explique à l'élève : "l'objectif du jour c'est de poser un acte éducatif c'est pas de sanctionner pour sanctionner c'est que tu comprennes ce que tu as fait".

      Elle insiste sur la gravité de l'acte en comparant la situation à un "début de tribunal".

      VI. L'Omerta et le Déni des Responsables Politiques

      Le document met en lumière une résistance des autorités à aborder les problèmes de front.

      Refus de Coopération : Le rectorat de Créteil a "refusé d'entrer dans les écoles de Pantin", le ministre de l'Éducation nationale a "décommandé une interview à la dernière minute", et la mairie de Pantin n'a "jamais répondu à nos sollicitations".

      Sandrine Delmas pense que c'est lié à "la peur de d'encore étiqueter le 93 comme un département compliqué" et au "suicide de Christine" qui a suscité des "paroles qui ont dérangé l'institution".

      Promesses Électorales Récurrentes : Les candidats à la présidentielle s'emparent de la question de l'éducation nationale avec des promesses de réformes, mais le document souligne que c'est une constante "à chaque élection présidentielle depuis 20 ans".

      Conclusion

      Le système éducatif français est à un point de rupture. Entre la violence en milieu scolaire, la détresse des personnels due à la surcharge et au manque de reconnaissance, les inégalités criantes entre territoires et la crise des vocations, l'urgence est réelle.

      L'école, traditionnellement un lieu d'instruction, est devenue un acteur social et éducatif majeur, souvent sans les moyens nécessaires.

      Le silence et le déni des autorités face à ces problématiques exacerbent le sentiment d'abandon des acteurs de terrain.

      Le suicide de Christine Renon n'est pas un cas isolé, mais le symbole d'un "malaise bien plus répandu qu'on l'imagine".

      Si "l'institution n'est pas encore en danger, il y a urgence".

  2. Aug 2025
    1. https://sustainingcommunity.wordpress.com/2019/02/01/4-types-of-power/#comment-122967

      Given your area, if you haven't found it yet, you might appreciate going a generation further back in your references with: Mary P. Follett. Dynamic Administration: The Collected Papers of Mary Parker Follett, ed. by E. M. Fox and L. Urwick (London: Pitman Publishing, 1940). She had some interesting work in organization theory you might appreciate. Wikipedia can give you a quick overview. https://en.wikipedia.org/wiki/Mary_Parker_Follett#Organizational_theory

    1. Truly oh Gilgamish he is 18born2 in the fields like thee. 19The mountains have reared him. 20Thou beholdest him and art distracted(?) 21Heroes kiss his feet. 22Thou shalt spare him…. 23Thou shalt lead him to me.” 24Again he dreamed and saw another dream 25and reported it unto his mother. 26“My mother, I have seen another 27[dream. I beheld] my likeness in the street. 28In Erech of the wide spaces3 29he hurled the axe, 30and they assembled about him. 31Another axe seemed his visage.

      In this passage, Gilgamesh dreams of a figure who will be his equal, and interpreters tell him that “heroes kiss his feet” and that he will lead Gilgamesh. This prophetic dream frames Enkidu as Gilgamesh’s destined counterpart: not only a rival but also a partner who will shape his heroic identity. The imagery of “an axe in the street” and “heroes kiss his feet” reflects how masculinity is tied to symbols of power and violence, yet also reverence. The text suggests that Gilgamesh’s greatness requires balance. Gender politics emerge through the absence of women in this dream: the hero’s destiny is mediated entirely through male bonds. The translation describe Enkidu as Gilgamesh’s “likeness,” collapsing rivalry into mirror-image intimacy. Gilgamesh’s heroic identity is forged in masculine struggle and mutual recognition.

    2. Now the harlot urges Enkidu to enter the beautiful city, to clothe himself like other men and to learn the ways of civilization.

      Camron Newcomb

      CC BY-NC-SA 4.0

      This moment in the Old Babylonian version underscores how gendered power is central to the hero making process in early Mesopotamian culture. Shamhat, the unnamed "harlot," initiates Enkidu's transformation from wild beast to man, and then from man to hero, not through brute force, but by teaching him to conform to gendered norms of civilization.

      Importantly, civilization here is gendered male: Enkidu must learn to eat bread, drink milk, wear clothes, and accept hierarchy, including the authority of the male king, Gilgamesh. This socialization is mediated by a woman, but it ultimately renders women peripheral once male heroism is established. Even when Enkidu and Gilgamesh bond, it is through violent competition and mutual respect, culminating in a moment where Enkidu prevents Gilgamesh from pursuing the goddess Išhara, framing love or femininity as a threat to masculine heroic purpose.

      Clay and Jastrow’s 1920 translation reflects early 20th century ideas about gender and morality. Their diction treats the "harlot" with subtle moral judgment, while placing more noble framing around the “mighty hunter” Enkidu. The translation also shows a preference for structured, formalized syntax, which reinforces the patriarchal lens through which the epic was interpreted at the time.

    1. Original Language Title: Phèdre et Hippolite

      This image of Phaedra and Hippolytus reflects the central conflict of Euripides’ tragedy: Phaedra’s desire and Hippolytus’ resistance. Phaedra embodies passion, shame, and transgression. Hippolytus, in contrast, who represents purity, self-control, and loyalty especially to Artemis. Phaedra’s speech is described in terms of “madness,” “disease,” or “frenzy,” while Hippolytus’ refusal is couched in terms of “virtue” and “nobility.” The politics of language preserve a worldview where male strength lies in resisting women, casting the hero as morally elevated only through female exclusion.

      © 2025 Melinessa Louis Douze. Licensed under Creative Commons Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)

    2. Phaedra and Hippolytus

      In Phaedra, gender roles are central to the tragedy, especially through the contrast between Phaedra's forbidden desire and Hippolytus's proud purity. Phaedra is portrayed as emotionally and sexually unstable, her desire treated as both dangerous and shameful. Her downfall reinforces patriarchal views where female sexuality must be hidden or punished. Meanwhile, Hippolytus's heroism lies in his control and rejection of passion, fitting the Greek ideal of masculine virtue. rational, proud, and emotionally restrained. Compared to Sita Sings the Blues, Phaedra is a woman destroyed by her feelings, while Sita is a woman silenced by social duty but both are trapped in male-dominated systems that define a hero through emotional suppression or moral superiority. Sita, especially in Paley's version, is allowed to speak back, while Phaedra's voice leads to her ruin.

      © 2025 Melinessa Louis Douze. Licensed under Creative Commons Attribution 4.0 International (CC BY 4.0).

    1. Let him be equal to his (Gilgamesh's) stormy heart,let them be a match for each other so that Uruk may find peace!

      By crafting Enkidu to match Gilgamesh’s “stormy heart,” the gods frame male power as something wild, aggressive, and potentially dangerous unless checked by another man of equal force. The word “stormy” conveys emotional turbulence, suggesting that admired manhood in Mesopotamian culture was intense, unpredictable. Peace in Uruk is imagined not as communal cooperation but as the result of two men clashing until balance is achieved. This emphasis on physical struggle reflects a patriarchal worldview where masculinity is proven by combat and domination.

      © 2025 Melinessa Louis Douze. Licensed under Creative Commons Attribution 4.0 International (CC BY 4.0)

    2. arlot said to Enkidu:"You are beautiful," Enkidu, you are become like a god.Why do you gallop around the wilderness with the wild beasts?Come, let me bring you into Uruk-Haven,to the Holy Temple, the residence of Anu and Ishtar,the place of Gilgamesh, who is wise to perfection,but who struts his power over the people like a wild bull."What she kept saying found favor with him.Becoming aware of himself, he sought a friend.Enkidu spoke to the harlot:"Come, Shamhat, take me away with youto the sacred Holy Temple, the residence of Anu and Ishtar,the place of Gilgamesh, who is wise to perfection,but who struts his power over the people like a wild bull.I will challenge him ...Let me shout out in Uruk: I am the mighty one!'Lead me in and I will change the order of things;he whose strength is mightiest is the one born in the wilderness!"[Shamhat to Enkidu:]

      The harlot’s invitation is an important turning point because it shows a woman actively guiding the male hero’s path rather than existing only as a passive figure. Shamhat uses sexuality as a form of persuasion, but the translation’s choice of the word “harlot” colors her power with moral suspicion, echoing patriarchal anxieties about female influence. Instead of being merely an object of desire, she functions as a bridge between wilderness and civilization, embodying beauty, culture, and religious order. This suggests that female sexuality is not only potent but also necessary for shaping male strength into socialized heroism. Enkidu’s willingness to follow her into Uruk and challenge Gilgamesh shows that the epic constructs heroism as relational male power defined in response to both female influence and urban culture. Unlike the Ramayana, where Sita embodies loyalty and sacrifice, Shamhat’s role is active and influential, showing how Mesopotamian traditions allowed women to act as agents of transformation, even if through sexuality framed as “dangerous.” The language of translation here is crucial: by choosing “harlot,” the text imposes judgment on Shamhat, reinforcing a patriarchal reading that might not fully capture her cultural role as a temple courtesan.

      © 2025 Melinessa Louis Douze. Licensed under Creative Commons Attribution 4.0 International (CC BY 4.0).

    1. Phineus, according to the ancient legend, was delivered from the Harpies by the Boreades;[6] and it is related by Apollonius (xi. 317) that, after his deliverance, he prophesied, and foretold to the Argonauts the successful issue of their enterprise. In accordance with the spirit of the age, which linked together the successive conflicts between Europe and Asia, the expedition of the Argonauts, with that of the Hellenes against Ilium, is associated, by Herodotus, with the Persian ​war: Æschylus would probably give greater scope to the prophecies of Phineus, and would thus have an opportunity of carrying back the imagination of the audience to the traditionary commencement of the great struggle which had recently been brought to so glorious a termination. Thus, according to Welcker, the mythological drama of Phineus would form a kind of prophetic prelude to the historical drama of 'The Persians.'

      Camron Newcomb

      CC BY-NC-SA 4.0

      The figure of Phineus, a blind prophet saved by male heroes (the Boreades) and rewarded with the masculine coded power of foresight reveals the way heroism is constructed through patriarchal intervention. In both Apollonius and the dramatized version by Aeschylus, Phineus is repositioned from a victim to a hero via male deliverance. Notably, the Harpies female monsters, represent chaos and disruption that must be tamed by male force, reinforcing traditional gender binaries where femininity is aligned with disorder, and masculine action with order and divine favor.

      In this context, The Persians uses Phineus as a mythic prologue to set up Xerxes's downfall as a failure to embody the virtues of Hellenic masculinity: discipline, moderation, and obedience to divine will. Aeschylus contrasts the heroic male ideal of prophecy (Phineus, Darius) with the failed heroism of Xerxes, whose excessive ambition marks a deviation from the masculine ideal and leads to ruin.

      Comparing this version of The Persians (as interpreted through 19th century scholarship like Plumptre’s) with Robert Auletta’s modern adaptation (1993) shows how gender is reframed over time. While Plumptre’s translation emphasizes stoic, hierarchical masculinity in line with Victorian values, Auletta’s contemporary version inserts more emotional vulnerability into Xerxes, complicating the classical heroic ideal. This shows how gender expectations shift with culture and time, revealing translation as an act of ideological transmission, not just linguistic rendering.

    1. The Persian dames, with many a tender fear,     In grief's sad vigils keep the midnight hour;     Shed on the widow'd couch the streaming tear,     And the long absence of their loves deplore.     Each lonely matron feels her pensive breast     Throb with desire, with aching fondness glow,     Since in bright arms her daring warrior dress'd     Left her to languish in her love-lorn wo.

      Camron Newcomb CC BY-NC-SA 4.0

      This lyrical passage from The Persians offers a striking contrast between heroic masculinity and feminine suffering, deeply encoded in the gender politics of ancient Greek tragedy. The women are defined not by their own actions but by the absence of their men, reinforcing a binary where male heroism exists on the battlefield while female identity is rooted in passive emotional endurance.

      The imagery “widow’d couch,” “pensive breast,” and “love lorn woe” frames these women as emotional vessels, symbolically tethered to the physical and martial exertions of men. Their suffering is romanticized and gendered, grief is feminized, domestic, and private, while heroism is masculinized, public, and glorified. This pattern reveals how female subjectivity is subordinated to the narrative arc of the male hero, echoing patriarchal ideologies.

      From a linguistic standpoint, the poetic diction emphasizes emotional melodrama and uses bodily metaphors ("throb," "streaming tear") to anchor femininity in physical vulnerability. In contrast, men are described earlier in the text through martial ornamentation: “blazing with gold,” “proud steeds,” “massy spears,” etc. The translation here (Robert Potter’s 1777 version) clearly reflects the 18th century lens, romanticizing grief in highly gendered Victorian prose, potentially amplifying the patriarchal dimensions more than Aeschylus himself might have done in the original Greek.

      Comparatively, this portrayal of women mirrors Sita’s position in The Ramayana and Soudabeh’s emotional manipulation in Shahnameh. In both cases, women are symbols of honor, temptation, or mourning, rather than autonomous actors. Meanwhile, male heroes like Rama, Siavash, and Beowulf embody courage through sacrifice and public duty, reaffirming a cultural pattern that links masculinity to action and femininity to reaction.

      This annotation demonstrates how epic and dramatic literature across cultures constructs gendered heroism by emotionally loading female grief and idealizing male war-making. The juxtaposition deepens our understanding of how literary canon preserves, and sometimes critiques patriarchal hero myths.

    1. Of earls o’er the earth have I had a sight of 60 Than is one of your number, a hero in armor; No low-ranking fellow4 adorned with his weapons, But launching them little, unless looks are deceiving, And striking appearance. Ere ye pass on your journey As treacherous spies to the land of the Scyldings 65 And farther fare, I fully must know now What race ye belong to.

      Camron Newcomb

      CC BY-NC-SA 4.0

      In this scene, the Danish coast guard stops Beowulf’s ship and immediately identifies one of the Geats (Beowulf himself) as an extraordinary figure: “Never a greater one / Of earls o’er the earth have I had a sight of.” This response not only reflects the cultural idealization of the hero’s physical appearance, but also reinforces how masculinity is visually constructed and recognized in warrior societies. The coast guard reads Beowulf’s armor, stature, and composure as clear signs of high status and heroic capability, connecting external form with internal worth, a hallmark of the gendered construction of the hero in epic literature.

      The linguistic emphasis on “hero in armor,” “low ranking fellow,” and “striking appearance” shows that visual markers of masculinity, armor, weapons, height, posture are treated as symbolic credentials, establishing heroic identity before action even begins. This reveals a form of performative masculinity, where being seen as a man and a hero is almost as important as actually acting like one. The narrative rewards the ability to appear heroic even before deeds confirm it.

      From a gender politics standpoint, this reinforces a patriarchal worldview where male bodies are not only expected to perform heroism but also to embody it visually a privilege and pressure that aligns with martial and aristocratic ideals of masculinity. Female figures, by contrast, are often rendered invisible or are not physically described unless tied to beauty or emotional traits, emphasizing how gender roles are linguistically and culturally encoded in unequal ways.

      Comparatively, this construction mirrors figures like Rama in the Ramayana, whose beauty and bearing identify him as dharmic, or Siavash in Shahnameh, whose dignity and divine aura precede his moral trials. Each reinforces how masculinity and the heroic ideal are visually coded across traditions, reflecting the shared patriarchal values of ancient epic literature.

    1. The Characters that are here brought before us seem to be of a mixed Nature, made up of a purely Mythological Personage united with one or more of the Heroes of traditional History : but so confused and contradictory and anachronous are the Accounts, or rather Legends, that any Attempt to separate the Mythological Portion so as to extract a sober His tory from such Materials must, I think, prove only a futile Speculation and a W^aste of Ingenuity. Such a mixed Personage I conceive is Beowulf himself the Hero of our Tale

      Camron Newcomb CC BY-NC-SA 4.0

      This early commentary on Beowulf draws attention to the composite nature of its protagonist, a "mixed Nature" figure blending myth and historical legend. Importantly, it hints at the constructed ideal of the heroic masculine figure, shaped by cultural memory, mythic exaggeration, and evolving political ideologies. Beowulf is positioned here as a man whose identity is not only historical or literary, but mythological, molded to meet the gender expectations of the societies that retold his story.

      From a gendered lens, this portrayal reinforces a masculine heroic archetype rooted in supernatural achievement. By emphasizing “supernatural Character” over mortal vulnerability, Beowulf is gendered as more than man, he is mythologized masculinity, capable of performing feats that symbolize the ultimate virtues of patriarchal societies: strength, courage, conquest, and leadership.

      Linguistically, the passage’s formal register (“futile Speculation,” “mixed Personage”) reflects the Victorian scholarly tone, but also subtly upholds patriarchal values by assuming the centrality of male heroism as the proper subject of epic literature. The gender invisibility of women in both the narrative and its analysis further underlines the male-dominated interpretive tradition in early philology and mythology.

      Comparatively, Beowulf as a mythologized male hero aligns with Feridoun in Shahnameh, Rama in Ramayana, and Siavash in Persian mythology. All are men elevated to semi-divine status, reinforcing a cultural preference for men as saviors, kings, and spiritual ideals. This canonization of male figures obscures feminine agency and often reinterprets communal or spiritual archetypes through a gendered lens of masculine dominance.

  3. www.arcjournals.org www.arcjournals.org
    1. Siavash can also be seen among those gods who are drawn to earth to carry out theirduty. Siavash story is a myth of the indigenous people of this land that after the arrival of Arianimmigrants and over time has lost its sanctity and old nature, but due to its association with thepractical life of the community is still in the context of the community the living. The basic motif ofthis story is death and re-life of nature in the form of God on Earth and his martyrdom andregeneration.

      Camron Newcomb CC BY-NC-SA 4.0

      This passage highlights Siavash’s mythological role as a “vegetation god” figure, symbolizing death and rebirth, a motif deeply tied to cycles of nature and agricultural fertility. In terms of gender politics, Siavash embodies a masculine hero archetype, whose sacrificial martyrdom and regeneration reflect culturally constructed ideals of male heroism, where strength is paired with self sacrifice for communal renewal.

      Linguistically, the text frames Siavash as a divine masculine figure “drawn to earth to carry out their duty,” emphasizing active male agency and responsibility. The repeated focus on “martyrdom and regeneration” underscores a cultural valorization of male suffering as necessary for social and cosmic balance. This resonates with the patriarchal worldview of ancient Iranian and surrounding societies, where heroic masculinity is defined by endurance, sacrifice, and regeneration.

      Moreover, the narrative subtly contrasts Siavash’s enduring symbolic vitality with the loss of “sanctity and old nature” following Aryan immigration, which may reflect the cultural and linguistic layers imposed by successive translators and editors, each influencing the gendered portrayal according to their historical context. For example, earlier texts may emphasize Siavash’s divine qualities, while later versions humanize him, aligning heroism with mortal virtues.

      Comparatively, this construction of Siavash parallels other vegetation gods like Tammuz and Osiris, where masculine death and rebirth cycles serve as metaphors for heroic masculinity, blending divine and human traits. Unlike many epic female figures who embody passivity or relational roles, Siavash’s heroism is active and sacrificial, a key marker of masculine ideals across cultures.

    1. But Kaweh cried, "Not so, thou wicked and ignoble man, ally of Deevs, I will not lendmy hand unto this lie," and he seized the declaration and tore it into fragments andscattered them into the air. And when he had done so he strode forth from the palace, andall the nobles and people were astonished, so that none dared uplift a finger to restrainhim.

      Camron Newcomb CC BY-NC-SA 4.0

      In this pivotal moment, Kaweh asserts his heroic masculinity through fearless defiance against the Shah’s corrupt authority. His refusal to “lend [his] hand unto this lie” marks a bold moral stance, positioning him as a masculine ideal rooted in honor, integrity, and resistance to tyranny. The physical act of tearing the declaration symbolizes the rejection of false authority and the destructive power of oppressive patriarchy embodied by Zohak’s regime.

      Linguistically, the choice of words, “wicked,” “ignoble,” and “ally of Deevs”, reflects a clear moral binary tied to gendered power, Kaweh embodies righteous masculinity, while the Shah and his associates are cast as corrupt and weak. The narrative empowers Kaweh’s masculine agency, highlighting his ability to act alone and command respect (“none dared uplift a finger to restrain him”), underscoring patriarchal values that prioritize male leadership and courage.

      Comparatively, other versions of this story and adaptations may soften or amplify Kaweh’s defiance depending on the translator’s cultural context and gender politics. For instance, a more modern feminist influenced version might explore Kaweh’s role in a communal or collaborative context, but this traditional version centers on individual male heroism as the driver of social justice. This focus parallels other epic heroes like Gilgamesh or Beowulf, where masculinity is inseparable from heroic authority and moral righteousness.

    1. The tablet was identified by Dr. Arno Poebel as part of the Gilgamesh Epic; and, as the colophon showed, it formed the second tablet of the series. He copied it with a view to publication, but the outbreak of the war which found him in Germany—his native country—prevented him from carrying out this intention.20 He, however, utilized some of its contents in his discussion of the historical or semi-historical traditions about Gilgamesh, as revealed by the important list of partly mythical and partly historical dynasties, found among the tablets of the Nippur collection, in which Gilgamesh occurs21 as a King of an Erech dynasty, whose father was Â, a priest of Kulab.22

      Camron Newcomb

      CC BY-NC-SA 4.0

      This passage presents Gilgamesh not just as a mythical hero, but as part of a historically rooted dynastic tradition, with his lineage traced through a priestly father. This connection between priesthood and kingship reflects how masculine authority in ancient Mesopotamian heroism is both divine and hereditary. Heroism is gendered male from its very origin, the right to rule and to be remembered is passed from man to man, sanctified by both blood and religion.

      Interestingly, while Langdon's translation was significant in making this version accessible, later scholars (like Clay and Jastrow) criticized it for errors and misreadings, many of which reinforce patriarchal norms through selective emphasis. Langdon frequently positions Gilgamesh’s actions in a romanticized light, elevating masculine conquest and omitting or downplaying the influence of female characters like Shamhat or Ninsun.

      Linguistically, this version contributes to the gendered image of the hero through epithets like “builder of walls” or “conqueror,” aligning Gilgamesh with male coded acts of power and civilization. The omission of female influence in Langdon’s translation suggests not only a flaw in scholarship but a reflection of early 20th century gender norms, where masculinity was seen as synonymous with leadership, and femininity as peripheral or subversive.

    1. Then Piran led Siawosh before Afrasiyab. And when Afrasiyab saw him, he rejoiced at his strength and his beauty, and his heart went out towards him, and he embraced him, and spake, saying-
      • The virtues highlighted—self-control, generosity and other higher principles of life.
      • Hospitality emphasized through the Persian understanding of giving gifts—communicating the ideas of returning honor.
      • Patriarchal ideas of male lineage formulate cultural alliances while women are seen as diplomatic instruments.
    2. Then Siawosh called before him a scribe, and wrote a letter, perfumed with musk, unto Kay-Kavous his father. And when he had invoked the blessings of Heaven upon his head, he told him all that was come to pass, and how he had conquered the foes of Iran. And Kay Kavous, when he had read the letter, rejoiced, and wrote an answer unto his son, and his gladness shone in his words, and you would have said it was a letter like to the tender green of spring.
      • the ethical virtues of pietas are displayed in Siawosh’s devotion. Ritual respect understood from the perfumed letters to show adherence to the cultural order.
      • Yet again, loyalty and honesty are highlighted, along with diplomacy
      • “Tender green of spring”—refers to a metaphor for the joyand prospering of righteousness. This is a shift into the emotionaspects of the character.
    3. Now when they were come there they rested them a while, and feasted in the house of Zal. And while they revelled there came out to join them riders from Cabul and from Ind, and wherever there was a king of might he sent over his army to aid them. Then when a month had rolled above their heads they took their leave of Zal and of Zabolestan, and went forward till they came unto Balkh. And at Balkh the men of Turan met them, and Garsivaz, the brother of Afrasiyab, was at their head. Now when he saw the hosts of Iran, he knew that the hour to fight was come. So the two armies made them in order, and they waged battle hot and sore, and for three days the fighting raged without ceasing, but on the fourth victory passed over to Iran.
      • There is divine disfavor here—kingship is seen with Iran’s moral victory. Zoroastrian ideals are embedded in the religious perspective—truth and what it means to be righteous over ideas of evil. Courage and discipline are placed over Garsivaz’s loyalty to Afrasiyab because it supports the wrongdoing.
      • There are geographical and symbolic Persians rhymthmic prose utilized in words like— balkh and Zabolestan.
      • In regards to the patriarchal status, kings are the center of all power. There are emphasis on authority and succession.
    1. MESSENGER. O queen, our whole disaster thus befell, Through intervention of some fiend or fate— I know not what—that had ill will to us.
      • This reinforces the central tragic theme of the entire play—It is a cosmic casualty. All disaster is referred to the divine hand of the gods bringing about judgement upon the pride of the people. The belief are purely Greek in their expressions, especially in how they understood pride to be dealt with the most shameful judgement.
    2. ATOSSA. Nay, we were worsted by an unseen power Who swayed the balance downward to our doom! MESSENGER. In ward of heaven doth Pallas’ city stand. ATOSSA. How then? is Athens yet inviolate?
      • The scale of the slaughter conveyed. This is seen as an act of divine judgement for the Persians.
    3. MESSENGER. O walls and towers of all the Asian realm, O Persian land, O treasure-house of gold! How, by one stroke, down to destruction, down, Hath sunk our pride, and all the flower of war That once was Persia’s, lieth in the dust! Woe on the man who first announceth woe— Yet must I all the tale of death unroll! Hark to me, Persians! Persia’s host lies low. CHORUS. O ruin manifold, and woe, and fear! Let the wild tears run down, for the great doom is here! MESSENGER. This blow hath fallen, to the utterance, And I, past hope, behold my safe return! CHORUS. Too long, alack, too long this life of mine, That in mine age I see this sudden woe condign!
      • The hyperbolic opening to set the scene of the destress and mood.
    4. But now there are none to gainsay that the gods are against us; we lie Subdued in the havoc of wreck, and whelmed by the wrath of the sky! Enter XERXES in disarray. XERXES. Alas the day, that I should fall Into this grimmest fate of all, This ruin doubly unforeseen! On Persia’s land what power of Fate Descends, what louring gloom of hate? How shall I bear my teen? My limbs are loosened where they stand, When I behold this aged band— Oh God! I would that I too, I, Among the men who went to die, Were whelmed in earth by Fate’s command!

      Xerxes’ Hubris, Emotional Collapse, and Religious Politics In this passage, Xerxes' self-pity and overwhelming despair highlight the destructive power of hubris, a fatal flaw that marks him as an anti-hero. His words “Alas the day, that I should fall Into this grimmest fate of all” are drenched in emotional exaggeration, which contrasts sharply with the stoic resilience expected of a leader. This emotional outburst reveals the excessive pride that defines his downfall. Xerxes’ failure to take responsibility for his actions is compounded by his invocation of divine forces: “What power of Fate Descends, what louring gloom of hate?” He attempts to externalize his downfall, seeking to explain the catastrophic loss not as the result of his own hubris or poor leadership, but rather as the manifestation of divine wrath.

      This appeal to the gods is significant in the context of religious politics in Greek tragedies. Xerxes' plea to the gods underscores how divine intervention is often invoked in times of defeat to justify a loss. This religious framing places the divine will at the center of the narrative, portraying Xerxes’ downfall as something beyond human control. However, this is not just a religious explanation, it also serves a political function. By blaming the gods, Xerxes attempts to shield his leadership from scrutiny, redirecting attention away from his own decisions and onto the will of the divine. This invocation of divine punishment mirrors the political context of the time, where rulers would often claim divine favor or wrath to legitimize their actions or explain their misfortunes.

      Xerxes’ emotional breakdown and reliance on divine blame also exemplify the patriarchal mentality of his leadership. In his mind, the gods are punishing him, not because of his failings as a ruler, but because fate is turning against him. This reflection of religious politics reveals how rulers in antiquity often manipulated religious narratives to reinforce their authority. The gods, in this context, are invoked not simply as a spiritual force but as a political tool to justify Xerxes' actions and protect his reputation as king. By invoking divine wrath, he also seeks a sense of absolution, shifting blame away from his own choices and hubris.

      This religious rhetoric, however, only deepens his tragic fall. Instead of demonstrating civic responsibility or personal reflection, Xerxes remains emotionally detached from the consequences of his actions, appealing to higher powers rather than confronting his own leadership flaws. The gods may be invoked, but the lack of accountability on Xerxes’ part only reinforces his status as an anti-hero, a leader undone by his pride and emotional instability, rather than a rational hero capable of taking responsibility for his choices.

    5. And mine own son, unwisely bold, the truth hereof hath proved! He sought to shackle and control the Hellespontine wave, That rushes from the Bosphorus, with fetters of a slave!—

      This passage dramatizes the religious consequences of Xerxes’ arrogance, he dares to “bind the holy Hellespont,” essentially engaging in sacrilegious overreach. The language frames his actions as both politically and theologically misguided. It underscores the religious politics at play. Greek cultural values pit mortal ambition against divine order. Translators emphasize this hubris differently some heighten the moral tone, others soften it. Annotation links divine justice to narrative tragedy.

    1. CAME then from the moor-land, all under the mist-bents,.mw-parser-output .wst-pline{color:#2E8B57;font-size:83%}.mw-parser-output .wst-pline-default2{margin-left:1em}.mw-parser-output .wst-pline-r{float:right;text-indent:0;margin-left:1em}.mw-parser-output .wst-pline-l{float:left;text-align:right;margin-left:-3em;width:2.5em}.mw-parser-output .wst-pline-or{float:right;text-align:right;margin-right:-3em;width:2.5em}.mw-parser-output .wst-pline-n{font-style:normal}.mw-parser-output .wst-pline-i{font-style:italic}710Grendel a-going there, bearing God's anger.The scather the ill one was minded of mankindTo have one in his toils from the high hall aloft.'Neath the welkin he waded, to the place whence the wine-house,The gold-hall of men, most yarely he wistWith gold-plates fair colour'd; nor was it the first timeThat he unto Hrothgar's high home had betook him.Never he in his life-days, either erst or thereafter,Of warriors more hardy or hall-thanes had found.Came then to the house the wight on his ways,720Of all joys bereft; and soon sprang the door open,With fire-bands made fast, when with hand he had touch'd it;Brake the bale-heedy, he with wrath bollen,The mouth of the house there, and early thereafter On the shiny-fleck'd floor thereof trod forth the fiend;On went he then mood-wroth, and out from his eyes stoodLikest to fire-flame light full unfair.In the high house beheld he a many of warriors,A host of men sib all sleeping together,Of man-warriors a heap; then laugh'd out his mood;730In mind deem'd he to sunder, or ever came day,The monster, the fell one, from each of the men thereThe life from the body; for befell him a bodingOf fulfilment of feeding: but weird now it was notThat he any more of mankind thenceforwardShould eat, that night over. Huge evil beheld thenThe Hygelac's kinsman, and how the foul scatherAll with his fear-grips would fare there before him;How never the monster was minded to tarry,For speedily gat he, and at the first stour,740A warrior a-sleeping, and unaware slit him,Bit his bone-coffer, drank blood a-streaming,
      • Grendel is seen as the divine wrath upon the people, a curse thing. The Christian ideas of punishment and the permission of human trials by God. Grendel’s evils are condemned for killing innocent warriors. This is also emphasized by the Gummere rendition (https://studylib.net/doc/9435792/file?utm_source=chatgpt.com). Both capture the theological imagery and how the medieval scribes would have understood or edited the story to fit their culture.
    1. Hail to thee, Hrothgar! I am of HygelacKinsman and folk-thane; fair deeds have I manyBegun in my youth-tide, and this matter of Grendel409On the turf of mine own land undarkly I knew.'Tis the seafarers' say that standeth this hall,The best house forsooth, for each one of warriorsAll idle and useless, after the even-lightUnder the heaven-loft hidden becometh.
      • “undarkly” an old English diction meaning—clear. This provides and archaic hue by the author.
    1. This blog covers the top UI design trends of 2025 that are redefining digital experiences. From dark mode and AI integration to micro-interactions and minimalist layouts, we cover all the latest UI design trends that focus on usability, emotion, and smarter design. Whether you’re a designer or a business, these insights can help you stay ahead.

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    1. THEN TO THE /tM/iZEMENT OF ALL,THER.E AROSE FROM THE SrftME FIREfl OAR);;;: MIiIDEN. TOO, WliFTIN6 THE FRA6RflNCE OF THE BLUE LOTUSIN BLOOM. ,---lTHE BRAHMANS CHOSE A NAME FOR HER..lA'IRK lINDBEAUTIFULAS SHE 15,LET HER BENAMED ·KRISHNAA.A5THEDAU6HTEROfDRUPADA5HESHALL BECALLEDDRAuPADI.,THI5 GIRL 15 ANEXCEPTIONAL WOMAN.SHE WILL BRINGABOUT THEDESTRUCTION OFTHE KAURAVA5

      Draupadi's emergence from fire, marked by the blue lotus fragrance, symbolizes both divine intervention and a prophetic destiny tied to the destruction of the Kauravas. Her divine origin connects her to sacred forces, framing her actions as part of a cosmic order. In Hindu religious politics, her role in the Mahabharata reflects the gods' will, justifying violent conflict as a means of enforcing divine justice.

      However, Draupadi's quest for vengeance complicates her status as a heroine. While her actions are divinely sanctioned, they blur the line between justice and vengeance, marking her as an anti-hero. Her willingness to destroy in the name of retribution challenges traditional moral boundaries, making her a divine figure acting through violence, not peace.

    1. 'In all this world, I pray thee, who Is virtuous, heroic, true? Firm in his vows, of grateful mind, To every creature good and kind? Bounteous, and holy, just, and wise, Alone most fair to all men's eyes? Devoid of envy, firm, and sage, Whose tranquil soul ne'er yields to rage? Whom, when his warrior wrath is high, Do Gods embattled fear and fly?

      This passage is central to understanding Rama’s heroic and divine qualities, as it is the moment where the text sets the ethical and spiritual standards by which the hero is measured. The list of virtues "virtuous, heroic, true, firm in his vows, good and kind" positions Rama as the epitome of moral perfection. The inclusion of his ability to control his rage highlights the stoic ideal that was highly valued in ancient texts and religious teachings, particularly in Hinduism, where control over one’s emotions and desires is seen as a sign of a higher spiritual state.

      The text also includes a spiritual dimension by noting that when Rama's "warrior wrath is high," even the gods "fear and fly." This establishes Rama not only as an exceptional human hero but also as someone divinely chosen and imbued with supernatural strength. His wrath, while fierce, is framed as a divine weapon, further cementing his role as the divinely appointed ruler and reinforcing the religious nature of his heroism.

      In this sense, Rama’s actions and virtues transcend human limitations, making him both a moral and divine figure, an ideal hero who serves as a model for good governance and spiritual authority. His portrayal here connects him with the gods, suggesting that his heroic qualities are not just earthly but heavenly in their significance.

      This section ties together the religious, political, and heroic dimensions of Rama’s character, and it sets the tone for his divine journey. It also emphasizes the patriarchal ideals that shape his duty as he is not just a man of action but one whose actions are guided by divine will and moral clarity.

    1. he gods heard theirlament, the gods of heavencried to the Lord of Uruk, toAnu the god of Uruk: 'Agoddess made him, strongas a savage bull, none canwithstand his arms. No sonis left with his father, forGilgamesh takes them all

      Enkidu’s creation by Aruru in response to Gilgamesh’s unchecked tyranny embodies religious intervention in hero making. The phrase “a goddess made him” communicates divine redress, introducing Enkidu as a corrective force, or anti-heroic counterpart, governed by spiritual logic. Unlike Gilgamesh’s sanctified rule, Enkidu’s origin underscores the gods’ active role in maintaining cosmic balance. Together, these two figures reflect religious politics in action, heroism is defined not by solitary glory, but through divine checks and relational harmony.

    2. When they saw him so undismayed the Man-Scorpion called to his mate, 'This one who comesto us now is flesh of the gods.' The mate of the Man-Scorpion answered, 'Two thirds is godbut one third is man.'

      The Assyrian and Babylonian/Akkadian versions of Gilgamesh present religious values that are central to their narratives but with notable differences shaped by the translators' cultural and historical contexts. The Assyrian version places a strong emphasis on the king’s semi-divine status and the divine mandate, reflecting a more centralized religious-political ideology. The Babylonian/Akkadian translations, by contrast, highlight the hero's struggle with mortality and divine justice, emphasizing human limits before the gods. Linguistically, the Assyrian translation occasionally uses exalted language to reinforce Gilgamesh’s divine authority, possibly to support the ruler’s legitimacy in Assyrian culture. Meanwhile, the Akkadian versions often reflect a more somber and reflective tone, revealing a nuanced view of human-divine relationships. These differences underscore how religion informs notions of heroism and morality differently in each culture and how translation choices embed the political-religious values of the time.

    1. Synthèse des Injustices Épistémiques en Santé

      Cette table ronde aborde le concept d'injustice épistémique, le définissant comme des injustices dans le domaine de la connaissance, et explore comment ces injustices se manifestent spécifiquement dans le secteur de la santé.

      Les intervenants soulignent le caractère systémique de ces injustices et leur rôle dans la perpétuation des inégalités sociales.

      1. Qu'est-ce que l'Injustice Épistémique ?

      Le terme "épistémique" désigne ce qui a trait à la connaissance. Ainsi, l'injustice épistémique est une injustice qui se produit dans le domaine de la connaissance.

      Elle ne relève pas du hasard mais "reflète les intérêts de certains groupes sociaux par opposition à d'autres groupes sociaux qui auraient d'autres intérêts", entraînant "une surreprésentation des intérêts des groupes dominants et une sous-représentation des intérêts des groupes dominés".

      Plus grave encore, ces inégalités ne sont pas qu'un reflet mais "contribuent également à les perpétuer et à les renforcer".

      Les injustices épistémiques sont profondément ancrées dans des phénomènes sociaux structurants, notamment ceux qui organisent le monde social selon des relations de pouvoir, désavantageant ou marginalisant certains groupes.

      Deux types principaux d'injustices épistémiques sont discutés :

      Injustices testimoniales : Elles concernent la crédibilité accordée au discours d'une personne.

      Un déficit de crédibilité systémique se produit lorsque "on appartient à un groupe social auquel sont associés des stéréotypes négatifs" (préjudices identitaires), ce qui affecte la perception de son discours.

      Par exemple, les femmes sont souvent perçues comme plus émotives ou moins rationnelles, ce qui peut entraîner une minimisation de leurs symptômes médicaux ou de leur témoignage en justice.

      Injustices herméneutiques : Elles désignent la marginalisation d'un sujet dans sa capacité à produire, recevoir ou s'inscrire dans un champ de connaissance.

      Le sujet est "diminué dans sa capacité à recevoir de la connaissance à produire de la connaissance et de manière générale à s'inscrire dans un champ de production et de réception de connaissances".

      Cela se traduit par une difficulté à "comprendre sa propre expérience", notamment face à la maladie.

      Cependant, il est souligné que "au sein de petites communautés de petits groupes par exemple des groupes de paroles des groupes de réunion des groupes même familiaux que le sujet va être le plus à même de produire des connaissances vis-à-vis de son expérience."

      Le concept d'injustice épistémique est présenté comme un "concept vivant extrêmement fertile" qui peut aider à comprendre l'expérience de la maladie et à "se mobiliser face à ça".

      2. Exemples d'Injustices Épistémiques en Santé

      Plusieurs exemples concrets sont fournis pour illustrer ces injustices :

      L'Endométriose : Cette maladie, qui touche environ 10% des femmes, est un cas d'école. Les patientes atteintes d'endométriose subissent des injustices testimoniales et herméneutiques tout au long de leur parcours de soins.

      Déficit de crédibilité : Les douleurs sont souvent "minimisées" ou attribuées à des "causes psychologiques" en raison de préjugés sexistes ("trop douillettes", "tendance à exagérer"). Cela conduit à un délai diagnostique moyen de 7 ans.

      Impact sur la patiente : La patiente peut normaliser ses symptômes ou modifier son comportement (ex: mentir sur des symptômes psychologiques ou des violences sexuelles) pour ne pas perdre en crédibilité.

      Manque de reconnaissance : L'absence de diagnostic spécifique empêche les patientes de "faire sens à partir de leur expérience" et de communiquer sur ce qu'elles vivent.

      Conséquences systémiques : Le manque de recherche sur l'endométriose (qualifiée d' "undone science" car "l'ignorance qu'on a vis-à-vis de l'endométriose bah c'est le résultat de processus structurel culturel politique") est perpétué par la minimisation des témoignages.

      Cela crée un cercle vicieux où "comme il y a pas de recherche sur cette maladie bah c'est une maladie qui est mal connue des médecins qui est mal comprise et du coup les patientes continuent à ne pas être diagnostiqué".

      Scandales sanitaires : La découverte tardive de risques liés à certaines pilules progestatives (méningiomes) illustre comment des témoignages de patientes sur des effets secondaires ont pu être ignorés ou minimisés.

      L'Amiante et les maladies professionnelles : Cet exemple met en lumière les stéréotypes de classe et la difficulté pour les ouvriers de faire entendre leur voix.

      Asymétrie de pouvoir : La reconnaissance d'une maladie professionnelle (ex: cancer broncho-pulmonaire lié à l'amiante) implique une négociation complexe entre patients, médecins et entrepreneurs.

      La loi de 1919 instaure un système de tableaux qui doit prouver le lien entre l'exposition et la pathologie dans un délai donné, ce qui est particulièrement difficile pour des maladies à longue latence comme le mésothéliome (30-35 ans).

      Préjudices identitaires de classe : Les victimes issues de la classe ouvrière manquent souvent du "capital culturel du langage de l'expertise" et des connaissances sur le "bon échiquier" politique pour se faire entendre face aux médecins et entrepreneurs.

      Importance des mobilisations : La reconnaissance de ces maladies a été obtenue grâce à des mobilisations syndicales (comme l'Andeva avec la CGT), démontrant que "toutes les voies ne se valent pas et l'idée c'est de savoir que faire de savoir avec qui les associ avec qui l'associer et comment se situer dans un champ politique".

      Le VIH/SIDA dans les années 90 aux États-Unis : Cet exemple illustre la capacité des patients à se positionner dans un débat épistémique sur les essais cliniques.

      Conflit d'objectifs : Alors que les chercheurs visaient des essais cliniques solides (aveugles, randomisés) pour des résultats fiables, les patients, confrontés à la mort, cherchaient avant tout un accès aux médicaments et à prolonger leur vie.

      Le rôle des "patients experts" : Conscients des réalités du terrain (non-observance des traitements, recours à des médicaments illégaux, participation à plusieurs essais), les patients experts ont démontré l'inefficacité des essais classiques et ont milité pour des méthodes alternatives ("science sale ou impure") qui, bien que produisant des résultats hétérogènes, étaient plus fiables et permettaient aux patients d'accéder aux traitements.

      Reconnaissance des connaissances situées : Cette période a vu la légitimation des "connaissances de terrain" des patients comme "épistémiquement valables" et leur intégration légitime dans le champ épistémique général. Toutefois, il est noté que ces "patients experts" étaient initialement majoritairement "des mecs blancs, joie, gay avec un fort capital économique culturel", excluant de fait d'autres catégories de personnes (femmes, personnes racisées).

      3. Esprit Critique et Résistance aux Injustices Épistémiques

      Le concept d'injustice épistémique est pertinent pour développer un esprit critique et mieux analyser les questions de santé publique.

      Le système de soins et ses tensions : Le système de soins est un "système distribué de connaissances" traversé par des relations de pouvoir.

      Il est marqué par une tension entre son objectif de soin et le fait qu'il est aussi un lieu de "production et de reproduction de validisme et de psychophobie", ainsi que d'autres discriminations (sexisme, racisme, homophobie, transphobie, grossophobie).

      Questions pour l'individu et la société :

      À l'échelle des dispositifs sociaux : Quelles réformes entreprendre pour réduire ces injustices dans le soin ?

      Pour l'individu :

      Comment résister aux injustices épistémiques subies, particulièrement en tant que membre d'une catégorie minorisée ?

      Comment se défendre contre le sexisme, le racisme, le validisme médical, etc. ?

      Attitude personnelle : Comment éviter de reproduire ces injustices envers autrui, sachant que "on contribue tous à ce type d'injustice dans nos interactions avec les autres et ce même lorsqu'on est soi-même dominé socialement" ?

      La défiance envers les institutions de santé : Les injustices épistémiques peuvent expliquer la défiance envers la médecine conventionnelle ou le recours aux thérapies alternatives.

      Raisonnement légitime de la patiente : L'exemple de la femme atteinte d'endométriose montre qu'il est rationnel pour elle de rejeter la parole d'un médecin qui minimise sa douleur, car son expérience directe lui indique le contraire.

      Perte de confiance progressive : Les injustices testimoniales répétées peuvent conduire à une perte de confiance "d'abord probablement concerner un médecin puis les médecins de façon générale puis voir la médecine conventionnelle sur sa maladie voire sur la santé en général".

      Les scandales sanitaires et l'errance diagnostique/thérapeutique renforcent cette défiance.

      Recherche d'alternatives : Les patientes se tournent alors vers des thérapies alternatives ou des communautés de patients en ligne qui offrent "de l'écoute, de l'empathie, une compréhension de son vécu qui ne va pas être minimisée mais qui va être accepté et écouté et pris en compte", ainsi qu'un "partage de savoir" et une "grande crédibilité".

      4. Conclusion et Perspectives

      Les injustices épistémiques sont des "affaires de relations structurelles de pouvoir, de configuration sociale et notamment institutionnelle".

      Il est crucial de dépasser une lecture uniquement individuelle pour comprendre et corriger ces phénomènes.

      Avoir cette "compréhension sociale peut quand même changer des choses à l'échelle individuelle et aussi à l'échelle collective et c'est notamment se donner les moyens de mettre en place des stratégies de résistance épistémique et de justice épistémique".

      Il est souligné que la médecine n'est pas un bloc monolithique d'injustice ; des efforts sont faits (ex: implication des patients experts, initiatives de journaux scientifiques), mais ils restent "minoritaires et beaucoup trop faibles".

      Enfin, la question posée par le public, "des connaissances peuvent-elles être injustes ?", est nuancée par la suggestion que ce sont plutôt les "méconnaissances qui seraient sources d'injustice".

      La réponse insiste sur la nécessité de considérer "ce qui compte socialement comme connaissance à un instant donné" et comment les "savoirs experts qui n'ont pas été produits" ou l'expertise des personnes concernées sont souvent exclus du discours dominant.

    1. Note de synthèse : Le climat incestuel, grandir sous la menace

      Cette note de synthèse explore le concept de "climat incestuel", tel qu'abordé dans le podcast "Un Podcast à soi (61) | ARTE Radio Podcasts".

      Elle vise à éclairer les définitions, les manifestations, les impacts et les controverses autour de cette notion, en s'appuyant sur les témoignages et analyses présentés.

      1. Définition et reconnaissance du "climat incestuel"

      Le "climat incestuel" est une ambiance générale qui s'installe dans une famille, imprégnée de connotations sexuelles et d'une confusion des rôles, sans nécessairement qu'il y ait eu un acte sexuel pénalement répréhensible.

      Comme l'explique la narratrice du podcast : "Cette ambiance générale qui a le parfum de l'inceste mais sans viol ou agression sexuelle sans passage à l'acte pénalement répréhensible."

      • Reconnaissance institutionnelle et sociale : Le terme est mentionné dans le rapport 2023 de la Commission Indépendante sur l'Inceste et les Violences Sexuelles faites aux Enfants (CIIVISE) et circule également sur les réseaux sociaux, témoignant d'une prise de conscience croissante.

      • Difficulté à saisir : Claire Gotha, thérapeute spécialisée, souligne la nature insaisissable de ce climat : "C'est ambiant. Ce n'est pas forcément un fait avéré comme un passage à l'acte incestueux peut l'être...

      Là comme c'est dans l'ambiance familiale il y a pas de fait concret." Cette normalisation au sein de la famille rend d'autant plus difficile pour les victimes de le reconnaître et d'en parler.

      2. Manifestations du climat incestuel

      Les récits de Julie et Nathalie illustrent diverses formes que peut prendre ce climat :

      Sexualisation du langage et de l'environnement :

      • Blagues et commentaires à caractère sexuel : Le père de Julie faisait "beaucoup de blagues de cul" et utilisait des expressions comme "pute vierge", créant un malaise constant. De même, la mère et le père de Louison faisaient des réflexions sexualisées sur la nourriture ("Ah on dirait que tu suces salope").

      • Invasion de l'intimité par la sexualité parentale : Nathalie raconte la présence de cassettes vidéo intimes de ses parents et de revues pornographiques "à hauteur d'enfant".

      Son père se dénudait fréquemment à la maison, exposant son corps, y compris des érections matinales, ce qui mettait Nathalie mal à l'aise et lui donnait un sentiment de "sale".

      Contrôle et sexualisation du corps de l'enfant :

      • Vêtements : Le père de Julie aimait l'habiller, choisissant des tenues moulantes et commentant son corps : "tourne-toi que je vois si ça te fait des belles fesses". Ce contrôle s'étendait à des remarques désobligeantes si les vêtements ne lui plaisaient pas (bruits de vomi).
      • Attouchements et regards : Julie décrit des "petites tapes sur les fesses" de son père, vécues comme de l'affection au début, mais qui se sont avérées dérangeantes. Nathalie se souvient de la fascination de son père pour ses boutons d'acné dans le dos et de câlins "très particuliers" avec frottement de barbe et des mots ambigus.

      Sorna Fall mentionne des "frôlements, des attouchements qui sont pas nécessairement clairement sexuels" et la "sexualisation par le vocabulaire du corps de l'enfant".

      • Regards de concupiscence : Bernard Lampère parle de "regards de concupiscence ou autrement des regards de prédateur" et de "situations ambiguës fabriquées à l'intérieur de la famille."

      Nathalie a constaté que le regard de son père sur son corps d'adolescente était "le même que celui des hommes dehors".

      Parentification et conjugalisation de la relation enfant-parent :

      • L'enfant comme confident ou substitut conjugal : Annie Ferrér, psychologue, explique que la parentification dans un contexte incestuel est "malsaine car érotisée, elle est conjugalisée".

      Les pères peuvent "féminiser" leur fille en les traitant comme des "petites femmes" ou des "petites princesses", avec une "jouissance" et une "possessivité" observables.

      Le père de Julie la disait "la femme de sa vie", lui chuchotait des choses à l'oreille et vantait leur "complicité intellectuelle folle comme si j'étais son égal".

      • Inversion des rôles émotionnels :

      Louison raconte comment, dès 2 ans et demi, elle devait s'occuper émotionnellement de sa mère dépressive, la consoler, lui faire des câlins, et que sa mère lui "volait [ses] émotions".

      Sa mère ne fait "encore aujourd'hui pas de distinction entre nous deux.

      Je suis à la fois sa fille, sa mère, sa sœur, sa psy son amoureuse." * Intrusion et absence de limites :

      • Violation de l'intimité physique : Julie se souvient de son père lui demandant de le laver dans son bain alors qu'elle était trop grande, ou de son père qui, en la surprenant en peignoir, lui dit "Oh pardon je t'ai prise pour ta mère. J'étais à deux doigts de t'enculer."

      Le père de Louison mettait ses doigts dans sa bouche si elle bâillait ou dans sa braguette ouverte.

      • Violation de l'intimité spatiale et psychique : Nathalie décrit l'omniprésence de son père qui "occupait tout l'espace" et entrait chez elle sans s'annoncer.

      Elle explique également comment la psyché de l'enfant peut être "envahie d'images sexuelles concernant les parents même si c'est que du discours".

      3. Conséquences et impact sur les victimes

      Le climat incestuel a des répercussions profondes et durables sur les victimes :

      • Malaise et confusion : Les victimes ressentent souvent un malaise sans pouvoir l'identifier clairement.

      Julie se souvient de la photo de son père l'habillant : "est-ce que c'est une belle photo ? oui c'est une belle photo mais elle me met mal à l'aise. C'est pas tout à fait une photo d'enfant."

      Elle a souvent une "sensation sans mots ou sans émotion vraiment déterminer un truc de quand même c'est bizarre".

      • Doute de soi et culpabilité : Les victimes peuvent se sentir "folles" ou "prudes" comme Julie.

      Le père de Julie, confronté à son malaise, a répondu "Ma fille est une prude ma fille est frigide.

      Vas-y dis-le que je suis un pédophile." Ce qui a créé une "sidération" chez Julie, car "techniquement parlant objectivement parlant il y a rien."

      • Problèmes relationnels et psychologiques : Nathalie a eu "trois relations longues avec différents types de violences" et a développé des problèmes de consommation de drogue et des "hallucinations la nuit". Les conséquences sont "très graves".

      • Difficulté à rompre le silence : Le silence est omniprésent dans les familles concernées.

      La mère de Louison, elle-même victime, lui a dit "Ah non je peux pas te le dire parce que je le pense pas" quand Louison lui a demandé de lui dire que ce qu'elle avait subi n'était pas de sa faute.

      • Normalisation de l'anormalité : Les enfants grandissant dans un climat incestuel peuvent normaliser des comportements inappropriés, comme les blagues de cul et les attouchements déplacés lors des repas de famille décrits par Louison : "je me disais pas c'est normal Et je me disais pas c'est pas normal je me disais juste rien."

      • Dévoiement de la fonction parentale : Le climat incestuel représente "le dévoiement de la fonction de responsabilité en fonction de pouvoir".

      L'enfant est au "service du parent y compris psychiquement", sans "place pour son altérité psychique, physique, émotionnelle, sexuelle". * Détachement émotionnel : Louison exprime ne pas ressentir de colère envers ses parents, ce qu'elle considère comme "pas bon signe", indiquant une incapacité à exprimer cette émotion envers les auteurs de la violence.

      4. Controverses et analyses expertes

      Le lien entre climat incestuel et inceste avéré :

      • Dorothée Dussy, anthropologue, affirme : "S'il existe un climat incestuel il y a toujours un ceste quelque part."

      Et "Si tu avais pas peur qu'il te touche c'est que tu as pas été socialisé avec d'autres autour de toi qui étaient violés Si tu as eu cette peur c'est parce que tu as été imprégné de la peur d'autres autour de toi qui eux vivaient de la violence sexuelle."

      • Julie a compris "mon père fantasme sur moi. Je savais bien qu'il y avait un truc. C'est pas parce que il y a pas eu viol qu'il y avait rien. Je le sais sans le savoir." La découverte d'une nouvelle érotique écrite par son père la décrivant a été une confirmation.
      • La découverte de Nathalie que sa cousine avait tenté de parler de ce qui s'était passé avec son père a renforcé sa décision de couper les ponts, malgré l'absence d'actes avérés sur elle.
      • Critique de l'origine du concept de "climat incestuel" :
      • La psychologue féministe Annie Ferrand préfère les termes de "harcèlement sexuel environnemental" ou "harcèlement sexuel par inceste". Elle critique l'utilisation du terme "climat incestuel" mis en lumière par le psychanalyste Paul Claudra Camier dans les années 80, qui "pointe du doigt quasi exclusivement les mères".
      • Cette théorie s'inscrit dans le prolongement de Freud et Lacan, décrivant la relation mère-enfant comme "naturellement narcissique et trop fusionnelle nécessitant l'intervention du père protecteur et opérateur de diffusion".
      • Ferrand dénonce la projection sur l'enfant d'allégations fausses (complexe d'Œdipe, "petit pervers polymorphe") par Freud pour "effacer la responsabilité des pères".
      • Bien que les mères puissent participer à un climat incestuel (environ 4% des violences sexuelles), Annie Ferrand souligne que leur intention est souvent "post-traumatique" et non "premièrement sexuelle", les mères étant envahies par "la colonisation par l'agresseur".

      La complaisance sociale et l'impunité :

      • Le fait de commettre des actes incestuels "en public" est une stratégie de l'agresseur pour "neutraliser les témoins" et établir une "emprise totale sur les victimes".

      Les témoins silencieux envoient le message que "jamais personne n'interviendra".

      • L'impunité est un "facteur de reproduction à l'infini des violences". Le climat incestuel se caractérise par des comportements qui ne rencontrent même pas le "reproche social".

      5. Chemins de résilience et de prévention

      • Briser le silence : Julie a changé son nom et utilise désormais le mot "inceste" pour parler de son expérience, car elle veut que ce soit "pris au sérieux" et "symboliquement correspond à ce que j'ai vécu".
      • Poser des limites : Louison, bien qu'incapable de couper les ponts, essaie de poser des limites claires et en parle à des amis pour "maintenir un lien avec le monde extérieur" et éviter de "retomber dans ce magma".
      • Reconnaître le malaise : Le podcast insiste sur l'importance de "s'autoriser à dire ce qu'on trouve gênant ce qu'on trouve étrange s'autoriser à le penser aussi".

      • Écouter les enfants et valider leurs perceptions :

      Il est crucial de renvoyer aux enfants qu'ils ont "le droit sur leur propre corps" et de "soutenir les enfants par un commentaire sur le fait 'Oh tu as pas l'air de trouver ça tellement drôle ou tu as pas l'air d'aimer tellement quand tonon fait ça et cetera.'".

      Les victimes ont des "antennes hyper affutées" et leurs perceptions sont souvent justes. * Ne pas confondre égalité et absence de responsabilité : Sorna Fall met en garde contre l'idée que "si adulte et enfant pouvait se parler d'ego à ego tout irait mieux", car cela néglige les "spécificités de l'enfant, des vulnérabilités d'enfant, des sensibilités de l'enfant". L'adulte a une "responsabilité supérieure".

      En conclusion, le "climat incestuel" est une réalité complexe et souvent insidieuse qui marque durablement les victimes.

      Sa reconnaissance et sa compréhension sont essentielles pour briser le silence, permettre aux victimes de se reconstruire et prévenir ces violences.

    1. Jacques Rancière : L'Émancipation Intellectuelle Aujourd'hui - Synthèse et Analyse Ce document de synthèse présente les thèmes principaux et les idées essentielles développées par Jacques Rancière dans son exposé sur "L'émancipation intellectuelle aujourd'hui", en s'appuyant sur des citations directes pour éclairer ses propos.

      Introduction à la Conférence : La Schizophrénie du Formateur et le Lien au Travail Social L'introduction de la conférence par Élisabeth Lefort établit d'emblée un pont entre la théorie universitaire et la pratique concrète du travail social, notamment en évoquant la difficulté d'allier sa formation universitaire et ses fonctions de cadre de formation. Elle utilise deux "vignettes cliniques" pour illustrer les problématiques de l'inégalité intellectuelle et de la domination pédagogique.

      Vignette Clinique 1 : Madame P et la Langue Maternelle (1990) Madame P, immigrée vietnamienne, est convoquée à l'école de sa fille de 3 ans, qui ne parle pas en classe. La directrice insiste sur la nécessité de parler français à la maison pour éviter un retard scolaire, malgré le fait que Madame P exprime ses sentiments en vietnamien. Cette vignette met en lumière la pression institutionnelle à l'uniformisation linguistique et la négation d'une identité et d'un savoir situés.

      Vignette Clinique 2 : Madame T et le Multilinguisme (2010) Madame T, postdoctorante turque maîtrisant cinq langues, est confrontée à une situation similaire concernant son fils de 3 ans à Bruxelles. La directrice de l'école s'inquiète de son isolement et du fait qu'il ne parle que le turc à la maison. Cependant, Madame T réfute les arguments de la directrice en citant des études scientifiques prouvant les avantages du multilinguisme. Cette vignette illustre la persistance de la "relation pédagogique écrasante" malgré l'évolution des contextes sociaux et des niveaux d'éducation des mères.

      Ces deux situations, séparées par vingt ans, sont présentées comme des manifestations d'une même "relation pédagogique écrasante qui s'exprime et qui nie des identités et des savoirs situés". Elles servent de point de départ pour introduire la pensée de Jacques Rancière, et plus particulièrement sa thèse de "l'égalité des intelligences" tirée de son œuvre "Le Maître ignorant".

      La Pensée de Joseph Jacotot et la Subversion de l'Ordre Éducatif Jacques Rancière, en réponse à l'introduction, souligne la nature paradoxale de sa conférence au sein d'une institution éducative, lui qui a toujours affirmé que "aucune institution n'émancipe jamais personne". Il se propose d'éclaircir la pensée de Joseph Jacotot (années 1820-1830), souvent perçu comme un pédagogue excentrique, mais dont les idées sont une "provocation radicale à l'égard de tout un ordre des choses et des pensées, un ordre à la fois intellectuel et politique".

      La Logique Pédagogique comme Instrument d'Ordre Social Jacotot s'inscrit dans un contexte post-révolutionnaire où l'instruction est envisagée comme un moyen de "achever la révolution", c'est-à-dire de mettre fin au désordre tout en accompagnant le progrès. La pédagogie devient un modèle pour la société : "l'exercice de l'autorité des maîtres et la soumission des élèves n'a pas d'autre but en principe que la progression des élèves aussi loin qu'ils peuvent aller". L'instruction est vue comme un moyen de former les élites et de "gouverner la société par les gens instruits", tout en offrant au peuple les connaissances "nécessaires et suffisantes" pour s'intégrer pacifiquement. Cette approche présuppose une progression sage et adaptée au "niveau d'intelligence supposé un peu primitive ou un peu frustre" du peuple.

      La Thèse Jacotiste : L'Égalité n'est pas un But, mais un Point de Départ La rupture radicale de Jacotot se résume par l'affirmation suivante : "La distance que l'école et la société pédagogisée font formé à son modèle prétendent réduire est en réalité la distance dont elles vivent et qu'elle ne cesse de reproduire." L'égalité n'est pas un résultat à atteindre en réduisant l'inégalité, mais une "opinion fondamentale" ou un point de départ. L'inégalité n'est pas un état de fait, mais une "position de principe" de la logique pédagogique.

      L'Explication : Vecteur de l'Abroutissement L'acte pédagogique fondamental, l'explication, est dénoncé par Jacotot. Il ne s'agit pas seulement d'une procédure pratique, mais d'une métaphore de la relation inégalitaire : "l'explication se donne un petit peu comme l'espèce de procédure qui va un petit peu lever le voile... mais en même temps euh disons on va disons mettre cette connaissance à sa place dans la totalité du savoir et on va la délivrer bah au bon moment quoi." L'explication, en prétendant combler un défaut de savoir, "construit et reproduit continuellement la présupposition inégalitaire fondamentale", en postulant deux intelligences : une "inférieure" (celle de l'ignorant, de l'enfant, de l'homme du peuple) et une "supérieure" (celle du maître qui détient le savoir et sait comment l'apprendre). Ainsi, "la transmission du savoir est donc toujours en même temps transmission du sentiment de l'inégalité des intelligences", processus que Jacotot nomme "abrutissement".

      L'Émancipation : La Conscience d'une Capacité Intellectuelle Égale pour Tous L'émancipation, à l'opposé de l'abrutissement, est un acte positif : "la prise de conscience d'une capacité intellectuel qui vous appartient mais qui vous appartient dans la mesure où disons vous la présupposez également chez toute autre". Jacotot affirme qu'il n'y a qu'une seule intelligence, celle qui découvre l'inconnu à partir du connu, depuis l'apprentissage de la langue maternelle jusqu'aux hypothèses des savants. L'émancipation consiste à amener l'élève à prendre conscience de cette capacité universelle. Les deux formules clés de Jacotot sont "Tout est dans tout" et "Apprendre quelque chose et rapporter tout le reste". Cela signifie qu'il n'y a pas de point de départ ou d'ordre de progression obligé dans l'apprentissage ; n'importe quel élément de connaissance peut servir de "tout" à partir duquel établir des connexions et tracer de nouveaux chemins.

      L'Émancipation Intellectuelle Aujourd'hui : Saturation et Confirmation de l'Inégalité Rancière analyse l'évolution de nos sociétés contemporaines où "la société pédagogisée" s'est perfectionnée à l'extrême, rendant les "friches et ces interstices propres à l'autodidaxie égalitaire" de plus en plus rares. Le tissu du savoir a coïncidé avec la totalité du tissu social, et le temps de l'apprentissage avec le temps de la vie, confirmant l'inégalité.

      La Réduction des Ambitions Égalitaires dans l'Éducation Rancière observe, notamment depuis les années 1960, une "réduction des ambitions égalitaires à quelque chose comme un processus de confirmation de de l'inégalité". Il cite le débat sur l'éducation en France dans les années 1980, opposant une position "sociologique" (adapter la culture aux enfants des milieux défavorisés) et une position "républicaine" (distribuer universellement le même savoir). Ces deux approches, bien que contradictoires, sont toutes deux fondées sur la "présupposition inégalitaire".

      L'institution globale, selon Rancière, a finalement imposé une "programmation bureaucratique d'une concordance présupposée entre trois temps" : le développement des individus, le temps des institutions éducatives et le processus économique et social global. Des outils comme Parcoursup ou le processus de Bologne visent une uniformité idéale, mais cette harmonie est "constamment différée dans la pratique", transformant la discordance en "leur propre échec" pour les individus. Cette machine à fabriquer la concordance des temps fabrique en réalité une "hiérarchie du temps", distinguant le temps homogène des experts et le temps chaotique des individus incapables de s'y accorder.

      L'Annexion des Espaces de Savoir par la Science Sociale Les "interstices" et "espaces vacants" propices à l'émancipation, dont parlait Jacotot, ont été "annexés au territoire de cette science nouvelle... la science sociale". Rancière retrace trois âges de la science sociale :

      L'âge de la "médecine de la société" (socialisme utopique) : la science sociale propose des lois pour organiser la société et résoudre ses maux. L'âge marxiste : critique de la première approche, la science analyse les lois de l'évolution historique de la société pour fournir les moyens d'une action collective transformatrice. Cependant, la faillite du communisme a entraîné une "dissociation durable des liens entre la connaissance des lois de la société et l'action politique transformatrice". Le troisième stade (actuel) : la science sociale est devenue "le savoir de sa reproduction nécessaire" de l'inégalité. Rancière illustre cela avec l'évolution de la pensée de Bourdieu et Passeron, de l'optimisme des "Héritiers" (1964) qui proposait des remèdes aux inégalités scolaires, à la confirmation de la "reproduction" (1970) où la science "ne se propose plus de remédier cette violence mais essentiellement de montrer la nécessité objective des mécanismes de sa reproduction". La science sociale "confirme à sa manière l'axiome de la société pédagogisée à savoir que ceux qui sont dominés le sont en raison de leur défaut de savoir". Le savoir est devenu coextensif à la vie de la société : "tous les aspects du monde où nous vivons sont devenus objets de savoir", mais un savoir qui "ne promet plus finalement aucune forme de libération" et qui tourne en rond pour "montrer à quel point le savoir diffère de l'ignorance". Ce savoir a remplacé les "savoirs autodidactes" ancrés dans des expériences sociales alternatives, comme le "savoir ouvrier".

      L'Institution Journalistique et la Logique du "Décryptage" L'institution journalistique incarne également cette logique explicatrice. Si elle se justifiait autrefois par le fait de "donner aux lecteurs les informations nécessaires pour qu'ils puissent exercer... leurs droits de citoyen libre et égaux", elle a aujourd'hui inversé sa doctrine. Face à un excès d'informations, la tâche est de "sélectionner l'information nécessaire et suffisante et en la compagnant son explication".

      Le mot clé de cette nouvelle approche est "décrypté". Ce terme, autrefois réservé aux espions pour traduire un message codé en langage clair, a subi un "étrange détournement". Aujourd'hui, "le décryptage c'est l'opération qui montre qu'un message d'apparence claire est en réalité un texte obscur". Tout fait évident est transformé en "énigme qui réclame un spécialiste pour en révéler le sens caché". Cela renforce la coextensivité du savoir et de la vie, où "à la fois on nous raconte tout mais en même temps attention vous vous allez rien d'y comprendre si on vous explique pas et s'il y a pas si on fait pas venir les analystes".

      Le Consensus : Négation de la Discussion et de l'Égalité des Intelligences Le "consensus", apparu dans les années 1990, est dénoncé comme bien plus qu'un simple accord de bonne volonté. C'est en réalité "l'accord sur le fait que bah justement il y a pas il y a rien à discuter ou pas grand-chose à discuter Pourquoi ? Parce que bon ben voilà si on recense les données ben on va on va tout de suite voir les solutions qu'elles commandent quoi ce qui amène toujours un dernier ressort à constater qu'il y en a qu'une seule en définitif". Le consensus est "l'accord sur le fait bah les choses sont comme elles sont ne peuvent pas être autrement quoi". Toute tentative de "donner un autre nom aux choses une autre topographie aux événements" est ignorée, car elle n'est "pas reconnue" et "même ne pas être entendu". Le consensus est un "procédé de saturation de ce qu'il y a" destiné à exclure la possibilité même de voir et de nommer autrement, rendant "l'inégalité des intelligences interminablement expliquée... semblable à l'ordre normal des choses".

      Le Paradoxe de l'Émancipation et l'Humeur du Mépris Dans ce contexte de saturation du savoir et de confirmation de l'inégalité, l'émancipation intellectuelle prend une signification "particulière et un peu redoutable". Elle exige une "rupture avec la présupposition inégalitaire" et la "mise en œuvre de l'égalité des intelligence". Cependant, l'inégalité n'est plus un simple "sentiment d'incapacité individuelle", elle est "incorporée dans la texture même des descriptions du monde".

      La "Désexplication" et la Rupture avec la Réalité Imposée L'émancipation ne peut être une connaissance qui éclaire la réalité, car cette réalité est "tissée par les mots de la domination et par ses cartes". Elle doit être un "brouillage de cette réalité", une "volonté d'ignorer ce qu'elle impose". Rancière propose le terme de "désexplication" : "ce qui se passe aujourd'hui ? Passé que voilà on a les cartes on a on peut dire là les cartes d'un monde où tout est en place les choses bien identifiées les événements bien expliqués les voix bien tracé puis bon il faut d'une certaine façon commencer à renoncer à toutes ces identifications et à tous ces liens". Cela implique de "réapprendre un marché sans les repères qui nous disait où on était où on allait".

      Le Maître Ignorant : Dissociation de la Cause et de l'Effet Le paradoxe de l'émancipation est que sa "méthode... ne peut pas être un programme d'émancipation qui se substitue à la méthode explicatrice". L'émancipation implique la "dissociation de la cause et de l'effet". Le "maître ignorant" n'est pas celui qui ne sait rien, mais celui "qui ignore l'effet de savoir qu'il produit et surtout l'effet d'émancipation qu'il produit ou qu'elle produit". Il est donc contradictoire de vouloir imaginer un "système d'éducation émancipé" parallèle, car l'émancipation ne peut pas être planifiée ou vérifiée dans le temps de l'institution. Elle demande des "temps et des espaces assez libres pour qu'elles puissent tracer des chemins à travers les mailles de la logique explicatrice".

      L'Expérience Personnelle de l'Autodidaxie et la Solidarité Collective Rancière partage son expérience d'historien amateur dans les archives du mouvement ouvrier, où son "impréparation" et son "absence de guide" lui ont permis de "trouver... la manifestation d'une pensée d'une intelligence égale à tout autre". Il souligne que l'émancipation intellectuelle, bien qu'individuelle, n'est pas opposée à la lutte collective. Elle n'est pas le "développement personnel" ou "l'estime de soi", mais "la conscience qu'on est intelligent que de l'intelligence égale qu'on prête à tout autre". Des mouvements collectifs (Révolution française, 1830, Mai 68, mouvements d'occupation des places) peuvent créer les espaces propices à ces rencontres émancipatrices. L'émancipation "n'aime pas être planifiée elle aime pas la séparation des moyens et des fins".

      L'Humeur du Mépris : La Tristesse du Savoir Impuissant Rancière conclut sur l'importance de l'"humeur" qui accompagne le savoir. Le savoir actuel, omniprésent et interprétatif, est "impuissant" et "dépité de cette impuissance". Il est pris dans une "humeur triste qui est l'humeur du mépris". Cette humeur caractérise les "esprits progressistes" qui, effrayés par la montée des forces "antidémocratiques, identitaires, racistes et obscurantistes" (incarnées par Donald Trump), les expliquent par l'"ignorance" et "l'arriération" des populations (le "populisme").

      Cependant, Rancière critique cette explication, car elle reproduit la logique explicatrice du mépris. Que ce soient les partisans de Trump qui méprisent les "inutiles" ou les critiques de Trump qui méprisent les "ignorants" qui se laissent séduire, les deux camps partagent "ce sentiment de savoir qu'essentiellement une croyance bah en l'inégalité".

      Vers une Communauté des Égaux Jacotot rappelle que "le même mot intelligence peut signifier deux choses opposées" :

      Ceux qui se sentent intelligents "de par la bêtise qu'ils identifient chez les autres". Ceux qui se sentent intelligents "de par l'intelligence qui reconnaissent entre autres". L'intelligence n'est pas seulement une capacité, mais "une manière d'être de sentir et de communiquer en bref une manière de faire monde". La société actuelle est une "société du mépris", tandis que la "société des égos" est une "création continue" d'actes d'égalité, d'expérimentations singulières qui "brouille les cartes du consensus" et "recrée surtout une confiance dans la capacité de tous".

      Il appelle à une "vertu d'attention", à se demander "quel genre de monde nous construisons à travers nos paroles et et nos actes", et à "changer la direction de notre regard et l'humeur qui l'accompagne". Il faut s'intéresser aux "expérimentations de l'égalité", aux "pratiques qui essayent ici et là de mettre en œuvre la présupposition égalitaire" et "respirer l'air de l'égalité et de la faire circuler autant qu'on peut".

    1. Note de synthèse : La Prosocialité Humaine et les Mécanismes de Coopération

      Cette note de synthèse explore les thèmes principaux et les idées clés issues des extraits de la conférence "L'expérience sociale la plus intéressante de ces dernières décennies".

      Elle se concentre sur la nature de la coopération humaine, ses déclencheurs, ses freins et les mécanismes sociaux développés pour la maintenir.

      1. La Nature Intrinsèque de la Prosocialité Humaine

      Le discours débute par la description du "jeu du bien public", une expérience courante en économie expérimentale qui révèle des insights fondamentaux sur le comportement humain.

      Dans ce jeu, les participants reçoivent une somme d'argent (par exemple, 20 €) et peuvent miser une partie de cette somme dans un pot commun qui sera ensuite doublé et redistribué équitablement.

      • Coopération spontanée et initiale : Contrairement à l'hypothèse de l'Homo Economicus purement égoïste et rationnel, les humains, même entre inconnus et sous anonymat, tendent à coopérer spontanément au premier tour.

      "En général la moitié des gens participent enfin les gens participent spontanément même entre inconnus même quand il y a des avec de l'anonymat même s'ils sont entre personnes qui qui n'ont jamais vu au premier tour ils vont quand même participer à hauteur de la moitié de de ce qu'ils ont". Cette tendance est observée "partout dans le monde".

      • L'Homo Economicus comme modèle de laboratoire :

      Le modèle de l'humain rationnel et égoïste est qualifié d'"animal de laboratoire", un "modèle théorique qui aurait dû juste rester au laboratoire". L'être humain est "beaucoup plus prosocial que ce que dit le modèle".

      • L'intuition au service de la coopération : Une expérience de Harvard montre que lorsque les participants sont contraints de répondre rapidement et intuitivement ("dépêchez-vous de répondre réfléchissez pas vous avez 2 secondes pour répondre et pour miser ou pas"), ils misent davantage dans le pot commun.

      À l'inverse, lorsque le mode "rationnel" est activé ("prenez le temps réfléchissez répondez pas trop vite"), la participation diminue.

      "Plus on réfléchit plus on est dans le mental plus on se méfie moins on participe".

      • Stress et prosocialité : Le stress peut également augmenter la coopération.

      Les participants à qui on annonçait une prise de parole en public stressante par la suite "ont plus misé dans le mot peau commun que quand que si on que à ceux qu'on avait dit qu'ils allaient pas parler en public".

      • L'empathie comme fondement : Cette prosocialité est "très ancré en nous" et découle de notre capacité à l'empathie.

      L'existence de "neurones de miroir" permet de "vivre ce que l'autre sent", et cette capacité n'est pas limitée aux humains, s'étendant à d'autres espèces et même à des "bouts de bois" ou de simples symboles visuels.

      • Altruisme précoce chez les bébés : Des études sur les enfants et les bébés montrent que "les capacités prosociales d'empathie et d'altruisme se retrouvent chez les bébés jusqu'à 6 mois même 5 mois".

      Avant même le langage et le raisonnement, les bébés peuvent distinguer les coopérateurs des non-coopérateurs et chercher à aider, et même une récompense peut "démotiver à aider", soulignant une nature intrinsèquement altruiste.

      2. L'Érosion de la Coopération et les Mécanismes de Stabilisation

      Malgré cette tendance initiale à la coopération, le jeu du bien public montre que "au fil des bah des tours (...) l'entraide s'effrite et puis la la confiance s'effrite et puis finalement on se retire bien commun".

      C'est le défi : "comment on fait pour ne pas que ça s'effrite avec le temps".

      Les cultures ont développé des "systèmes des mécanismes sociaux pour stabiliser l'entraide et pour stimuler l'entraide".

      • La réciprocité renforcée : C'est le mécanisme le plus courant et le plus efficace.

      • Récompenser les altruistes : Encourager et reconnaître ceux qui contribuent positivement.

      • Punir les tricheurs et les égoïstes : L'introduction de cette règle dans l'expérience du bien public a eu des "effets miraculeux", faisant exploser et stabiliser les niveaux de prosocialité.

      Les humains sont prêts à dépenser de l'argent ("punition altruiste") pour punir les non-coopérateurs, "ça va même jusqu'à une une grande proportion du salaire mensuel c'est une passion".

      • Plaisir neuronal associé : Coopérer, voir autrui coopérer, ou même anticiper un acte d'altruisme, active le circuit de la récompense dans le cerveau, procurant un "vrai plaisir", même chez les enfants.

      Inversement, le "circuit de dégoût" est activé par la punition d'un altruiste ou la récompense d'un égoïste/tricheur (ex: "quand au hasard quelqu'un du gouvernement est mise en examen pour corruption et est relâché").

      Cela montre l'importance de la justice perçue pour la coopération (ex: plaisir à payer des impôts si l'argent est bien dépensé).

      La réciprocité indirecte et la réputation :

      • Ce mécanisme implique que l'aide donnée à une personne peut inciter une tierce personne à aider le donneur initial, ou qu'un acte altruiste est observé par des témoins, ce qui étend l'entraide dans le groupe.

      • Les "ragots et les Cancans" comme moteur : Ces interactions sociales informelles sont cruciales car elles "créent la réputation". Avoir une "bonne réputation" est un "capital social" précieux qui renforce la coopération.

      • L'expérience de la réputation : Une expérience a montré que lorsque le jeu du bien public est alterné avec un jeu de réputation, les niveaux de coopération restent élevés.

      Cependant, si les participants apprennent que la fin du jeu est proche et que la réputation n'aura plus d'importance, la coopération s'effondre ("ils se sont mis à en profiter à mort ils en avaient plus rien à foutre la réputation n'était pas en plus en jeu").

      • Le sentiment d'être observé : Se sentir observé ("Big Brother", les religions avec un Dieu omniscient) augmente significativement la coopération. Même de simples points évoquant un visage sur un mur peuvent avoir cet effet inconscient.

      3. Les Fondements Profonds de la Relation Humaine et l'Élargissement du Cercle d'Empathie

      La distinction entre interagir avec un humain ou un ordinateur est fondamentale : la coopération avec un ordinateur n'active pas le circuit de la récompense, indiquant que "c'est quelque chose de profondément humain".

      • La relation "Je et Tu" : Le philosophe Martin Buber est cité avec son concept de "Je et Tu" par opposition à "Je et ça".

      La relation "Je et Tu" implique une reconnaissance mutuelle de l'autre comme sujet doté d'empathie, créant une "relation de miroir" infinie.

      • La déshumanisation : L'horreur survient lorsque l'on "sort quelqu'un de notre champ d'empathie", transformant une relation "Je et Tu" en "Je et ça", et déshumanisant l'autre.

      "C'est ce qui s'est passé pour les juifs pendant la guerre au Rwanda avec les les utou et les tutti et probablement en Ukraine dans toutes les guerres on on peut arriver basculer dans l'horreur lorsqu'on sort les humains de notre champ d'empathie ça peut arriver très vite".

      • Élargir le cercle d'empathie : Le défi contemporain est d'élargir ce cercle d'empathie au-delà des seuls humains (souvent limité aux animaux domestiques), pour inclure les animaux et les plantes.

      Considérer le monde non pas comme "entouré d'objets mais entouré de sujets" permettrait de "retrouver des relations de réciprocité et donc de prosocialité et donc tous les circuits vont s'enclencher et ça va faire un un monde totalement différent".

      En conclusion, la prosocialité est une caractéristique fondamentale et spontanée de l'être humain, ancrée dans l'empathie et activée par l'intuition.

      Bien qu'elle puisse s'effriter avec le temps, des mécanismes sociaux tels que la récompense des altruistes, la punition des tricheurs et l'importance de la réputation sont essentiels pour stabiliser et renforcer la coopération.

      Le maintien et l'élargissement de notre "cercle d'empathie" sont cruciaux pour prévenir la déshumanisation et construire un monde plus coopératif et juste.

    1. Note de synthèse : Améliorer l'Efficacité des Réunions de Travail grâce aux Sciences Cognitives

      Ce document synthétise les idées clés et les stratégies proposées par Marc Huriaux, docteur en neurosciences, pour améliorer l'efficacité des réunions de travail en s'appuyant sur les principes des sciences cognitives.

      L'objectif principal est de générer plus d'intelligence collective et de créativité pour résoudre des problématiques complexes.

      Thèmes Principaux et Idées Clés :

      1. L'Intelligence Individuelle et l'Inhibition des Automatismes :

      • Utilité des réunions : Une réunion doit avant tout être utile et générer de l'intelligence collective pour résoudre des problèmes.

      • Inhibition des automatismes : Pour être efficace et créatif, il est crucial d'inhiber nos automatismes de pensée (système 1 de Kahneman) et de s'engager dans une réflexion plus profonde (système 2). C'est un effort coûteux.

      • Citation : "un des éléments central pour être efficace quand on doit essayer de répondre à des problématiques c'est d'inhiber sans ces automatismes et d'essayer de bloquer ce qui dans notre pensée qui va courir comme ça si vous êtes familier du système 1 et 2 de cane man ben voilà dans le cas le plus fréquent on va quand on se pose un problème quand on est confronté un problème on va automatiquement y répondre très rapidement et parfois c'est efficace la plupart du temps c'est efficace là dans la question qui nous intéresse on va dire qu'il faudrait y réfléchir peut-être un petit peu et donc il faudrait passer en système 2 se poser inhiber l'automa."

      • Esprit critique : Le véritable esprit critique implique d'être prêt à changer d'avis, ce qui nécessite d'inhiber nos "autoroutes de pensée" préexistantes. Cette difficulté est amplifiée en groupe, où la tendance est de défendre sa propre pensée sans écouter.

      2. Le Piège du Jugement et la Métacognition :

      • Impact du jugement : Les jugements rapides et les stéréotypes (ex: "il est complètement débile") bloquent la génération d'intelligence collective. Ils empêchent d'écouter et de comprendre le processus de pensée de l'autre.

      • Citation : "si je pars de là c'est foutu en fait ça sert à rien de faire tout ça ça sert à rien de se réunir pour parler d'esprit critique pour juger voilà et donc je pense que ça dans les séances de travail c'est la base la base c'est de pratiquer enfin de d'écouter les missions d'Elisabeth felti meta de choc et qui est là et de pratiquer la métacognition c'est à dire de se rendre compte quand on est en train de parler à quelqu'un dans une séance de travail ou à deux du moment où on est en train de générer un jugement."

      • Métacognition comme outil : La métacognition, la capacité à prendre conscience de son propre jugement, est un outil fondamental pour éviter de "ruiner les possibilités" d'une discussion constructive. Il s'agit de s'arrêter, d'écouter et d'explorer la pensée de l'autre sans préjugés.

      • Citation : "l'outil tout bête c'est de se dire mais comment je fais pour me rendre compte du moment où je suis en train de ruiner les possibilités pour la personne à qui je parle d'avoir un nouvel angle et de me ruiner moi-même la possibilité de penser différemment bah c'est tout simple c'est dès lors que je commence à juger l'autre."

      • Exploration cognitive : Adopter une posture d'exploration cognitive, en étant ouvert à changer d'avis et à comprendre comment l'autre a construit sa pensée, même si elle semble absurde au premier abord.

      3. La Diversité et la Pensée Divergente :

      • La diversité comme moteur : Les études montrent que la diversité des schémas cognitifs au sein d'une réunion (avoir des gens qui pensent différemment) est un facteur fondamental pour augmenter la créativité et l'efficacité dans la résolution de problèmes compliqués.
      • Citation : "un des éléments fondamentaux qui ressort dans énormément d'études c'est la diversité c'est à dire que ce qui va nous rendre intelligent ensemble c'est d'avoir des gens qui pensent différemment."
      • Temps de parole équitable : Gérer précisément le temps de parole de chaque participant est crucial. Naturellement, quelques personnes dominent les discussions, tandis que d'autres (notamment les femmes) ont tendance à moins s'exprimer, ce qui limite l'intelligence collective.
      • Pensée divergente : Pour générer des solutions originales, il faut encourager la pensée divergente, c'est-à-dire l'exploration d'idées "impossibles" ou "absurdes", au-delà des solutions "raisonnables" habituelles.
      • Citation : "il est super important de dire il faut absolument que chacun dise un truc qui est complètement absurde ça doit pas être possible l'idée c'est une solution un problème on a posé une problématique comment est-ce que vous pensez qu'on pourrait résoudre ça et là on doit être entre l'impossible et le raisonnable pour pouvoir être l'impossible et le raisonnable il faut faire l'effort d'aller vers l'impossible."
      • Pré-travail individuel : Pour éviter le biais de groupe et l'alignement des idées sur la première proposition, il est essentiel que chaque participant réfléchisse individuellement pendant quelques minutes avant de passer à l'échange collectif.

      4. Les Pièges Comportementaux et le Rôle de l'Animateur :

      • Loi de la futilité de Parkinson : Les réunions ont tendance à s'étirer sur le temps alloué (Loi de Parkinson) et, pire encore, à se concentrer sur des sujets futiles (Loi de la futilité de Parkinson). Cette "procrastination collective" évite la confrontation d'opinions différentes et les sujets qui demandent un réel effort intellectuel.
      • Citation : "la loi de la fidélité de Parkinson ajoute quelque chose de plus c'est que en général en fait on parle de n'importe quoi là dedans on va on va éviter les sujets qui demandent vraiment à mettre en jeu de l'intelligence collective parce qu'elles vont confronter peut-être des opinions différentes et qu'on est on esquive ça c'est une forme de procrastination collective."
      • Le biais de groupe (In-Group) : La peur d'être jugé ou de ne pas être apprécié dans le groupe pousse à des idées "raisonnables" et à l'auto-censure.
      • Bienveillance de l'animateur : La personne qui gère la réunion joue un rôle fondamental. Une attitude bienveillante peut transformer des dynamiques conflictuelles ou de compétition en un environnement plus collaboratif.
      • Citation : "si la personne qui gère la séance de travail elle est bienveillante bah elle a des chances d'influencer le travail vers quelque chose de bienveillant."
      • Désamorcer l'animosité : Valoriser la prise de parole de tous, même ceux dont les intentions semblent malveillantes ou qui sont réticents, peut désamorcer les conflits et transformer ces individus en ressources. L'exemple de l'homme ayant suivi 5 formations pour l'emploi illustre cette stratégie.
      • Citation : "si vous valorisez la prise de parole de qui que ce soit et quel que soit son intention malveillante derrière vous rendez quasi impossible la possibilité que la personne continue à embrouiller les autres mais ça c'est juste magique."

      5. Ouvrir la Collaboration au-delà des Cercles Habituel :

      • Élargir la diversité : Pour augmenter la diversité cognitive, il est possible d'inviter à la réunion des personnes de fonctions supports, des RH, ou même des collaborateurs internationaux (via visioconférence) qui apporteront des schémas de pensée différents.
      • Neurodivergence et pensée disruptive : Les personnes neurodivergentes (par exemple, des personnes sur le spectre autistique) peuvent apporter une "vérité cash" et une perspective unique qui challenge le biais de groupe et fait avancer la discussion.
      • Citation : "quelqu'un qui est un peu différent comme ça peut dire la vérité que personne ne se dire et du coup faire avancer tout le monde."

      En somme, pour des réunions de travail efficaces, il est impératif de cultiver l'humilité, d'inhiber le jugement, de valoriser la diversité des pensées, d'encourager l'exploration audacieuse d'idées et de gérer activement les dynamiques de groupe, notamment en assurant un temps de parole équitable et en désamorçant l'animosité par la bienveillance.

  4. Jul 2025
    1. I find it interesting that Enkidu is not considered "fully man" until he experiences loss of virginity from a woman. What dictates whether or not a man or civilized? Also, what does this say about how men view women? Was this act necessary to became a civilized man? This shows how women are seen as beings who are not only domesticated but that they can domesticate others.

    2. When he had cursed the Trapper to his heart's content he turned on the harlot. He was rousedto curse her also. 'As for you, woman, with a great curse I curse you! I will promise you adestiny to all eternity. My curse shall come on you soon and sudden. You shall be without aroof for your commerce, for you shall not keep house with other girls in the tavern, but doyour business in places fouled by the vomit of the drunkard. Your hire will be potter's earth,your thievings will be flung into the hovel, you will sit at the cross-roads in the dust of thepotter's quarter, you will make your bed on the dunghill at night, and by day take your standin the wall's shadow. Brambles and thorns will tear your feet, the drunk and the dry will strikeyour cheek and your mouth will ache. Let you be stripped of your purple dyes, for I too oncein the wilderness with my wife had all the treasure I wished.'

      There is some regret and imprecatory tone in his demise here. Kind of brings sense of self-alienation because it doesn't seem like he is someone who now belongs to either world (city or wild). Becoming party of civilization has brought it total cost, which is not always enlightening.

    3. Enkidu had becomea man; but when he had put on man's clothing he appeared like a bridegroom. He took armsto hunt the lion so that the shepherds could rest at night. He caught wolves and lions and theherdsmen lay down in peace; for Enkidu was their watchman, that strong man who had norival.

      part of his transformation into society. Nothing like the primitive creature he was before. He is becoming accustomed to the things of the world of man.

    4. There was virtue in him of the god ofwar, of Ninurta himself. His body was rough, he had long hair like a woman's

      This is an example of Us vs Them boundary, because Enkidu's appearance symbolizes an uncivilized man of wild nature and unconditioned by strong societal norms. He has feminized hair an is in need of strengthening in the culture.

    5. This was the man to whom all thingswere known; this was the king who knew the countries of the world. He was wise, he sawmysteries and knew secret things, he brought us a tale of the days before the flood.

      Gilgamesh is clearly being linked to the civilization itself. He is central to the identity of it. His knowledge is central to the nation itself. Without him, the nation would not be so great is something that con reasonably be implied since he core to its meaning.

    1. Document de Synthèse : La Nouvelle Hiérarchie des Professions en France

      • Ce document de synthèse analyse les évolutions récentes du marché du travail en France, mettant en lumière un changement notable dans la perception et la rémunération des métiers.

      Traditionnellement, les carrières intellectuelles et les études supérieures étaient perçues comme les garantes d'une meilleure rémunération et d'un épanouissement professionnel.

      Cependant, la pénurie de main-d'œuvre dans certains secteurs manuels et artisanaux a bouleversé cette hiérarchie, offrant des opportunités inattendues en termes de salaires et de qualité de vie.

      Thèmes Principaux et Idées Clés :

      1. Revalorisation des Métiers Manuels et Artisanaux :

      • Changement de Perception : Le reportage souligne un revirement. "Pendant longtemps, les métiers intellectuels promettaient de meilleures carrières, plus rémunératrices et plus épanouissantes.

      Tandis que les métiers manuels ont clairement été dénigrés, souvent dès l'école." Aujourd'hui, cette stigmatisation diminue en raison du manque criant de main-d'œuvre.

      • Salaires Surprenants : Des professions comme grutier, chauffagiste, plombier, soudeur ou maçon offrent désormais des salaires très attractifs, souvent sans nécessiter de longues études.

      Amandine, une ancienne monitrice d'auto-école, a doublé son salaire en devenant grutière, passant de "1 200, 1 300 à peu près" à "2, 900 et quelques euros" nets par mois.

      Mickaël, un jeune plombier-chauffagiste, gagne "2432 euros et 99 centimes" nets par mois après seulement un an d'ancienneté, avec des primes pouvant porter son brut à environ "3000 euros".

      • Autonomie et Valorisation : Ces métiers offrent une grande autonomie et un savoir-faire valorisant. Mickaël, par exemple, gère ses 13 clients et ses commandes de matériel, jouissant de "l'autonomie d'un artisan et la sécurité d'un emploi salarié".

      Clémence, chauffeur poids lourd, trouve que c'est un "métier bizarrement, malgré ce qu'on pourrait imaginer, qui est plutôt valorisant."

      2. La Pénurie de Main-d'Œuvre : Un Facteur Clé de Revalorisation :

      • Demande Supérieure à l'Offre : La France compte "plus d'un million de postes à pourvoir".

      Des secteurs comme le transport (45 000 chauffeurs supplémentaires nécessaires) et la plomberie (manque de main-d'œuvre "excessif") sont particulièrement touchés.

      • Pouvoir de Négociation des Salariés : Cette pénurie inverse le rapport de force.

      Clémence, la chauffeuse poids lourd, illustre ce point :

      "On a plus de pouvoir qu'un mec qui va être dans la pub, où le patron va dire « Je ne suis pas content, tu t'en vas, de toute façon, il y en a 80 derrière »...

      Là, c'est l'inverse." Les entreprises sont contraintes de proposer des conditions attractives, allant même jusqu'à "débaucher des gens dans d'autres entreprises".

      • Recrutement Simplifié : Pour certains postes, l'envie de travailler et la ponctualité priment sur les diplômes.

      David Arslan, chef d'entreprise en ravalement de façade, ne demande "aucun diplôme", seulement "la ponctualité et l'envie de travailler" pour un salaire de "2 000 euros net mensuel".

      3. La Reconversion Professionnelle : Une Tendance Croissante :

      • Quête de Sens et de Meilleure Qualité de Vie : De nombreux salariés, y compris des cadres, se reconvertissent. "Depuis 2021, 20% des cadres ont entamé une reconversion professionnelle". Clémence, ancienne directrice artistique à Paris, a troqué son "Bac plus 5" et un salaire de "1 600 net" pour un permis poids lourd lui rapportant "entre les 2 500 et 3 000 euros net", et une meilleure qualité de vie.
      • Éviter le "Perdre sa Vie à la Gagner" : La question est posée : "Faut-il tout miser sur des études supérieures pour finir dans un bureau stressé, avec des horaires à rallonge ou une charge de travail XXL ? Faudrait-il perdre sa vie à la gagner ?"
      • Formations Adaptées : Des initiatives comme l'école Gustave, qui forme gratuitement des plombiers en 15 mois, répondent à ce besoin de reconversion rapide et efficace. L'école garantit un salaire minimum de "2 000 euros net" en sortie et un taux d'embauche de "95% en CDI".

      4. Le Revers de la Médaille pour les Professions Intellectuelles :

      • Débuts de Carrière Difficiles : Certaines professions intellectuelles, malgré de longues études, offrent des rémunérations de départ modestes. Aurélie, avocate avec "7 ans d'études après le bac", se retrouve avec "à peine plus d'un SMIC" net après avoir payé ses charges, soit "1 500 euros net" pour des journées parfois très longues et improductives (temps d'attente non payé).
      • Désillusion et Fort Taux de Démission : Le décalage entre les attentes (prestiges, revenus) et la réalité du métier conduit à la désillusion. "30% des avocats démissionnent au cours des 10 premières années d'exercice."
      • Évolution des Salaires : Si les débuts sont difficiles, les carrières intellectuelles peuvent offrir une meilleure progression salariale sur le long terme. Le reportage note qu'après 8 ans, le salaire d'un plombier "va plafonner autour de 2 700 euros", tandis que pour les avocats, "ce sera deux fois plus, 5 400 euros mensuels en moyenne."

      5. L'Entrepreneuriat Manuel comme Voie de Succès :

      Exemple de David Arslan : L'histoire de David Arslan, patron d'une PME de ravalement de façade réalisant "10 millions d'euros de chiffre d'affaires", est emblématique.

      Parti de rien, il a bâti sa réussite sur un savoir-faire manuel, démontrant que "tout est possible" avec "de l'or dans les mains".

      Opportunités du Marché : La demande dans des secteurs comme l'isolation et la rénovation (stimulée par la hausse des tarifs de l'énergie) offre des opportunités de croissance exponentielle pour les entreprises du bâtiment.

      David Arslan connaît une augmentation de "30%" de demandes et est contraint de refuser des chantiers faute de main-d'œuvre.

      Conclusion :

      Le marché du travail français est en pleine mutation.

      La pénurie de main-d'œuvre dans les métiers manuels et artisanaux a non seulement revalorisé ces professions en termes de salaire et d'attractivité, mais elle a également ouvert la voie à des reconversions massives pour des individus cherchant une meilleure qualité de vie et un épanouissement professionnel.

      Tandis que certaines carrières intellectuelles peinent à offrir des débuts de carrière rémunérateurs, les "mains en or" et les entrepreneurs du bâtiment peuvent désormais atteindre des sommets financiers et professionnels insoupçonnés, remettant en question les hiérarchies établies et l'importance des études longues pour le succès.

    1. Opinion: This Is Who’s Really Driving the Decline in Interest in Liberal Arts Education by [[Jennifer Frey]] 2025-07-17 in New York Times

      Frey argues that it's college administrators who are killing off the idea of a liberal arts education. In her experience, students are thrilled to be in these programs and participate in them.


      Me: Some of the pressure, also indicated here, is from toxic capitalism which is pressuring students to be only career-focused in their educational journeys. This pressure leaves much less space for the humanities.

      Read: Fri 2025-07-18 7:13 PM Updated: 2025-07-19

    1. for - Jeffrey Epstein - evidience for Bipartisan coverup - 2007-2025

      summary - Reporter nick Bryant has been investigating the Epstein case for many years and he shares evidence that strongly suggests a bipartisan coverup at the highest level - This would imply that political / business leaders at the highest level, both democrat and republican and international elites as well engaged in illegal sex with minors and children - He contextualizes the Epstein case in the historical concept of Komrpomat, as written in his previous book The Franklin Scandal

    1. Businesses are rapidly relying on artificial intelligence to enhance user experiences, automate processes, and gain competitive advantages. However, understanding AI app development cost remains one of the biggest challenges for companies planning to create artificial intelligence app solutions.

      Explore the key factors influencing AI app development cost in 2025. Learn how app complexity, features, and tech stack impact your budget for smart AI solutions.

    1. Briefing : La Restauration Scolaire en Seine-Saint-Denis – Enjeux et Défis

      Ce document explore les défis et les initiatives autour de la restauration scolaire, particulièrement en Seine-Saint-Denis, à travers le prisme du Cesco, une régie publique qui nourrit 43 000 élèves par jour dans 19 communes.

      Les sources mettent en lumière les contraintes budgétaires, les normes nutritionnelles, la transition vers des pratiques plus durables (bio, moins de plastique) et la réalité de la consommation par les enfants.

      Thèmes Principaux et Idées Clés :

      Le Contexte de la Restauration Collective de Masse :

      • Production quasi-industrielle : Le Cesco produit des repas à grande échelle, avec des plats qui ne sont pas cuisinés sur place mais arrivent en barquettes plastiques jetables et sont simplement réchauffés dans les écoles. "ni les grainées végétales ni le chou-fleur n'ont été cuisiné sur place les repas sont arrivés dans ces barquettes en plastique jetable qu'il suffit de réchauffer et hop c'est prêt".
      • Dépendance aux fournisseurs : La logistique est complexe, nécessitant l'achat de gros volumes (ex: "272 sacs de semoule", "10 tonnes de riz, d'huile d'olive") et une gestion précise des livraisons. Tout retard ou manquement peut avoir des répercussions majeures, comme l'absence de 150 kg de bœuf qui représente "1800 repas d'enfants".

      Contraintes Budgétaires et Équilibre Alimentaire :

      • Coût des matières premières : Le prix moyen des matières premières par plateau doit être inférieur à 2 €. Les diététiciennes doivent jongler pour proposer des menus variés tout en respectant ce budget strict. Un plat avec du poisson frais et des céréales, par exemple, est jugé "onéreux" et coûte "2,60 € en coût d'entrée alors qu'on est sur un prévisionnel plutôt de de 1,90 €".
      • Équilibre nutritionnel légal : La loi impose des normes strictes, comme "quatre poissons, huit fruits frais, dix crudités chaque mois". En Seine-Saint-Denis, département "le plus pauvre de France métropolitaine", l'équilibre alimentaire est crucial, car le repas à la cantine peut être "le seul repas équilibré de la journée" pour certains enfants.
      • Compromis sur les ingrédients : Pour maintenir les coûts, il est souvent nécessaire de remplacer des ingrédients coûteux (ex: "la garniture qui coûte un petit peu cher on peut peut-être la retravailler la modifier par une garniture que les enfants consomment bien qui coûterait peut-être un peu moins cher on peut revenir tout simplement sur un riz"). L'utilisation de produits surgelés comme le chou-fleur bio est une solution pour gérer les volumes malgré le manque d'espace et de personnel pour le frais.

      La Transition vers le Bio, la Qualité et la Fin du Plastique :

      • Nouvelles exigences légales : La loi impose "plus de bio et moins d'emballage plastique", avec un objectif de "fin du plastique à la cantine en 2025" et des exigences annuelles croissantes en produits de qualité labellisés et en circuit court.
      • Impact financier de la transition : Cette transition a un coût exorbitant. Le remplacement des barquettes plastiques par des contenants réutilisables (inox ou verre) coûterait "5 millions d'euros" pour l'acquisition et nécessiterait "une nouvelle cuisine", "une laverie" et des "camions supplémentaires". Le surcoût budgétaire annuel pour une commune peut atteindre "180 000 €", ce qui est "très très très très conséquent" pour les municipalités déjà modestes.
      • Difficultés d'approvisionnement local : Trouver des fournisseurs locaux capables de répondre aux volumes demandés tout en respectant les critères de qualité est un défi majeur. Un producteur de yaourt bio artisanal, malgré des prix deux fois plus élevés que l'industrie, était le "seul producteur local capable de répondre à des critères de qualité draconien" pour un appel d'offres.

      Enjeux Sanitaires liés au Plastique :

      • Problèmes de réchauffage : Les barquettes plastiques, réchauffées à "130°" pendant "45 minutes", se "gondolent". L'Agence Nationale Indépendante (ANSES) signale que "des molécules de plastique se mélangeraient alors avec la nourriture", avec des conséquences potentielles comme la "puberté précoce et des cancers infantiles" (perturbateurs endocriniens).
      • Préoccupation des parents : Des parents, comme Sabrina, sont très préoccupés par l'exposition de leurs enfants aux perturbateurs endocriniens via le réchauffage dans le plastique, surtout après avoir fait des efforts pour une éducation sans produits industriels : "quand on a fait tout ça et qu'après vos enfants ils mangent à la cantine on leur réchau leurs repas dans des dans des barquettes en plastique qui diffusent forcément des perturbateurs endocrinien ça pose question quoi".

      Le Gaspillage Alimentaire et la Réticence des Enfants :

      • Statistiques alarmantes : Un tiers de la nourriture servie en restauration scolaire en France finit à la poubelle. Dans l'école de La Courneuve, le jour du tournage, "50% de gâchis" pour le chou-fleur et "45% de la quantité servie" pour le plat végétarien ont été constatés. "25 kg de nourriture perdue" pour 150 élèves.
      • Refus des légumes : Les enfants montrent une forte aversion pour les légumes. Un enfant affirme être "allergique aux légumes", un autre ne veut pas "goûter" le chou-fleur. Les plats préférés évoqués sont "les frites", "des hamburgers", "des pâtes".
      • Problèmes de goût : La "liaison froide", qui permet de conserver les plats jusqu'à 5 jours, altère le goût : "on sait que deux jours après ça aura pas le même goût que quand on va le produire". De plus, les légumes sont "souvent baignés dans de la sauce" à cause du transport, ce qui est "gustativement... pas génial" pour les enfants.
      • Implication des enfants : Des initiatives sont mises en place pour réduire le gaspillage et améliorer l'acceptation des plats, comme impliquer les enfants dans la dégustation et le vote des menus. Cependant, même un plat validé par les enfants (compotée de butternut) peut finir à "50% du plat a fini à la poubelle" lors du service réel.

      Vers une Cuisine Plus Traditionnelle :

      • Le rôle du chef : Daniel, le chef cuisinier du Cesco, avec une formation gastronomique, a été recruté pour "trouver des alternatives aux produits ultra transformés industriels et revenir à une cuisine plus traditionnelle". Il met en place des bouillons de légumes "comme à la maison", remplaçant les poudres "principalement du sel qu'on payait au prix de la viande".
      • Limites de la cuisine sur place : Malgré les efforts du chef pour une cuisine plus "maison", l'échelle de production et les contraintes logistiques empêchent une cuisine entièrement fraîche et traditionnelle. "Pour servir 43000 repas il lui faudrait 6 tonnes de choufleur frais entier la place ni le personnel pour s'en occuper". Les cantinières travaillent souvent seules, avec un simple four pour réchauffer.

      Conclusion :

      La restauration scolaire est à un carrefour entre les impératifs de santé publique, les exigences environnementales, les contraintes budgétaires et la réalité du goût des enfants.

      La transition vers des repas plus sains, bio et sans plastique est une nécessité imposée par la loi et plébiscitée par les parents, mais elle se heurte à des obstacles financiers et logistiques colossaux, particulièrement dans les zones défavorisées.

      L'innovation dans les méthodes de cuisine (retour au "fait maison") et l'implication des enfants sont des pistes prometteuses, mais la réduction du gaspillage et la rééducation du goût des enfants aux légumes restent des défis majeurs à relever pour que les repas de cantine remplissent pleinement leur rôle nutritionnel et éducatif.

    1. Analyse Détaillée des Repas en Cantine Scolaire et d'Entreprise : Enjeux et Perspectives

      Ce documentaire analyse les défis et les innovations liés à la production et la distribution des repas en cantine scolaire et d'entreprise en France, en s'appuyant sur des extraits de l'émission "Cantines scolaires : ce que pensent vraiment nos enfants de ces repas | 750GTV".

      Il met en lumière les pressions financières, les contraintes réglementaires, les préoccupations sanitaires, les efforts pour réduire le gaspillage et l'évolution des attentes des consommateurs.

      1. La Crise des Cantines Scolaires : Augmentation des Coûts et Impact sur les Familles

      L'inflation actuelle, notamment l'explosion du coût des denrées alimentaires et de l'énergie, pèse lourdement sur les budgets des cantines scolaires et des ménages.

      1.1. L'Augmentation des Tarifs : Un Fardeau pour les Parents

      • Impact Financier Direct : Des familles comme celle de Mélodie et Éric voient le prix du repas passer de 4,50 € à 7 €, soit une augmentation de 2,50 € par repas. Pour leurs deux enfants, cela représente "126 € 80" par mois, soit "1200 €" supplémentaires par an.
      • Répercussions sur le Budget Familial : Cette hausse force les parents à "restreindre" leurs activités familiales. Mélodie et Éric déclarent : "on ira pas au Center Park où on ira mais on ira avec nos sandwichs". Vanessa, mère célibataire, a vu ses dépenses augmenter en cascade (carburant, gaz, électricité, alimentation) et l'augmentation de 50 centimes par repas à la cantine a été "la goutte d'eau qui l'a amené à prendre une décision radicale".
      • Stratégies d'Économie des Familles : Face à l'augmentation, certains parents retirent leurs enfants de la cantine pour les faire manger à la maison. Vanessa prépare des repas à moins de 2 € par enfant, contre 5 € à la cantine, réalisant un gain de "30-32 € en fait par mois", soit "320 €" sur 10 mois.
      • Boycott en Vue : Certains parents envisagent de "boycotter la cantine pendant une semaine pour que la mairie prenne en charge sur son budget une partie de la hausse des tarifs".

      1.2. Les Collectivités Locales sous Pression

      • Coût Réel d'un Repas : Un repas de cantine coûte environ "14 €" si l'on inclut les coûts de production, le transport et le personnel encadrant.
      • Défi pour les Communes : Les collectivités doivent faire face à un "casse-tête financier" et cherchent "par tous les moyens à faire des économies". Le budget de la cuisine centrale de Fontenay-sous-Bois est déficitaire de "3,46 %", la première année où il "va dépasser le budget alimentaire de la Caisse des écoles".
      • Choix Difficiles pour les Maires : Le maire de Fontenay-sous-Bois, Jean-Philippe Gautier, se retrouve face à deux options : "Est-ce qu'on augmente les tarifs ? Euh, est-ce qu'on augmente les impôts ?". Il souligne que "si l'inflation est galopante c'est économiquement en terme de gestion impossible à tenir pour personne". Pour l'année scolaire en cours, il a décidé de ne pas augmenter les tarifs.
        1. Les Enjeux de la Production en Cantine Scolaire : Entre Contraintes et Innovations
      • La production des repas en cantine scolaire est un exercice d'équilibriste entre respect des normes, contraintes budgétaires et efforts pour améliorer la qualité.

      2.1. L'Explosion des Prix des Matières Premières

      • Rationnement et Nouveaux Produits de Luxe : Samir, responsable des stocks, constate que "Certains produits sont devenus très chers et très rares". Il donne l'exemple de la moutarde dont le prix est passé de "5 € le seau" à "15 €". L'huile de tournesol, un "nouveau produit de luxe", est passée de "7,48 € le bidon" à "16 €", "quasi deux fois plus". Samir doit rationner ces denrées.
      • Impact sur la Variété des Menus : Pour compenser, certains aliments sont retirés de l'assiette des enfants. Le "gigot d'agneau à 18 € le kilo" est remplacé par le jambon, "deux fois moins cher".

      2.2. Respect des Normes Nutritionnelles et Légales

      • Obligations Légales : Aurélie, la nutritionniste, veille à ce que les menus contiennent "au moins quatre poissons, huit viandes, 10 fruits et 10 légumes" par mois, une "obligation légale". Les diététiciennes Laura et Magalie du CESCO doivent également respecter ces normes, tout en maintenant un coût moyen des matières premières "inférieur à 2 €".
      • Lutte contre l'Obésité : Les apports protidiques quotidiens sont réglementés : "80 g pour un élève de primaire, 60 ans en maternel".

      2.3. La Complexité de la Gestion des Stocks et du Gaspillage

      • Prévisions Incertaines : Claude, alias "monsieur Chiffre", est obsédé par la question : "Combien d'enfants vont manger à la cantine ?". Chaque matin, il doit ajuster ses prévisions, mais les rectifications peuvent entraîner des "pertes".
      • Gaspillage Alimentaire Important : Des repas entiers peuvent finir à la poubelle faute de pouvoir être récupérés pour des raisons sanitaires. Lors d'une "journée pédagogique", 242 repas ont été perdus, soit "1500 € de manque à gagner".
      • Chiffres Alarmants : Selon des études, "une école de 500 élèves gaspille 100 kg de nourriture par jour". Lors d'un service avec seulement 152 élèves, "entre 100 et 120 kg ont été jetés à la poubelle".
      • Causes du Gaspillage : Le chou-fleur, par exemple, a un taux de gâchis de "50 %", et le plat végétarien de "45 %". Les enfants n'apprécient pas certains légumes, souvent "baignés dans de la sauce à cause de la liaison froide", ce qui altère le goût.
      • Solution : la Chasse au Gaspillage : Le CESCO estime qu'en ajustant les quantités, il y aurait "une trentaine de centimes par repas à gagner".

      2.4. La Qualité des Repas et l'Industrialisation

      • Cuisines Centrales : De nombreuses cantines, notamment dans les écoles, ne font que réchauffer et portionner des plats préparés dans des cuisines centrales. Le bœuf bourguignon et le cake courgette chocolat de l'école Pasquier d'Antony sont préparés "quelques jours" avant et livrés la veille.
      • Procédés Industriels : Pour produire "43 000 élèves par jour dans 19 communes", le CESCO utilise une production "quasi industrielle". Le chef cuisinier Daniel décrit : "Avant que j'arrive on prenait de l'eau on mettait de la poudre et on obtenait des sauces qui avaient le goût de la poudre". Désormais, il essaie de revenir à une cuisine plus "comme à la maison".
      • Liaison Froide : Les plats subissent un refroidissement express pour être conservés "jusqu'à 5 jours". Cependant, il y a une "perte de goût" avec ce procédé.
      • Contenants Plastiques et Risques Sanitaires : Le réchauffage des barquettes en plastique jetables dans le four fait "gondoler" les contenants.

      Selon l'ANSES, "des molécules de plastique se mélangeraient alors avec la nourriture", ce qui pourrait être "responsable de pubertés précoces et de cancers infantiles".

      Sabrina, une mère, exprime son inquiétude : "on empoisonne ses enfants à long terme".

      2.5. Les Efforts pour l'Amélioration de la Qualité

      • Loi de 2025 : Fin du Plastique et Plus de Bio : La loi impose "la fin du plastique à la cantine en 2025" et de "nouvelles contraintes" : "chaque année plus de bio, de produits de qualité labellisés et de circuits courts".
      • Recherche de Fournisseurs Locaux : Le CESCO cherche de nouveaux fournisseurs, comme Hotman Berou, producteur de yaourt bio artisanal. Il est le "seul producteur local capable de répondre à des critères de qualité draconiens". Cependant, ses yaourts sont "deux fois plus cher que l'industrie agroalimentaire".
      • Coûts de la Transition : Le passage au bio et à l'élimination du plastique représente un coût énorme. Le directeur de la régie du CESCO estime que les contenants réutilisables seuls représenteraient "5 millions d'euros" pour 100 000 pièces.

      Cela nécessiterait "une nouvelle cuisine", une laverie et des camions supplémentaires. Il demande aux mairies "180 000 € par an en fonctionnement" en plus.

      • Implication des Enfants dans le Choix des Menus : Des chefs tentent de faire valider de nouvelles recettes par des groupes d'enfants. Si "70 % des testeurs valident une recette elle sera distribuée 6 mois plus tard dans les écoles à environ 1 million d'enfants". L'objectif est de leur faire manger des légumes, parfois en les "cachant" (comme la courgette dans le cake mystère).

      3. Les Cantines d'Entreprise : Un Modèle en Évolution Les cantines d'entreprise connaissent également une transformation, s'adaptant aux nouvelles exigences des salariés.

      3.1. Attentes Élevées des Salariés

      Qualité et Équilibre : "Fini les plats industriels et bas de gamme avaler sur le pouce ils veulent prendre le temps de manger sain et équilibré". Les salariés sont "de plus en plus exigeants".

      Expérience Culinaire : Le groupe Accord propose plus d'une "dizaine de stands" avec des plats variés (Asian, burger, Méditerranée, paella, poisson, végétarien, rôti de sanglier, plateau de fromage avec truffe). Les assiettes et desserts sont dressés "devant le client à la commande", donnant l'impression d'un "vrai restaurant en mode cafétéria".

      Prix Abordables : Un plateau coûte 11 €, mais le salarié ne paie que 6 €, le reste étant pris en charge par l'employeur.

      3.2. Innovations des Grands Groupes de Restauration Collective

      • Service et Logistique Optimisés : Le groupe Accord utilise une application qui indique la fréquentation en temps réel, permettant aux employés d'éviter les files d'attente.
      • Valorisation du Fait Maison et des Produits Locaux : Christophe, chef pour Elior, un leader de la restauration collective, met l'accent sur le "fait maison" et les produits frais. Il s'approvisionne chez des producteurs à moins de "200 km". Par exemple, les frites sont produites localement et livrées crues "sous vide", sans congélation, offrant une "fraîcheur extrême".

      • Créativité Culinaire : Les chefs comme Mathieu, pâtissier chez Elior, ont conservé leur créativité malgré le volume : "J'ai même apporter des recettes que je faisais dans des restaurants auquels je travaillais avant et que je propose aux clients ici et qui sont super contents".

      • Réduction du Gaspillage : Christophe vise des "pertes infimes" en commandant au plus juste et en ajustant les quantités en fonction de l'historique des ventes. "Moi je préfère produire moins Quitte à perdre du temps un petit peu en fin de service pour refaire et voilà on arrive au résultat où les pertes sont infimes".

      3.3. Un Cadre de Travail Amélioré

      • Lieu de Vie : Les grandes entreprises conçoivent leur siège comme des "start-up de la Silicone Valley", où la cantine est un "lieu design et confortable".
      • Bien-être des Salariés : Des espaces de détente avec WiFi, iPad, jeux et même des "fauteuils massants" pour la sieste sont mis à disposition. "une bonne sieste c'est bien 15 20 minutes il y a pas besoin de ce soit plus longtemps Je pense pas que ce soit abusé de faire 15 20 minutes de sieste dans une journée".
      • Restauration Haut de Gamme : Au 27ème étage de la tour Accord, un "restaurant gastronomique avec vue sur tout Paris" propose des menus à "32 € élaboré par des grands chefs", attirant les cadres pour leurs rendez-vous d'affaires.

      Conclusion

      • Le secteur de la restauration collective, qu'elle soit scolaire ou d'entreprise, est en pleine mutation.

      Confronté à des pressions économiques inédites, il doit jongler entre l'augmentation des coûts, les exigences réglementaires croissantes en matière de qualité et de durabilité (fin du plastique, plus de bio), et les attentes grandissantes des consommateurs.

      Si les cantines scolaires peinent à trouver l'équilibre financier et à réduire le gaspillage, les cantines d'entreprise semblent s'adapter plus rapidement, transformant le repas en un véritable service d'entreprise et un levier de bien-être au travail.

      Les innovations et les efforts pour une alimentation plus saine et locale sont palpables, mais leur généralisation dépendra en grande partie de la capacité des collectivités et des entreprises à investir dans ces transformations coûteuses, tout en protégeant le pouvoir d'achat des familles.

    1. Liste des préconisationsRecommandation n° 1 : Revaloriser le système indemnitaire des directeurs de CIO.Recommandation n° 2 : Solliciter l’expertise des PsyEN pour sensibiliser les personnels enseignants etéducatifs aux vulnérabilités et besoins fondamentaux des élèves, et les former à la conduite d’entretiensindividuels et à l’écoute active.Recommandation n° 3 : Indemniser dans le cadre du « pacte » les PsyEN qui interviennent en formationauprès des équipes pédagogiques ou éducatives, en élargissant les missions ouvrant droit au « pacte ».Recommandation n° 4 : Mobiliser l’expertise des PsyEN dans les protocoles santé mentale et pour lesformations aux compétences psychosociales.Recommandation n° 5 : Mettre en place une certification ou une habilitation pour le conseil en orientationà destination des enseignants, des CPE ou des PsyEN de la spécialité EDA.Recommandation n° 6 : Désigner dans chaque établissement un « référent orientation » ou un pôle deréférents, en décharge horaire ou indemnisés dans le cadre du « pacte », en élargissant les missions y ouvrantdroit.Recommandation n° 7 : Mettre en synergie les acteurs parties prenantes du SPRO pour l’information et leconseil en orientation : services régionaux, CIO voire services jeunesse (BIJ, CRIJ...) ; envisager, si possible,des mutualisations dans le respect des compétences de chacun.Recommandation n° 8 : Recentrer les missions des PsyEN sur l’accompagnement des publics rencontrant desproblématiques particulières, passagères ou durables, de scolarité, d’apprentissage, d’orientation ou de mal-être.Recommandation n° 9 : Instituer des temps de passation de dossiers entre les PsyEN EDA et les PsyEN EDOet créer une plateforme numérique sécurisée d’archivage des dossiers de suivi des élèves.Recommandation n° 10 : Organiser à tous les niveaux fonctionnels (rectorat, DSDEN, bassin, établissementou circonscription) les coopérations des personnels du secteur santé-social avec les PsyEN des deuxspécialités EDA et EDO.Recommandation n° 11 : Organiser le travail des PsyEN dans un service coordonné par un PsyEN ayant unecompétence en orientation (équivalent de l’actuel DCIO) et se référant à l’autorité fonctionnelle de l’IEN-IO,secondé si besoin par un psychologue conseiller technique départemental. Mettre en place des indicateursde besoins et d’activités et revoir l’application BILACCIO.Recommandation n° 12 : Mettre en place des supervisions au niveau du service des PsyEN.Recommandation n° 13 : Repenser le pilotage de l’orientation et de la santé mentale des élèves enmobilisant les chefs d’établissement et les IEN, et faire du bassin (ou équivalent) le niveau de mise encohérence des actions et des acteurs.Recommandation n° 14 : Repenser la formation initiale des PsyEN avec davantage de modularité etl’implication conjointe d’universitaires, d’enseignants de l’INSPÉ et de PsyEN, ainsi qu’un stage enresponsabilité dans l’académie d’affectation définitive des PsyEN.Recommandation n° 15 : Permettre des changements de spécialité entre EDA et EDO à l’instar de ce qui sepratique pour les changements de discipline des enseignants, afin d’inscrire de la diversité dans les parcoursprofessionnels, de favoriser une meilleure acculturation des deux métiers et de faciliter les mobilités.Recommandation n° 16 : Permettre aux PsyEN d’être éligibles au CAFFA (certificat d’aptitude aux fonctionsde formateur académique) et solliciter les PsyEN pour la formation continue des enseignants et personnelsd’éducation

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    1. Ce document est un rapport du Défenseur des droits, une institution indépendante chargée de défendre les droits et libertés. Intitulé « Amendes, évictions, contrôles : la gestion des « indésirables » par la police en région parisienne »,

      il a été rédigé par Aline Daillère et Magda Boutros en avril 2025.

      Le rapport analyse les pratiques policières de « contrôle-éviction » et de « multi-verbalisation » visant des populations spécifiques considérées comme « indésirables » dans l'espace urbain parisien.

      Thèmes Principaux et Idées Clés :

      Politique Institutionnelle d'Éviction des « Indésirables »

      • Le rapport démontre l'existence d'une politique institutionnelle au sein de la police nationale visant à évincer certaines catégories de la population de l'espace public parisien.

      Ces catégories sont définies sur la base de l'âge, du genre, de l'assignation ethno-raciale et de la précarité économique.

      • Le terme « indésirables », bien que retiré officiellement des politiques publiques après la Seconde Guerre mondiale, est toujours utilisé de manière formalisée dans le logiciel de main courante informatisée de la police nationale.
      • Citation : « Les résultats démontrent qu’il existe, au sein de la police nationale, une politique institutionnelle qui vise à évincer de l’espace public parisien des catégories de population définies par l’institution policière comme « indésirables », sur la base de leur âge, genre, assignation ethno-raciale et précarité économique. »

      Outils Policiers d'Éviction : Contrôles-Éviction et Multi-Verbalisation

      • Contrôles-éviction : Jusqu'au début des années 2010, cette pratique visait à empêcher certaines personnes de rester dans les espaces publics, même en l'absence d'infraction.

      Les policiers utilisaient des stratégies comme le contrôle d'identité suivi d'une demande de quitter les lieux, l'occupation du terrain, ou la conduite au poste pour vérification d'identité.

      • Citation : « Les policiers utilisaient trois stratégies pour évincer. Ils pouvaient procéder à un contrôle d’identité, généralement accompagné d’une palpation, puis « demander aux gens de quitter les lieux ».

      Ou bien ils tentaient d’« occuper le terrain » dans le but de contraindre les personnes à partir.

      Une troisième voie consistait à conduire les individus au poste de police pour procéder à une vérification d’identité, même lorsqu’ils connaissaient déjà leur identité, « le but étant que lorsqu'ils sont en train d’être verbalisés au commissariat, ils ne perturbent plus les quartiers ». »

      • Multi-verbalisation : À partir de 2017, les groupes ciblés ont commencé à faire l'objet de verbalisations répétées pour des motifs liés à l'utilisation de l'espace public (incivilités, infractions routières, règles sanitaires).

      Ces amendes répétées peuvent générer des dettes considérables, parfois supérieures à 30 000 euros pour des adolescents ou jeunes adultes.

      • Les amendes sont souvent émises par lots et pour des faits mineurs, même sans contrôle direct des individus, grâce à l'interconnaissance entre policiers et jeunes ciblés, et à la généralisation du procès-verbal électronique.

      Profil des Populations Ciblées : Jeunes Hommes Racisés et Précarisés

      • Les « indésirables » sont principalement de jeunes hommes, racisés (perçus comme noirs ou arabes), issus des classes populaires, souvent en situation de précarité économique.

      Ils sont ciblés pour leur simple présence en groupe dans les espaces publics de leurs quartiers de résidence, d'étude ou de travail.

      • L'analyse des mains courantes policières du 12e arrondissement de Paris montre que les personnes étiquetées comme « indésirables » sont plus jeunes, plus souvent des hommes et plus souvent issues de l'immigration postcoloniale que les autres personnes contrôlées.

      • Citation : « La perception des jeunes concernés va dans le même sens : les contrôles et verbalisations dont ils font l’objet sont selon eux, particulièrement prégnants entre 15 et 20 ans.

      Plus jeunes, ils intéressent moins la police.

      Plus âgés, ils redeviennent moins ciblés et expriment le sentiment que la fréquence des contrôles et amendes s’amenuise passé un certain âge (« En gros, ça part avec l’âge »). »

      • Leur tenue vestimentaire (jogging, baskets, casquette) est également un facteur de suspicion et de ciblage.

      • Ces jeunes sont souvent verbalisés « en bas de chez eux », à proximité immédiate de leur domicile, et sont connus des policiers, qu'ils soient impliqués ou non dans des activités délinquantes.

      Contexte Juridique et Historique Favorisant les Pratiques d'Éviction

      • Les contrôles d'identité et les amendes forfaitaires, bien qu'apparemment anodins, ont des finalités multiples, dont l'éviction.

      Le cadre légal a considérablement étendu le pouvoir discrétionnaire des policiers en matière de contrôle et de verbalisation.

      • L'amende forfaitaire, initialement conçue pour des infractions routières mineures, s'applique désormais à un large éventail de contraventions et même de délits, donnant au policier un rôle de « juge dans la rue » sans contrôle judiciaire effectif.

      • Citation : « L’histoire et le cadre législatif des contrôles d’identité et amendes forfaitaires, associés à la faiblesse des contrôles hiérarchiques et judiciaires, facilitent leur usage à des fins d’éviction des populations considérées comme « indésirables ». »

      Co-construction de l'« Indésirabilité » par Divers Acteurs

      • Riverains : Certains habitants sollicitent régulièrement la police pour des « rassemblements de jeunes » qu'ils perçoivent comme une nuisance, utilisant des termes péjoratifs et racialisés.

      Leurs plaintes, même non vérifiées, déclenchent systématiquement une réponse policière.

      • Citation : « D’une part, certains habitants estimaient que la présence de rassemblements de jeunes était problématique et sollicitaient régulièrement la police. [...]

      Ils opposent « les jeunes » – considérés ici comme n’étant « pas à leur place » – et « les riverains » qui demandent « simplement la possibilité de vivre dans un environnement normal, avec un minimum de tranquillité publique ». »

      • Autorités Municipales : Les mairies amplifient les doléances des habitants gênés par les jeunes et les transmettent aux commissariats avec des demandes d'intervention précises.

      En revanche, elles minimisent les plaintes des jeunes concernant les abus policiers, arguant d'une absence de pouvoir hiérarchique sur la police.

      • Citation : « La mairie d’arrondissement a joué un rôle important dans la mise en œuvre de la politique d’éviction, en amplifiant les doléances des habitants gênés par les groupes de jeunes et en délégitimant les voix qui prônaient un espace public plus inclusif. »

      • Cette dynamique crée un « système » où divers acteurs institutionnels contribuent à légitimer l'idée que certaines populations n'ont « pas leur place » dans l'espace public.

      Conséquences Dramatiques pour les Personnes Ciblées

      • Harcèlement Policier et Vulnérabilité : Les contrôles et amendes répétées, bien que sans effet sur la présence des jeunes dans l'espace public (qu'ils considèrent comme un droit), les placent dans une situation de vulnérabilité accrue et de harcèlement constant.

      Les mêmes individus sont contrôlés et évincés à plusieurs reprises, parfois plusieurs fois par jour, créant une « familiarité perverse » propice aux conflits.

      • Conséquences Économiques et Sociales : Les dettes d'amendes entraînent un surendettement pour des populations déjà précaires, freinant leur insertion professionnelle et les poussant à éviter le système bancaire ou le travail déclaré pour échapper au fisc.

      • Citation : « Pour Hossine, les amendes lui ôtent toute possibilité de sortir à la fois du quartier où il a grandi et de sa précarité sociale et économique (« Nous, déjà, on essaie de marcher pour sortir du quartier, mais eux :

      « Non, on vous rajoute ça. Vous allez rester là et, en même temps, vous allez payer »). »

      • Sentiment d'Injustice et de Défiance : Les personnes ciblées expriment un fort sentiment d'injustice, perçoivent les policiers comme abusant de leur pouvoir de manière arbitraire, et ont une grande défiance envers les institutions étatiques.

      • Citation : « L’expression du sentiment d’injustice ressort ainsi de la quasi-totalité des entretiens : l’injustice dans le sens d’une absence de justice (impossibilité de saisir le juge ou inutilité de mobiliser le droit, voir infra) et dans le sens où ils perçoivent largement les policiers comme se sentant au-dessus de la loi et comme abusant de leurs pouvoirs de manière arbitraire. »

      • Incitation à la Fuite et à des Actes Illicites : La peur des verbalisations pousse certains à fuir à la vue des policiers.

      Dans les cas les plus extrêmes, la pression financière peut inciter certains à envisager des actes délictueux pour régler leurs dettes.

      • Difficulté des Voies de Recours : La contestation des amendes est extrêmement difficile en raison de la présomption de véracité des procès-verbaux de police, de la complexité des procédures et du coût élevé, rendant les voies de recours largement ineffectives.

      En somme, le rapport met en lumière une politique policière d'éviction discriminatoire en région parisienne, amplifiée par l'action de certains riverains et des autorités municipales, qui a des conséquences socio-économiques et psychologiques dévastatrices sur les jeunes hommes racisés et précarisés, tout en érodant leur confiance dans les institutions.

    1. Note de Synthèse : Relations Police/Population en France – Constats 2024 et Évolutions

      Source: Extraits de "https://www.defenseurdesdroits.fr/sites/default/files/2025-06/ddd_EAD-2024_volume-1_relations-police-population.pdf" (Défenseur des droits, "Relations police/population : contrôles d’identité et dépôts de plainte", Juin 2025).

      Introduction et Contexte

      Le Défenseur des droits, en tant qu'organe externe de contrôle de la déontologie des forces de sécurité, a publié la deuxième édition de son enquête "Accès aux droits" (EAD 2024), actualisant une étude menée initialement en 2016.

      L'objectif est d'approfondir la connaissance des atteintes aux droits, notamment en matière de déontologie des forces de sécurité et des relations police-population.

      Cette publication se concentre sur trois aspects clés : l'expérience des contrôles d'identité, l'expérience du dépôt de plainte ou de main courante, et la confiance envers l'institution policière.

      L'étude de 2016 avait déjà mis en évidence des relations généralement satisfaisantes, mais notait des expériences plus contrastées pour certains groupes sociaux, notamment les jeunes hommes perçus comme noirs, arabes ou maghrébins, qui subissaient des contrôles plus fréquents et souvent dégradés.

      Ces expériences négatives étaient corrélées à une faible confiance envers les forces de sécurité.

      Une recommandation clé du Défenseur des droits en 2016 était la mise en place d'une traçabilité des contrôles d'identité pour lutter contre les discriminations.

      L'édition 2024, menée entre octobre 2024 et janvier 2025 auprès de 5 030 personnes représentatives de la population de France métropolitaine (18-79 ans), utilise une méthodologie comparable à 2016, mais enrichie de nouvelles thématiques (notamment sur le dépôt de plainte).

      Elle intègre des variables sociodémographiques détaillées (âge, sexe, origine perçue, religion, orientation sexuelle, handicap) pour une analyse intersectionnelle des discriminations.

      Thèmes Principaux et Idées Clés

      1. L'Expérience des Contrôles d'Identité

      Les contrôles d'identité sont un point de contact majeur entre la police et la population, avec environ 47 millions estimés en 2021.

      Leur cadre juridique est jugé "complexe et flou", laissant une "large marge d'interprétation aux forces de sécurité, ouvrant la voie à des usages divers, et parfois controversés".

      L'existence de discriminations dans ce cadre a été reconnue à plusieurs reprises par la justice.

      • Augmentation significative de la fréquence des contrôles :La proportion de personnes ayant été contrôlées au moins une fois au cours des 5 dernières années est passée de 16 % en 2016 à 26 % en 2024, soit une augmentation de 63 %.

      • Cette hausse touche toutes les catégories de population, y compris celles "auparavant peu contrôlées" : +81 % pour les cadres, +148 % pour les 55-64 ans, et +79 % pour les personnes perçues "comme blanches exclusivement".

      • En 2024, les contrôles multiples (plusieurs fois sur les 5 dernières années) sont majoritaires (15 % de la population contre 11 % pour un contrôle unique).

      • Modalités et justifications des contrôles :90 % des contrôles rapportés en 2024 ont impliqué une vérification des titres d'identité (contre 68 % en 2016).

      • Cependant, une part significative des contrôles est "poussée" : 22 % ont fait l'objet d'une fouille, 11 % ont reçu l'ordre de quitter les lieux, 6 % ont été plaquées contre un mur ou une voiture et 3 % ont été emmenées au poste.

      • Pour plus d’une personne contrôlée sur deux, le motif du contrôle n’est pas explicité par les forces de sécurité. Seules 42 % des personnes ayant subi un contrôle "poussé" ont bénéficié d'une justification.

      • Comportements inappropriés :19 % des personnes contrôlées déclarent avoir été confrontées à des comportements inappropriés (tutoiement, provocation, insultes, brutalité), une proportion qui était de 28 % en 2016 (bien que les questions aient pu évoluer).

      • 14 % ont été tutoyées, 7 % provoquées ou insultées, et 7 % ont subi des comportements brutaux.

      • Disparités socio-démographiques et discriminations :Les jeunes hommes perçus comme noirs, arabes ou maghrébins sont 4 fois plus à risque d’avoir été contrôlés que le reste de la population, et 12 fois plus à risque de faire l’objet d’un contrôle « poussé » (fouille, palpation, conduite au poste, injonction à quitter les lieux).

      • Ils rapportent également plus fréquemment des comportements inappropriés : 30 % d'entre eux contre 15 % des personnes perçues comme blanches uniquement.

      • Les personnes financièrement précaires (32 %) sont également plus contrôlées que celles à l'aise financièrement (22 %).

      • Les personnes non hétérosexuelles ont 50 % de risque en plus d'être confrontées à des comportements inappropriés lors d'un contrôle d'identité.

      • La "marge d’appréciation offerte par le droit actuel laisse les policiers et les gendarmes seuls avec leur propre instinct et leurs éventuels préjugés", ce qui "peut induire des comportements discriminatoires, volontaires ou non, et faire peser une suspicion sur l’ensemble des contrôles".

      • Le manque de traçabilité des contrôles d'identité est un obstacle persistant à la preuve des discriminations et à l'effectivité du droit au recours.

      • Réactions aux comportements inappropriés :Seules 8 % des personnes ayant subi des comportements inappropriés ont tenté de faire reconnaître la situation (via une association, avocat, Défenseur des droits, police/gendarmerie).

      • La majorité (73 %) en a parlé à des proches.

      2. L'Expérience du Dépôt de Plainte ou de Main Courante

      Le dépôt de plainte est une autre modalité cruciale d'interaction avec les forces de sécurité.

      • Fréquence et profil des plaignants :35 % des personnes interrogées se sont rendues dans un commissariat ou une gendarmerie pour déposer une plainte ou une main courante au cours des 5 dernières années.

      • Les personnes en difficultés financières, en situation de handicap, ou atteintes de maladies chroniques ont une propension plus élevée à porter plainte.

      Comportements non déontologiques lors du dépôt de plainte :21 % des personnes ayant souhaité déposer une plainte se sont heurtées à un refus, alors que le refus de dépôt de plainte est interdit par la loi (Article 15-3 du code de procédure pénale).

      • Les refus de plainte touchent plus fréquemment les personnes en situation de handicap (37 %), celles portant un signe religieux (33 %), au chômage (30 %), résidant dans un quartier prioritaire de la politique de la ville (30 %), ou perçues comme noires, arabes ou maghrébines (28 %).

      • 10 % des personnes ayant voulu déposer plainte rapportent des comportements inappropriés des forces de sécurité (tutoiement, insultes, humiliation, intimidation).

      • Les personnes en situation de handicap ont un risque double d'être exposées à des comportements inappropriés lors d'un dépôt de plainte.

      • Les jeunes (18-24 ans) et les personnes perçues comme non-blanches ont également un risque 80 % plus élevé d'y être confrontées.

      • Expériences négatives multicontextuelles :Certains facteurs, comme l'origine perçue (noir, arabe, maghrébin), l'âge (jeunes 18-24 ans) et le chômage, surexposent aux comportements inappropriés "aussi bien lors d’un contrôle que lors d’un dépôt de plainte".

      Cela "suggère l’existence de comportements discriminatoires car ciblés sur certains groupes sociaux plutôt que d’autres."

      3. La Confiance en l'Institution Policière

      La confiance se distingue en une confiance "diffuse" (missions générales de la police) et un soutien "spécifique" (évaluation basée sur des expériences concrètes).

      L'enquête s'intéresse au soutien spécifique.

      • Niveaux de confiance :50 % de la population se dit confiante ou rassurée en présence d'un policier ou d'un gendarme sur la voie publique.

      • 28 % sont indifférents et 22 % se sentent méfiants ou inquiets.

      • Lien avec les expériences concrètes :La confiance est "étroitement liée" aux expériences vécues : 51 % des personnes ayant pu enregistrer leur plainte sans incident se déclarent confiantes, contre seulement 37 % de celles confrontées à un refus.

      • 59 % des personnes ayant vécu des discriminations lors d'un contrôle de police se sentent inquiètes ou méfiantes, contre 21 % de celles qui pensent que les discriminations existent mais ne les ont pas vécues personnellement, et 5 % de celles qui ne reconnaissent pas leur existence.

      • Les personnes ayant fait l'expérience de comportements inappropriés (que ce soit lors d'un contrôle ou d'un dépôt de plainte) se déclarent plus fréquemment méfiantes ou inquiètes (respectivement 61 % et 51 %).

      • Conséquences du manque de confiance :Le manque de confiance entraîne plus fréquemment une remise en question de la légitimité de l'intervention policière : 16 % des personnes méfiantes protestent lors d'un contrôle, contre 4 % des confiantes.

      • Les personnes méfiantes sont plus nombreuses à percevoir le contrôle comme injustifié (59 % contre 18 % des confiantes).

      • Une corrélation négative existe entre confiance et recours à la police : 21 % des personnes méfiantes déclarent ne pas avoir contacté les forces de sécurité par manque de confiance suite à une discrimination ou un harcèlement, contre 3 % des personnes confiantes.

      • Cela crée une "dynamique délétère" qui "nourrit une défiance mutuelle lors des interactions police/population" et "peut conduire à une escalade des tensions en contexte d’intervention".

      Conclusion Générale

      L'enquête "Accès aux droits" de 2024 met en évidence une "dualisation des relations" entre les citoyens et les forces de sécurité en France.

      Alors que l'expérience du contrôle d'identité s'est généralisée à une plus grande partie de la population, les modalités de ces interactions varient considérablement selon les caractéristiques sociales des individus.

      Les catégories de population "traditionnellement" moins contrôlées (femmes, cadres, personnes âgées) sont désormais plus souvent contrôlées, mais généralement via des "simples contrôles d’identité, généralement ponctuels, courtois et perçus comme justifiés."

      En revanche, pour les personnes perçues comme noires, arabes ou maghrébines, les jeunes, les hommes et les personnes précaires, on observe une persistance de contrôles plus fréquents, plus intrusifs ("poussés"), et accompagnés de comportements contraires à la déontologie.

      Ces groupes sont également plus exposés aux refus de dépôt de plainte et aux comportements inappropriés lors de ces démarches.

      Ces expériences négatives et discriminatoires ont un impact direct et significatif sur la confiance envers les forces de sécurité, conduisant à une méfiance accrue, une remise en question de la légitimité des actions policières, et une diminution du recours à la police.

      L'étude souligne que cette "érosion de la confiance" peut "nourrir les crispations entre la population et les forces de sécurité et, in fine, peut conduire à une escalade des tensions en contexte d’intervention."

      Le Défenseur des droits souhaite que ce rapport "favorise la réflexion pour établir des relations plus apaisées" entre la police et la population.

    1. Programme JADE (Jeunes Ambassadeurs des Droits) 2024-2025 : Synthèse et Thèmes Principaux

      Introduction au Programme JADE

      • Le programme des Jeunes Ambassadeurs et Ambassadrices des Droits (JADE) est un dispositif d'éducation aux droits, créé en 2006 par le Défenseur des Enfants et piloté par le Défenseur des Droits depuis 2011.

      Son objectif principal est de promouvoir les droits de l'enfant, l'égalité et la lutte contre les discriminations, en particulier auprès des jeunes les plus vulnérables.

      Le programme s'appuie sur une approche de "pair à pair", où de jeunes volontaires en service civique sensibilisent d'autres enfants et jeunes à leurs droits.

      Comme le souligne le rapport, "Trop souvent, la parole et les droits des enfants sont délaissés, alors que c’est avec eux que les droits des générations actuelles et futures doivent se renforcer, se solidifier, se développer."

      En 2024-2025, le programme a mobilisé 82 JADE qui ont bénéficié de près de 150 heures de formation et ont effectué 2646 interventions, sensibilisant et formant près de 40 722 enfants à leurs droits.

      Le programme JADE incarne la volonté de l'institution d'« aller vers » les enfants et les jeunes, et vise un triple objectif :

      Favoriser l'accès aux droits des plus jeunes.

      • Informer les jeunes sur le rôle et les missions du Défenseur des Droits.
      • Sensibiliser les jeunes à leurs droits et développer leur esprit de citoyenneté.
      • Le programme se décline en deux missions principales : les JADE Enfants (sensibilisation aux droits fondamentaux de l'enfant selon la CIDE) et les JADE Égalité (sensibilisation à l'égalité et à la lutte contre les discriminations).

      Qui sont les JADE ?

      • Les JADE sont des volontaires en service civique âgés de 16 à 25 ans (jusqu'à 30 ans pour les personnes en situation de handicap), issus d'horizons variés.

      Le rapport mentionne que leur "richesse de parcours, cette diversité des profils et cette envie partagée de faire bouger les lignes qui font la force du programme JADE."

      Ils peuvent être étudiants, en reconversion ou en recherche de leur voie, tous partageant un engagement commun à sensibiliser les jeunes à leurs droits partout en France.

      Profil Démographique (Promotion 2024-2025) :

      • Niveau de diplôme : 25% Bac, 25% Bac+5, 15% Bac+1, 13% Bac+2, 13% Bac+3, 6% Secondaire, 3% Bac+4.

      • Expérience en animation : 77% non, 23% oui.

      • Leurs domaines d'études et projets professionnels sont divers, incluant la promotion des droits, le médico-social, l'humanitaire/solidarité et l'éducation spécialisée.

      • La mission JADE est formatrice et exigeante, demandant de travailler en collectif, de s'adapter à des publics variés et de transmettre des valeurs fondamentales, tout en développant leurs propres compétences.

      Elle attire des volontaires intéressés par les questions sociales et éducatives, leur permettant de rencontrer des professionnels et d'améliorer leurs compétences pédagogiques.

      Elle est également attractive pour les profils juridiques souhaitant vulgariser des concepts juridiques et défendre les droits humains.

      Principales Évolutions du Programme en 2024-2025 Le programme JADE continue de se consolider et de s'adapter. Plusieurs évolutions marquent l'année 2024-2025 :

      Redéploiement Territorial

      • Le programme est implanté dans de nombreux départements et régions, avec un total de 82 JADE recrutés (42 JADE Droits des Enfants, 25 JADE Égalité, et 15 JADE Droits des Enfants et Égalité à Mayotte et la Réunion).

      Cependant, des difficultés financières dues à la réduction des dépenses publiques ont conduit à des désengagements de certaines collectivités territoriales.

      Par exemple, des Conseils départementaux se sont partiellement ou totalement retirés. Pour pallier cela, le Défenseur des Droits a exceptionnellement financé un binôme JADE Enfant en Seine-Maritime et pris en charge la moitié des coûts de l'équipe de Gironde.

      Malheureusement, le programme n'a pas pu être maintenu en Île-et-Vilaine malgré son succès.

      • À l'inverse, certains territoires renforcent leur engagement.

      La Métropole Rouen-Normandie a augmenté son financement, et la DILCRAH (Délégation interministérielle à la lutte contre le racisme, l'antisémitisme et la haine anti-LGBT) a alloué des fonds complémentaires, permettant le recrutement d'une équipe JADE Égalité de quatre volontaires en Seine-Maritime.

      Le rapport met également en lumière le "partenariat exemplaire" en Côte d’Or, où le programme JADE fête ses 10 ans, ayant sensibilisé plus de 20 000 enfants et jeunes dans l'ensemble des collèges du département et des structures spécialisées (ASE, PJJ, CHU).

      Équipe de Coordination Renforcée

      • L'équipe de coordination JADE a été renforcée pour faire face à la croissance du programme, qui accueille désormais une centaine de volontaires en moyenne chaque année.

      Ce renforcement vise à "assurer un accompagnement des volontaires de qualité dans leur mission de service civique et de répondre aux attentes des partenaires désireux de mettre en place une équipe JADE sur leur territoire." Alexandra Frontali, chargée de mission JADE, souligne son souhait de s'impliquer dans un projet qui "valorise la sensibilisation entre pairs et qui accorde une attention particulière à la diversité des profils des jeunes sensibilisés : jeunes de l’Aide sociale à l’enfance et de la Protection judiciaire de la jeunesse, jeunes hospitalisés, etc."

      Outils de Sensibilisation Retravaillés

      Le programme innove constamment dans ses outils. Pour les JADE Égalité, de nouvelles animations ont été développées, telles que :

      • "Indiscri" : un jeu d'enquête pour identifier la victime, le critère et le domaine d'une discrimination.
      • "La permanence" : une simulation de permanence d'un délégué du Défenseur des Droits pour orienter les réclamants. Pour les JADE Enfants, cinq nouvelles animations ont été créées, ciblant des droits moins abordés et favorisant des formats adaptables :
      • Des activités sur le droit à une justice adaptée à l'âge.
      • "Les apprentis sorciers de la santé" : un jeu sur le droit au meilleur état de santé possible et la santé mentale.
      • "Les maîtres du temps" : une activité sur l'équilibre entre les droits à l'éducation, aux loisirs et au repos.
      • Formation Unique et Approche "Pair à Pair"
      • Le programme JADE se distingue par une "offre de formation unique dans le champ des services civiques". Sur 9 mois de mission, les JADE bénéficient de 150 heures de formation, un volume et une qualité de contenu qui le démarquent des autres services civiques.

      Formation Initiale et Complémentaire La formation initiale se déroule sur trois semaines à Paris (ou localement pour l'Outre-Mer).

      Elle vise à doter les volontaires des connaissances et savoir-faire essentiels, tout en créant un esprit de promotion. Les modules couvrent :

      • Le rôle et les missions du Défenseur des Droits, avec des échanges directs avec la Défenseure des Droits, Claire HÉDON, et le Défenseur des Enfants, Éric DELEMAR.
      • Le contenu juridique spécifique aux missions JADE (droits de l'enfant et lutte contre les discriminations).
      • Des rencontres avec des professionnels de la protection de l'enfance (juges des enfants, psychologues, services de l'Éducation nationale, 119, etc.).
      • Des techniques d'animation, de prise de parole en public, de gestion de groupe, et l'appropriation du catalogue d'animations, souvent animées par d'anciens JADE.
      • L'utilisation d'outils informatiques professionnels.
      • Les formations complémentaires et locales permettent d'approfondir des sujets spécifiques aux réalités des territoires. Un exemple notable est la "formation commune aux Jade de Mayotte et de La Réunion" pour la première fois, favorisant les échanges interculturels et une compréhension mutuelle des spécificités locales, avec une double formation sur les droits de l'enfant et la lutte contre les discriminations.

      L'Apport de l'Approche "Pair à Pair"

      Le modèle "pair à pair" est central au programme. Les JADE, étant eux-mêmes jeunes, peuvent établir un dialogue de confiance plus facilement avec les publics qu'ils sensibilisent.

      Cette proximité en termes d'âge et d'expérience facilite les échanges et la transmission des messages. Lilou BENANIBA (JADE Occitanie Ouest - Toulouse) témoigne de l'importance des formations pour "créer un esprit d’équipe et de promotion au cours des nombreux temps favorisant l’échange et le partage entre JADE." Gwenaël MENAN (JADE Île-de-France) souligne comment la mission l'a aidé à "gagner en aisance à l’oral", notamment grâce au soutien du binôme lors des interventions.

      Une Vision Universelle : Atteindre les Enfants et les Jeunes dans leur Diversité

      Le programme JADE s'efforce d'atteindre le plus grand nombre d'enfants et de jeunes, quelles que soient leur situation ou leur cadre de vie.

      Types d'Interventions et Publics Ciblés

      Les JADE interviennent dans diverses structures :

      • Milieu scolaire : Collèges (6ème et 5ème pour JADE Enfants, 3ème pour JADE Égalité), lycées et apprentis. Les interventions abordent la construction, la définition juridique de la discrimination et les solutions pour la combattre.

      • Hors temps scolaire : Structures d'accueil périscolaires ou extrascolaires.

      • Interventions spécialisées : Après une formation dédiée, les JADE interviennent auprès de jeunes hospitalisés (services pédiatriques et pédopsychiatriques), en situation de handicap (IME, ULIS, instituts thérapeutiques éducatifs et pédagogiques, services d'aide par le travail), sous la protection de l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE), sous Protection Judiciaire de la Jeunesse (PJJ), et auprès de mineurs non accompagnés. Ces interventions sont cruciales pour "informer sur leurs droits et sensibiliser à la notion d’égalité" des jeunes en situation de vulnérabilité.

      Participation à des Événements

      Les JADE participent également à divers événements locaux et nationaux, représentant leur mission et l'institution, comme le Cross départemental du Calvados, la Journée de l'Engagement à Marseille, les Hauts de Seine Digital Games, ou le projet "jeunes contre le racisme et l'antisémitisme" en Seine-Saint-Denis.

      La célébration du 20 novembre (adoption de la CIDE) est un moment fort, où les JADE sont mobilisés pour animer des séances et participer à des événements de promotion des droits de l'enfant.

      L'Hôtel de Ville de Lyon a notamment sollicité les JADE pour des ateliers sur le droit à la protection de la vie privée.

      Un Programme Piloté par le Défenseur des Droits dans une Logique Partenariale

      Le succès du programme JADE repose sur une "logique partenariale" solide entre le Défenseur des Droits et de nombreux acteurs locaux.

      Rôle du Défenseur des Droits

      • L'institution du Défenseur des Droits assure la conception, le pilotage et le suivi du programme. De nombreux agents de l'institution sont mobilisés pour la formation et le bilan des JADE.

      Les pôles régionaux du Défenseur des Droits, avec leurs chefs de pôles et chargés de mission, contribuent à l'organisation des rencontres et formations locales, et au développement du programme sur les territoires en assurant sa promotion auprès des collectivités.

      Les "délégués référents JADE", bénévoles de l'institution, jouent un rôle primordial en apportant un "soutien personnalisé et de proximité" aux JADE, en les aidant à démarcher les établissements et en observant leurs interventions.

      Partenaires Essentiels

      • Collectivités Territoriales : Elles sont "investies" et soutiennent financièrement le dispositif, mettent à disposition des moyens (bureaux, matériel, véhicules) et aident à l'orientation du programme en identifiant les publics cibles et en diffusant le programme via leurs réseaux.

      Elles contribuent aussi à la formation locale des JADE, par exemple en organisant des présentations sur le fonctionnement des conseils départementaux ou les services de l'Aide Sociale à l'Enfance.

      • Structures Agréées de Service Civique : Quatre associations sont partenaires (Apprentis d'Auteuil, Concordia, Institut international des droits de l'Homme et de la Paix, et Unis-Cité).

      Elles sont liées par une convention tripartite et assurent le suivi quotidien, administratif et l'accompagnement individuel des JADE dans leur projet d'avenir.

      • Éducation Nationale : Elle participe à la formation locale des JADE, présentant les dispositifs spécifiques d'accueil des élèves (SEGPA, ULIS, UPE2A) et les procédures de lutte contre le harcèlement scolaire.

      • Les Paroles Inquiétantes : Une Problématique Croissante

      • Un aspect crucial du programme JADE est la gestion des "paroles inquiétantes" que les volontaires peuvent recueillir. Du fait de leur proximité d'âge avec les enfants et jeunes, les JADE sont parfois confrontés à des confidences ou des situations préoccupantes.

      Le Défenseur des Droits a mis en place une procédure spécifique pour s'assurer que ces témoignages soient traités par des professionnels compétents. Véronique MAHL, chargée de mission au Pôle Défense des droits de l’enfant et référente Paroles inquiétantes, explique que le pôle "s’assure de la prise en compte de ces paroles par les services compétents pour y donner suite."

      Elle ajoute que la juriste peut contacter les assistants sociaux et infirmiers scolaires, les conseillers techniques des académies, les responsables d'accueils de loisirs, et "même si cela est rare, de procéder lui-même à une information préoccupante à la Cellule de Recueil des Informations Préoccupantes (CRIP) ou un signalement au parquet lorsque la situation le justifie."

      Le rapport souligne une "augmentation très significative du nombre de paroles inquiétantes reçues" en 2025, avec 173 alertes comptabilisées en mai 2025, contre une moyenne stable de 137 à 151 les années précédentes.

      La majorité de ces situations n'était pas connue des professionnels. Cette hausse réaffirme "l’utilité de l’action des JADE et la nécessité de sensibiliser les enfants à leurs droits."

      En conséquence, l'équipe de coordination JADE a adapté la procédure, abordant les paroles inquiétantes dès les entretiens de recrutement et renforçant le module dédié lors de la formation initiale.

      Conclusion

      Le programme JADE du Défenseur des Droits est une initiative éducative vitale qui contribue activement à la promotion et à la défense des droits de l'enfant et à la lutte contre les discriminations en France.

      En s'appuyant sur l'engagement de jeunes volontaires et une approche de "pair à pair", il parvient à sensibiliser des dizaines de milliers d'enfants et de jeunes chaque année, y compris les plus vulnérables.

      Malgré les défis financiers et la problématique croissante des paroles inquiétantes, le programme continue de se renforcer grâce à des formations de qualité, des outils innovants et un réseau de partenariats solides.

      L'implication et l'énergie des JADE constituent "une fierté" pour l'institution, qui s'engage à œuvrer "vers un futur plus juste pour nos enfants et nos jeunes : ils prendront la relève de la défense des droits."

    1. Rapport d'information : Le droit à l'orientation dans l'enseignement secondaire en France

      Ce rapport détaillé du Défenseur des droits examine le droit à l'orientation scolaire en France, mettant en lumière les défis persistants et les inégalités qui entravent l'épanouissement des jeunes.

      Il s'appuie sur une littérature existante, des saisines et décisions du Défenseur des droits, des auditions d'acteurs variés et des contributions de jeunes.

      I. Cadre juridique et définitions de l'orientation

      L'orientation scolaire est un droit fondamental reconnu à l'échelle internationale et nationale.

      • Convention internationale des droits de l’enfant (CIDE) : garantit le droit de l'enfant à l'éducation, et rend "ouvertes et accessibles à tout enfant l’information et l’orientation scolaires et professionnelles" (Art. 28).

      Elle vise également à "favoriser l’épanouissement de la personnalité […] le développement de ses dons et ses aptitudes mentales et physiques, dans toute la mesure de leurs potentialités" (Art. 29).

      • Conseil de l'Union européenne (2008) : définit l'orientation comme "un processus continu qui permet aux citoyens, à tout âge et tout au long de leur vie, de déterminer leurs capacités, leurs compétences et leurs intérêts, de prendre des décisions en matière d'éducation, de formation et d'emploi et de gérer leurs parcours de vie personnelle".

      • Droit interne français (Code de l'éducation) : définit l'orientation comme "le résultat du processus continu d'élaboration et de réalisation du projet personnel de formation et d'insertion sociale et professionnelle que l'élève de collège, puis de lycée, mène en fonction de ses aspirations et de ses capacités" (Art. D. 331-23).

      Il reconnaît également le "droit au conseil en orientation et à l'information sur les enseignements, sur l'obtention d'une qualification professionnelle [...] sur les professions ainsi que sur les débouchés et les perspectives professionnels" (Art. L. 313-1).

      • Depuis les années 1960, l'orientation est devenue une politique publique visant à réduire les inégalités d'accès à l'éducation, avec la création de structures comme l'Onisep (1970) et les CIO (1971).

      II. Contraintes de gouvernance et de coordination entre les acteurs de l'orientation

      La politique d'orientation est fragmentée et manque de lisibilité, malgré l'implication de nombreux acteurs (État, régions, collectivités, académies, établissements, associations, parents).

      Une compétence scindée et morcelée :

      • État : définit la politique publique nationale, pilote l'accompagnement à l'orientation, et prend les décisions d'orientation et d'affectation des élèves. Il gère l'Onisep et les CIO.

      • Régions : sont en première ligne pour le déploiement, agissant sur l'information et sa diffusion, en lien avec le contexte économique local.

      • Difficultés d'articulation : "absence de pilotage national", "chef de fil peu identifié", "multiplicité d’acteurs, qui conduit tout à la fois à des doublons d’action, à l’illisibilité du système d’orientation, à la dilution de la responsabilité et de la capacité à évaluer les contributions respectives". (rapports variés cités)

      • Manque de coordination régionale : Les Services Publics Régionaux de l'Orientation (SPRO) peinent à coordonner les acteurs sous différentes tutelles et financements.

      L'offre d'information est segmentée.

      • Transition lycée-enseignement supérieur : Manque de pilotage spécifique, chaque niveau se renvoyant la responsabilité. La plateforme Parcoursup et la Mission de l’orientation du scolaire vers le supérieur (MOSS) n'ont pas totalement résolu ce problème.

      • Coût et incertitudes de la répartition des compétences : La nouvelle articulation entre l'Onisep et les régions pose des difficultés, notamment la "dissémination des ressources" et le "déficit de continuité éducative".

      • Plateforme Avenir(s) : Malgré ses ambitions, son lancement a été confus, et les collectivités locales ont exprimé des doutes sur son association et le risque de doublon avec leurs propres outils.

      • Inégalités territoriales et financement : Les budgets alloués à l'orientation varient fortement entre les régions, et les données sont rares et peu accessibles.

      III. Un accompagnement insuffisant malgré une pluralité d'informations

      • Les jeunes sont confrontés à une information foisonnante mais peu lisible, et à un manque d'accompagnement personnalisé.

      • Information numérique foisonnante mais peu lisible : Une multitude de sites et plateformes (Onisep, Parcoursup, CIDJ) existent, mais les jeunes peinent à naviguer dans cette offre.

      Manque d'experts en orientation :

      • Les psychologues de l’Éducation nationale (PsyEN) spécialisés en orientation (EDO) sont les seuls spécifiquement formés, mais ils sont en nombre insuffisant.

      Leur appellation de "psy" peut stigmatiser le conseil, faisant craindre aux élèves d'être perçus comme "en difficulté".

      "Les élèves ont peur de prendre rendez-vous."

      • Recommandation : Mettre en place un collectif de professionnels suffisant et définir un référent pilote formé à l'orientation pour coordonner et assurer un suivi individualisé.

      • Établissements scolaires insuffisamment ouverts aux acteurs extérieurs : Bien que des initiatives existent pour s'ouvrir au monde économique, il est nécessaire d'élargir ces démarches à toutes les filières et de diversifier les interventions.

      • Manque d'espaces dédiés : Les Centres d'Information et d'Orientation (CIO) sont les seuls lieux physiques dédiés, mais leur accès et leur stratégie de financement sont questionnés.

      • Recommandations : Créer un bureau de l'orientation dans chaque établissement scolaire avec un pilote identifié, et valoriser les CIO à l'échelle départementale.

      IV. Un parcours de l'orientation qui doit être choisi et éclairé

      Le rapport souligne des lacunes dans l'intégration de l'orientation dans les programmes scolaires, l'impact des inégalités sociales et territoriales, et la nécessité de reconnaître un véritable droit à la réorientation.

      Présence factice de l'orientation dans les programmes scolaires :

      • Les heures dédiées à l'orientation sont rarement effectives. Un jeune interrogé regrette : "Je n’ai pas été accompagnée, mes parents avaient d’autres soucis et étaient à distance.

      J’aurais aimé des heures d’orientation dans mon emploi du temps et du personnel scolaire dédié."

      • Stages d'observation de 3ème : Plébiscités par les jeunes comme un levier efficace pour la découverte du monde professionnel.

      Cependant, l'accès est inégal, le "poids du réseau familial et de l'environnement" étant déterminant. "Ça a été facile à trouver, mais j’ai été aidé par la famille."

      Les élèves de milieux défavorisés acceptent souvent des stages "par défaut". "J’ai fini au boulot de ma mère par manque de réponse."

      • Discriminations à l'accès au stage : Saisines du Défenseur des droits pour discriminations fondées sur l'apparence physique, l'état de santé ou l'origine.

      Le phénomène des "stages réservés" (enfants de salariés) est encore répandu.

      • Voie professionnelle : Les élèves de la voie professionnelle, souvent issus de milieux populaires, ont des stages plus longs et sont confrontés à des difficultés de recherche, parfois acceptant des missions peu intéressantes.

      Le poids des inégalités sociales et territoriales :

      • Fatalisme social : Les jeunes en situation de précarité ont "de moindres ambitions scolaires, même à notes équivalentes". Le discours scolaire peut les décourager : "J'aurais aimé faire une prépa mais malheureusement dans les lycées de banlieue, on ne donne pas toutes les options qui existent."

      • Ségrégation scolaire : La faible mixité sociale freine les ambitions des élèves, accentuée par des logiques résidentielles.

      Les jeunes des quartiers prioritaires de la ville (QPV) ou des Réseaux d'Éducation Prioritaire (REP) cumulent les facteurs d'inégalités.

      • Autocensure : Les jeunes des milieux défavorisés témoignent d'une volonté de réussir mais aussi d'une "autocensure" : "À cause de l’environnement de classe je m’empêche de faire des choses."

      • Discrimination des Mineurs Non Accompagnés (MNA) : Le Défenseur des droits a constaté des orientations vers des filières courtes pour garantir une autonomie rapide, sans toujours tenir compte des souhaits et capacités des jeunes.

      • Inégalités territoriales et mobilité : Les élèves en milieu rural s'orientent moins vers la filière générale.

      Le manque de moyens financiers est un frein majeur à la poursuite d'études hors du domicile familial.

      L'éloignement des lieux de formation "alimente une forme d’autocensure chez les jeunes, qui estiment davantage que ces filières « ne sont pas pour eux »".

      Inégalités filles-garçons et biais de genre :

      • Constat connu : "Les filles s’orientent davantage vers l’enseignement général et technologique que les garçons mais sont moins nombreuses en proportion à s’orienter vers les filières scientifiques." (ministère de l'éducation nationale, DEPP). En 2022, seulement "24 % de femmes parmi les ingénieurs".
      • Phénomène sociétal : Les stéréotypes de genre, souvent intériorisés dès le collège ("Bien que j’aimais beaucoup les sciences, en grandissant on m’a fait ressentir que c’était plus pour les hommes.

      Je me suis posé des barrières seule"), influencent les choix. Les filières très féminisées sont souvent moins valorisées.

      • Effet de la réforme du lycée : Le libre choix des filières a "renforcé le poids des stéréotypes", éloignant davantage les filles des parcours scientifiques les plus exigeants.

      Le taux de féminisation de la spécialité "mathématiques" en 2021-2022 était au plus bas depuis 1994-1995.

      • Recommandations : Instaurer des actions positives sur le genre et accompagner les élèves du lycée général et technologique pour lutter contre les représentations genrées.

      Droit à la réorientation et à l'affectation effective :

      • Passerelles vs. Droit à l'erreur : Le dispositif des passerelles (changement de voie en cours ou fin d'année) est peu appréhendé comme une modalité de droit commun et est souvent présenté comme une "réaction à ce qui est vécu comme un échec".

      L'institution scolaire associe les orientations non concluantes des élèves à des choix "strictement personnels", minorant ses propres carences.

      La terminologie "droit à l'erreur" est stigmatisante, notamment quand elle réoriente des élèves de la voie générale vers la voie professionnelle, suggérant que leurs ambitions initiales étaient "surdimensionnées".

      • Recommandation : Mettre fin à la dénomination de "droit à l'erreur" et privilégier les terminologies de "passerelles" ou de "réorientation".

      • Lycéens sans lycée : Le Défenseur des droits est "régulièrement saisi d’élèves qui se voient refuser une affectation dans une formation pourtant choisie et validée [...] faute de places disponibles."

      En 2024, "23 600" élèves étaient sans affectation à la rentrée. La priorité est souvent donnée aux élèves non redoublants, créant une inégalité.

      • Recommandation : Anticiper et accorder les moyens humains, financiers et matériels nécessaires pour mettre fin aux situations récurrentes d'élèves sans affectation, et augmenter le nombre d'enseignants, de divisions et de dotations horaires globales.

      • Droit au maintien dans la classe d'origine : La loi permet aux élèves n'ayant pas obtenu satisfaction pour leur orientation de se maintenir dans leur classe d'origine pour une année.

      "Ce n’est pas grave si on perd une année ou deux.

      Il faut prendre le temps de se tromper, et se poser sur ses choix."

      Ce droit est crucial pour limiter les sorties sèches du système scolaire.

      Cependant, il est menacé par des "clauses de résiliation unilatérale" dans les contrats de scolarisation des établissements privés sous contrat, et un "phénomène d’éviction des élèves jugés insuffisamment performants" pour garantir de meilleures statistiques.

      V. Recommandations Générales

      Le rapport conclut en insistant sur l'urgence de définir des ambitions claires et partagées pour l'orientation scolaire, et de fournir aux professionnels les moyens et un cadre d'action clairs.

      Parmi les nombreuses recommandations formulées, on retient :

      • Mettre en place un suivi annuel consolidé des actions menées en matière d’orientation dans chaque région, tant quantitatif que qualitatif.

      • Permettre à chaque élève d’être accompagné par un collectif de professionnels en nombre suffisant et désigner un référent pilote.

      • Garantir l’existence de lieux physiques dédiés à l’information et à l’orientation (bureaux dans les établissements, valorisation des CIO).

      • Rendre effectives les heures annuelles d'orientation dans les emplois du temps.

      • Lutter contre l'autocensure en développant une information large et non stéréotypée.

      • Rapprocher les jeunes des formations en développant une offre équilibrée à travers le territoire.

      • Prendre en compte l’éloignement territorial des élèves dans le calcul des bourses.

      • Favoriser la mixité en instaurant des actions positives sur le genre dans les filières.

      • Anticiper les moyens pour mettre fin aux élèves sans affectation et garantir le droit au maintien dans la classe d'origine.

      • Mettre fin aux clauses abusives des contrats de scolarisation dans les établissements privés.

    1. Synthèse de la Concertation Nationale sur l'Orientation des Élèves (Avril 2025)

      Ce briefing document présente une synthèse des constats, analyses et propositions issues de la concertation nationale sur l'orientation des élèves, lancée en décembre 2024.

      Le rapport met en lumière des convergences significatives sur les défis actuels du système d'orientation français et propose des pistes d'évolution structurantes.

      L'objectif central est de favoriser l'égalité des chances, lutter contre les biais sociaux, territoriaux et de genre, et accompagner l'élève dans la construction autonome de son parcours.

      1. L'Accompagnement des Élèves dans la Construction de Leur Parcours

      La concertation révèle que l'orientation est un "objet anxiogène" pour la communauté éducative et "souvent source d’insatisfaction pour les élèves et leurs familles mais aussi pour les équipes."

      Elle est perçue comme un processus complexe, non réductible à une seule dimension, nécessitant de concilier "intérêt général et intérêt particulier, développer l’ambition et l’autonomie des élèves tout en facilitant leur intégration dans une société en évolution, les autoriser à rêver tout en tenant compte des contraintes liées à leur parcours scolaire et à la structure des formations et des emplois."

      Principaux Constats :

      Accompagnement hétérogène et insuffisant : Le "Parcours Avenir" est déployé de manière hétérogène et les heures dédiées à l'orientation sont souvent mal identifiées, voire inexistantes.

      Manque d'outils et d'objectifs clairs : Les établissements manquent d'outils de diagnostic, d'indicateurs et d'objectifs politiques clairs pour l'orientation.

      Inégalités persistantes : Les transitions (école/collège, lycée/enseignement supérieur) sont des priorités non toujours traduites en actes, et l'accès aux stages est inégal, "notamment dans les zones rurales éloignées ou les quartiers relevant de la politique de la ville."

      Limites des dispositifs existants : Les dispositifs d'égalité des chances (Cordées de la réussite, mentorat) sont utiles mais leur "faible nombre d’élèves concernés limite leur portée tout comme leur manque de visibilité auprès des familles."

      Propositions d'Évolutions Structurantes :

      Approche individualisée et inclusive : Mettre en place un système d'orientation "plus souple fondé sur une approche plus équilibrée, individualisée et inclusive de l’orientation, le développement de compétences notamment transversales des élèves, leurs progrès et leur potentiel plutôt que la prise en compte exclusive de leurs performances."

      Projet Pluriannuel d'Orientation (PPO) : Instaurer un PPO à l'échelle de l'établissement ou du bassin, co-construit, avec des objectifs opérationnels.

      Lutte contre les biais : Engager systématiquement un travail d'analyse et d'évaluation des biais liés aux représentations des équipes éducatives (genre, situation socio-économique, territoriale).

      Feuille de route commune : Définir une feuille de route commune et formalisée à l'échelle régionale, déclinant la stratégie nationale, avec des indicateurs partagés.

      Accompagnement des publics à besoins spécifiques : Une "grande vigilance" est nécessaire pour les élèves en zones rurales, en situation de handicap, sans réseau familial ou social, allophones, et scolarisés en SEGPA.

      Des "dispositifs d’orientation positive et inclusive" et des actions encourageant la mixité des parcours sont préconisés.

      Professionnalisation des acteurs : Renforcer la formation des professeurs principaux et PsyEN, et créer potentiellement une certification en orientation. Les enseignants se sentent souvent "peu armés pour accompagner au mieux les élèves."

      Rôle des parents : Les parents sont "des acteurs et partenaires essentiels du processus d’accompagnement" et leur rôle dans la co-éducation doit être consolidé, notamment par une "participation active à l’élaboration des projets d’établissement."

      Temps dédiés et ressources : Mettre en place un "parcours progressif et structuré d’acquisition des compétences à s’orienter" dès le collège, voire le primaire, avec des "heures dédiées prévues dans l’emploi du temps."

      Droit à l'erreur et réversibilité des parcours : Le "droit à l’erreur en orientation doit être élargi et le statut de l’erreur reconsidéré dans les apprentissages et les parcours, ce qui impose pour l’institution de penser la réversibilité des parcours et de développer des passerelles à toutes les étapes."

      Transformation du conseil de classe : Passer à un "conseil à l’élève," centré sur les réussites plutôt que les difficultés.

      2. L'Information sur les Formations et les Métiers Porteurs d'Avenir

      L'information sur les métiers et les formations est jugée cruciale pour "élargir les horizons et permettre des choix éclairés" et "réduire les inégalités."

      Principaux Constats :

      • Inégalités d'accès à l'information : "Toutes les synthèses régionales soulignent les inégalités d’accès à une information large et de qualité sur les métiers et les formations." La découverte des métiers est parfois "restreinte à la découverte des formations du lycée professionnel."

      • Méconnaissance des filières : Les formations technologiques et leurs débouchés, ainsi que la diversité des parcours post-bac, restent "trop méconnus."

      • Déterminismes sociaux, territoriaux et de genre : Les choix sont souvent "déterminés selon le sexe, le milieu social ou le territoire de vie des élèves," et "l’accès à l’information ne peut suffire pour s’autoriser certains choix." Un travail sur les représentations est nécessaire.

      • Objectifs flous de l'information : Un "besoin de clarification des objectifs de l’information sur les métiers et les formations" est exprimé, pour dépasser une vision purement "adéquationniste."

      L'information doit viser à "développer une capacité à s’orienter de manière autonome et éclairée" et non simplement "informer pour orienter."

      • Offre de service fragmentée : La "trop grande diversité ou dispersion des sources d’information de toutes natures" crée de la confusion et nuit à la lisibilité.

      Propositions d'Évolutions :

      • Information progressive et structurée : Intégrer l'information "au sein d’une progression cohérente, depuis le collège et tout au long de la scolarité," avec des apports adaptés à l'âge et aux besoins.

      • Démarche globale d'établissement : Une "plus grande structuration du parcours Avenir, avec un programme pluriannuel d’orientation intégré au projet d’établissement, connu de tous."

      • Portail unique d'information : Créer un "portail unique d’accès à toutes les informations sur l’orientation," qui soit "neutre, fiable, actualisée et pensée pour aider à dépasser les stéréotypes."

      • Approches expérientielles : Développer davantage "des mises en situation concrètes, des rencontres avec des professionnels ou d’anciens élèves (ambassadeurs métiers), des visites, des démonstrations, des immersions, des mini-stages dans des formations, des stages en milieu professionnel."

      Les stages obligatoires dès la 4ème sont préconisés.

      • Mobilisation des entreprises : "Toutes les concertations soulignent la nécessité d’une plus grande mobilisation des entreprises, pour intervenir dans les classes comme pour accueillir des élèves en stage ou en immersion."

      • Lutte contre l'autocensure et la fracture territoriale : Faciliter l'accès aux expériences de découverte, "notamment ceux des territoires ruraux," par un financement des transports et une information sur les aides à la mobilité et l'internat.

      • Valorisation des métiers en tension : Mieux valoriser les métiers porteurs (agricole, sanitaire, social, industrie) par des partenariats renforcés avec les secteurs économiques et une diffusion attractive des données sur les métiers d'avenir.

      • Synergie numérique et humain : Utiliser les outils numériques (plateformes dynamiques, simulateurs, réalité virtuelle) comme appui, mais l' "accompagnement humain apparaît indispensable dans tous les cas."

      3. La Gouvernance

      La gouvernance de l'orientation est caractérisée par sa "complexité" et son "manque de lisibilité," avec une multiplicité d'acteurs agissant "souvent de manière segmentée."

      Principaux Constats :

      • Manque de cohérence et de coordination : Une "insuffisante coordination entre acteurs" conduit à des actions redondantes et à des disparités territoriales, notamment entre l'Éducation nationale et les Régions.

      • Rôles mal définis : Les "chevauchements persistants dans les rôles respectifs de l’État et des régions" entraînent des confusions entre information sur les métiers et conseil en orientation.

      • Faible implication des familles : Les familles sont "trop peu associées, notamment au processus décisionnel," bien que la notion de dialogue soit inscrite au cœur des procédures d’orientation.

      • Questionnement sur les CIO : Le rôle des Centres d'Information et d'Orientation (CIO) est interrogé, certains souhaitant un renforcement de leur maillage, d'autres leur évolution en centres de psychologie et d'orientation, et d'autres encore un guichet unique.

      • Position de Régions de France : L'association "estime aujourd’hui nécessaire d’avoir un seul acteur pilote, un guichet unique au niveau régional, et formule le souhait d’attribution aux régions de la compétence pleine et entière en matière d’orientation et d’information sur les métiers et les formations," tout en laissant les décisions d'orientation et d'affectation à l'Éducation nationale.

      Propositions d'Évolutions :

      • Clarification des responsabilités : Définir précisément les rôles et missions à chaque échelle (national, régional, local) pour une "gouvernance plus lisible."

      • Vision globale partagée : Un "cadre national précisant les grands objectifs et les lignes directrices de la politique d’orientation" est nécessaire pour une "vision globale partagée."

      • Ancrage territorial renforcé : Renforcer l'ancrage territorial de la gouvernance, formalisé dans des programmes pluriannuels d'orientation (PPO) aux différents niveaux.

      • Comités de pilotage réguliers : Instaurer des "comités de pilotage régulier" réunissant les rectorats, collectivités, entreprises, associations et représentants des branches professionnelles.

      • Implication des usagers : Renforcer l'implication des élèves et des familles "dans le processus d’orientation et dans les instances décisionnelles." Les associations de parents d'élèves devraient être associées à l'organisation des événements locaux.

      • Labellisation des partenaires : "L'identification des structures partenaires fiables" et leur "labellisation par les institutions selon des critères partagés de qualité" est proposée pour créer un environnement d'orientation "rassurant, lisible et de confiance."

      • Transfert de compétences et de moyens : Les régions demandent une "compétence pleine et entière au niveau régional pour l’information sur les métiers et les formations, associée à un transfert des moyens adaptés."

      Conclusion

      La concertation met en évidence un bilan mitigé de la politique d'orientation actuelle, malgré des avancées.

      Le "cloisonnement institutionnel, la multiplicité des acteurs et la complexité des dispositifs" créent un déficit de lisibilité et renforcent les inégalités.

      Pour faire de l'orientation un "levier de réussite et d'égalité des chances," une approche "plus progressive, transparente et inclusive" est préconisée, avec des parcours cohérents dès le collège, un meilleur accompagnement par des professionnels formés, et une information claire et accessible à tous.

      La coordination renforcée entre acteurs éducatifs, économiques et institutionnels est jugée "nécessaire aux yeux de tous."

      Le système éducatif doit reconnaître un "droit à l'erreur," permettre des inflexions de parcours, et mieux associer élèves et familles pour élargir l'horizon des possibles et faire des choix éclairés.

    1. Note de synthèse : Les rythmes de vie des enfants et des jeunes en France

      Introduction

      Cette note de synthèse s'appuie sur une session d'audition d'experts et de jeunes panélistes, organisée par le CE (Conseil d'Évaluation de l'école), abordant la question cruciale des rythmes de vie des enfants et des jeunes, notamment en lien avec leur santé mentale, leurs apprentissages et leur développement global.

      Les intervenants incluent * René Claris (Maître de conférence en psychologie, membre de l'ORTEJ), * Daniel Auverlot (Président du Conseil d'évaluation de l'école), * Bertrand Réo (Professeur au Cnam, coprésident de l'OVLEJ), * ainsi que les jeunes Alexandre et Louise, représentants d'un panel ayant travaillé sur la santé mentale des jeunes.

      1. La santé mentale des jeunes et l'impact des rythmes scolaires (Témoignages du panel de jeunes)

      Alexandre (12 ans) et Louise (17 ans) ont présenté les conclusions d'un panel de 20 jeunes tirés au sort (via des associations comme APF France Handicap ou UNICEF) ayant débattu de la santé mentale des jeunes.

      Ils ont identifié trois thématiques prioritaires d'obstacles à une bonne santé mentale :

      • L'environnement personnel
      • Le système scolaire
      • La discrimination et le jugement

      Concernant le système scolaire, ils soulignent son importance car l'école est le lieu où les enfants passent le plus de temps.

      Cependant, un chiffre frappant ressort : « 26 % des adolescents déclarent être souvent angoissés avant d'aller en classe. »

      L'école est perçue comme une source de stress due à la pression des professeurs, des parents et des adultes.

      Les applications scolaires (comme École Directe ou Pronote) empêchent la déconnexion et favorisent la comparaison des notes.

      Le constat le plus important pour les panélistes est celui des rythmes scolaires : « Le rythme à l'école est beaucoup trop important, les journées sont trop longues, la charge de travail semble insurmontable. »

      Ils se sentent « piégés » par l'accumulation d'évaluations et le manque de temps libre ou d'activités extrascolaires, menant à un « syndrome de grande fatigue ».

      Le stress qui en découle est un signe de dégradation de la santé mentale.

      Leurs propositions phares incluent :

      Adapter les emplois du temps en réduisant le temps de cours (par exemple, des cours de 45 minutes au lieu d'une heure) pour une meilleure concentration et un meilleur apprentissage.

      Mettre en place un processus délibératif et collégial entre les jeunes, les pouvoirs publics et l'Éducation Nationale pour cette adaptation.

      Placer les cours théoriques (mathématiques, français) le matin et les cours plus participatifs (artistiques, sport) l'après-midi.

      Améliorer la qualité des temps de pause avec de véritables « temps et espaces de repos aménagé et accessible pour toutes et tous. »

      Ils suggèrent de favoriser les activités sportives, de relaxation ou de méditation après les repas.

      Interrogés sur la charge de travail, Alexandre évoque « 4 heures de devoirs le weekend » au collège, tandis que Louise, au lycée, passait « au moins minimum 2 heures par jour » pour les révisions du bac, soulignant la disparité des temps de travail selon les individus.

      Concernant la difficulté de parler de santé mentale, ils ont constaté que le « jugement » et les « tabous » sont de grosses barrières.

      Ils préconisent la « formation autour de la santé mentale et plus en parler pour normaliser et banaliser le fait de s'éduquer et de s'informer autour de sa santé mentale. »

      Le rôle des parents est nuancé : certains accentuent le stress par la pression des notes, d'autres sont plus laxistes.

      La compétition scolaire (notes, classements Pronote) est reconnue comme néfaste, mais des solutions concrètes autres que la suppression des classements n'ont pas été explorées en détail par le panel.

      L'idée d'un tuteur a été jugée intéressante pour la solidarité mais dépendante de la pédagogie de l'adulte.

      Le dispositif "Devoirs faits" est perçu comme "superficiellement" mis en place et mal organisé.

      Le manque d'espaces sans adultes à l'école, où les jeunes pourraient se retrouver, a été souligné, renforçant l'idée d'espaces de repos inclusifs.

      2. Le regard scientifique sur les rythmes de l'enfant (René Claris)

      René Claris introduit les concepts de chronobiologie (étude des variations rythmiques des fonctions biologiques, ex: température corporelle, veille-sommeil) et de chronopsychologie (étude des rythmicité du comportement et des performances, ex: attention, mémoire).

      Il distingue les rythmes endogènes (propres à l'individu) des rythmes exogènes ou synchroniseurs (facteurs externes, sociaux, écologiques comme la lumière/obscurité, les impératifs horaires).

      Un point crucial est que « les rythmes des enfants sont non aménageables, contrairement aux aménagements du temps de l'école. »

      Les synchroniseurs sociaux peuvent alors jouer un rôle « d'entraînement ou d'altération » des rythmes biologiques et psychologiques.

      Les études scientifiques montrent :

      • Sur la journée : Les performances attentionnelles des CM1-CM2 sont moins bonnes avec une semaine de 4 jours qu'avec une semaine de 4 jours et demi (mercredi matin travaillé), elle-même moins performante qu'une semaine de 4 jours et demi (samedi matin travaillé).

      L'optimum d'attention se situe entre « 9h30 et 11h30 le matin ».

      L'après-midi, il faut éviter les tâches exigeantes avant 15h.

      Les moments moins favorables (tôt le matin, début d'après-midi) sont à réserver à des activités familières.

      La qualité et la durée de la pause méridienne sont essentielles pour la reprise de l'après-midi.

      Il faut ajuster les exigences à l'âge de l'enfant, le profil de référence se construisant entre 4 et 10 ans.

      L'analyse de la charge cognitive et émotionnelle des activités est importante.

      Contrairement aux idées reçues, les activités motrices suivent les mêmes variations que les tâches intellectuelles.

      • Sur la semaine : L'aménagement en 4 jours est le moins efficient, avec un déficit attentionnel en fin de semaine.

      La désynchronisation des longs weekends affecte la performance du lundi matin.

      Il faut « éviter la désynchronisation des longs weekends ainsi qu'une semaine scolaire sur 4 jours et préférer ainsi une organisation en 9 demi-journées. »

      Il est essentiel de favoriser la socialisation et l'accès aux activités culturelles et sportives.

      • Sur l'année : Un enfant ou adolescent a besoin de 2 à 4 jours (voire une semaine) pour ajuster son rythme veille-sommeil.

      Des vacances d'une semaine sont insuffisantes pour un réel repos car l'enfant n'a pas le temps d'oublier le rythme scolaire et de se resynchroniser.

      L'alternance de 7 semaines travaillées et 2 semaines de vacances est préconisée.

      Il faut aussi « donner la possibilité à l'enfant de ne rien faire, de faire autrement, de faire ailleurs » car ces temps sont nécessaires à son développement harmonieux.

      • Concernant les 2 semaines de vacances de la Toussaint, bien que la raison historique ait été la réduction des incidents scolaires,

      Claris souligne la vulnérabilité saisonnière des enfants en octobre-novembre et février. Il serait favorable à une 3ème semaine en décembre, en déplaçant une semaine de début juillet.

      Sur le consensus scientifique, il affirme qu'entre chronobiologistes et chronopsychologues, il existe un consensus international, mais que la mise en œuvre dépend des décideurs.

      3. Les constats du Conseil d'évaluation de l'école (Daniel Auverlot)

      Daniel Auverlot, en tant que président du Conseil d'évaluation de l'école, présente les constats issus de milliers de rapports d'évaluation d'établissements scolaires (écoles, collèges, lycées), réalisés sur 5 ans avec la participation des enseignants, parents et élèves.

      Il identifie trois thèmes récurrents et un thème peu abordé :

      Le débat 4 jours vs 4 jours et demi (pour le premier degré) n'est pas stabilisé :

      • 4 jours : Apprécié des enseignants pour le travail d'équipe.

      La coupure est favorable au repos des enfants. Mais l'après-midi est "très long", et l'heure d'activité pédagogique complémentaire (APC) est difficile à placer.

      • 4 jours et demi : Favorise une plus grande régularité dans les apprentissages.

      L'heure d'APC est plus productive. Mais les rapports soulignent une « plus grande fatigue des enfants à partir du jeudi » et une grande hétérogénéité dans la qualité des activités périscolaires.

      • La pause méridienne: C'est un sujet constant.

      La qualité des locaux (espace, bruit) est souvent pointée du doigt. Les enfants perçoivent des règles différentes entre enseignants et personnels communaux.

      La question est de savoir si ce temps favorise la concentration et la reprise de classe l'après-midi.

      • Le trajet de l'enfant : De la maison à l'école et inversement, il pose problème, notamment en milieu rural où les horaires de transport scolaire déterminent l'organisation de la journée, rendant difficile la mise en place d'aide aux devoirs.

      • Le thème peu abordé : La continuité éducative.

      La réforme des rythmes scolaires de 2013 visait à créer une logique entre temps scolaire, périscolaire et extrascolaire.

      Cependant, les rapports donnent l'impression d'un « temps segmenté avec de multiples acteurs et pas forcément coordonnés. »

      Daniel Auverlot liste ces acteurs : * le temps familial (écrans le soir, fatigue), * le temps de déplacement, * l'accueil périscolaire (qualité variable), * le temps scolaire (stress des enseignants), * la pause de midi, les activités périscolaires (hétérogénéité).

      Il souligne que « la semaine de 4 jours, c'est 140 jours de classe sur 365, c'est-à-dire qu'il leur en reste 215 où l'école n'est pas concernée. »

      Il mentionne l'intégration des services Jeunesse et Sport à l'Éducation Nationale comme un motif d'espoir pour une meilleure articulation, mais note que les acteurs ont encore tendance à ne pas se parler.

      4. Les inégalités d'accès aux loisirs et vacances (Bertrand Réo)

      Bertrand Réo met en lumière le fait que l'école représente « 32 % du temps disponible » de l'enfant. La question est : « Qu'est-ce qu'on fait en dehors de l'école ? »

      Les trajectoires sont multiples et les acteurs nombreux.

      Alors que les pratiques culturelles et sportives sont relativement documentées, la connaissance statistique sur les vacances des enfants est beaucoup plus faible.

      L'OVLEJ (Observatoire des Vacances et des Loisirs des enfants et des jeunes) a mené des enquêtes révélant des inégalités persistantes de départ en vacances :

      • 62 % des enfants partent en vacances, les autres ne partent pas.
      • 33 % n'ont bénéficié d'aucun séjour.
      • 57 % des non-départs s'expliquent par un manque de moyens financiers, mais aussi par une préférence à rester à la maison.
      • Les écarts sont « beaucoup plus grands lorsque l'on compare bien évidemment les foyers à haut revenu par rapport au foyers à bas revenu. »
      • Bertrand Réo mentionne le concept américain de « summer loss » (pertes d'apprentissage strictement scolaires durant les vacances d'été), où les écarts peuvent être cumulatifs, menant à « quasiment un ou 2 ans d'écart d'apprentissage » sur plusieurs années.

      En France, le débat est différent, se concentrant sur ce qu'apportent les vacances collectives, qui développent d'autres types d'apprentissages :

      « L'ouverture à l'autre, la notion de respect, le développement de l'entraide, l'autonomie, les compétences relationnelles. »

      Il appelle à penser le temps de l'enfant dans sa globalité, car il ne s'agit pas de silos séparés mais d'une « articulation des temps sociaux ».

      Conclusion générale

      Les intervenants convergent sur l'idée que les rythmes de vie des enfants en France sont trop souvent segmentés et désarticulés.

      Les jeunes panélistes expriment une surcharge et une fatigue liées aux rythmes scolaires actuels.

      Les scientifiques soulignent l'importance des rythmes biologiques de l'enfant, non négociables, et la nécessité d'adapter les aménagements du temps.

      Enfin, les observations du Conseil d'évaluation de l'école et de l'observatoire des vacances mettent en évidence les disparités et le manque de coordination entre * les différents temps de l'enfant (scolaire, péri-scolaire, extrascolaire, vacances) * et les acteurs impliqués, insistant sur la nécessité d'une réflexion globale et interdépendante pour le bien-être et le développement harmonieux des enfants et des jeunes.

      Le droit à ne rien faire et le temps libre sont également mis en avant comme des éléments essentiels pour leur développement.

    1. Note de synthèse : L'organisation des temps de l'enfant

      CCTE Session#1 - audition 2 : "Organisation des temps des enfants" https://www.youtube.com/watch?v=g35R5sCToQo

      Cette note de synthèse s'appuie sur les échanges de la session "Organisation des temps des enfants", mettant en lumière les perspectives d'Éric Charbonnier (analyste et expert en éducation à l'OCDE) et de Stéphanie Constant (maîtresse de conférence en psychologie du développement et de l'éducation).

      Elle aborde les thèmes cruciaux des rythmes de vie des enfants, de l'équilibre entre temps scolaire, périscolaire et extrascolaire, et des enjeux liés à leur bien-être et à l'équité.

      Thèmes centraux et idées clés

      1. La définition et l'importance du temps de loisir pour l'enfant

      • Stéphanie Constant insiste sur la nécessité de redéfinir le loisir non pas comme un simple "hors scolaire", mais comme un "temps à soi" pour l'enfant, un temps "libéré des contraintes" scolaires et domestiques.

      Elle souligne que ce temps est souvent "organisé, planifié, bien rempli à l'avance par les adultes", ce qui limite la liberté et l'autonomie de l'enfant.

      • Le jeu comme apprentissage informel : Le jeu est présenté comme un vecteur essentiel d'apprentissages informels, où l'enfant construit son cadre, prend des décisions et des initiatives. "Quand les enfants jouent ou quand ils sont qu'ils font des activités on va dire de loisirs non structurés plus autonome c'est porteur d'énormément d'apprentissage informel en fait".
      • Les limites de l'approche éducative permanente : Une éducation permanente, même dans le temps de loisir, peut être "contreproductive justement pour le développement pour les apprentissages des enfants et bien sûr pour leur santé". Il est crucial de trouver un équilibre entre activités structurées (visant le développement de compétences spécifiques) et activités non structurées, plus libres.

      2. L'équilibre entre temps scolaire et périscolaire : Le cas français

      Éric Charbonnier et Stéphanie Constant abordent l'articulation complexe entre le temps scolaire et le temps périscolaire, en particulier en France.

      • La journée scolaire française : La France se distingue par "la journée d'école la plus longue de tous les pays de l'OCDE" pour les enfants de 3 à 11 ans. Cette intensité nécessite que le temps périscolaire serve à "recharger les batteries", "souffler", "s'amuser" et développer des compétences non travaillées à l'école.
      • Objectifs du système éducatif : Au-delà des fondamentaux (lire, compter, écrire), l'école doit permettre aux enfants de "développer tout un ensemble de compétences qui vont leur permettre de s'épanouir", comme la coopération, la confiance en soi, la motivation.
      • Le débat sur les 4 jours/4 jours et demi : Ce débat récurrent en France est jugé "spécifique" et souvent influencé par des "décisions des adultes sur l'intérêt des enfants", notamment le budget des municipalités.

      Bien que les études ne montrent pas de différences significatives en termes de résultats scolaires entre les deux systèmes, cela s'explique par un manque d'exploitation qualitative des matinées supplémentaires. "Ce n'est pas uniquement le nombre d'heures qui assure la réussite éducative". * Les devoirs à la maison : L'aide aux devoirs est jugée plus efficace pendant le temps scolaire et par les enseignants, afin de libérer le temps périscolaire pour des activités non scolaires.

      3. Les inégalités et les solutions innovantes

      La question des inégalités est transversale aux discussions, qu'il s'agisse de l'accès aux loisirs ou de la réussite scolaire.

      • Inégalités d'accès aux loisirs : Les dispositifs d'accueil extrascolaire sont souvent vécus comme "contraignants" par les enfants, qui n'y vont "rarement par choix". Les professionnels, malgré leurs intentions, tendent à privilégier les activités structurées dans une "perspective éducative", même pendant les vacances.
      • L'émancipation adolescente : À l'adolescence, on observe un désengagement des activités structurées (clubs sportifs, culturels) en raison de la "supervision adulte". Il est crucial de proposer des alternatives pour éviter l'isolement ou les pratiques à risque.
      • Dispositifs pour réduire les inégalités :La "boîte à jouer" (Playbox) : Un dispositif peu coûteux et peu utilisé, basé sur des objets de récupération, qui favorise l'imagination, dépasse les stéréotypes de genre et les catégories d'âge, encourage la mixité et la solidarité.
      • Les terrains d'aventure : Des espaces extérieurs en construction perpétuelle, souvent implantés dans des quartiers défavorisés, permettant aux enfants de bricoler, d'utiliser des outils et de développer une "pédagogie du risque". Ils sont accessibles et favorisent le lien social. "Les terrains d'aventure ça mériterait d'être plus connu et surtout d'être développé".
      • Le rôle des parents : Même une courte interaction (10-20 minutes) comme la lecture ou le jeu a un "impact considérable" sur le développement des enfants. Il est essentiel d'encourager les parents sans les culpabiliser, en valorisant diverses formes d'interactions.

      4. L'adaptation au changement climatique et les rythmes internationaux

      La discussion s'élargit aux défis environnementaux et aux comparaisons internationales des systèmes éducatifs.

      • Infrastructures scolaires : L'adaptation des temps de l'enfant au changement climatique implique de "repenser nos établissements et repenser comment on peut les moderniser", notamment face aux fortes chaleurs.
      • Comparaison des vacances scolaires : La France a plus de vacances scolaires que la moyenne de l'OCDE, mais ce sont surtout les "vacances intermédiaires" qui sont plus longues (8 semaines, un "record du monde" selon Éric Charbonnier), et non les vacances d'été.

      • Modèles éducatifs internationaux : Les pays modèles (Finlande, Estonie, Australie, Royaume-Uni) allient "qualité, équité sociale et bien-être".

      Ils se distinguent par des enseignants mieux préparés pédagogiquement, des classes moins chargées et des rythmes plus adaptés. Le programme scolaire ne doit pas "dicter les décisions" et le travail des personnels.

      • Santé mentale des jeunes : La santé mentale est une "préoccupation internationale" croissante, exacerbée par des événements comme la pandémie de COVID-19.

      Il est nécessaire de collecter davantage de données et de mettre en place des dispositifs pour améliorer le bien-être psychologique des jeunes.

      5. Recommandations et perspectives

      • Approche qualitative et budgétisation : Toute réforme des rythmes doit être pensée en termes de "qualité d'éducation" et être "budgétisée" pour éviter les retours en arrière.

      • Flexibilité et adaptation territoriale : Les rythmes doivent être flexibles et adaptés aux spécificités territoriales et saisonnières.

      • Remettre l'enfant au cœur : Les "pédagogies alternatives" qui placent l'enfant "au cœur des apprentissages" en respectant ses rythmes biologiques et son plaisir d'apprendre, comme les "écoles forestières", sont des pistes à explorer.

      • Continuité scolaire-loisirs : Développer la coordination entre les acteurs éducatifs (PEDT) et des initiatives simples comme les pédibus pour combattre les inégalités d'accès aux activités extrascolaires.

      • Expérimentation et évaluation : Les réformes devraient passer par des phases d'"expérimentation et d'évaluation" pour assurer leur pérennité et éviter les revirements politiques fréquents.

      Différencier les réflexions "en fonction des niveaux d'éducation et de l'âge des enfants" est également crucial.

      • En conclusion, la réflexion sur les temps de l'enfant en France est complexe et doit dépasser les seuls considérations horaires ou budgétaires pour se centrer sur le bien-être global, l'autonomie et l'équité des opportunités pour chaque enfant.
    1. Note d'information détaillée : Le bien-être et les droits des enfants

      CCTE Session#1 - audition 1 : "Bien-être et droits des enfants" https://www.youtube.com/watch?v=E0_tjkDN4Ug

      Ce document synthétise les thèmes principaux, les idées essentielles et les faits marquants issus des extraits de la session d'audition "Bien-être et droits des enfants" de la Convention Citoyenne sur les Temps de l'Enfant (CCTE), ainsi que de l'intervention de la Ministre de l'Éducation Nationale.

      Il intègre des citations directes pour illustrer les points clés.

      Introduction et Cadre de la Convention

      • La Convention Citoyenne sur les Temps de l'Enfant (CCTE) est une initiative lancée par le Premier ministre, demandant au Conseil économique, social et environnemental (CE) de "structurer au mieux les temps de la vie quotidienne des enfants pour favoriser leurs apprentissages, leur développement et préserver leur santé" (Ministre Borne).

      Ce processus vise à engager les citoyens dans une réflexion sur un sujet à la fois "intime et de société", en complémentarité avec le Parlement, afin de faire émerger une "intelligence collective libérée des logiques partisanes" (Ministre Borne).

      Les discussions doivent se concentrer sur l'ensemble des temps de l'enfant, y compris le temps périscolaire et extrascolaire, la nécessité de repenser le contenu et la qualité de ces temps, et non seulement leur durée.

      La première session d'audition a réuni trois experts :

      • Grégoire Borst, Professeur de psychologie du développement et de neurosciences cognitives de l'éducation, directeur du laboratoire psychologie du développement et de l'éducation de l'enfant. Ses travaux portent notamment sur les inégalités sociales et éducatives.
      • Sophie Marinopoulos, Psychologue et psychanalyste spécialiste de l'enfance et de la famille, fondatrice de l'association "Les Pâtes au Beurre", axée sur le bien-être relationnel.
      • Éric Delemar, Défenseur des Enfants, adjoint à la Défenseure des droits, dont la mission est de défendre et faire connaître les droits des enfants.

      Thème 1 : Santé et Bien-être des Enfants et Adolescents

      • Constats alarmants : La santé mentale des enfants et adolescents, particulièrement celle des adolescents, s'est "considérablement dégradée" au cours des dix dernières années. L'adolescence est une période de risque accrue en raison de la sensibilité du cerveau au stress et à l'anxiété.

      • Augmentation des symptômes dépressifs : "On était autour de 15 % de la population adolescente qui présentait des symptômes dépressifs avant Covid, après Covid on est autour de 35 %" (Grégoire Borst). Il y a des différences marquées selon le sexe, avec "deux fois plus de symptômes dépressifs chez les femmes que chez les garçons" (Grégoire Borst).

      • Impact du COVID-19 : La pandémie a eu un "impact direct [et] un facteur de risque aggravant pour la santé mentale de ces adolescents", principalement dû à l'"abandon en partie des relations sociales" et la fermeture des établissements scolaires (Grégoire Borst).
      • Inégalités sociales : La dégradation de la santé mentale et les impacts de la fermeture des écoles pendant le COVID ont touché "beaucoup plus les enfants de milieux sociaux défavorisés que les enfants de milieux sociofavorisés" (Grégoire Borst).
      • Sédentarité : La santé physique est également impactée par une "explosion de la sédentarité chez les enfants et chez les adolescents". Le périmètre de déplacement des enfants a considérablement diminué en 20 ans, passant de "entre 5 et 9 km autour du foyer à moins de 300 m" (Grégoire Borst), posant un "vrai problème de santé publique" (Grégoire Borst).
      • Causes profondes et contexte : Sophie Marinopoulos souligne que la situation n'était pas optimale avant le COVID : "on n'était pas très en forme avant le Covid hein... on a une modernité qui ne va pas très bien avec le temps de l'enfance et aussi le temps des parents" (Sophie Marinopoulos).

      Le bien-être est fondamentalement un "bien-être relationnel" (Sophie Marinopoulos).

      Éric Delemar rappelle que dès 2018, le réseau européen des défenseurs des enfants alertait déjà sur les difficultés de santé mentale chez les pré-adolescents et adolescents.

      La France, par le Défenseur des droits, avait déjà observé et fait des recommandations sur l'état de la pédopsychiatrie (baisse du nombre de pédopsychiatres, difficultés de la santé scolaire, etc.).

      Rôle des enfants dans la prise de parole : Les enfants eux-mêmes ont exprimé leurs préoccupations : "nous pendant le Covid on nous a demandé on s'est inquiété pour la vie de nos grands-parents on on nous a dit qu'on était des réservoirs à Covid à angoisse et qu'on allait peut-être être responsable de la maladie de nos grands-parents on s'est inquiété pour le salaire et le travail des noss de nos parents qui s'est inquiété pour nous ?" (Éric Delemar, rapport 2021 co-réalisé avec Claire Hédon).

      Thème 2 : Rythmes Biologiques et Temps de l'Enfant

      • Manque d'adaptation de l'école : Il est clair que l'école "ne prend pas suffisamment en compte les problématiques les besoins physiologiques des enfants en premier lieu le sommeil" (Grégoire Borst).

      Le sommeil est un "catalyseur extrêmement important y compris de la santé physique et de la santé mentale" (Grégoire Borst).

      Déficit de sommeil généralisé : La population française souffre d'un déficit global de sommeil, particulièrement les enfants et surtout les adolescents, qui représentent "la population la plus vulnérable en terme de déficit de sommeil" (Grégoire Borst).

      Une dette de sommeil prend "3 à 4 mois pour récupérer" (Grégoire Borst).

      Recommandations concrètes :

      • Sensibilisation des parents : Mettre en place un "vrai parcours de parentalité" dès la maternité pour informer les parents sur le développement biologique, affectif, cognitif et physiologique de l'enfant, notamment l'importance du sommeil (Grégoire Borst). Ce déficit de sommeil est plus important dans les milieux défavorisés.
      • Sieste à l'école maternelle : Permettre aux enfants de maternelle de faire "une sieste d'au moins 2 heures" est un "facteur de réduction des inégalités" (Grégoire Borst).
      • Décalage des horaires scolaires pour les adolescents : "Décaler la première heure de cours à 9h30 point" (Grégoire Borst).

      Cette mesure, connue depuis 20 ans, est essentielle car "physiologiquement au moment où ils rentrent dans la puberté il y a un décalage du rythme de leur sommeil" (Grégoire Borst).

      Ce décalage permettrait d'améliorer la santé mentale et les apprentissages, car le sommeil est crucial pour la mémorisation et la neuroplasticité. Cette réforme "coûte 0 €" (Grégoire Borst).

      • Importance de la relation et du jeu : Sophie Marinopoulos insiste sur le "temps de la relation [qui] ne doit jamais être oublié" (Sophie Marinopoulos).

      Il est essentiel pour les bébés de retrouver leurs parents au réveil et de vivre des séparations apaisées.

      L'éducation à la séparation est vitale pour la sécurité interne de l'enfant.

      Le jeu est fondamental : "quand il joue il construit sa vie interne il construit sa valeur il construit sa dignité il construit l'amour de lui-même il apprend à donner à recevoir il apprend l'échec il apprend la frustration il apprend à sublimer" (Sophie Marinopoulos).

      • Droit au loisir et à l'ennui : Éric Delemar met en avant l'Article 31 de la Convention internationale des droits de l'enfant, qui garantit le droit au loisir et à la culture. "le jeu pour les enfants c'est un peu le travail pour les adultes" (Éric Delemar).

      Il souligne le besoin de temps de repos et du "droit à l'ennui", citant l'exemple de Newton.

      La société actuelle a du mal à tolérer l'ennui chez les enfants, voulant qu'ils soient "autonomes tout de suite tout de suite tout de suite" (Éric Delemar).

      Thème 3 : Droits de l'Enfant, Protection et Écrans Lutte contre les violences : La protection contre les violences faites aux enfants est à l'origine du droit international des enfants.

      "Sans doute que notre société irait mieux si on s'était mieux occupé de certains adultes quand ils avaient été enfants" (Éric Delemar).

      Le concept d'"intérêt supérieur de l'enfant" est l'indissociabilité et l'interdépendance des droits (justice, loisir, protection, etc.) (Éric Delemar).

      Malgré les efforts, les moyens ne sont pas "à la hauteur des enjeux des dégradations" (Éric Delemar). "les enfants ne sont pas des petitêt être humain ne veut pas dire petit droit et c'est pas parce qu'ils font 50 cm ou 50 kg de moins qu'on aura qu'on a le droit d'utiliser la force pour se faire obéir" (Éric Delemar).

      Les "bonnes claques" ont des conséquences avérées sur le développement cérébral et la santé mentale.

      Troubles de l'attention et carences relationnelles : La violence chez les enfants est souvent liée à des "troubles relationnels précoces" et un manque de "ressources internes" pour faire autrement que de passer à l'acte (Sophie Marinopoulos, citant Maurice Berger). L'accès aux mots est une "liberté énorme".

      Les troubles de l'attention sont un "grand sujet de santé mentale" (Sophie Marinopoulos), car un enfant inattentif ne "se nourrit [pas] de ce qu'il regarde" et ne construit pas sa vie intérieure. La santé mentale n'est pas seulement le domaine des spécialistes, mais la "santé de nos relations" (Sophie Marinopoulos).

      Impact des écrans : Les écrans sont un sujet de grande préoccupation pour les parents, qui se sentent "totalement dépassés" (Sophie Marinopoulos).

      • L'écran n'est pas un parent : L'écran "veut l'enfant tout le temps il le veut tout à lui toute la journée le plus possible" (Sophie Marinopoulos), créant une addiction.
      • Rapport "Les enfants et les écrans à la recherche du temps perdu" : Ce rapport de 29 recommandations préconise une approche multifactorielle, au-delà de la simple interdiction.
      • Avant 3 ans : Pas d'exposition aux écrans, car cela a un "impact négatif sur le sommeil" de l'enfant (Grégoire Borst).
      • Entre 3 et 6 ans : Pas d'écran seul, nécessite un accompagnement et une limitation du temps.
      • Inégalités sociales face aux écrans : Les familles défavorisées, monoparentales ou avec des horaires décalés, sont plus susceptibles d'exposer leurs enfants aux écrans par manque d'alternatives de garde. Il ne faut pas "culpabiliser" ces familles, mais proposer des "alternatives dans la société" (Grégoire Borst).
      • Alternatives et éducation : Il est nécessaire de "peupler l'espace public d'alternative aux écrans" (Grégoire Borst), par exemple en proposant des "wagons jeu" dans les trains (Grégoire Borst). L'éducation au numérique, notamment à l'école, est une "absolue nécessité" pour développer la pensée critique des enfants.
      • Le rôle de la société adulte : La Ministre Borne souligne que "le temps de l'enfant est absorbé par le temps des écrans" et que "dès 11 ans la moitié des jeunes dort 2 heures de moins que nécessaire" (Ministre Borne).

      Elle annonce la généralisation de la pause numérique au collège et milite pour une décision européenne interdisant l'accès aux réseaux sociaux aux moins de 15 ans.

      Elle insiste sur le rôle des adultes : "si nous-même on passe notre temps sur nos écrans c'est sûr qu'on donne pas un bon exemple à notre jeunesse" (Ministre Borne).

      La société doit encourager davantage d'interactions et d'échanges réels.

      Conclusion et Perspectives

      Changements de paradigme nécessaires :

      • Lieux d'accueil petite enfance : Ne pas les considérer comme de simples "lieux de garde", mais comme des "lieux d'éveil" (Éric Delemar) où l'on peut jouer, être à l'extérieur, prendre des risques.

      • Soutien à la parentalité : Doit être universel ("pour tous les parents") et non seulement destiné aux parents "défaillants" (Éric Delemar), avec des moyens adéquats pour les structures d'accueil et les écoles maternelles.

      • Prise en compte de la parole des enfants : L'Article 12 de la CIDE est crucial. Il faut "donner le courage [aux enfants] de prendre la parole, de s'assurer qu'ils ne seront pas moqués humilié" (Éric Delemar).

      • Remettre l'enfance au cœur des préoccupations : Accepter "l'enfance de nos enfants" (Sophie Marinopoulos), dans une société qui tend au "no kids". C'est un travail continu pour la "paix" interne et externe, en nourrissant les enfants pour qu'ils aient les "ressources internes" et ne recourent pas à la violence.

      • Articulation des temps et inégalités : Grégoire Borst insiste sur la nécessité de "réfléchir en tout cas dans vos réflexions d'avoir toujours en tête la question de comment on articule les différents temps de l'enfant" (Grégoire Borst) (scolaire, périscolaire, extrascolaire).

      L'absence de coordination entre ces temps est un "facteur d'inégalité scolaire extrêmement important" (Grégoire Borst).

      Il faut des "politiques publiques qui permettent effectivement de façon de de réfléchir de façon globale à comment on réduit les inégalités dès les 1000 premiers jours" (Grégoire Borst).

      La Ministre Borne réitère l'importance de la liberté des conventionnaires à "douter, de questionner, d'explorer, libre de bousculer les idées préconçues de formuler des propositions neuves" (Ministre Borne) et leur assure que leur travail sera pris en compte par le gouvernement.

      La convention doit permettre de faire émerger des "points de convergence, des orientations claires, des solutions concrètes" (Ministre Borne) pour repenser et améliorer la vie des enfants en France.

    1. Synthèse détaillée des sources : "L'école autrement"

      Les sources explorent le concept d'écoles expérimentales et alternatives en France, en se concentrant spécifiquement sur l'École Vitruve (primaire) à Paris et le Lycée Expérimental (LEX) de Saint-Nazaire.

      Elles mettent en lumière des approches pédagogiques radicalement différentes des systèmes éducatifs traditionnels, axées sur l'autonomie, la co-gestion, la pédagogie de projet et le développement de la citoyenneté.

      1. Principes Fondamentaux des Écoles Alternatives : Co-gestion et Absence de Hiérarchie

      Le thème central qui traverse les deux établissements est la co-gestion et l'abolition des hiérarchies traditionnelles entre adultes et élèves.

      • Partage des pouvoirs et des savoirs : Kellian, un élève du LEX, affirme : « On partage les pouvoirs et les savoirs. C'est un peu le principe de ce lieu. Alors moi c'est Kellian, j'ai 16 ans, je suis en terminale et je suis au lycée expérimental autogéré.

      C'est-à-dire que il y a pas de hiérarchie entre les profs et les élèves, les profs qui s'appellent des membres de l'équipe éducative. »

      Cette approche horizontale est également soulignée par Benjamin, un membre de l'équipe éducative au LEX : «

      C'est une vision horizontale où moi je verrais plus un ping-pong entre les propositions des enfants, les enseignants qui y répondent, voilà, en les aidant à mener leur projet. »

      • Implication des élèves dans la gestion : Au LEX, les élèves sont responsables de diverses tâches quotidiennes comme le secrétariat, la cuisine et le ménage. Un élève explique : « Tout est géré par les élèves, le secrétariat, la cuisine, le ménage. Effectivement, c'est nous qui le faisons vivre en fait. »

      À Vitruve, les enfants participent activement aux décisions via le conseil d'école. Une élève déclare : « Le conseil d'école, ça sert à je sais pas quoi. Moi je crois que le conseil d'école ça sert à poser des questions et organiser des trucs. »

      Natacha, une enseignante à Vitruve, précise : « Le conseil d'école sert à régler les problématiques qui se posent à l'école et ensuite de tous ces sujets de discussion naissent des propositions qui du coup sont le règlement intérieur de l'école. »

      2. Pédagogie de Projet et Apprentissage Concret

      Ces écoles rejettent l'apprentissage abstrait des manuels scolaires au profit d'une pédagogie ancrée dans le réel et l'utile.

      • Apprendre en faisant : À Vitruve, « Ici, tout est fait pour de vrai. Il n'y a pas de manuel scolaire, pas d'exercice abscond, mais une pédagogie basée sur des projets concrets à travers lequel les élèves apprennent à lire, à écrire et à compter. »

      Les exemples incluent la création d'un jeu de piste sur l'île de la Cité ou l'organisation d'une braderie pour financer les classes vertes.

      La vente de café le matin permet aux élèves d'appliquer des compétences en mathématiques : « Et comme ça vous faites des matths en rendant la monnaie. Oui comme ça ils font des matths. »

      • Programmes officiels intégrés aux projets : Malgré l'approche alternative, les écoles se conforment aux programmes de l'Éducation Nationale. Natacha de Vitruve explique que les dictées sont créées à partir des discussions des enfants, intégrant les objectifs pédagogiques :

      « On se débrouille pour que les phrases les sons qu'on est en train de travailler qu'il soit à l'intérieur. Évidemment, ça c'est notre boulot d'enseignant. [...] Et en effet, par contre, ils ont une prise directe dessus et nous les enseignants, on va aller piocher dans les idées des enfants pour créer une phrase qui va permettre de faire une dictée qui est intéressante pour nous en terme d'apprentissage et qui répond aux exigences du programme de l'éducation nationale auquel vous êtes soumis. Exactement. »

      3. Développement de l'Autonomie et de la Citoyenneté

      Un objectif majeur de ces écoles est de former des citoyens responsables et autonomes.

      • Responsabilisation des élèves : Les élèves sont invités à régler leurs propres problèmes, avec l'aide de médiateurs désignés parmi eux.

      Une élève médiatrice raconte avoir résolu un conflit autour d'une barrette : « J'ai dit bah je peux voir ta barrette et il me l'a montré et comme j'ai joué avec elle, j'étais sûre que c'était à elle parce que je l'ai vu saaraître. »

      En cas de problème non résolu, une "feuille de remédiation" est utilisée pour une discussion en grand groupe.

      Le système de "flux" à la cantine de Vitruve, où les enfants gèrent eux-mêmes l'ordre et le placement, est un autre exemple de cette responsabilisation : « Tout ce qui est l'éducation citoyenne passe par le vivre pour de vrai.

      Il est beaucoup plus simple pour un enfant de se laisser guider par l'adulte. On les rend responsables. »

      • Apprentissage par le collectif : Nathalie, membre de l'équipe éducative au LEX, insiste sur l'importance du collectif : « nous on prône le collectif que voilà l'intelligence collective, elle sera toujours supérieure à l'intelligence individuelle quoi. » Le lycée favorise les "groupes de base" où élèves et enseignants travaillent et apprennent à fonctionner ensemble.

      4. Flexibilité, Absence de Notes et Évaluation Alternative

      Ces écoles remettent en question les pratiques d'évaluation traditionnelles.

      • Pas de devoirs, pas de sonnerie, pas de notes : À Vitruve, les enfants disent : « on a pas de devoirs. » et « Non, il y a pas de sonnerie, c'est un tambour qui sonne à la fin des récréations. »

      Au LEX, « On donne pas de notes. On estime depuis depuis longtemps que les notes, c'est pas une manière de s'évaluer correcte. Ça sert plutôt à faire des classements et des comparaisons qu'à évaluer la progression. »

      • Co-évaluation et progression individuelle : L'évaluation est basée sur la co-évaluation, où chaque élève et adulte évalue sa propre progression. « C'est la coévaluation. C'est que chaque élève et chaque adulte aussi est invité dans des temps dédiés à ça à la fin des des ateliers par exemple et à la fin de l'année à évaluer sa progression, ce qu'il a fait. »

      • Parcours adaptés et liberté de choix : Au LEX, les élèves peuvent choisir des ateliers variés (français, philosophie, fiction sonore, voile, randonnée) et construire leur propre parcours, que ce soit vers le baccalauréat ou via des stages. Kellian explique : « C'est toi qui est source de proposition. »

      Cela permet d'accueillir des élèves qui « viennent de parcours très accidentés » ou qui souffrent de phobie scolaire. Benjamin souligne : « Ici, ils retrouvent une place, une envie d'apprendre. »

      5. Origines et Contexte Historique

      Les sources fournissent un aperçu des racines de ces établissements.

      • L'École Vitruve : Créée en 1962 par Robert Gloton, un inspecteur de l'éducation nationale, pour lutter contre l'échec scolaire dans un quartier défavorisé. C'est la seule école primaire expérimentale publique de Paris encore existante.

      • Le Lycée Expérimental de Saint-Nazaire (LEX) : Né en 1982 à l'initiative de Gabriel Cohn-Bendit, suite à une tribune publiée dans Libération. C'était l'un des quatre lycées expérimentaux créés à cette époque, et il est le dernier lycée autogéré encore en activité.

      • Influences pédagogiques : Ces écoles s'inspirent des courants de l'éducation nouvelle, notamment la pédagogie institutionnelle et le mouvement Freinet. Benjamin mentionne : « On s'inspire pas mal à la pédagogie institutionnelle. » et « aussi le mouvement de pédagogie freinet. »

      6. Défis et Perspectives

      Bien que ces modèles soient salués pour leur approche innovante, des défis et des aspirations sont également mentionnés.

      • Décloisonnement des parcours : Le LEX offre une alternative pour les élèves qui ne s'épanouissent pas dans le système classique. Kellian, qui passera son bac en candidat libre, témoigne : « quand je choisis et que ça me plaît, que c'est fait de façon ludique, bah c'est différence selon chaque personne. Mais moi perso, je prends plus comme ça et ça va m'apprendre intellectuellement et manuellement. »
      • Souhait de généralisation : Benjamin exprime le souhait que l'éducation alternative soit plus accessible : « moi j'aimerais bien que que les élèves et aussi les enseignants et et tout le monde puisse avoir accès à à cet enseignement alternatif et qui une possibilité sur chaque territoire, peut-être sur chaque région ou chaque département, un lycée alternatif où on peut apprendre différemment. »
      • Résultats académiques : Il est noté que les élèves de Vitruve obtiennent des résultats scolaires « tout aussi bons que dans n'importe quel autre école et même meilleur dans certains domaines. »

      En conclusion, ces écoles expérimentales offrent des modèles éducatifs qui priorisent l'autonomie des élèves, le partage des responsabilités, l'apprentissage par l'expérience concrète et le développement de compétences citoyennes, tout en s'inscrivant dans le cadre des programmes de l'Éducation Nationale.

      Elles représentent des "chemins de traverse" pour "imaginer et élaborer d'autres façons de faire" l'école.

    1. Note de synthèse : Promotion des bonnes pratiques solaires

      Cette note de synthèse a pour objectif de résumer les principaux thèmes, idées et faits importants concernant la promotion des bonnes pratiques solaires, en se basant sur les extraits de la "Matinale du Drapps : Promouvoir des bonnes pratiques solaires - Enjeux et pistes d’actions".

      Elle inclura des citations pertinentes issues des sources originales.

      Introduction :

      Contexte et enjeux de la prévention solaire La Direction Générale de la Santé a souligné en 2020 la nécessité de recommandations sanitaires pour les indices UV, en particulier pour les populations à risque.

      Malgré les effets positifs du soleil (notamment la synthèse de vitamine D), une exposition excessive aux UV est nocive et peut entraîner des cancers de la peau et un vieillissement prématuré.

      Il est crucial de trouver un équilibre entre une exposition optimale pour la vitamine D et une protection adéquate.

      Chiffres clés et impacts sur la santé :

      80% des dommages liés aux UV sont provoqués avant 18 ans, les enfants étant plus exposés que les adultes. Un cancer sur trois est un cancer de la peau. Le coût de traitement du mélanome est estimé à 225 millions d'euros par l'INCA.

      20 millions de personnes sont aveugles dans le monde à cause de la cataracte, l'exposition solaire étant un facteur de risque majeur.

      Les effets sur la santé se manifestent à court, moyen et long terme :

      • Court/Moyen terme : Brûlures, coups de soleil, atteintes aux yeux (photokératites, photoconjonctivites), allergies cutanées. Le bronzage lui-même est une réaction de défense de la peau, signalant une agression.
      • Long terme : Cataracte, vieillissement prématuré de la peau (photo-vieillissement avec rides et taches), et cancers de la peau.
      • Carcinomes : Environ 90% des cancers de la peau, très fréquents (130 000 à 230 000 cas/an, en augmentation). Leur pronostic est généralement bon, mais ils sont liés à une exposition prolongée (par exemple, professionnelle) et nécessitent de nombreuses chirurgies coûteuses.
      • Mélanomes : 10% des cancers de la peau, plus rares mais plus graves (environ 18 000 cas/an et 2 000 décès). 83% d'entre eux sont liés à des expositions aux UV, notamment des expositions intenses et intermittentes, souvent durant l'enfance ou les vacances estivales. Ces cancers sont donc majoritairement évitables par une meilleure protection solaire.

      Recommandations de protection solaire

      Les recommandations actuelles de l'Institut National du Cancer (INCK) sont claires :

      • Rechercher l'ombre au maximum, notamment entre 12h et 16h, période de rayonnement maximal.
      • Privilégier la protection vestimentaire (t-shirt à manches, chapeau à large bord, lunettes de soleil). Ces moyens sont prioritaires sur la crème solaire.
      • La crème solaire est un complément, à utiliser sur les zones découvertes. Il est souligné que "trop souvent la crème solaire est utilisée pour justement enlever les vêtements et pour augmenter son exposition et c'est quelque chose qui peut être assez néfaste."
      • Se protéger même par temps nuageux, car le rayonnement UV n'est pas toujours associé à la chaleur.
      • Le rayonnement est amplifié par la réverbération (eau, montagne).
      • Vigilance maximale avec les enfants : limiter leur exposition au maximum, ne pas exposer un enfant de moins d'un an, et leur apprendre les bons réflexes.
      • L'indice UV (disponible sur Météo France) est un outil éducatif. La protection est nécessaire à partir d'un indice 3, et doit être renforcée à partir de 8.
      • Évolution de la représentation sociale du bronzage et comportements des Français

      Historiquement, le bronzage a connu une inversion de sa signification sociale :

      • Jusqu'à la fin du 19e siècle : Signe de prolétariat (travailleurs agricoles), la peau blanche étant associée à la noblesse.
      • Début 20e siècle : Le bronzage est de moins en moins associé à la pauvreté.
      • Années 30 (premiers congés payés) : Le bronzage devient "synonyme de succès, d'aisances financière, de loisirs."
      • Années 80-90 : Apogée de la mode du bronzage, avec l'explosion des cabines UV et une forte médiatisation. Les premières recommandations sanitaires apparaissent à cette période.
      • Aujourd'hui : Les dangers sont bien connus, mais la protection reste insuffisante. Le bronzage est toujours associé à la "bonne santé, de bien-être, de bonne mine, de beauté", véhiculant une image positive. Il y a une confusion avec la synthèse de vitamine D, nécessitant en réalité seulement "environ 15 minutes par jour" d'exposition, bien moins que le temps passé à bronzer.

      Comportements des Français (Baromètre Cancer 2005, 2010, 2015) : * * Les moyens de protection sont insuffisamment utilisés, notamment la protection vestimentaire, en diminution. * Différenciation des comportements :Les femmes se protègent globalement mieux, utilisant plus l'ombre, la crème solaire et les lunettes. Les hommes privilégient les t-shirts et chapeaux. * Protection insuffisante chez les 15-24 ans (population sous-protégée et surexposée). * Un gradient social existe : les personnes moins diplômées sont globalement moins protégées. * Les phototypes plus foncés se protègent moins, bien que les lunettes de soleil restent indispensables pour tous. * Les résidents du nord ont moins le réflexe de se protéger aux heures critiques. * La protection des enfants s'est améliorée, les parents protégeant mieux leurs enfants qu'eux-mêmes. * Les connaissances augmentent, mais les fausses croyances persistent, notamment sur les conséquences des coups de soleil dans l'enfance. * Actions de prévention solaire : Exemples et initiatives * Plusieurs niveaux d'actions sont mis en œuvre :

      1. Niveau International :

      • Programme InterSun (OMS) : Vise à informer sur les effets des UV, encourager les pays à réduire les risques et fournir des conseils pratiques. Axes clés : surveillance et prédiction des risques (liés aux changements environnementaux et comportementaux), promotion de l'indice UV comme outil éducatif, et protection solaire des enfants via programmes éducatifs scolaires.
      • Programme SunSmart (Australie) : Référence mondiale en prévention du cancer de la peau, pays à l'incidence très élevée. Objectifs : réduire l'incidence, éduquer le public via campagnes (notamment l'emblématique "Slip, Slop, Slap, Seek and Slide"), et mettre en œuvre des politiques de protection (écoles, lieux de travail).
      • Impact : Environ 300 000 cancers de la peau évités, 1 000 vies sauvées, diminution de l'incidence chez les plus jeunes. Impact économique positif : "pour 1 dollar dépensé il y a eu un gain de 8,70 dans les 20 prochaines années."

      2. Niveau National (France) :

      • Campagne nationale annuelle (INCK) : Au printemps, informe la population sur les risques et conseils de prévention (ex: "l'ombre, c'est l'endroit le plus cool de l'été").
      • Programmes d'éducation : "Vivre avec le soleil" (Sécurité Solaire), programme probant pour les écoles maternelles et primaires, basé sur une approche expérientielle et intégrable aux programmes scolaires (sciences).

      3. Niveau Local/Régional :

      • Projets d'urbanisme et de végétalisation : Visent à créer des zones d'ombre, réduisant les îlots de chaleur et l'exposition aux UV (ex: cours oasis dans les écoles). Ces projets peuvent bénéficier d'appels à projet comme "Zéro Expo" de l'INCK.
      • Actions ciblées d'éducation à la santé :Étude PRISME (Santé Publique France Occitanie) : Recherche interventionnelle menée auprès de touristes en Occitanie (2019).
      • Constat : Forte exposition intentionnelle ("sunbathing"), utilisation prioritaire de la crème solaire au détriment d'autres moyens, coups de soleil fréquents. Le littoral Occitan (200km, fort rayonnement UV, 8 millions de touristes/an) est un contexte à risque.
      • Objectifs : Identifier les déterminants de la protection solaire (incluant les déterminants sociaux) et évaluer l'efficacité de deux interventions : une basée sur les messages d'apparence physique (photo-vieillissement) et une sur les messages sanitaires (cancer, yeux).
      • Résultats : Protection insuffisante, notamment le port du t-shirt. 3/4 des touristes passent du temps à bronzer.
      • Populations sous-protégées : 15-24 ans (et 12-14 ans pour les lunettes), hommes (crème solaire, lunettes), femmes (chapeau, t-shirt), peaux mates/moins sensibles, personnes à faible niveau d'étude, résidents du nord. Les connaissances et les fausses croyances, l'attirance pour le bronzage et le manque d'encouragement de l'entourage sont des déterminants.
      • Efficacité des interventions :Intervention sanitaire : Augmente la protection à court terme, agit sur crème solaire et lunettes, touche les peaux sensibles et les niveaux d'études supérieurs.
      • Intervention basée sur l'apparence physique : Augmente la protection à court et long terme, diminue l'exposition (évitement 12h-16h), touche les peaux sensibles et les niveaux d'études moins élevés (jusqu'au bac).
      • Perspectives : Renouveler les campagnes, cibler les 15-24 ans et femmes exposées intentionnellement, les personnes socialement moins favorisées. Intégrer des messages sur le photo-vieillissement, apporter des connaissances, dénormaliser le bronzage, déployer des interventions dans divers milieux (scolaire, travail, touristique, sportif) et via différents canaux. Encourager les actions locales (zones d'ombre, accès aux moyens de protection, adaptation des horaires d'activités, sensibilisation des professionnels du tourisme, affichage de l'indice UV).
      • Semaine des Épidories (Épidor, Institut du Cancer de Montpellier) : Programme éducatif pour enfants de 7 à 11 ans, basé sur le modèle COM-B (Capacité, Opportunité, Motivation, Comportement).
      • Contenu : Quatre séances animées par les enseignants, abordant les effets du soleil, la sensibilité de la peau (phototype), les rayons UV et l'indice UV, et les moyens de protection (avec une montre UV). Des prolongements sont proposés en famille.
      • Étude de faisabilité : Impact significatif (faible à important) sur le comportement de protection solaire, les attitudes des enfants et leur niveau de connaissance. Des analyses plus poussées et une évaluation à plus grande échelle et à long terme sont envisagées.
      • Chiffres (2024) : 200 classes, 4569 élèves du CP au CM2.
      • Journée des Épidories : Journée récompense pour 4 classes tirées au sort, avec des ateliers ludiques (professeur dermatologue, jeu de l'ombre, four solaire, carte du monde des protections, jeu de l'oie, constitution de sac à dos pour randonnée).
      • Autres actions : Animations sur l'espace ludo-éducatif pour maternelles (3-6 ans), ateliers parents-enfants, formations et conférences pour étudiants et professionnels de la petite enfance.
      • Déterminants structurels : L'approche COM-B permet de les considérer, mais les intervenants reconnaissent un impact limité sur ces déterminants, malgré une volonté de les prendre en compte (ex: projets de végétalisation des cours d'école).
      • Tournée "Bon été, bon réflexe" (ARS Occitanie, C2DS, Primum non Nocere) : Opération itinérante de sensibilisation aux dangers estivaux depuis 2021.
      • Objectifs : Diffuser des messages de prévention sur les dangers estivaux de manière positive, adapter le discours aux publics et aux spécificités territoriales (littoral vs. intérieur des terres), et former des "animateurs relais" pour démultiplier les actions.
      • Thématiques des ateliers (participatifs et ludiques) : Prévention solaire, baignade sécurisée, consommation de sucre, moustiques tigres/tiques, sport et santé.
      • Moyens : Matériel repérable (arche, tables, barnums, véhicule siglé), espace informatif, goodies (casquettes, chapeaux), deux animateurs dédiés. Des fiches "bons gestes" sont distribuées.
      • Bilan (2024) : Plus de 2900 personnes touchées (+25% vs 2023). Les interventions ont lieu sur les marchés, zones de baignade (mers, lacs, rivières), parcs de loisirs, villes touristiques. Les animateurs relais ont démultiplié 59 ateliers, sensibilisant plus de 3500 personnes.
      • Atelier soleil : Utilise une "nappe des dangers du soleil" interactive, permettant d'échanger sur les UV, l'indice UV, les effets à court et long terme. Adaptation du discours à l'âge du public. Interroge sur les situations de protection de personnages (incluant différents phototypes). Met en évidence l'exposition lors d'activités quotidiennes (promenade, vélo). Utilise un totem pour rappeler les messages clés (règle ABCDE pour les mélanomes).
      • Discussion et perspectives
      • Difficulté d'accès aux dermatologues : Soulignée comme un frein majeur au dépistage des mélanomes. Il est suggéré de passer par le médecin traitant et de pratiquer l'auto-diagnostic (règle ABCDE).
      • Composition des crèmes solaires : Sujet de débat constant. Bien que certaines compositions aient été controversées (octocrylène), il est noté que les crèmes sont "plus propres aujourd'hui qu'elles ne l'étaient auparavant". La crème solaire reste un complément aux protections physiques, et son choix doit se faire sur sa capacité à protéger (SPF, UVA/UVB, résistance à l'eau) et sa composition environnementale.
      • Impact de l'alimentation et autres comportements : Une carence en vitamine D peut provenir de l'alimentation, et l'exposition solaire n'est pas la seule solution.
      • Réverbération des UV : Très importante sur le sable (+15%), l'écume de l'eau (+25%), et surtout la neige (+80%), amplifiant significativement l'exposition même à l'ombre ou dans l'eau.
      • Rayonnement des écrans : Non abordé, mais pourrait faire l'objet de futures discussions.
      • Pollution des crèmes solaires : La question de l'impact environnemental des crèmes solaires sur les milieux aquatiques est soulevée, et il est conseillé de choisir des produits avec des logos spécifiques.
      • L'équilibre des moyens de protection : Il est complexe de jongler entre l'ombre, les vêtements et la crème solaire, mais en se tenant aux bases (ombre 12h-16h, vêtements, crème pour les zones découvertes), la protection devient plus simple.

      En conclusion, la promotion des bonnes pratiques solaires est un enjeu de santé publique majeur, nécessitant une approche multiforme et adaptée aux différentes populations, environnements et représentations sociales.

      Les initiatives présentées, qu'elles soient de recherche ou de terrain, montrent la volonté de cultiver une "culture commune [...] plus saine de nos pratiques solaires".

  5. Jun 2025
    1. Note de synthèse détaillée : Collaboration et accompagnement des élèves en milieu éducatif

      Introduction

      Ce document de synthèse présente les thèmes principaux et les idées essentielles extraites de la table ronde "Journée d’étude CPE 2025".

      Il met en lumière le rôle crucial de la collaboration entre les différents acteurs de l'éducation nationale et les partenaires extérieurs pour la réussite, l'épanouissement et l'insertion professionnelle des élèves, en particulier ceux à besoins éducatifs particuliers.

      Les intervenants partagent leurs expériences et leurs perspectives sur les défis, les leviers et les recommandations pour favoriser un travail collaboratif efficace.

      1. Missions des professionnels de l'éducation et de l'accompagnement Plusieurs intervenants ont détaillé leurs missions, soulignant la diversité des rôles et la complexité de l'écosystème éducatif :

      2. Laura Renault (CPE en collège REP) : Les missions du CPE sont multiples et incluent l'organisation de l'espace et du temps de la vie scolaire, la gestion du service (recrutement et management des AED), la contribution à la réussite et au bien-être des élèves (accueil, accompagnement des projets personnels, orientation), et la participation à la politique de l'établissement comme conseiller du chef d'établissement.

      Elle souligne l'importance de "l'organisation du service donc on pense au recrutement des assistants d'éducation aux objectifs aussi du service et à l'ambition qu'on veut pour notre service".

      • Ludovique Brel (Directeur de l'IME Lérange) : En tant que directeur d'un IME accueillant des jeunes avec déficience intellectuelle et TSA, ses missions englobent la gestion RH, budgétaire, le projet d'établissement, et les relations avec les partenaires et les tutelles.

      Il met en avant l'ouverture récente d'une unité d'autorégulation collège pour les jeunes avec troubles du neurodéveloppement (TND), qui vise à travailler sur les problématiques émotionnelles en collaboration avec les professionnels du collège.

      Il précise que ces jeunes "sont dans leur classe d'âge leur classe de niveau c'est-à-dire qu'on parle pas de jeunes qui ont des particularités cognitives ou quoi que ce soit ce sont vraiment des jeunes qui sont en capacité classique".

      • Nathalie Yayaten (Proviseure des lycées des métiers de l'automobile) : Ses fonctions consistent à administrer l'établissement, représenter l'État, et "lancer, impulser, animer le projet d'établissement qui amène une forme de gouvernance et de grandes de grands objectifs sur la conduite de la politique éducative et pédagogique de l'établissement".

      Son expérience en collège REP et en cité éducative lui confère une perspective large sur les collaborations.

      • Lise MERIS (Coordinatrice ULIS Lycée Professionnel et service école inclusive du rectorat) : Ses missions se concentrent sur la sécurisation du parcours des jeunes en situation de handicap, leur accompagnement vers le monde professionnel, et le développement de partenariats internes et externes (monde de l'entreprise, médico-social). Au rectorat, elle soutient la scolarité réussie et l'insertion professionnelle des jeunes, notamment lors des transitions entre le premier et le second degré.

      Elle vise à "rendre l'élève acteur de son projet professionnel de l'accompagner du mieux possible au regard de ses points forts et de ses points d'effort".

      • Stéphane Copman (Éducateur à l'IME Mermose) : Il accompagne 14 jeunes déficients intellectuels au collège, veillant à leur sécurité et à la réussite de leur projet de socialisation.

      Contrairement aux enseignants, il n'a "aucune obligation de résultat" et s'adapte aux capacités de chaque jeune pour éviter l'échec scolaire.

      Sa mission inclut également "de veiller à la circulation de l'information au sein du collège et en lien également avec mon établissement et les familles".

      2. Le travail collaboratif : un impératif pour la réussite de l'élève

      Les intervenants s'accordent sur l'importance fondamentale du travail collaboratif, non seulement au sein de l'établissement mais aussi avec l'environnement extérieur.

      L'EPLE comme entité locale et ouverte : Nathalie Yayaten insiste sur le "L" de "Local" dans EPLE (Établissement Public Local d'Enseignement).

      L'établissement ne doit pas se fermer à son environnement et doit s'adapter aux problématiques territoriales.

      "L'établissement doit évoluer par rapport à son public doit s'adapter et doit aussi être très en en écoute et en réponse des problématiques territoriales sur lequel il est ancré".

      Le CPE au carrefour des relations : Le CPE est perçu comme un pivot, "au carrefour des relations entre les différents collaborateurs au sein d'établissement", mais aussi "au carrefour de toutes ses relations à l'extérieur de l'établissement", ce qui "fait la richesse du métier".

      Cohérence des discours et des actions : Pour que le jeune grandisse bien, il est essentiel que tous les acteurs (école, famille, clubs de sport, centres sociaux, professionnels paramédicaux) se connaissent et surtout "parlent d'une même voix ou où est en tout cas un discours très cohérent".

      Les discours contradictoires, par exemple entre collège et centre social sur les devoirs, fragilisent le jeune et sa famille.

      Exemples de collaborations réussies :

      Dispositif "Devoirs faits" avec les centres sociaux : Permet aux enseignants d'expliquer des méthodes d'apprentissage et montre aux familles une collaboration "main dans la main".

      Partenariat avec le PRE (Programme de Réussite Éducative) : Accueil des élèves exclus temporairement, offrant un lien et un accompagnement aux familles en difficulté.

      Unités d'autorégulation (UAR) : Projet co-porté par le SMS (Service Médico-Social) et le collège, avec des décisions prises d'un commun accord entre les directions.

      La formation commune de toutes les équipes (enseignants, CPE, infirmière) est un point clé pour créer une "culture commune" et dépasser les tensions liées aux différentes portes d'entrée professionnelles (enseigner vs prendre le jeune dans sa globalité).

      Collaboration pour l'orientation professionnelle : Les entreprises sont invitées à présenter les métiers, offrant aux jeunes d'autres perspectives et sources d'information.

      3. Les freins et les leviers du travail collaboratif

      Malgré la volonté de collaborer, des difficultés peuvent apparaître. Les intervenants mettent l'accent sur les leviers pour les surmonter.

      • Frustrations des CPE et des enseignants : Le CPE doit gérer des situations de décrochage ou de conflit dont il n'est pas à l'origine. Les enseignants sont confrontés à des publics hétérogènes et se sentent parfois démunis face aux "élèves à besoins éducatifs particuliers", pouvant s'épuiser.
      • Lever les freins par la collaboration : La collaboration apporte un "autre regard" et permet de débloquer des situations complexes. Un éducateur parlant à un professeur, ou l'inverse, peut faire "s'ouvrir les chakras" et envisager d'autres approches.
      • Le CPE comme levier central : Laura Renault affirme que "vous [les CPE] êtes le levier". Grâce à leur position transversale et leur liberté d'action, les CPE peuvent "créer ces collaborations qui vont permettre à un tel et un tel de poser un autre regard sur la situation".
      • Importance des espaces d'échange formels : Les cellules de veille et les GPDs (Groupes de Prévention du Décrochage Scolaire) sont des moments clés pour le "regard croisé et d'échange et de partage d'information". Il est crucial de transmettre les informations nécessaires en respectant "l'éthique de travail" et la confiance du jeune et de sa famille.
      • Patience et détermination : Ludovique Brel insiste sur ces deux qualités pour mener à bien les projets collaboratifs, reconnaissant que les choses ne se règlent pas du jour au lendemain. L'exemple de l'autorégulation montre une augmentation significative de la participation des enseignants à la formation, signe d'une "réelle volonté" de travailler ensemble.
      • Le jeune au centre : L'objectif ultime est que "le jeune soit l'élément central". L'équipe SMS apporte un soutien par sa connaissance des problématiques spécifiques du jeune (ex: TND), permettant de faire converger la compétence pédagogique et la compétence médico-sociale pour le bien-être de l'élève.

      4. Recommandations pour un travail collaboratif efficace

      Plusieurs précautions et recommandations sont formulées pour favoriser des collaborations fructueuses :

      • Chacun à sa place, dans le respect des missions : Lise MERIS souligne l'importance que "chacun reste à sa place" et "sache quelle est sa place". Il faut connaître les missions et les compétences de chacun pour savoir "qui fait quoi, à quel moment" et ainsi respecter les champs d'expertise.
      • Non-jugement et bienveillance : Adopter une posture de non-jugement et de bienveillance envers le travail de l'autre est essentiel pour construire une collaboration "très horizontale".
      • Postures d'ouverture avec les parents : Accueillir les parents "dans cette posture d'ouverture de collaboration" permet de changer la dynamique, de les faire baisser la garde et de construire des solutions avec eux, et non à leur place ou contre eux. "Le parent comprend que vous êtes en train de vous triturer l'esprit avec vos collègues à essayer de trouver une solution pour son jeune".
      • Anticipation : La collaboration "s'anticipe". Il faut initier des démarches en amont pour être capable de travailler ensemble lorsque des difficultés surgissent.
      • Valoriser les réussites : Ne pas se concentrer uniquement sur les situations de tension, mais aussi reconnaître les moments où "ça se passe bien" et les jeunes qui vont bien. "Il faut aussi se donner à notre travail une légitimité se dire que oui il y a quand même des choses qui vont et il faut aussi voilà se viscéralement en tous les cas y croire".
      • Ne pas perdre la confiance du jeune et de la famille : La centralité du jeune et de sa confiance est primordiale. Il est important d'expliquer, de rassurer les familles et les jeunes.
      • Vulgariser le langage : Face à l'abondance de sigles et de jargons professionnels, il est recommandé de "vulgariser au maximum" pour rendre les informations accessibles à tous, y compris aux familles et aux jeunes.

      Un "glossaire" des sigles peut être utile.

      Conclusion La table ronde a clairement démontré que la réussite de tous les élèves, notamment ceux à besoins éducatifs particuliers, repose sur une collaboration forte et structurée.

      Le CPE, par sa position charnière, est un acteur clé de cette dynamique, en favorisant les échanges internes et externes.

      Les défis liés aux cultures professionnelles différentes peuvent être surmontés par la patience, la détermination, la formation commune, le respect mutuel des compétences et une posture d'ouverture centrée sur le bien-être et la réussite du jeune.

    1. Note de synthèse : Protection de l’Enfance et Scolarité(s) - L'école comme facteur et espace de protection et de résilience

      Cette journée d'étude, troisième édition d'un événement à succès, met en lumière le rôle crucial de l'école dans la protection et la résilience des élèves bénéficiant de mesures de protection de l'enfance.

      Elle vise à outiller les acteurs de terrain et à faciliter les rencontres entre partenaires clés (Rectorat de l'Académie de Lille, NPJJ de Roubaix, Départements du Nord et du Pas-de-Calais).

      La thématique explore comment l'environnement scolaire peut devenir un espace de sécurité et de développement pour ces jeunes.

      1. La Résilience : Concepts Clés et Application Scolaire

      La résilience, loin d'être la force des super-héros, est « la force des faibles » (Martine Lanbeale), un processus qui survient après un trauma, non pas comme une résistance immédiate, mais comme un "néodéveloppement" après une sidération. Un élément fondamental est qu' « on ne résilie jamais tout seul ».

      La présence de "tuteurs de résilience" est indispensable. Ces tuteurs, souvent des professionnels de l'éducation ou du social, ne se désignent jamais eux-mêmes ; c'est la personne en résilience qui leur attribue ce rôle, souvent a posteriori.

      Une parole, un regard, une considération peuvent changer la vie d'un enfant, même si le tuteur n'en a jamais conscience.

      Facteurs de protection de la résilience (selon Boris Cyrulnik) :

      Attachement sécurisant : Un environnement où l'enfant se sent entouré et aimé, même si cet attachement initial est détruit par un trauma (comme l'histoire de Boris Cyrulnik lui-même).

      Rébellion : La capacité à ne pas rester dans la sidération, à ne pas "faire une carrière de victime", bien que cela dépende de l'environnement proposé.

      Capacité à raconter son histoire : L'expression du vécu, et notamment la lutte contre le sentiment de honte, qui est décrit comme "le poison de l'âme" et qui empêche de parler.

      La spécificité de la résilience scolaire : L'école est un espace de protection parce qu'elle offre un cadre clair et sécurisant, avec des règles et des processus où "au moins ils savent comment fonctionner à l'école". Malgré le "cartable plus lourd" que portent ces enfants, l'école peut être un lieu où ils s'investissent "pour faire plaisir à leur enseignants en échange d'un regard positif".

      L'école contribue au développement de compétences sociales, d'analyse, de compréhension, de lecture, de récit et d'expression artistique, toutes essentielles à la résilience.

      Exemples concrets de résilience scolaire :

      Le chauffeur de car : Un homme, enfant battu, a été "sauvé" par le sourire quotidien de son chauffeur de car.

      Ce chauffeur, sans le savoir, a été un tuteur de résilience en donnant l'alerte un jour où l'enfant était plus gravement blessé.

      Cette histoire souligne l'impact inattendu et souvent méconnu des tuteurs de résilience.

      Philippe Maurice : Condamné à mort jeune, il a repris ses études en prison pour "ne pas devenir fou".

      Il est passé d'un CAP à un doctorat en histoire médiévale, devenant finalement enseignant à l'ENS. L'école a été un moyen de sortir de la haine et de retrouver la maîtrise.

      Estelle et Sophie : Ces deux jeunes filles, victimes d'abus, ont utilisé l'école différemment pour gérer leur trauma.

      Estelle s'est réfugiée dans le travail scolaire pour s'isoler, tandis que Sophie a utilisé le théâtre à l'école pour rejouer son vécu. Ces cas illustrent la non-linéarité et la fluctuation des processus de résilience scolaire.

      2. La Résilience Assistée : Postures Professionnelles et Ressources Locales

      Devenir un potentiel tuteur de résilience est avant tout une question de posture plutôt que d'actions concrètes spécifiques. Il s'agit de « créer un lien sécure, une alliance ».

      Des phrases simples comme "Tu sais si j'ai l'impression que c'est un peu compliqué pour toi, tu sais que je suis là pour toi" peuvent être vitales.

      L'objectif n'est pas de juger, mais de considérer l'enfant dans la singularité de son histoire.

      Ressources et Partenariats Locaux :

      Points Accueil Écoute Jeunes (PAEJ) : Structures nationales (250 PAEJ), présentes notamment dans le Nord et le Pas-de-Calais, offrent un soutien psychologique et social, avec une approche de libre adhésion et une mission de prévention.

      Maisons des Adolescents (MDA) : Structures départementales qui assurent l'accueil, l'accompagnement et l'orientation des adolescents, avec une équipe pluridisciplinaire (psychologues, infirmières, éducateurs, etc.). Elles mettent en place des expérimentations avec l'Éducation Nationale pour éviter de "perdre des jeunes en route".

      Prévention Spécialisée (PS) : Intervient auprès des jeunes et familles en difficulté ou en rupture pour prévenir la marginalisation et faciliter l'insertion. Ses principes incluent le mandat non nominatif (approche territoriale), la libre adhésion et une approche globale des jeunes. Les équipes travaillent dans la rue pour maintenir le lien avec les familles.

      Agents de Liaison Quartier Établissement (ALSCE) : Postes créés dans les années 90, déployés dans 74 collèges du Nord, ces agents font le lien entre l'établissement scolaire, le quartier et les familles. Ils sont "un pied à l'intérieur de l'établissement scolaire" et "un pied aussi dans le quartier", offrant une expertise locale et facilitant le contact avec les jeunes et leurs familles.

      • Détection des signaux faibles et orientation : Les enseignants et professionnels doivent être attentifs aux changements de comportement récurrents, au désinvestissement scolaire (matériel manquant, devoirs non faits), au repli, à l'isolement, et à l'absentéisme perlé.

      Le regard croisé des différents professionnels est crucial pour détecter précocement les situations. Les élèves eux-mêmes peuvent être des "messagers", informant les adultes des difficultés de leurs camarades.

      Qui peut saisir ces structures ? ** * PAJ et MDA : Le jeune lui-même, sa famille, ses proches ou tout professionnel gravitant autour de l'adolescent peuvent les saisir. * Prévention Spécialisée : N'importe qui peut interpeller ces structures, y compris les directeurs d'école primaire. Leur présence dans le quartier et leur capacité à aller à domicile facilitent la prise de contact. * Services Sociaux du Département (Maison Nord Solidarité dans le Nord, MDS - Maison Départementale de la Solidarité - dans le Pas-de-Calais) : Représentent un interlocuteur essentiel, notamment en milieu rural où les ressources peuvent être plus limitées. Il est crucial de connaître ces partenaires "avant d'avoir un problème". * Service Social en Faveur des Élèves (ASDSN) : Les assistantes sociales scolaires sont des personnes ressources dans les établissements pour orienter vers les structures adaptées. Une expérimentation de "brigade du premier degré" est lancée dans le Nord pour mieux répertorier les partenaires et soutenir les équipes pédagogiques en primaire. * PMI (Protection Maternelle et Infantile)** : Service départemental qui intervient dans les écoles pour les bilans de santé et peut être un interlocuteur précieux pour les enseignants.

      3. Conclusion

      La journée d'étude souligne l'importance vitale d'un écosystème de soutien autour des enfants en situation de protection, avec l'école au cœur de ce dispositif.

      La résilience est un processus complexe qui dépend fortement de la qualité des relations humaines et de la présence de tuteurs bienveillants, souvent sans le savoir.

      La connaissance et la collaboration entre les professionnels de l'éducation et du social, ainsi que la capacité à identifier et orienter les élèves en difficulté, sont des piliers fondamentaux pour offrir à chaque enfant les conditions d'un "néodéveloppement" réussi.

    1. Compte Rendu Détaillé : Le Conseiller Principal d'Éducation Accompagnant

      Ce document explore le rôle du Conseiller Principal d'Éducation (CPE) en tant qu'accompagnant au sein de l'établissement scolaire, en insistant sur la dimension individuelle et collective de son travail.

      Il s'appuie sur une approche socio-historique, praxéologique et didactique pour problématiser la question de l'accompagnement et de la collaboration.

      1. Le Contexte Socio-Historique et la Problématique du Rôle du CPE

      Le rôle du CPE en France, particulièrement dans le secondaire, est marqué par une dichotomie historique entre "l'instruction et l'éducation".

      Les enseignants sont perçus comme détenteurs de l'instruction, tandis que les CPE, bien qu'ayant une mission éducative et pédagogique, souffrent d'un manque de légitimité à cet égard depuis leur création en 1970.

      Cette tension persiste, et les CPE se battent toujours pour être reconnus comme pédagogues.

      Dans un contexte de démocratisation scolaire ayant renforcé les inégalités, les CPE sont fortement attendus pour "accueillir [et] suivre les élèves de manière à pallier les insuffisances du système [et] les difficultés que connaissent les élèves".

      Leur défi éducatif fondamental est d'"aider l'élève à se construire en tant que personne".

      Cependant, ils sont également vus comme des garants de l'action pédagogique et de la régulation des désordres scolaires, un rôle souvent associé à la discipline plutôt qu'à l'éducation et à l'accompagnement.

      La critique de l'autorité au XXe siècle, ou son "érosion" (Prerra), complexifie davantage le rôle du CPE, qui doit faire face à une confusion entre autoritarisme et autorité éducative nécessaire à la médiation entre l'individu et le collectif.

      La "division du travail éducatif" (Tardif et Levasseur, Payet) est également une problématique majeure, le CPE se situant entre le cognitif/enseignement (enseignants) et le comportemental (personnels spécialisés comme les AESH).

      Il est à la fois celui qui "aide les enseignants à enseigner, il aide les élèves à apprendre et en même temps il est très attendu pour réguler tous les désordres scolaires".

      2. Les Missions du CPE et la Place de la Dimension Pédagogique

      Les missions de la vie scolaire visent à placer les adolescents dans les meilleures conditions de vie individuelles et collectives, de réussite scolaire (depuis la circulaire de 2015) et d'épanouissement personnel.

      La vie scolaire, selon Jean-Pierre Aubin, n'est pas la vie hors la classe, mais "l'ensemble des événements de la vie collective et puis aussi tout ce qui concerne la normalisation de la vie collective".

      Le CPE, bien qu'en lien fort avec le pôle éducatif (problèmes sociaux et affectifs), est aussi connecté au pôle instruction.

      La dimension pédagogique de son rôle est "très importante" car il est celui qui gère les problèmes personnels ou collectifs des élèves et qui consacre un temps significatif à l'accueil de la parole des élèves, notamment lors des entretiens.

      Or, cette dimension est "assez peu connue encore" par de nombreux enseignants, sauf si elle fait partie de la culture de l'établissement.

      Les textes officiels (circulaire de 2015, référentiel de 2013) légitiment le travail en équipe des CPE :

      Promotion de la citoyenneté participative : Accompagnement des élèves dans leurs "apprentissages sociaux et citoyens". Suivi des élèves : Construction du parcours de l'élève sur les plans "pédagogiques et éducatifs", impliquant un travail individuel (entretiens) en lien avec les familles et le personnel d'éducation nationale. Organisation de la vie scolaire : L'équipe de vie scolaire, incluant les Assistants d'Éducation (AED), contribue également à l'accompagnement individuel et collectif.

      3. L'Accompagnement comme Activité Pilier du Métier de CPE

      L'entretien est l'"activité pilier du métier" de CPE, constituant la part la plus importante de leur temps et de leur activité, comme l'a montré une étude du CREC en 2007.

      Cependant, les CPE ressentent souvent une "frustration" due à la "tyrannie de l'urgence" (Sylvie Condette) ou au "tourbillon professionnel" (Christine Fauquenois Simonet), qui les pousse à privilégier la gestion du collectif au détriment du suivi individuel et de la collaboration.

      L'accompagnement est un "travail de l'ombre qui n'est pas quantifiable et surtout pas dans l'immédiat".

      Les résultats ne sont pas instantanés, ce qui contraste avec les "attentes [d'un] coup de baguette magique" de la part des collègues ou de la direction.

      C'est un processus de "coconstruction, un cheminement" sur le long terme, où le CPE doit être une "personne de confiance" pour l'élève.

      L'accompagnement est défini comme une "activité" (et non un simple dispositif institutionnel) qui sous-tend des pratiques et une posture.

      Il a une "dimension constructiviste", visant à aider l'élève à "construire son propre parcours" et à "se décider à agir, à s'assumer", sans agir à sa place.

      Cela implique un "étayage" de "nature dialogique", une "médiation sociale" pour que l'élève se projette dans sa vie scolaire et sociale.

      C'est une "relation disymétrique" mais "éducative" et "temporaire".

      Le CPE doit concilier cette relation de confiance individuelle avec le travail collectif, car il "ne peut pas accompagner seul". L'information doit être échangée et le travail collaboratif mis en place.

      L'accompagnement implique une "éthique de l'accompagnement" et de la "responsabilité" (méta-responsabilité), où le CPE, par son "autorité éducative" (au sens d'«augmenter l'autre»), permet à l'élève de grandir et de devenir autonome.

      Ce rôle demande un "principe de retenue" et le "principe du doute", évitant de donner des solutions toutes faites.

      Selon les travaux de Frédérique Lherbé Serini, l'accompagnant adopte trois figures posturales entremêlées :

      Le Compagnon : À l'écoute, soucieux du bien-être de l'autre, proche de l'éthique du caresse, attentif à ce qui va bien et ce qui ne va pas. L'Accompagnateur : Dans la coconstruction, le cheminement avec l'élève. Le Guide : Intervient pour dire "stop" lorsque l'élève se met en danger ou que la construction n'est plus possible.

      Les CPE ne sont pas uniquement des guides, mais adoptent majoritairement les postures de compagnon et d'accompagnateur.

      4. Le Travail Collaboratif du CPE au sein de l'Établissement

      Le travail coopératif est "prescrit" et est une "compétence partagée" entre enseignants et CPE. Cependant, sa réalité sur le terrain est peu documentée. Des facteurs de contexte peuvent défavoriser la collaboration :

      L'intégration croissante des CPE dans "l'équipe de direction élargie" peut renforcer leur image administrative et créer des obstacles à la coopération avec les enseignants.

      L'"intensification [et la] complexification" du métier d'enseignant, la remise en question des savoirs et la judiciarisation de l'institution peuvent générer des crispations entre les corps enseignants et les CPE.

      Malgré cela, la collaboration CPE-enseignant a toujours été une constante dans les textes, évoluant de l'"échange d'information" (1982) à des "savoirs partagés [et une] collaboration étroite" (2015).

      Les "collectifs de travail" se forment soit par "initiative libre" (besoins partagés face à des difficultés), soit par "assignation" (appartenance à une équipe prédéfinie, ex: équipe pédagogique d'un niveau).

      Des "groupes de projets spécifiques" (devoir fait, café des parents) sont aussi des espaces de collaboration.

      Le contexte de l'établissement (proximité des bureaux, culture d'établissement) et l'institutionnalisation de certains temps (heure de vie de classe) sont des facteurs clés pour la facilitation de la collaboration.

      Le "pouvoir d'agir" du CPE, par ses initiatives, est important.

      Un véritable collectif de travail, au-delà d'un simple groupe de professionnels, est caractérisé par :

      L'adhésion à des "valeurs partagées".

      L'élaboration commune de "règles de fonctionnement" et d'objectifs.

      L'engagement volontaire et autonome des membres, conduisant à la création de "groupes de veille éducative" par exemple, qui s'inscrivent progressivement dans une "culture d'établissement".

      Les pratiques de collaboration varient :

      "Pratiques de collaboration minimum" : Échanges informels dans les couloirs ou à la salle des professeurs.

      Le CPE doit organiser ces informations éparses.

      Le "rayonnement d'un CPE" dans un établissement est lié à sa capacité à aller vers les autres et à initier ces rencontres.

      5. Modalités de Travail du CPE et Collaboration

      La "approche multidimensionnelle" est une compétence clé du CPE, lui permettant d'avoir une "vision globale et complexe" de la vie de l'élève (loisirs, difficultés, etc.) et de croiser les regards pour le bien-être et l'épanouissement de chacun.

      Les CPE travaillent en étroite collaboration avec :

      Les personnels d'éducation (AED) : Considérés comme une "mine d'or" d'informations grâce à leur proximité avec les élèves. Les réunions de service régulières sont cruciales pour la remontée de ces informations.

      Les enseignants : Plus de 80% des CPE échangent régulièrement sur les entretiens avec les élèves, montrant que l'accompagnement ne se fait pas en vase clos.

      La collaboration est souvent initiée par le CPE, ou par sollicitation d'autres membres de la communauté éducative, y compris les élèves eux-mêmes.

      Le partage de savoirs sur les élèves et leurs difficultés permet au CPE d'"entrer dans la classe" différemment.

      L'"éthique des collectifs de travail" est primordiale :

      La plupart des CPE informent l'élève avant ou après le partage d'informations avec d'autres professionnels (professeur principal, infirmière, médecin scolaire), et un tiers le fait systématiquement avant.

      C'est un "principe" pour certains CPE pour ne pas rompre la relation de confiance.

      Le partage d'informations se fait avec "tact", en ne dévoilant pas tout le contenu de l'entretien mais uniquement ce qui est pertinent pour le suivi.

      La question du "secret" (professionnel ou non) et du partage est récurrente et nécessite un travail important en formation initiale.

      Les "entretiens tripartites" (avec l'élève, le CPE et un autre collègue) sont une pratique importante, permettant de confirmer une "cohérence" et une "cohésion d'équipe".

      C'est une "prise de risque", car le résultat peut être inattendu, mais elle est jugée nécessaire car les CPE "ne peuvent pas travailler seul en entretien avec l'élève".

      Le CPE sait aussi "relayer" l'accompagnement à une autre personne lorsque ses propres limites d'éducateur sont atteintes. C'est une compétence difficile mais essentielle, nécessitant de ne pas donner l'impression à l'élève d'être "abandonné".

      Le CPE est souvent un "médiateur" entre les élèves et les adultes de l'établissement (enseignants, infirmière, etc.) lorsque la relation est coupée.

      En Réseau d'Éducation Prioritaire (REP+), il existe une "culture commune de la manière d'accompagner les élèves" entre CPE, directeurs d'école et directeurs de SEGPA, avec une forte volonté de travailler sur la continuité école-collège concernant les savoirs sociaux et citoyens, et un travail commun sur les "rituels pour faire adhérer les élèves à la règle".

      Conclusion

      Le processus d'accompagnement par le CPE est caractérisé par des "effets très forts d'inter et de co et de rétroaction" entre les élèves et les CPE, qui s'étendent en "cercles concentriques" avec la formation de collectifs autour de la relation duale.

      Ce travail en équipe nécessite une "vraie éthique", notamment le "tact", car les élèves sont sensibles à un "sentiment de loyauté".

      Enfin, l'"expérience collective nourrit la reconnaissance individuelle", soulignant l'importance de développer des expériences de travail collaboratif dès la formation initiale des CPE et des enseignants.

    1. Synthèse détaillée des thèmes et faits marquants de la présentation de Valérie Masson-Delmotte

      • Cette synthèse reprend les points essentiels de l'intervention de Valérie Masson-Delmotte sur les attaques contre les sciences du climat et de la durabilité, en contextualisant ces attaques par rapport aux faits scientifiques établis et en explorant les liens avec la vie démocratique et l'action climatique.

      I. Les attaques contre les sciences du climat et de la durabilité : Une nouvelle phase d'obstruction systémique

      • Valérie Masson-Delmotte introduit son intervention en situant sa propre expérience de recherche, notamment sur la géoingénierie polaire, comme une "distraction ou une diversion coûteuse" qui s'inscrit dans un contexte plus large d'attaques.

      Elle décrit une "nouvelle phase" dans les politiques favorables aux énergies fossiles, caractérisée non plus par un simple "rideau de fumée" de désinformation, mais par une "obstruction tous azimuts".

      A. Le Projet 2025 et ses objectifs

      Cette nouvelle phase, pensée par le Projet 2025, est motivée par la clarté des connaissances scientifiques et la capacité croissante à répondre aux besoins humains sans énergies fossiles.

      L'objectif est de "détruire la capacité à produire ces faits scientifiques".

      Les actions concrètes de l'administration Trump (si elle était réélue, nommée "Trump 2" dans le texte) incluent :

      • Affirmation d'une "urgence énergétique" et obstruction à la transition énergétique.
      • Suppression des étiquettes énergie des politiques favorables aux énergies fossiles.
      • Arrêt du plan Biden Inflation Reduction Act, favorable aux technologies propres.
      • Destruction des "pierres angulaires du droit de l'environnement", notamment le suivi des espèces menacées.
      • Ciblage de la décision de l'EPA (Endangerment Finding) classant les émissions de six gaz à effet de serre comme "dangereux pour le bien-être et la santé humaine".

      B. Méthodes d'intimidation et de démantèlement

      Les attaques se traduisent par :

      • Intimidation des organisations scientifiques, menaces de coupes budgétaires et leur réalisation.
      • Censure par mots clés et "licenciements massifs".
      • Suppression de contenu lié au changement climatique sur les sites ministériels.
      • Interdictions de formation intégrant les aspects liés au changement climatique.
      • Démantèlement de la capacité à produire des connaissances, notamment sur la santé environnementale à l'EPA.
      • Arrêt de financements de programmes de recherche sur le changement climatique et la santé pour le ministère de la Défense.
      • Sabotage de la capacité de suivi de l'état de l'atmosphère, entraînant la dégradation des prévisions météorologiques et la fermeture d'agences d'alerte.
      • Affaiblissement des capacités de suivi des lois environnementales (Endangered Species Act, Marine Mammal Protection Act).
      • Destruction de la capacité d'évaluation nationale sur le changement climatique (US Global Change Research Program).
      • Démantèlement de l'Office of Global Change au Département d'État, affectant la participation américaine aux instances internationales (IPCC).
      • Coupes budgétaires massives par mots clés (NSF, NOAA, NASA) visant à éliminer les laboratoires de recherche sur l'atmosphère, l'océan, l'Antarctique, et les instituts coopératifs.
      • Harcèlement (ex: arrêt du paiement du bail pour le laboratoire commun Columbia NASA).
      • Décimation des centres d'adaptation au changement climatique, d'information sur l'énergie et des centres sur les sciences de l'eau.
      • Volonté de démanteler l'agence de réponse rapide en cas de catastrophe.
      • Ciblage du suivi des émissions de gaz à effet de serre, des centres de modélisation et des aspects liés aux injustices environnementales.
      • Masson-Delmotte souligne l'interdiction explicite de mots clés tels que "atténuation", "gaz à effet de serre", "changement climatique", "science du climat", "risque climatique", "résilience", "justice environnementale", "pollution", "vulnérabilités", "evidence-based" et "science-based". Cette méthode, déjà observée sous Trump 1 à l'EPA, est désormais "généralisée", avec des leçons tirées pour une action "à une échelle plus large".

      II. Le constat scientifique, "trop clair" et "très clair"

      • La présentation met en lumière l'état actuel et l'évolution des indicateurs clés du système climatique, soulignant l'urgence et l'ampleur de l'influence humaine.

      *** A. Émissions et concentrations de gaz à effet de serre**

      • Émissions mondiales : Continuent d'augmenter, mais "moins vite sur la dernière décennie que précédemment". 24 pays ont réduit leurs émissions grâce à des politiques publiques efficaces.
      • Chine : Les émissions n'ont pas augmenté depuis environ un an, grâce à l'électrification des mobilités et le déploiement des énergies renouvelables.
      • Gaz à effet de serre fluorés : Baisse due à l'effet du Protocole de Montréal.
      • Composés soufrés : Leur réduction (effet refroidissant) contribue à dévoiler l'effet réchauffant des gaz à effet de serre.
      • Concentrations atmosphériques : Continuent d'augmenter, particulièrement vite pour le CO2 en 2023-2024, en partie à cause de l'effet El Niño qui a "fragilisé le puits de carbone terrestre". Le Global Carbon Project estime que l'effet climat a sapé "environ 27 % de l'augmentation du puits de carbone terrestre".
      • Forçage radiatif : L'influence humaine atteint environ "3 W par mètre carré", avec un rythme d'augmentation sur la dernière décennie "encore plus fort que la décennie précédente".

      B. Réchauffement climatique et ses conséquences

      • Déséquilibre énergétique de la Terre : A augmenté pour atteindre "1 W par mètre carré".
      • Réchauffement observé :
      • Moyenne planétaire : "1,24°C" sur la dernière décennie.
      • Océan : "1°C".
      • Continents : "environ 1,8°C".
      • Part attribuable aux activités humaines : "1,22°C" sur les 1,24°C observés.
      • Rythme de hausse : "0,27°C de plus par décennie".
      • Réchauffement attribuable à l'influence humaine (extrapolé) : "1,36°C plus chaud".
      • Dépassement des seuils : Atteindre "plus d'un degré et demi comme en 2024 pour la première fois, c'est une chance sur 6" ; avec El Niño et variabilité chaude Atlantique Nord, "c'est une chance sur deux".
      • Montée du niveau de la mer : "Quasiment 23 cm depuis 1900".

      Rythme sur les 10 dernières années : "plus de 4 mm par an" avec une accélération due à l'accumulation de chaleur dans l'océan et la contribution croissante du Groenland et de l'Antarctique.

      C. Attribution des responsabilités

      Les méthodes d'attribution, développées par Klaus Hasselman, "n'ont fait que s'affiner pour un constat qui est vraiment très clair maintenant".

      • Responsabilité historique par pays (depuis 1851) :
      • États-Unis : "premier responsable du réchauffement à ce jour".
      • Chine : "2e rang", devant l'Union européenne à 27.
      • Certaines analyses suggèrent que l'effort de décarbonation en Chine pourrait faire qu'elle "ne rattrape jamais le niveau de responsabilité des États-Unis".
      • Tensions géopolitiques : Les pays en développement estiment que l'Accord de Paris "remet à zéro" la responsabilité historique, tandis que les pays industrialisés et exportateurs d'énergies fossiles sont plus à l'aise avec cette approche.
      • Pays les moins développés : "6 % des de contribution au réchauffement historique", alors qu'ils sont "le milliard de personnes qui vit dans l'ensemble des pays les moins développés" et sont les plus vulnérables.
      • Responsabilité par catégorie de revenus (étude de 2024, incluant consommation et investissements) :
      • "2/3 du réchauffement est attribuable au top 10 %" des émetteurs mondiaux depuis 1990.
      • "1/5 au top 1 %" des émetteurs.
      • Si tout le monde avait le même train d'émissions que les 10 % les plus riches, le réchauffement aurait déjà été de "3 degrés au lieu de 0,6°C depuis 1990".
      • Le top 10 % contribue "6 et demi fois plus" que la moyenne planétaire par personne.
      • Les émissions du top 10 % en Chine ou aux États-Unis ont une responsabilité "deux à trois fois plus grande que la moyenne de la population mondiale sur l'augmentation des vagues de chaleur dans des régions particulièrement vulnérables".
      • Responsabilité des acteurs économiques : Application de la méthode d'attribution "end-to-end" (émission -> réchauffement -> événement extrême -> coût des dommages) aux "plus grandes supermajors pétrolières".
      • Les cinq plus grandes entreprises pétrolières et gazières mondiales sont responsables depuis 1991 d'"environ 2 000 milliards de dollars de pertes économiques uniquement liées à la chaleur extrême".
      • Ces constats "dérangent bien sûr" et posent la question de la "responsabilité par rapport aux pertes et dommages".
      • Droits des générations futures : L'exposition "sans précédent" aux extrêmes climatiques des jeunes générations. Pour les personnes nées en 2020 :
      • Si le réchauffement est limité à 1°C, "52 % de cette génération sera exposée de manière inédite".
      • Si le réchauffement atteint 3°C, "la quasi-totalité de cette génération" (plus de 90 %) sera exposée de manière inédite.
      • Ces connaissances scientifiques "très claires" peuvent "nourrir... des contentieux juridiques, des délibérations politiques" et sont perçues comme "hostiles" par certains acteurs économiques ou catégories de la population qui "tirent partie de la situation actuelle".

      III. Démocratie et action climatique : Des liens cruciaux et des défis

      Valérie Masson-Delmotte explore les liens entre la gouvernance démocratique et la capacité à mettre en œuvre une action climatique efficace, soulignant les vulnérabilités et les leviers d'action.

      A. Trajectoires socio-économiques et risques

      Le scénario de

      • "rivalité régionale",
      • "résurgence du nationalisme",
      • "préoccupation en matière de compétitivité sécurité",
      • "perte d'une vision plus large",
      • "baisse des investissements dans l'éducation et le développement technologique",
      • "développement économique lent",
      • "consommation à forte intensité matérielle",
      • "aggravation d'inégalité",
      • "faible priorité aux problèmes environnementaux",
      • "forte dégradation de l'environnement" (SSP3)

      est le scénario "à plus haut risque" pour l'atténuation et l'adaptation. * Il existe un "jeu d'acteur organisé puissant ancré dans le national conservatisme qui vise en fait à créer une bifurcation par rapport aux tendances récentes au focus mis sur la soutenabilité créer une bifcation vers ce type de trajectoire".

      B. Démocratie comme levier d'action climatique

      • Réduction des émissions : "24 pays qui l'ont déjà réduit les ont déjà réduites fortement dans la durée tous des démocraties".
      • Politiques publiques efficaces : Une étude comparant 1500 politiques publiques montre que "60 des 63 exemples de combinaison de politique publique efficace sont des pays qui ont des indices de démocratie parmi les plus élevés". Les exceptions sont l'Arabie Saoudite et la Chine.
      • Caractéristiques des démocraties efficaces : "Pluralisme, la liberté de la presse, le dynamisme de la société civile, contrôle de la corruption".
      • Capacités de transformation (selon le GIEC) : Vont de pair avec la capacité de "délibérer, de construire des transitions justes qui tiennent compte des inégalités des vulnérabilités des droits humains des enjeux de cohésion sociale", l'engagement des parties prenantes (y compris la jeunesse), le renforcement des processus délibératifs (assemblées citoyennes), des rôles clairs pour les pouvoirs publics, et un suivi et évaluation.

      C. Obstacles démocratiques à l'action climatique

      • Clientélisme et corruption : Le développement démocratique n'est associé à la réduction des émissions que dans les pays "qui ont un faible niveau de clientélisme et de corruption".
      • Rente des énergies fossiles : Les "effets de rente liés aux énergies fossiles sapent les institutions et la capacité à mettre en œuvre de manière efficace les lois et régulation environnementale". Les pays dépendants de l'extraction de pétrole et de gaz ont souvent des "difficultés de contrôle de la corruption" et maintiennent des "subventions élevées aux énergies fossiles".
      • Inégalités de revenus : Sapent la capacité à agir efficacement. Dans les pays les plus inégalitaires, les personnes à hauts revenus (très émettrices) "s'opposent au renforcement de la régulation environnementale" et leur opposition est renforcée par la possession de médias privés et le contrôle des réseaux sociaux.

      En conclusion, Valérie Masson-Delmotte souligne l'importance de "renouveler et vivifier la vie démocratique" face aux attaques des discours populistes et du contrôle de la désinformation.

      Le "renforcement des délibérations qui s'appuient sur les connaissances et les faits est pour moi un levier d'action critique par rapport à la défense de la capacité de délibération des sociétés démocratiques vis-à-vis du renforcement de l'action pour le climat".

    1. Document de Synthèse : Lancement du Cours en Ligne "Qui S'en Soucie ?" : Un Guide ARAO pour le Soutien à la Santé Mentale des Jeunes

      Introduction

      • Ce document de synthèse présente les thèmes principaux, les idées et les faits les plus importants tirés du lancement du cours en ligne "Qui S'en Soucie ? Un guide antiraciste et anti-oppressif pour soutenir la santé mentale des jeunes". Ce webinaire, animé par Katherine Project de la Fondation Canadienne des Femmes (FCF), avec la participation d'Erin Willlet de New Room et de Roxane Deforge de Pure and Applied, marque le dévoilement d'une ressource essentielle développée pour soutenir les travailleurs jeunesse au Canada, en particulier ceux qui travaillent avec des jeunes marginalisés.

      1. Contexte et Objectifs du Projet

      La Fondation Canadienne des Femmes est un leader national dans le mouvement pour l'égalité des genres au Canada, œuvrant depuis 1991 au changement systémique.

      Le projet "Qui S'en Soucie ?" est le résultat d'un financement de la Fondation Tree of Life, visant à créer un outil utile pour les bénéficiaires du Fonds pour les Filles (Girls Fund) de la FCF.

      • Le Fonds pour les Filles : Depuis 20 ans, le Fonds pour les Filles soutient des programmes pour les filles et les jeunes non-binaires âgés de 9 à 13 ans. Ces programmes variés (sciences, sports, arts, leadership, enseignements autochtones) partagent tous l'objectif de "donner aux participants des outils pour développer leur estime de soi, apprendre à se connaître et acquérir de nouvelles compétences dans un espace sûr et aussi dans un espace réservé aux filles ou aux filles et jeunes non-binaires".
      • Identification d'un besoin crucial : Les praticiens jeunesse ont identifié la santé mentale comme une préoccupation majeure dans leur travail avec les jeunes, exacerbée par la pandémie de COVID-19 et le climat politique actuel, qui rend le monde "moins sûr pour certains jeunes, en particulier les jeunes trans et non-binaires". Les impacts sont "plus graves pour certaines populations, en particulier les jeunes autochtones, les jeunes noirs et racisés, ainsi que les jeunes trans et non-binaires."
      • Objectif du cours : Le projet vise à "mieux équiper" les travailleurs jeunesse, qui ne sont pas nécessairement des professionnels de la santé mentale, pour "intervenir" face aux besoins des jeunes, sans chercher à en faire des professionnels de la santé mentale. L'accent est mis sur "l'importance du travail communautaire, travailler en communauté" et "utiliser le pouvoir de leur communauté pour agir."

      2. Phase de Recherche : Constats et Recommandations Clés

      La phase de recherche a été menée par Taylor Newberry Consulting, combinant une revue de littérature et des consultations (entretiens et groupes de discussion) avec des jeunes et des organisations jeunesse.

      L'objectif était de comprendre les défis rencontrés par les jeunes racisé.e.s et de diverses identités de genre dans l'accès aux services de santé mentale, ainsi que le rôle des organisations jeunesse.

      • Impact du racisme et de la transphobie : La recherche a montré que "le racisme et la transphobie ont un impact négatif sur la santé mentale des jeunes". Il est crucial de disposer de recherches pour "étayer cela et montrer l'impact plus en détail", soulignant l'importance d'une "approche anti-oppressive et d'un travail en communauté" pour améliorer la santé mentale des jeunes, plutôt que des solutions purement individuelles.
      • Recommandations spécifiques aux groupes :
      • Jeunes trans et non-binaires : Nécessitent un "soutien solide de la part des aidants", des "relations sociales et entre pairs solides" et un "accès à des soins d'affirmation de genre" pour protéger leur bien-être.
      • Jeunes filles noires : Le personnel de soutien devrait "les encourager à célébrer leur identité ethnique et raciale" et travailler avec les aidants pour "promouvoir le patrimoine culturel".
      • Jeunes racisé.e.s : Une "programmation tenant compte des traumatismes est essentielle" pour améliorer leur bien-être mental.
      • Jeunes autochtones : Il est "essentiel de fournir une programmation de santé mentale culturellement sûre et appropriée", en travaillant avec des "aînés autochtones et des gardiens du savoir pour favoriser l'identité culturelle, la connexion et autonomiser les jeunes autochtones".
      • Besoins des jeunes : Les jeunes ont exprimé le désir d'avoir des "conversations plus profondes sur la santé mentale" et la nécessité d'"espaces sûrs et inclusifs au sein de la communauté où ils peuvent accéder si besoin." Ces espaces sont "très nécessaires pour bâtir une communauté parmi les jeunes racisé.e.s et non-conformes au genre."
      • Approche intersectionnelle : Le projet a veillé à ne pas "mettre tous ces jeunes et tous ces groupes dans le même sac", reconnaissant les "particularités de chaque groupe et aussi au sein de chaque groupe". Le cours insiste sur "l'importance de prendre chaque jeune individuellement pour ce qu'il est et de s'assurer que les services sont adaptés à ses besoins."
      • Importance de la communauté élargie : Les prestataires de services ont souligné l'importance de "ne pas se concentrer uniquement sur les jeunes eux-mêmes, mais de fournir une éducation à l'ensemble de la communauté" pour sensibiliser au racisme et à la transphobie.

      3. Phases de Conception et de Pilotage du Cours en Ligne

      Le développement du cours a été un processus intensif de 10 mois, impliquant New Room et Pure and Applied, ainsi que les bénéficiaires du Fonds pour les Filles.

      • Évaluation des besoins : Cette phase "fondamentale" a complété la recherche de Taylor Newberry en incluant des "conversations approfondies avec 14 équipes de bénéficiaires". Cela a permis de comprendre leurs "expériences vécues", les "implications de leur travail" et les "obstacles à la prestation de ce type de soins de santé mentale axés sur les jeunes."
      • Co-création et partenariat : Le projet a mis l'accent sur le "pouvoir du partenariat", de la "collaboration" et de la "co-création" pour bâtir des approches "durables et stratégiques". Roxane Deforge a souligné l'importance de "décentrer soi-même" en tant que concepteur pédagogique pour que le contenu "parle vraiment à l'apprenant visé et ne soit donc pas utile." Erin Willlet a insisté sur les "valeurs féministes intersectionnelles" de la FCF, "fondamentales pour bâtir un cours comme celui-ci".
      • Modèle basé sur les compétences : Le cours se concentre sur les compétences ("skills-based model") plutôt que sur la simple transmission de connaissances, afin de permettre aux apprenants "d'appliquer ce qu'ils ont appris dans le contexte de leur travail quotidien."
      • Structure du cours : Le cours est conçu pour être à la fois individuel et "auto-rythmé" ("self-paced"), tout en encourageant l'aspect communautaire. Il comprend quatre modules :
      • Aperçu du cours (très court)
      • Contexte, théorie et langage (informations fondamentales sur les systèmes d'oppression, les dynamiques de pouvoir, la suprématie des adultes, le contexte historique des jeunes marginalisés).
      • Pratiques, compétences et exercices (le "toolkit", abordant trois types d'outils) :
      • Sensibilité culturelle (cultural responsiveness) : "fondamentale pour faire ce travail avec humilité et curiosité et célébrer l'identité et les éléments culturels".
      • Créer des espaces plus sûrs (building safer spaces) : Axé sur les pratiques de facilitation tenant compte des traumatismes et l'établissement du ton.
      • Autonomisation des jeunes (empowering the youth) : Soutenir les jeunes dans leur processus de transformation.
      • L'auto-soin est un soin communautaire (self-care is community care) : Un module essentiel pour la résilience des travailleurs jeunesse, abordant le bien-être physique, mental, émotionnel, spirituel, artistique et créatif. L'objectif est de rendre l'auto-soin "plus intentionnel" et "propre à votre identité, à votre culture, à vos croyances spirituelles."
      • Métaphore du papillon et du jardin : Le cours utilise la métaphore du papillon (représentant les jeunes en pleine métamorphose entre 9 et 13 ans), du cocon (l'environnement de soutien) et du jardin (la communauté et le contexte culturel) pour inspirer la conception visuelle et conceptuelle du contenu.
      • Format et accessibilité : Le cours est disponible gratuitement en ligne sur learn.canadianwomen.org. Il est estimé à "20 à 25 heures" d'apprentissage, incluant les activités et la réflexion personnelle. Il n'est pas nécessaire de le suivre de manière linéaire, les apprenants peuvent "sauter entre les sections" en fonction de leurs besoins. Il est recommandé de prendre son temps, car le cours "vise à susciter beaucoup de réflexion personnelle" et non pas à être rapidement terminé. Un "cahier d'exercices éditable" est fourni pour la réflexion et l'application pratique. Le contenu est disponible en français et en anglais.

      4. Public Cible et Application Pratique

      Le cours est principalement destiné aux travailleurs jeunesse, mais sa portée est plus large :

      • Flexibilité pour les apprenants : Le cours est conçu pour être "quelque chose que les gens peuvent tirer" en fonction de "qui ils sont, du contexte dans lequel ils se trouvent, du travail qu'ils font, des jeunes qui sont devant eux."
      • Potentiel pour divers contextes : Le cours est "absolument" adapté aux bénévoles dans les refuges ou toute personne travaillant avec des jeunes en groupe, comme les professeurs de lycée.
      • Approche communautaire encouragée : Bien qu'il s'agisse d'un cours individuel, il est fortement encouragé de le suivre "avec des collègues ou avec des amis" pour créer une "communauté" d'apprentissage et de soutien, avec des enregistrements réguliers.

      5. Représentation et Perspectives Futures

      La question de la représentation au sein des présentateurs a été soulevée et adressée.

      Bien que les présentatrices du webinaire soient toutes blanches, l'équipe de développement du cours était diverse, incluant la partenaire d'affaires d'Erin Willlet, Danny Joe, qui est noire.

      Les intervenantes ont reconnu l'importance de cette préoccupation et ont remercié la participante de l'avoir soulevée, promettant de faire mieux à l'avenir en termes de représentation lors des présentations publiques.

      • Projets futurs : La FCF a l'intention d'approfondir les modules existants et d'en créer de nouveaux. Un projet en cours, financé par Condition féminine Canada, vise à "adapter ce programme à la population du Nord" en se concentrant sur les "perspectives inuites". L'objectif est de continuer à "aller plus en profondeur" plutôt que de reproduire des programmes 101 déjà existants.
        1. Thèmes Importants Abordés dans le Cours
      • Anti-racisme et anti-oppression : Un fil conducteur essentiel, reconnaissant les impacts systémiques sur la santé mentale des jeunes.
      • Humilité culturelle et curiosité : Considérées comme les compétences les plus importantes pour les praticiens.
      • Intervention axée sur les traumatismes : Intégrée dans les pratiques de facilitation.
      • Auto-soin et résilience : Crucial pour les travailleurs jeunesse afin de prévenir l'épuisement professionnel.
      • L'importance du contexte et des systèmes : Comprendre comment les structures de pouvoir influencent le bien-être des jeunes.

      En conclusion, le cours "Qui S'en Soucie ?" est une ressource complète et soigneusement élaborée, ancrée dans la recherche et la co-création, visant à renforcer la capacité des travailleurs jeunesse à soutenir la santé mentale des jeunes marginalisés à travers une lentille antiraciste, anti-oppressive et axée sur la communauté.

    1. Compte rendu : Le Recueil de la Parole des Enfants Victimes et le Défi des Enquêtes sur les Agressions Sexuelles

      Ce document examine les méthodes et les défis rencontrés par la police, en particulier la brigade des mineurs, lors du recueil de la parole des enfants victimes de violences, notamment sexuelles.

      Il met en lumière l'évolution des pratiques d'audition, l'importance des environnements adaptés et la complexité de l'enquête judiciaire face à des témoignages d'enfants.

      1. L'Évolution du Recueil de la Parole des Enfants : Les "Salles Mélanie"

      Historiquement, l'audition des enfants victimes se faisait dans des "bureaux ordinaires, des endroits où les conditions de confort et d'écoute n'étaient pas réunies pour avoir leur témoignage souvent si douloureux."

      Conscients de cette lacune, de nouvelles approches ont été mises en place, notamment la création de "salles Mélanie".

      • Concept et Aménagement : Les salles Mélanie, nommées d'après la première enfant auditionnée dans ces conditions, sont des "pièces spécialement aménagées avec du mobilier, des jeux pour enfants, des couleurs chaudes et qui permettent un petit peu comme un petit cocon de recueillir la parole de ces enfants de manière plus efficace et plus délicate."

      L'objectif est de créer un environnement qui "ressemble à une école, ça ressemble à ce qu'ils ont d'habitude, ça ressemble à une chambre d'enfance, ça ressemble pas à un bureau", afin de les "sécuriser" et qu'ils se "sentent en sécurité ici."

      • Outils Pédagogiques : Ces salles sont équipées de divers outils pour faciliter l'expression des enfants.

      Les poupées anatomiques, par exemple, sont essentielles : "Il y a un garçon et une fille et on peut complètement les déshabiller de des chaussures jusqu'au vêtements...

      Ce qui fait que ça permet à l'enfant de matérialiser s'il souhaite pas parler, ben finalement il peut nous expliquer à travers les les poupons en fait."

      Des dessins ou l'utilisation d'objets comme des stylos peuvent également aider l'enfant à "montrer ce qu'il a demandé de faire".

      • Impact sur le Témoignage : Les enquêteurs estiment que ces environnements permettent une parole plus "précise" et plus libre.

      Un policier souligne que l'enfant "va révéler le traumatisme qu'il a pu vivre."

      2. La Spécificité de l'Audition des Mineurs

      L'audition d'un enfant diffère grandement de celle d'un adulte ou même d'un adolescent, nécessitant des compétences et des approches spécifiques.

      • Difficulté d'Expression : Contrairement aux adolescents qui "vont tout nous expliquer", l'enfant "va falloir aller chercher un peu plus les éléments."

      Ils peuvent bloquer, avoir peur, ou manquer de vocabulaire pour exprimer ce qu'ils ont vécu.

      Certains "font que des signes de la tête qui veulent pas parler mais par contre qui vont nous répondre à travers ce gestuel surtout les petits parce qu'ils ont peut-être moins de vocabulaire moins la facilité de s'exprimer."

      • Techniques d'Audition Modernes : L'affaire Outreau a marqué un tournant, amenant de "grands changements par rapport au recueil de la parole de l'enfant."

      Auparavant, les questions étaient "dirigées" ("il a mis son zizi dans ton sexe"), ce qui pouvait influencer l'enfant.

      Désormais, la technique consiste à aborder le sujet "du général" et d'y aller "petit à petit", pour que l'enfant "puisse dire ce qui s'est passé exactement mais de façon moins brutale et moins l'influencer aussi."

      L'enquêteur doit s'adapter au "terme" propre à l'enfant pour désigner les parties intimes ou les actes.

      La Vérité et le Mensonge : Une règle fondamentale est de "dire que la vérité et puis jamais de mensonge."

      L'enfant est invité à donner un exemple de mensonge, comme "Il m'a rien fait" si un problème est survenu.

      Cependant, la déstabilisation de l'enquêteur face à un enfant qui ne parle pas révèle la complexité de cette approche.

      3. La Charge Émotionnelle et Psychologique des Enquêteurs

      Le travail à la brigade des mineurs est humainement très exigeant et impacte profondément les policiers.

      • Sensibilité du Travail : Les enquêteurs sont confrontés à des "affaires de mœurs, de viol" impliquant des enfants, ce qui est "pas forcément évident".

      Un enquêteur confie que cela "nous bouleverse", car ils ne sont "pas dénué du tout de sentiments.

      Bien au contraire." Ils doivent cependant "essayer de mettre de la distance parce que sinon c'est trop ça serait trop compliqué au quotidien."

      • Mécanismes d'Adaptation : Avec le temps, les enquêteurs se "forge une sorte de carapace".

      Le fait d'en "parler aussi, c'est aussi une façon de de se libérer quoi, de passer à autre chose, de pas garder tout pour nous."

      L'humour peut parfois être utilisé comme "une façon de détourner en fait."

      Certains dossiers restent cependant "ancrés dans un coin du cerveau et c'est vrai que parfois c'est difficile de faire le vide en rentrant à la maison."

      • Motivation : Malgré la difficulté, les enquêteurs trouvent ce domaine "passionnant, intéressant" car "un enfant, il a pas moyen de défense.

      Donc c'est vrai que c'est important de pouvoir l'aider à notre niveau si on si on peut essayer de comprendre et puis de lui trouver une solution."

      4. Le Processus Judiciaire et ses Limites

      Le recueil de la parole de l'enfant n'est que le début d'un processus judiciaire complexe où la preuve est primordiale.

      • Le Doute et la Preuve : La crédibilité de la parole de l'enfant est au centre de l'enquête.

      "C'est difficile de dire au départ si la parole de l'enfant est crédible ou pas."

      L'enquête vise à "vérifier les paroles que l'enfant a pu dénoncer à travers des auditions de témoin, à travers des examens médicaux, à travers des choses comme ça.

      Parce que justement, il faut bah il faut étayer les paroles de l'enfant."

      • L'Absence de Preuves Matérielles : L'un des cas présentés illustre la difficulté lorsque le mis en cause "nie la totalité des faits" et qu'il n'y a "aucun autre élément matériel" pour corroborer la version de l'enfant, y compris le certificat médical. Dans ce cas, "c'est une parole, contre une autre" et "on n'a rien de plus."

      • Le Classement Sans Suite : Face à l'insuffisance de preuves, le parquet peut décider un "classement 21" (classement sans suite).

      Cette décision est une source de "frustration" pour les enquêteurs car, même si cela ne signifie pas que la parole de l'enfant est mise en doute, "on n'a pas assez d'éléments pour vous confronter." C'est une application du principe "le doute profite à l'accusé."

      • Conséquences : Malgré la libération de l'accusé, le passage par les services de police et l'inscription dans les fichiers constituent un "précédent" pour le futur.

      L'exemple de Zoé, toujours placée en famille d'accueil et ne vivant plus avec son beau-père, montre que des mesures de protection sont prises indépendamment de l'issue judiciaire.

      En conclusion, si la création des salles Mélanie et l'évolution des techniques d'audition représentent une avancée majeure pour mieux recueillir la parole des enfants victimes, la phase d'enquête et la confrontation aux limites de la preuve matérielle restent un défi constant pour la justice et un lourd fardeau pour les enquêteurs.

    1. Document d'information détaillé : Violence des mineurs et culture du couteau en France

      Ce document analyse les thèmes principaux, les faits marquants et les idées essentielles concernant l'augmentation de la violence chez les mineurs en France, en particulier l'usage des armes blanches.

      Il s'appuie sur les extraits de l'émission "Envoyé spécial - Coups de couteaux chez les ados".

      Thèmes principaux

      • L'augmentation alarmante de la violence à l'arme blanche chez les mineurs : Le reportage met en évidence une multiplication des agressions, souvent filmées et partagées sur les réseaux sociaux.
      • La "culture du couteau" et son accessibilité : De nombreux adolescents portent des couteaux pour se défendre ou pour intimider, et l'acquisition de ces armes est étonnamment facile pour les mineurs.
      • Les motivations derrière le port d'armes et les agressions : Peur des représailles, rivalités de quartiers, quête de réputation, influence des réseaux sociaux et de la musique.
      • L'impact dévastateur sur les victimes et leurs familles : Traumatismes physiques et psychologiques, sentiment d'insécurité, et détresse des parents.
      • Les réponses des autorités et des acteurs de la prévention : Contrôles policiers, actions de sensibilisation, et limites du système judiciaire et éducatif.

      Faits et idées les plus importants

      • Multiplication des drames : Le reportage débute en soulignant que "Depuis quelques mois, les drames se sont multipliés à l'extérieur et même à l'intérieur des lycées ou des collèges."
      • Cas emblématiques :Élias, 14 ans : Tué à la machette à Paris en janvier pour un vol de téléphone portable.
      • Sou, 17 ans : Poignardé à mort dans le dos en mars.
      • Jeune fille de 15 ans à Nantes : Poignardée "à 57 reprises" par un élève de son établissement en avril.
      • Victime à Perpignan : Un lycéen de 15 ans poignardé dans le dos par des agresseurs de quartier rivaux au sein même de son lycée. Il a subi une "perforation des intestins" et porte de graves cicatrices.

      Le père de la victime témoigne de l'horreur : "Je jamais vu ça. Même moi quand j'allais quand j'étais jeune et j'allais ici à l'école non je suis bagarré à coup de point et tout.

      Bon après le lendemain j'étais réglé on était pote. C'est bon mais jamais coup de de couteau."

      Prévalence du port de couteaux :

      • Ryan, 16 ans (Marseille) : "J'ai un opinel. [...] C'est pour me protéger. Je préfère toujours en avoir un sur moi que de pas en avoir. C'est toujours mieux."

      Il ajoute : "Si le mec il a un couteau, je préfère moi aussi en avoir un. Je préfère le planter qui me plante. C'est logique ça."

      • Il dissimule son couteau "dans les parties intimes soit dans la sacoche soit là je le mets dans la chaussette".

      • Les couteaux Opinel sont "le couteau à la mode.

      C'est plus facile d'acheter un couteau que d'acheter un filet au fich à Mcdo. Mettre moins de temps." * Chiffres alarmants : "Rien qu'en 2024, 10400 agressions à l'arme blanche ont été perpétrées en France." Cependant, il est "difficile de savoir précisément combien concernent les mineurs. Faute de statistique." * Facilité d'acquisition des couteaux pour les mineurs : * La loi est claire : "Un couteau à la fixe comme un couteau de bouché, un poignard ou un cran d'arrêt sont des armes de catégorie D.

      Leur détention et leur transport sont formellement interdits aux mineurs." * Pourtant, un adolescent de 17 ans a pu acheter un couteau dans un supermarché discount et une quincaillerie sans vérification d'âge.

      • Sur internet, l'achat est encore plus simple : "Il lui suffit de mentir sur son âge et en quelques clics, la commande est passée.

      Aucune vérification de l'âge ou de l'identité de l'acheteur n'est effectuée. 48 heures plus tard, nous recevons le couteau à notre domicile. Bref, acheter un couteau, rien de plus facile pour un mineur."

      Causes et facteurs aggravants :

      • Rivalités de quartiers / "Match retour" : Plusieurs agressions sont liées à des vengeances inter-quartiers, comme l'agression à Perpignan.

      "L'adolescent agressé serait une victime de ce que les bandes appellent un match retour."

      • Réseaux sociaux : "Les agressions entre ados à l'arme blanche se multiplient en France. [...]

      Ces drames font le tour des réseaux sociaux et la une des journaux."

      Les jeunes se donnent rendez-vous pour se battre via des applications comme Snap, et les vidéos d'agressions sont partagées sur des boucles cryptées (Telegram) : "Avec les outils numériques, l'embrouille s'accélère."

      • Quête de réputation : Selon le sociologue Marwan Mohamed, "C'est quoi le carburant des embrouilles des rivalités de quartier ? C'est la réputation.

      C'est une compétition symbolique."

      La rue offre "des gratifications immédiates et des gratifications puissantes" aux jeunes en échec scolaire ou sans emploi. * Musique : La "culture du couteau est présente dans de nombreux morceaux de rap comme celui du chanteur Jul paru il y a quelques années. dans lequel il fait l'apologie d'un célèbre couteau avec son manche en bois."

      Réponse de la justice et de la prévention : * Contrôles policiers : Les forces de l'ordre effectuent des contrôles de sacs aux abords des lycées. "94 armes blanches ont été saisies à l'occasion de près de 1000 opérations de contrôle entre les mois de mars et d'avril."

      Ces actions visent la "prévention" et "une présence dissuasive", mais sont limitées car les policiers "n'ont pas le droit d'effectuer des fouilles au corps".

      • Justice des mineurs : La Présidente du tribunal pour enfants de Bobigny, Muriel Léglin, affirme ne pas constater une "flambée" mais une augmentation de 12% des saisines en 2024 par rapport à 2023, sans toutefois atteindre les niveaux de 2018-2019.

      Elle insiste sur le rôle "nouveau" et problématique des réseaux sociaux.

      • Non-laxité de la justice : Elle réfute l'idée d'une justice laxiste ou trop lente, expliquant la rapidité des procédures depuis la réforme de 2021 (saisine du juge entre 10 jours et 3 mois).

      "À partir de 13 ans, on est responsable pénalement. Vous avez l'âge d'aller en prison."

      • Manque de moyens : Le problème majeur réside dans l'exécution des mesures éducatives ou de contrôle judiciaire :

      "nous avons 200 mesures éducatives ou mesures de contrôle judiciaire qui ont été confiées à la protection judiciaire de la jeunesse et qui ne sont pas exécutées faute d'effectif éducatif."

      • Importance de la prévention : Elle souligne que la justice est souvent "la voiture balai de ce qui n'a pas fonctionné auparavant à savoir la prévention, la scolarité qui ne fonctionne pas.

      On a une proportion de jeunes qui sont en échec scolaire et en désertion scolaire, en décrochage scolaire qui est extrêmement importante et les difficultés familiales globales".

      Actions de sensibilisation :

      • Adama Camara : Fondateur de l'association Sada Solidaire, il a perdu son jeune frère poignardé en 2011.

      Il fait de la prévention dans les collèges et lycées, soulignant les conséquences de la violence : "les embrouilles s'amèent à deux choses, voire trois. La mort, la prison, le handicap."

      Il insiste : "arrêter de marcher avec des couteaux. On se protège pas avec un couteau. [...] Quand tu marches avec un couteau dans la poche, tu marches avec l'arme du crime."

      • Cours de self-défense : Certains parents inscrivent leurs enfants à des cours de "boxe de rue" pour apprendre à se défendre contre les agressions au couteau.

      "Ils apprennent à se défendre, à se débrouiller surtout dans la vie au quotidien parce que ce sont des situations qui se passent au quotidien."

      Conclusion

      Le reportage brosse un tableau préoccupant de la violence à l'arme blanche chez les mineurs en France.

      Il met en lumière non seulement la gravité des actes et leurs conséquences dramatiques, mais aussi la complexité des facteurs sous-jacents (rivalités de quartiers, influence des réseaux sociaux, facilité d'accès aux armes, quête de réputation).

      Si la justice des mineurs se veut plus rapide et non laxiste, elle est freinée par un manque criant de moyens pour l'application des mesures éducatives et un système de prévention en amont qui semble défaillant.

      Les initiatives individuelles de sensibilisation et de self-défense tentent de combler ces lacunes face à un phénomène qui bouleverse les familles et les communautés éducatives.

    1. Note d'information détaillée : Le marché du contenu pour adultes en ligne (OnlyFans & MYM)

      Thèmes principaux et idées clés :

      Ce document résume les informations clés concernant l'évolution du marché de la pornographie et de l'érotisme, avec une focalisation sur les plateformes en ligne comme OnlyFans et MYM.

      Il explore les motivations des créateurs de contenu, le modèle économique de ces plateformes, leurs dérives (notamment la présence de mineurs et le rôle des agents), et le vide juridique actuel en France.

      1. La transformation du marché du contenu pour adultes : De la rue à internet.

      • Changement de paradigme : Le marché du porno et de l'érotisme a quitté les "vitrines aveugles de la pornographie" dans les rues de Pigalle pour se déporter massivement sur internet. Les "sites porno classiques" ont été rejoints par de nouvelles plateformes.
      • Plateformes problématiques : OnlyFans et MYM (Me Your Me) sont identifiées comme des plateformes où l'on "vend des photos ou des vidéos osées" mais qui "posent problème" en raison de la présence de mineurs et d'autres dérives.

      2. Le modèle économique des plateformes (OnlyFans et MYM).

      • Monétisation du contenu personnel : Les créateurs comme Coralie et Daniela transforment leurs espaces privés en studios pour réaliser des photos et vidéos.
      • Fonctionnement de OnlyFans :Abonnement mensuel : Les utilisateurs paient un abonnement pour accéder au contenu général du créateur (ex: Coralie demande 11 dollars/mois).
      • Messagerie privée et contenu sur mesure ("médias") : Les abonnés peuvent échanger directement avec les créateurs et commander du contenu personnalisé, ce qui est très lucratif (ex: une vidéo basique de 25 minutes pour Coralie coûte 250 €, le BDSM double le prix ; Bryce Adams vend des vidéos sur mesure à 500 dollars la minute).
      • Commissions : La plateforme prend une commission de 20% sur les revenus des créateurs.
      • Rapports financiers : OnlyFans est une multinationale britannique avec 4,12 millions de créateurs et plus de 300 millions d'utilisateurs. Son chiffre d'affaires net en 2024 est de "plus d'un milliard de dollars".
      • Fonctionnement de MYM :Modèle similaire : MYM, une plateforme française lancée en 2019, fonctionne sur le même principe d'abonnement et de demandes privées.
      • Croissance rapide : En 6 ans, le chiffre d'affaires de MYM est passé de 3 millions d'euros à plus de 100 millions, et l'entreprise compte plus de 60 collaborateurs.
      • Contenu pour adultes majoritaire : Le contenu pour adultes représenterait, selon la plateforme, "la moitié de ses revenus", mais des sources internes estiment ce chiffre à 60-80%.
      • Gains des créateurs : Les revenus peuvent être très élevés. Coralie gagne "2900 € net en moyenne chaque mois", soit plus que son ancien salaire d'employée de bureau. Bryce Adams et son compagnon sont devenus "multimillionnaires", gagnant "plus de 30 millions de dollars" en 4 ans.

      3. Les motivations des créateurs de contenu.

      • Gains financiers rapides : Le principal attrait est la possibilité de "gagner beaucoup d'argent et très rapidement".
      • Indépendance et autonomie : Des créatrices comme Coralie démissionnent de leur emploi traditionnel pour se consacrer pleinement à cette activité, appréciant d'être leur "propre patron" et de "tenir [leur] vie entre [leurs] mains".
      • Complément de revenu : Pour d'autres, comme Daniela, c'est un "bon complément de revenu".
      • Réalisation du "rêve américain" : Bryce Adams considère le fait d'être créatrice de contenu comme une "nouvelle façon de réaliser le rêve américain".

      4. Les dérives du marché : Mineurs et manque de régulation.

      • Présence de mineurs : Malgré l'interdiction stricte aux mineurs sur les deux plateformes, des enquêtes (Reuters pour OnlyFans, Envoyer Spécial pour MYM) ont détecté des comptes ouverts par des mineurs.
      • Facilité de contournement des contrôles : Roman, 17 ans, a réussi à s'inscrire sur MYM à 15 ans avec une "fausse carte" imprimée, le système de vérification "n'a pas vu que c'était du papier".
      • Témoignage de Roman : Elle propose du contenu axé sur les pieds, gagnant près de 1500 € pour des actions qu'elle n'avait pas "envie de faire" mais qui étaient "bien payé[es]". Elle estime que c'est une "sorte de prostitution".
      • Expérience du faux profil test : Un faux profil de mineur (16 ans) créé par les journalistes a été validé par MYM en seulement "15 minutes" et est resté actif pendant "44 jours" avant d'être suspendu.
      • Faiblesse des systèmes de contrôle : Les plateformes affirment utiliser des "processus de validation strict" et des "technologies et équipes de modération massives", mais l'enquête révèle que l'IA utilisée a une "marge d'erreur de plus d'un an sur la tranche 13-17 ans".
      • Reconnaissance interne des fraudes : D'anciens employés de MYM confirment que les "tentatives de fraude à la carte d'identité, ce sont des occurrences quotidiennes" et que "des jeunes filles notamment qui passaient entre les mains du filet" étaient connues en interne.
      • Manque de régulation et auto-régulation :ARCOM : L'autorité de régulation de la communication audiovisuelle et numérique (ARCOM) ne cible pas prioritairement MYM dans ses actions de contrôle.
      • Ministère de l'Intérieur : La police nationale n'est pas un modérateur, et la "grande majorité des profils sont privés", rendant les constatations difficiles pour les enquêteurs.
      • Absence de réponses de MYM : Les fondateurs de MYM ont refusé toute interview, répondant par écrit qu'ils n'avaient "pas repéré de profil de créateur mineurs".
      • Priorité au chiffre : Selon un ancien employé, la question éthique et morale est "rarement abordé[e]" en interne chez MYM, la priorité étant de "faire du chiffre d'abord".

      5. Le rôle croissant des "managers fan" et ses dérives.

      • Émergence des agents : Des hommes comme Quentin Stelma (23 ans) se positionnent comme "manager fan", agissant comme agents pour les modèles, monétisant leur contenu sur les plateformes.
      • Modèle économique des agents : Ils prennent 50% des gains de la modèle. L'utilisation d'un agent peut multiplier les revenus d'une modèle (ex: Sorena est passée de 1900 € seule à 15000 € avec un agent).
      • Stratégies marketing : Les agents utilisent les réseaux sociaux classiques (ex: Instagram) pour créer une communauté et rediriger les abonnés vers les plateformes privées.
      • Les "chatters" : Une "supercherie" où des jeunes hommes répondent aux utilisateurs "à la place de la modèle" pour "vendre le maximum de photos et vidéos possibles", créant l'illusion que le client parle directement à la créatrice. Les chatters touchent 10 à 15% des ventes. Les clients sont souvent des personnes "célibataires" ou qui "n'arrivent pas justement à aller voir des femmes".
      • Discours misogyne et masculiniste : Des "gourous" comme Anthony Sirius (23 ans) proposent des formations en ligne pour futurs agents. Ces formations véhiculent une "vision marchande de la femme", la présentant comme un "produit qu'il faut optimiser, qu'il faut rentabiliser". Les critères de sélection des modèles incluent d'être "belle", "bonne", "jeune voire très jeune", et "blanche".
      • Marché parallèle de contrats : Les agents organisent des "marchés aux femmes" sur des messageries cryptées (ex: Telegram) où ils "achètent et [re]ventent des contrats de modèle du monde entier" (ex: "18 ans, Ukraine 800 dollars", "22 ans, France 450 €"), sans interaction avec les modèles.
      • Abus et absence de protection juridique :Témoignage de Christine : Elle a subi de la "maltraitance psychologique" de la part de son agent, qui est devenu "très méchant" et "harcel[ait] même de dizaines de messages" pour la pousser à produire plus.
      • Tentative d'escroquerie : L'agent de Christine aurait tenté de remplacer son RIB par le sien pour détourner ses revenus, conduisant Christine à porter plainte.
      • Vide juridique : L'absence de cadre juridique spécifique rend les modèles "sans protection face à des agents qui peuvent être abusifs".

      L'avocat Raphaël Molina évoque le "proxénétisme 2.0" mais souligne l'absence de "relation physique" nécessaire pour la qualification de proxénétisme actuel.

      6. Perspectives de régulation.

      • Nécessité d'une législation spécifique : Le "vide juridique" actuel nécessite une nouvelle loi pour encadrer ce phénomène.

      Idées de régulation :

      • Créer une qualification juridique de "proxénétisme 2.0".
      • Interdire la promotion de ces plateformes sur les réseaux sociaux.
      • Interdire les liens de redirection des réseaux sociaux classiques vers les plateformes privées, ou à minima les encadrer.
      • Mettre en place une prévention et une sensibilisation "auprès des jeunes et auprès des parents sur les risques" liés à cette activité.

      • Conscience des parlementaires : Une commission d'enquête parlementaire a commencé à s'intéresser au sujet, montrant une prise de conscience, même si les députés n'étaient "pas du tout" au courant du fonctionnement de ces plateformes au départ.

    1. Synthèse du Briefing : PFAS - La Grande Intox de l'Industrie

      • Ce briefing explore la problématique des PFAS (substances per- et polyfluoroalkylées), surnommés "polluants éternels", en se basant sur une enquête journalistique approfondie, notamment en France avec les cas de l'entreprise Tefal (groupe Seb) et Arkema, ainsi qu'aux États-Unis.

      Il met en lumière la dangerosité de ces molécules, les efforts de l'industrie pour dissimuler leurs effets et retarder la réglementation, et les conséquences sanitaires et environnementales.

      1. Les PFAS : Molécules "Miracles" devenues "Polluants Éternels"

      Les PFAS sont des molécules chimiques synthétiques, plus de 10 000 recensées, créées dans les années 1930.

      Elles ont révolutionné de nombreux secteurs grâce à leurs propriétés uniques : "ultra résistantes à la chaleur, imperméables à l'eau." Initialement utilisées pour la fabrication de la bombe atomique, leurs applications industrielles se sont multipliées : "poêles anti-adhésives, batteries électriques, vêtements imperméables, cosmétiques."

      Le problème majeur des PFAS est leur persistance : "Indestructibles, ils s'accumulent dans l'environnement. On les appelle les polluants éternels."

      On les retrouve "dans le corps des gens, dans la faune et la flore, dans l'air, dans l'eau. Toute notre planète est contaminée."

      2. Dangers pour la Santé et l'Environnement

      L'enquête révèle que la dangerosité de certaines de ces substances est connue depuis des décennies par les industriels, qui auraient "dissimulé pendant très longtemps ce qu'ils savaient sur ces molécules."

      Le PFOA (acide perfluorooctanoïque), un PFAS particulièrement nocif utilisé par Tefal jusqu'en 2012, a été classé "cancérogène pour l'homme en 2023" par le Centre international de recherche sur le cancer (OMS).

      L'exposition aux PFAS est associée à de nombreux effets sur la santé :

      Cholestérol et diabète.

      • Cancers : "cancer des testicules et du rein," "augmenterait aussi le risque de cancer du sein."
      • Système immunitaire : Baisse de l'efficacité des vaccins et des antibiotiques, notamment chez les enfants exposés.
      • Impact sur le fœtus : Le PFOA "modifierait le génome du fétus, augmentant sa probabilité de développer du diabète ou un futur cancer." Un expert déclare : "Nous transmettons désormais la toxicité à la prochaine génération qui paiera pour cela."
      • Foie : Une exposition répétée peut provoquer des "effets néfastes sur le foie."

      Un ancien salarié de Tefal témoigne de la détérioration de son foie avec des enzymes hépatiques "jusqu'à deux fois supérieures à la normale."

      • Dans l'environnement, les PFAS contaminent "nos légumes, dans nos œufs, dans nos eaux potables." La contamination des nappes phréatiques peut être "pour l'éternité."

      3. Dissimulation et Stratégies Industrielles

      L'enquête dénonce les décennies d'efforts des industriels pour "tromper les pouvoirs publics, tromper la communauté scientifique à propos de leur impact réel sur la santé."

      Tefal/Groupe Seb à Rumilly (Haute-Savoie) :

      • Rejets historiques : Tefal a utilisé "plus d'une tonne par an" de PFOA jusqu'en 2012. L'usine a rejeté "des substances chimiques dans l'environnement" et des documents confidentiels révèlent que des "boues de traitement des effluants environ 30000 m³ ont été déposées dans une ancienne carrière" (le plan d'eau des Puys) et d'autres sites, souvent "à même le sol sans bâche de protection."
      • Connaissance des risques : Dès 2002, une fiche de sécurité d'un fournisseur de Tefal précisait que le PFOA "est absorbé à travers les poumons, l'appareil gastro-intestinal et la peau et n'est éliminé que très lentement du sang. Une exposition répétée au-dessus de la limite d'exposition professionnelle peut provoquer des effets néfastes sur le foie."
      • Déni et communication : Le directeur général de Seb affirme que "Le PFO n'est pas considéré comme nocif pour les ouvriers et nous n'avons eu aucune maladie professionnelle d à ça."

      Pourtant, un email confidentiel de 2024 évoque des "campagnes de surveillance biologique" montrant une "corrélation entre la suppression du PFOA dans les matières premières et la diminution des valeurs biologiques mesurées," suggérant une présence antérieure dans le sang des ouvriers.

      • Pollution de l'eau potable : En novembre 2022, l'eau potable de Rumilly a été "brusquement considérée impropre à la consommation" en raison d'une contamination aux PFAS.

      Les habitants ont bu de l'eau contaminée pendant des décennies, certains affichant des taux de PFOA "cinq fois plus que la moyenne française" dans le sang.

      Arkema (Sud de Lyon) :

      • Connaissance précoce : Dès 2006, Arkema était "informé de la contamination des populations aux alentours des usines américaines," avec un lien clair entre les concentrations de PFA dans l'eau potable et le sang.
      • Stratégie de défense : En 2009, des industriels, dont Arkema, réfléchissaient déjà à "une stratégie de défense" sur la question de la présence des PFAS dans l'eau potable "avant qu'il n'apparaisse dans les médias ou qu'il n'engendre des pressions réglementaires."
      • Solution connue mais retardée : Dès 2013, Arkema avait validé en laboratoire une solution (charbons actifs) pour "réduire de manière très importante les émissions" de PFAS, mais n'a installé la station qu'en 2022, "presque 10 ans plus tard."
      • Dissimulation de rapport : Une version tronquée d'un rapport d'analyse indépendant a été transmise à la justice par Arkema, supprimant une partie de la conclusion "détaillant pourquoi les molécules retrouvées dans la nappe pourrait en partie provenir des rejets de l'usine Archema."

      Un journaliste dénonce : "Ce sont des industriels qui fabriquent en permanence ce doute et qui n'ont pas peur de tronquer leur rapport."

      4. Lobbying et Influence Politique

      Les industriels déploient des efforts considérables pour "empêcher leur interdiction" et "retarder, retarder, retarder pour repousser le plus loin possible toute réglementation qui pourrait affecter ses produits, ses procédés et au final ses profits."

      • Tefal face à la loi française : Lors de l'examen d'une loi visant à interdire les polluants éternels, Tefal a mené une "vaste campagne de lobbying," allant jusqu'à "payer les salariés pour faire grève" et manifestants devant l'Assemblée nationale.

      L'entreprise a fourni aux parlementaires des "éléments de langage" défendant les fluoropolymères, un type de PFAS, comme étant "peu préoccupant aux impacts insignifiants sur la santé et sur l'environnement" et "incapable de traverser la barrière gastro-intestinale."

      L'OCDE réfute avoir "finalisé de telles conclusions," et le directeur de recherche au CNRS, Pierre Labadi, déclare que cette présentation est "tronquée" car "le caractère extrêmement persistant de l'ensemble d'épiface" est "avéré."

      • Résultat du lobbying : Les ustensiles de cuisine ont été "exclus du champ d'application de la loi" en première lecture, un député écologique dénonçant une "grosse pression au niveau de Ber."

      • Lobbying européen : Au niveau européen, l'industrie a inondé les autorités de "milliers de mails d'études socio-économiques, de rapports scientifiques" avec les mêmes arguments.

      5. Coût de la Dépollution et Responsabilité

      La dépollution des sites contaminés est un défi "titanesque."

      Le coût estimé de la dépollution de toute l'Europe est de "100 milliards d'euros par an, plus de la moitié du budget annuel de l'Union européenne."

      • Responsabilité industrielle : Les autorités locales et les associations estiment que les pollueurs devraient payer. La métropole de Lyon, confrontée à une dépollution de l'eau potable coûtant "entre 5 et 10 millions d'euros," a saisi la justice, refusant que "l'usager qui paie qui qui subit à la pollution et qui paye le coût de la dépollution."
      • Déni de responsabilité : Tefal a versé 3600 € à la collectivité de Rumilly pour les filtres à charbon, mais le directeur général refuse d'admettre la pleine responsabilité, arguant qu'il n'y avait "pas de norme" à l'époque et que "il y a au moins cinq entreprises mobilisées par l'adréal" sur le site.
      • Non-reconnaissance des maladies professionnelles : Tefal nie toute maladie professionnelle liée aux PFAS, malgré les témoignages d'anciens salariés.

      Conclusion

      Le scandale des PFAS est symptomatique d'une industrie chimique qui a sciemment dissimulé les dangers de ses produits pendant des décennies, privilégiant les profits.

      Les conséquences sanitaires et environnementales sont massives et durables, avec un coût de dépollution faramineux qui soulève la question de la responsabilité des industriels.

      La bataille pour une réglementation stricte et l'indemnisation des victimes est loin d'être terminée, face à un lobbying industriel puissant.

      Comme le souligne un militant, "Chaque mois, chaque année qui passe, ça se compte en vie humaine.

      Donc c'est absolument inacceptable."

    1. Dossier d'information détaillé : Mieux dans ma tête - Parlons santé mentale

      Introduction

      Ce dossier vise à synthétiser les thèmes principaux et les informations cruciales abordées lors de l'émission "Mieux dans ma tête - Parlons santé mentale".

      L'objectif central de cette émission est de libérer la parole autour de la santé mentale et de démystifier les troubles psychiques, souvent entourés de tabous et de stigmatisation en France.

      Comme le souligne Eddie Riner, parrain de cette initiative, "La santé mentale, c'est une chose dont tout le monde devrait [se] soucier en France."

      1. La Santé Mentale, un Sujet Universel et encore Tabou

      Une préoccupation pour tous : L'émission insiste sur le fait que la santé mentale concerne chacun d'entre nous.

      "Au cours de notre vie, nous allons tous connaître des moments où notre santé mentale sera altérée. Ça peut commencer avec un simple stress, mais aussi des tâches quotidiennes qui nous dépassent avec la fameuse charge mentale."

      Les troubles psychiques : Au-delà du stress quotidien, des troubles plus complexes comme la dépression, la bipolarité et la schizophrénie sont évoqués, pour lesquels "on ose moins parler".

      Le tabou persistant : Un sondage Ipsos révèle que "près d'un Français sur deux" trouve qu'il est difficile de parler de santé mentale, démontrant à quel point le sujet reste un tabou dans le pays.

      2. Démystification et Lutte contre la Stigmatisation

      L'émission met en lumière des témoignages poignants pour changer la perception des troubles psychiques.

      • Schizophrénie : Une maladie qui ne rime pas avec "débilité mentale".Florent, atteint de schizophrénie, partage son expérience :

      "Au début de la maladie, j'associais la schizophrénie avec une forme de débilité mentale. C'est-à-dire que je m'interdisais de vivre puisque je me dis... de toutes les façons c'était vrai l'échec puisque j'étais plus bête que la moyenne."

      • Le Professeur Antoine Pellissolo, psychiatre, déconstruit cette idée reçue :

      "Absolument. Ça n'a rien à voir avec l'intelligence en fait. Les troubles psychiques, ce sont des maladies qui perturbent les émotions, la perception du monde... mais pas l'intelligence."

      • L'exemple de "grands personnages" comme Einstein ou Léonard de Vinci, ayant connu des épisodes psychiques, a aidé Florent à déclencher une prise de conscience et à croire en une vie heureuse malgré la maladie.

      • Bruno Guillon témoigne de son changement de perception après avoir rencontré des personnes atteintes de schizophrénie :

      "Pour moi, quelqu'un qui était atteint de de schizophrénie, c'était un fou. C'est-à-dire c'était l'iconographie de la chambre capitonnée avec la camisole de force et quelqu'un qui a aucun discernement."

      Son reportage à la radio "Les Antoonoirs" a prouvé le contraire.

      • La radio comme outil thérapeutique : Le reportage sur "Les Antoonoirs" à Roubaix montre comment des personnes atteintes de troubles psychiques, dont la schizophrénie, animent une émission de radio sous prescription médicale.

      Ce projet leur permet de "ne pas être dans la solitude parce que la solitude elle tue plus qu'une maladie" et de "diminuer le traitement médicamenteux".

      • Le désir d'être vu comme des "êtres humains à part entière": Un participant de l'émission des "Antoonoirs" exprime :

      "Moi, j'espère qu'une chose, c'est qu'on nous voit vraiment comme ce qu'on est, des êtres humain à part entière. Euh sur un même plan d'égalité, ça c'est important."

      • Bipolarité : Un chemin de "rétablissement" continu.Noël, atteint de troubles bipolaires, insiste sur la distinction fondamentale : "on ne vous qualifie pas comme patient bipolaire mais quelqu'un qui souffre de trouble bipolaire car la distinction est très importante." Il préfère le terme "en rétablissement" car "c'est un chemin qui se poursuit et qui comporte ce long périple."

      • Les tatouages de Noël symbolisent son parcours et sa volonté de vivre, comme le montre l'inscription "No way you kill yourself".

      • Le rôle de la famille : La mère de Noël, Monique, exprime le soulagement d'avoir enfin un diagnostic : "D'avoir un mot, je pense que ça a aidé parce que jusqu'ici on est bon, on savait que Noël était pas bien...

      Mais le fait qu'il y a un nom euh sur la maladie, c'est quand même quelque chose, c'est quand même positif parce que ça ça nous dit bah finalement depuis son enfance, depuis tout le temps, il était pas bien mais on sait pourquoi et c'était peut-être pas de notre faute, c'était comme ça quoi."

      • L'hérédité : Astrid Chevance explique que les antécédents familiaux peuvent indiquer une vulnérabilité : "L'hérédité c'est pas seulement la génétique, c'est aussi le partage d'une vie commune, le milieu social et cetera."

      3. Comprendre et Gérer la Dépression

      La dépression est présentée comme la maladie psychiatrique la plus fréquente en France, touchant "12,5 % des Français âgés de 18 à 85 ans" chaque année.

      • Distinction déprime/dépression : La déprime est passagère, tandis que la dépression est "beaucoup plus intense" et "nous terrasse".

      • Symptômes de la dépression : Antoine Pellissolo décrit la dépression comme "une rupture avec sa vie habituelle", incluant désespoir, douleur et "dérèglements du corps" (perte d'appétit, troubles du sommeil, fatigue).

      • Ce qui se passe dans le cerveau : Une animation explique la baisse des neurotransmetteurs (sérotonine, dopamine, noradrénaline) entraînant moins de plaisir et de motivation.

      Le cortex préfrontal, responsable des décisions rationnelles, n'est plus en mesure de prendre du recul, et l'amygdale cérébrale "surinterprète des messages négatifs".

      Une "tempête de molécules inflammatoires" (cytokines) aggrave les symptômes.

      • Le rôle des aidants et la difficulté à parler : Marise, qui a vaincu la dépression, témoigne de "idées très sombres, noires".

      Son mari, Michel, a été un aidant malgré lui, soulignant la difficulté de la famille à savoir comment aider et l'absence de soutien pour eux.

      • Briser la culpabilité du patient : Marise a rencontré un psychologue avec lequel le courant ne passait pas et s'est dit "ils étaient tous pareils". Anne-Victoire Rousselet, psychologue, insiste sur le droit du patient de changer de thérapeute : "Bah, évidemment qu'on a le droit... c'est une histoire de rencontre."

      4. Le Burnout : Une Maladie des "Forts"

      Christophe partage son expérience du burnout, soulignant que "beaucoup de gens considèrent que c'est la [maladie] des faibles et au contraire, c'est plutôt la maladie des forts, des personnes qui se sont pas écoutées, qui se sont pas arrêtées à temps."

      • Les signaux faibles : Douleurs physiques inexpliquées ("le corps parlait"), arrêt des activités plaisantes ("j'ai pas le temps d'aller au sport en ce moment").

      • Le soutien de l'entourage : La femme de Christophe témoigne de son désarroi face à son mari "sur son canapé toute la journée à se morfondre", sans savoir comment agir. Il est souligné que les aidants souffrent aussi et ont besoin de soutien.

      • Prévention en entreprise : L'importance de poser des questions sur le bien-être au travail et à la maison est mise en avant.

      • La durée de l'arrêt de travail : Christophe n'a été arrêté que 3 mois, ce qui est considéré comme très court.

      En Belgique, où l'épuisement professionnel est reconnu, la moyenne est de 14 mois. L'idée est qu'il faut "sortir du milieu hostile" et revenir "outillé et différent".

      5. L'Anxiété Généralisée et les Crises d'Angoisse

      Clara souffre de troubles anxieux généralisés, ayant connu de "terribles crises d'angoisse" et des difficultés à sortir de chez elle.

      • Symptômes : Cœur qui bat à fond, pertes d'équilibre, sentiment de déréalisation ("on est plus ancré dans la réalité").

      • Le cercle vicieux : La peur de refaire des crises d'angoisse alimente les crises elles-mêmes : "on a peur d'avoir peur et plus on a peur d'angoisser, plus on fait des crises d'angoisse."

      • Thérapie et soutien : Clara a suivi une "thérapie comportementale et cognitive" pendant deux ans. Son compagnon l'a soutenue en étant à l'écoute et en contactant sa psychologue pour obtenir des outils.

      • La reconquête de soi : Clara a réalisé son rêve de voyager seule pendant un mois, défi qu'elle ne pouvait pas relever auparavant, montrant ainsi son rétablissement.

      6. Le Rôle des Professionnels de la Santé Mentale Une clarification est apportée sur les différents rôles :

      • Médecin généraliste : Premier recours pour un diagnostic initial et une orientation.

      • Psychiatre : Médecin spécialiste des troubles psychiques (8-9 ans d'études de médecine). Ils peuvent prescrire des médicaments et certains sont également formés aux psychothérapies. Leurs consultations sont remboursées.

      • Psychologue : Ont un master de psychologie clinique et des stages. Ils sont décrits comme des "rééducateurs de la psychée". Depuis peu, "12 séances chez un psychologue sont remboursé[e]s par l'assurance maladie" sans prescription médicale.

      • Psychothérapeute/Psychopraticien : Des distinctions sont nécessaires pour s'y retrouver.

      • L'importance du bon "feeling" : Il est crucial de trouver un professionnel avec qui le courant passe. "C'est une histoire de rencontre."

      7. L'Impact de l'Hygiène de Vie sur la Santé Mentale

      L'émission met en évidence trois piliers essentiels pour le bien-être mental :

      • Le Sommeil : "Chouchouter son sommeil" est crucial. "Quand on dort pas, on est fatigué, on a du mal à se concentrer sur les choses, à gérer ses émotions." La quantité (environ 7h) et la régularité sont importantes.

      L'Activité Physique : Le sport a un impact direct sur le cerveau.

      • Mécanismes : Libération d'endorphines (hormones du bonheur) apaisant la douleur et procurant un sentiment de bien-être.

      Production de dopamine (motivation, plaisir) et de sérotonine (humeur), "le même que celui visé par certains antidépresseurs."

      Stimulation de la "neurogénèse" (création de nouveaux neurones) dans l'hippocampe, essentielle contre la dépression.

      • Témoignages : Marise a vaincu sa dépression grâce au football en rejoignant une équipe de femmes. Clara, Noël, Florent et Christophe témoignent tous des bienfaits de la danse, du vélo, de la musculation ou de la marche.

      • La "surf thérapie" : Des psychiatres utilisent le surf comme outil thérapeutique pour des patients atteints de troubles psychiques, permettant une "resocialisation" et une reconquête de la confiance en soi.

      Virginie témoigne : "Ça m'a apporté ce côté-là. Ouais. de reprendre confiance en moi, de retrouver une certaine fierté de ce que je fais parce qu'au départ, je ne pensais pas y arriver."

      L'Alimentation : Le régime méditerranéen est fortement recommandé.

      • Impact : Une étude montre qu'un régime de type méditerranéen a conduit à "une rémission pour un tiers des participants de la dépression en moins de 3 mois."

      • Composition : Principalement végétal, local, de saison, coloré, riche en antioxydants, polyphénols, oléagineux, céréales complètes, bonnes matières grasses (huile d'olive) et poissons gras (oméga-3).

      • Méfiance envers les aliments ultra-transformés : Ils "sont faits pour être irrésistibles" mais leur consommation excessive augmente le risque "d'anxiété, de dépression, de trouble du sommeil" en créant une inflammation "persistante" dans le corps.

      • L'équilibre : Les plaisirs occasionnels ("junk food") sont acceptables, mais ne doivent pas devenir la norme.

      8. L'Importance de la Prévention et du Soutien

      • Le défi "Courir pour toi" : Louis, dont le frère Simon s'est suicidé après des années de lutte contre la dépression, a lancé un défi sportif (130 marathons en 150 jours) pour sensibiliser et lever des fonds pour la "Maison Perchée", une association qui aide les personnes confrontées à des troubles psychiques.

      • Détecter les signaux et agir : En cas d'idées noires ou suicidaires, il est crucial de "saisir la perche", d'être à l'écoute et d'engager le dialogue. Il ne faut jamais banaliser ces propos.

      • Appeler à l'aide : Si la situation est inquiétante, il faut contacter le médecin traitant ou, en urgence, le SAMU (15).

      • Différences hommes/femmes face à la dépression :

      Les femmes sont plus souvent diagnostiquées (2 pour 1 homme), peut-être parce que la société leur laisse plus d'espace pour exprimer la tristesse, tandis que les hommes peuvent avoir plus de mal à parler de leur souffrance.

      • La "Maison Perchée" : Un lieu "sans jugement" qui sert de "sas entre l'hospitalisation et la le retour à la vraie vie", offrant des ateliers et un soutien par les pairs ("pair-aidance"). Flavie, bipolaire, y a trouvé "une pluralité dans l'être humain" et a pu "renaître".

      Conclusion

      • L'émission "Mieux dans ma tête - Parlons santé mentale" est un appel vibrant à la prise de conscience et à l'action.

      Elle démontre que les troubles psychiques sont des maladies réelles et complexes, qui ne doivent plus être stigmatisées.

      Grâce aux témoignages et aux éclaircissements des professionnels, elle offre de l'espoir en montrant que des solutions existent, qu'il s'agisse de thérapies, de médicaments ou d'une meilleure hygiène de vie.

      Le message clé est clair : oser en parler, demander de l'aide et reconnaître l'importance d'une approche globale pour la santé mentale.

      Comme le dit un participant des "Antoonoirs", il s'agit de voir les personnes atteintes de troubles psychiques comme des "êtres humains à part entière" sur un pied d'égalité.

    1. Compte Rendu Détaillé : Sommes-nous tous racistes ?

      Ce document synthétise les thèmes principaux, les idées essentielles et les faits marquants tirés de l'émission "Sommes-nous tous racistes ?".

      Il met en lumière les mécanismes inconscients des préjugés et de la discrimination à travers diverses expériences scientifiques.

      Introduction : Les Préjugés Universels et la Question du Racisme

      L'émission s'ouvre sur une interrogation fondamentale : "Vous êtes raciste, vous et moi ?

      Est-ce que je suis raciste ?" (Lucien Jean-Baptiste).

      Elle pose l'idée que, quelles que soient nos origines ou caractéristiques, "nous avons tous des idées reçues, des a prioris, des préjugés sur tout ce qui ne nous ressemble pas, que nous ne connaissons pas."

      L'objectif de l'émission est d'explorer ces mécanismes inconscients.

      Pour ce faire, 50 volontaires participent à des "expériences étonnantes" sous le faux titre "Les mystères de notre cerveau", afin de ne pas biaiser leurs réactions.

      Le psychosociologue Sylvain De Louvet, expert scientifique, décode les résultats des expériences.

      Marie Drucker et Lucien Jean-Baptiste, réalisateur et comédien engagé, commentent les comportements observés.

      L'émission révèle que le racisme, la misogynie, le sexisme, l'antisémitisme, l'homophobie et la grossophobie s'appuient sur les "mêmes mécanismes" inconscients et documentés scientifiquement.

      Thèmes et Idées Clés : Les Mécanismes Inconscients des Préjugés

      1. La Recherche de Similarité et ses Conséquences (Expérience de la Salle d'Attente)

      Description de l'expérience : Des participants sont invités à s'asseoir dans une salle d'attente où deux chaises sont disponibles, une à côté d'un homme blanc et l'autre à côté d'un homme noir. La position des acteurs est inversée à mi-parcours.

      Observations et conclusions :

      • Les participants choisissent majoritairement de s'asseoir à côté de la personne blanche, quel que soit son emplacement.
      • Sylvain De Louvet explique : "Ce n'est pas un comportement raciste en tant que tel.

      Ce qui s'explique très facilement, c'est l'idée que on cherche la similarité. On va chercher les gens qui nous ressemblent." * Cette tendance est qualifiée de "reptilien[ne]", certains thèse évolutionnistes suggérant que "les tribus primitives déjà avaient tendance à se méfier de la différence de l'autre et à plutôt chercher la similitude, la similarité."

      • Impact : Bien que non raciste en soi, ce mécanisme a des "conséquences quand on va chercher un emploi, l'accès au logement et cetera, c'est terrible." Un DRH, même tolérant, peut inconsciemment favoriser quelqu'un qui lui ressemble.

      2. L'Influence des Préjugés sur le Jugement (Expérience du Jury)

      Description de l'expérience : Les participants jouent le rôle de jurés et doivent attribuer une peine de prison à un accusé pour le même crime (coups et blessures volontaires ayant entraîné la mort).

      Deux profils sont présentés : un homme blanc et un homme d'origine maghrébine.

      Observations et conclusions :

      • L'accusé d'origine maghrébine écope d'une peine de prison supérieure et est cinq fois plus souvent condamné à la peine maximale (15 ans).
      • Lucien Jean-Baptiste partage une anecdote personnelle : "Quand j'appelais Oui, bonjour Lucien Jean-Baptiste, j'appelle pour un stage. J'avais le stage et 2 minutes plus tard, j'avais mon copain qui avait un nom à consonance maghrébine, il appelait et ben il avait pas le stage."
      • Cette expérience démontre comment les "préjugés peuvent influencer notre jugement au sens propre du terme."

      3. La Catégorisation Sociale, Racine des Stéréotypes (Explication et Expérience du Vol de Vélo)

      Explication théorique :

      • Notre cerveau est "naturellement paresseux" et "réduit la complexité du monde" en classant les individus dans des catégories : "les hommes, les femmes, les jeunes, les vieux, les riches et les pauvres, les homosexuels, les roux, les obèses, mais aussi les blancs et toutes les minorités visibles ou encore les juifs et les musulmans et tant d'autres. Cela s'appelle la catégorisation sociale."
      • Ce mécanisme entraîne des "biais de perception" : nous percevons des ressemblances au sein de notre groupe et des différences avec les autres.
      • Conséquence : "Quand quelqu'un appartient à notre groupe, nous nous sentons aussitôt plus proche de lui. Comme il nous ressemble, il est rassurant. En revanche, si un individu appartient à un autre groupe, nous le percevons comme différent de nous et donc potentiellement menaçant."
      • Cette catégorisation sociale est "à la racine de tous les stéréotypes et préjugés."
      • Description de l'expérience : Trois comédiens (un homme blanc, un homme d'origine maghrébine, une femme blonde) simulent le vol d'un vélo en pleine rue.

      Observations et conclusions :

      • L'homme blanc (Johann) reçoit de l'aide et n'est pas soupçonné, les passants pensant qu'il a "une tête d'honnête."
      • L'homme d'origine maghrébine (Bachir) est immédiatement confronté, menacé par l'appel à la police, et de vrais policiers interviennent.
      • La femme blonde (Uriel) reçoit instantanément l'aide de plusieurs hommes sans être interrogée sur la légitimité de son action.
      • Impact : Lucien Jean-Baptiste souligne : "C'est c'est c'est dur hein. Mais je suis un peu ça m'a touché ce truc parce que vous savez moi j'ai j'ai je il m'est arrivé combien de fois de rentrer dans des halls d'immeuble et combien de fois on m'a dit qu'est-ce que vous faites là ?" Il ajoute : "On est conditionnés, c'est des fameux préjugés stéréotypes, clichés. Et je peux pas en vouloir à quelqu'un d'être enfermé là-dedans."
      • Sylvain De Louvet distingue : "Les stéréotypes ont un caractère automatique mais ensuite le comportement votre choix délibérer vous de donner tel rôle à tel méchant le choix qu'on fait certains passants de téléphoner à la police ici c'est un choix délibéré." On peut choisir d'adhérer ou non au stéréotype.

      4. Le Biais du Tireur et ses Implications (Expérience du Laser Game)

      Description de l'expérience : Les participants, pensant tester leurs réflexes, doivent tirer avec un pistolet laser sur des figures armées et éviter celles désarmées.

      Les figures sont de différentes origines ethniques (blanches, maghrébines, noires).

      Observations et conclusions :

      Les participants tirent "près de quatre fois plus sur les figurants désarmés noirs ou d'origine maghrébine que sur les figurants désarmés blancs."

      Cette expérience s'inspire de recherches américaines sur le "biais du tireur", montrant que les policiers sont inconsciemment "plus enclins à tirer sur les citoyens noirs que sur les blancs, même quand ceux-ci sont désarmés."

      5. L'Internalisation des Stéréotypes dès l'Enfance (Expérience des Marionnettes et des Poupées)

      Expérience des marionnettes : Des enfants doivent désigner le voleur du goûter entre un petit garçon blanc et un petit garçon noir, tous deux clamant leur innocence.

      Observations : Les enfants désignent "spontanément plus nombreux à désigner Mousa [le garçon noir] comme le voleur le plus probable." La révélation finale est que c'était un oiseau.

      Expérience des poupées (tirée du documentaire "Noir en France") : Des enfants choisissent des poupées et expliquent leurs préférences.

      Observations : Des enfants noirs préfèrent les poupées blanches, certaines petites filles noires exprimant le désir de devenir blanches. Une enfant dit préférer la poupée noire "parce que tu es mon préféré."

      • Conclusion : Sylvain De Louvet explique l' "internalisation" : "des membres d'un groupe incorporent le stéréotype qui leur est attribué."

      Il insiste sur la responsabilité de l'éducation : "les enfants, ils sont sensibles aux normes sociales.

      Les enfants, ils observent ils observent qui ?

      Nous, les adultes. [...] Et ils vont incorporer les stéréotypes, les préjugés de leur entourage."

      6. Le Contexte Modifie la Perception des Stéréotypes (Expérience de la Photo de Femme Asiatique)

      Description de l'expérience :

      Les participants voient des photos, dont une femme d'origine asiatique. Ils doivent donner le premier mot qui leur vient à l'esprit.

      La photo est présentée dans trois contextes différents : mangeant avec des baguettes, se maquillant, en blouse blanche de médecin.

      Observations et conclusions :

      • Mangeant avec des baguettes : Majorité de mots évoquant l'origine asiatique ("Asie", "Souché", "asiatique").
      • Se maquillant : Mots liés à la féminité ("maquillage", "belle femme", "coquette"). L'origine asiatique n'est plus évoquée.
      • En blouse blanche : Mots liés au métier ("médecin", "compétente"). L'origine asiatique n'est plus évoquée.
      • Conclusion : "Le contexte va servir à atténuer ou à renforcer ce qu'on appelle les éléments saillants, c'est que les éléments qui ressortent, qui sont visibles directement."

      7. Les Stéréotypes d'Accent et de Compétence (Expérience du Conférencier)

      Description de l'expérience : Un acteur présente la même conférence sur l'IA et la finance, mais avec trois accents différents : allemand, marseillais, et un accent "africain" pour un faux professeur africain (en réalité le vrai professeur Diallo).

      Observations et conclusions :

      • Accent allemand : Jugé "très compétent", "convainquant". L'accent active le stéréotype de "l'allemand des Allemands" : la compétence.
      • Accent marseillais : Jugé "pas du tout compétent", "moyen compétent", "pas convaincant". L'accent active le stéréotype du "côté chaleureux" mais peu compétent.
      • Faux professeur africain (le vrai expert) : Les participants ont du mal à le qualifier, certains le jugeant "pas compétent du tout" ou un "comédien déguisé". L'apparence physique (costume trop grand, lunettes) et l'accent non-stéréotypé d'expert dans l'imaginaire collectif, contribuent à un jugement biaisé.
      • Impact : Lucien Jean-Baptiste souligne le décalage entre la réalité des accents français ("La France est un est un est un calidoscope, un puzzle de langue") et les jugements basés sur des stéréotypes, qui peuvent empêcher un jeune qualifié d'obtenir un poste. Le cas du professeur Diallo (le seul véritable expert) est révélateur : "on a du mal à imaginer ce qu'on a rarement vu."

      8. Les Préjugés Positifs et la Déconstruction (Expérience des Sprinters)

      Description de l'expérience : Les participants doivent deviner quel sprinter (blanc ou noir) a le plus de chances de gagner une course.

      Observations et conclusions :

      • La majorité désigne le sprinter noir, alimentée par la conviction que "les noirs courent plus vite que les blancs."
      • Il s'agit d'un "préjugé positif" (Sylvain De Louvet).
      • Explication : Si 95% des coureurs sous les 10 secondes au 100m sont noirs, c'est le résultat de facteurs culturels, économiques et historiques (modèles de réussite sportive, absence d'infrastructures autres que la course, volonté politique comme en Jamaïque).
      • Contexte historique : L'image du "corps noir" est historiquement liée au "labeur", à "l'esclavage", à "l'exploitation", et à la "bestialité", renvoyant à des emplois subalternes. Ces stéréotypes entravent la perception de leur intelligence ou leur capacité à occuper des postes intellectuels.
      • Conclusion : "Les noirs courent plus vite que les blancs n'est donc pas une vérité. C'est une légende, un pur stéréotype. Et comme tous les stéréotypes, ils ne demandent qu'à être déconstruits."

      9. Les Préjugés Annulent l'Empathie (Expérience de la Main Piquée)

      Description de l'expérience : Des sujets (blancs ou noirs) regardent des mains (blanche, noire, violette) se faire piquer par une aiguille, tandis que l'activité cérébrale liée à la douleur est mesurée.

      Observations et conclusions :

      • Un sujet blanc ressent de la douleur en voyant une main blanche se faire piquer, mais "aucune réaction de crispation" avec une main noire.
      • Un sujet noir ressent de la douleur en voyant une main noire se faire piquer, mais ne réagit pas avec une main blanche.
      • Avec la main violette : "qu'il soit blanc ou noir, les sujets perçoivent de la douleur."
      • Conclusion : "Nos préjugés effacent notre empathie à l'égard de personnes différentes de nous et quand il n'y a aucun préjugé par exemple face à un groupe inconnu à la peau violette nous partageons sa douleur."
      • Impact : Lucien Jean-Baptiste relie cela aux conflits mondiaux : "il y a des conflits qui me touchent et d'autres qui d'autres qui me touchent moins. Et ça c'est terrible parce que on devrait partie de ce grand tout, on devrait être sensible à tous les conflits et bien non."
      • Solution : La "plasticité du cerveau" et l'éducation, l'exposition culturelle, la "familiarisation avec celles et ceux qui ne nous ressemblent pas" peuvent augmenter l'empathie.

      10. Les Préjugés Déforment la Réalité (Expérience de la Photo du Mendiant)

      Description de l'expérience : Les participants observent une photo pendant 10 secondes, puis la décrivent de mémoire. La photo montre un homme d'origine maghrébine donnant une pièce à un homme blanc mendiant.

      Observations et conclusions :

      • Près de la moitié des participants décrivent l'homme d'origine maghrébine comme le SDF mendiant et l'homme blanc comme le généreux.

      • Impact : Lucien Jean-Baptiste partage une anecdote où il a lui-même appliqué un cliché en Afrique : "Ça voulait bien dire que j'étais enfermé par des clichés venant de France enfin de mon éducation à me dire en Afrique les noirs sont pauvres et les blanc sont riches."

      • Conclusion : "On regarde le monde, on voit le monde, on va interpréter le monde de manière différenciée selon nos stéréotypes."
      • L'expérience du "téléphone arabe" (transmission orale de la description) montre comment les clichés se renforcent et déforment encore plus la réalité au fur et à mesure de la transmission : la scène de générosité devient "une altercation."

      La Révélation et le Message Final : Un Appel à la Déconstruction

      À la fin de l'émission, le véritable objectif est révélé aux participants : déconstruire "les mécanismes inconscients qui nous conduisent à avoir des préjugés, des préjugés qui eux-mêmes nous amènent à avoir des comportements discriminatoire."

      Le titre "Sommes-nous tous racistes ?" est dévoilé.

      Les animateurs rassurent les participants : "il ne s'agissait pas de pointer du doigt un tel ou un tel. Le véritable objectif de ces expériences c'est de démontrer que nous avons toutes et tous [...] les mêmes mécanismes qui se déclenchent dans nos têtes et c'est en apprenant à mieux nous connaître que l'on peut lutter contre ces mécanismes."

      L'ultime expérience :

      Les participants sont répartis en groupes par couleur.

      Ils avancent vers un cercle central s'ils sont concernés par une question posée (peur du noir, revente de cadeaux, amour en voiture, sentiment de solitude, etc.).

      Cette expérience vise à montrer que "nous avons tous des points communs au-delà de nos différences."

      Des moments d'émotion intense sont partagés, soulignant que "On est plus seul."

      Conclusion Générale :

      Bien que le racisme soit "multifactoriel" (causes économiques, historiques, sociales), le cerveau est "extrêmement plastique".

      La lutte contre le racisme et les préjugés passe par "l'éducation, par l'exposition culturelle, le fait de rencontrer, de se mettre en face de personnes différentes de nous.

      Et c'est cette exposition là, c'est cette éducation, c'est cette familiarisation avec celles et ceux qui ne nous ressemblent pas qui va permettre aussi au cerveau d'être plus empathique."

      L'émission conclut sur l'idée que "Tous les humains, ils partent avec 100 points" et que notre responsabilité est de reconnaître l'égalité de l'autre.

    1. Document de Synthèse : Regards Croisés sur le Temps Long de l'Action Publique

      • Ce document de synthèse présente les thèmes principaux et les idées essentielles discutées lors de la session de clôture du cycle d'études annuelles du Conseil d'État sur le temps long de l'action publique.

      Les interventions de * Math Anton (Secrétaire d'État, Ministère des Affaires Étrangères de Finlande), * Sophie Péder (Cheffe du bureau parisien du magazine The Economist) et * Pierre Rosanvallon (Professeur Émérite au Collège de France) ont éclairé cette problématique sous des angles historiques, comparatifs et pratiques.

      I. Le Poids du Court Terme et ses Racines Historiques

      Pierre Rosanvallon a d'emblée mis en lumière le phénomène du "présentisme", caractéristique du monde moderne, et les raisons profondes de la préférence pour le court terme en démocratie.

      • Déclin de la religion et la politique pré-démocratique : Pour Tocqueville, le présentisme est lié au déclin de la religion, qui donnait la capacité de se comporter "en vue du futur".

      La politique pré-démocratique était "nécessairement inscrite dans une durée et dans une forme de perpétuité même". * La rupture démocratique : La modernité démocratique introduit une "double rupture dans les cadres politiques et disons dans les cadres mentaux qui permettaient d'inscrire le long terme dans le court terme". Le problème n'est pas simplement de penser le long terme, mais de savoir "comment on intègre le long terme dans le court terme". * Manifestations de la préférence pour le court terme : * Dans le champ politique : Volonté d'éliminer le temps long, avec des mandats très courts pendant la Révolution française (mandats parlementaires d'un an, président de l'Assemblée changé toutes les semaines).

      La modernité est perçue comme une "invention permanente" de la société. * En termes sociologiques : Détachement de l'individu des corps (corporations, couple) qui le rattachent au passé et l'enchaînent à l'avenir (ex: instauration du divorce). * Dans le rapport à la nature : Rupture avec l'idée de perpétuité de la nature (ex: abrogation de l'édit de Colbert sur les forêts de 1669 par la Constituante, affirmant le droit de propriété comme droit d'agir immédiatement au court terme).

      Tentatives d'organisation des compromis :

      • Réintroduction du passé : Par exemple, peupler la politique étrangère d'aristocrates pour représenter une "longue tradition".
      • Invention du service public : Le service public, défini comme le "gardien de la perpétuité sociale", est apparu comme un contrepoids pragmatique à la rapidité démocratique. Cependant, il n'a "jamais été complètement légitimé en terme démocratique".
      • Mécanos constitutionnels : Instauration de deux chambres, redéfinition des rythmes (ex: projet de Michel Debré pour un mandat présidentiel de 12 ans).
      • Élargissement des sujets de représentation : Idée de représenter les générations futures ou la nature, avec la difficulté intellectuelle qu'ils ne sont pas de "véritables sujets".

      II. L'Intéressement à l'Avenir : Un Enjeu Crucial

      Pierre Rosanvallon a souligné un défi majeur : "ce qui fait le plus défaut (...) c'est le fait que les individus démocratiques n'intègrent pas eux-mêmes le long terme".

      La connaissance des problèmes (ex: climat) est souvent suffisante, mais l'inaction persiste.

      • Organisation de la réfraction du long terme dans le court terme : Définir le futur comme prolongeant l'individu et élargir temporellement l'individu (famille, citoyenneté, humanité).

      Critique des modèles classiques :

      • Dictateur bienveillant : Non désirable.
      • Régénération de l'individu/Homme nouveau : Impossible ou douteux (liens avec les idéologies des années 30).
      • Puissance du savoir objectif : Discutable, car la connaissance seule ne suffit pas à transformer l'action.
      • Nécessité de l'intéressement : L'intéressement (au sens matériel) à l'avenir est la clé. La démocratie doit organiser la "familiarité avec les temporalités" pour résoudre la contradiction entre la conscience de la nécessité du temps long et l'inaction.

      III. Expériences Nationales et Leçons Comparatives

      Les interventions ont offert un éclairage sur les approches de la Finlande et du Royaume-Uni, contrastant souvent avec les pratiques françaises.

      A. Le Modèle Finlandais : Survivre pour Réussir

      L'ambassadeur Math Anton a présenté le cas de la Finlande, souvent citée en exemple pour sa capacité à penser le temps long, illustrant le mot d'ordre : "survivre pour réussir".

      • Contexte historique et géographique : L'histoire de la Finlande, fortement influencée par ses voisins (Suède, Allemagne, Russie), a forgé une culture de résilience, d'agilité et d'unité, avec une constante attention au long terme. Les conditions de vie difficiles passées (dernière famine majeure en Europe en 1868) ont nécessité une planification sur le long terme.

      Institutions et pratiques favorisant le temps long :

      • Défense et sécurité : Maintien du service militaire obligatoire, système de défense civile et réserves de matériaux d'urgence, basés sur une coopération étroite public-privé.
      • Politique énergétique et climatique : Objectif de neutralité carbone d'ici 2035, processus initié bien en amont (renoncement au charbon), décarbonation avancée de la production électrique, focalisation sur le chauffage urbain et le transport.

      Responsabilisation des acteurs :

      • Système de retraite : Géré par les partenaires sociaux, avec des décisions majeures prises sur leur base, conduisant à des réformes acceptées (ex: hausse de l'âge de départ à la retraite liée à l'espérance de vie). Cette approche vise à éviter l'intervention gouvernementale, perçue comme moins favorable.
      • Communes : Leur autonomie financière (impôt communal sur les revenus, taxe foncière) crée un intérêt direct pour le développement des énergies renouvelables (ex: parcs éoliens devenant une source de revenu importante).

      Institutions dédiées au temps long :

      • Sitra (Fonds d'Innovation Finlandais) : Créée en 1967, cette fondation parlementaire (dotée d'environ 1 milliard d'euros) vise à renforcer la futurologie et l'innovation sociale, en finançant des études, des expériences et en organisant des cours pour les décideurs.
      • Commission pour l'avenir du Parlement : Établie en 1993 et rendue permanente en 2000, elle prépare des réponses parlementaires aux rapports gouvernementaux sur l'avenir, commande des études (ex: rapport sur la Russie en 2007) et évalue le changement technologique. Elle a notamment anticipé la nécessité de mesures radicales contre le changement climatique dès 2001.

      B. Le Cas du Royaume-Uni : Le "Muddling Through" et les Défis du Brexit

      Sophie Péder a décrit une culture britannique du "muddling through" (faire avec les moyens du bord) plutôt que de la vision à long terme, avec des conséquences notables pour l'action publique.

      • Absence de planification centrale et de formation stratégique : Le Royaume-Uni n'a pas d'agence du plan ni d'école nationale d'administration formant à la pensée stratégique. Les tentatives de création ou de promotion d'une "pensée stratégique" au sein de la fonction publique ont été rapidement abandonnées.
      • Difficultés dans les grands projets d'infrastructure :
      • HS2 : Ligne à grande vitesse Londres-Manchester, annoncée en 2008, validée en 2020, mais finalement annulée en partie en 2023 faute de moyens et de clarté sur les objectifs, ne reliant que Londres à Birmingham.
      • Troisième piste à l'aéroport d'Heathrow : Proposée en 2006, validée en 2016, contestée juridiquement et politiquement, avec une date d'ouverture prévue pour 2040.
      • Facteurs expliquant ces difficultés : Forte densité de population, urbanisme peu régulé, et lien très fort entre les députés et leurs circonscriptions dans une démocratie parlementaire, rendant le "temps démocratique souvent incompatible avec la planification stratégique".
      • Domaines où le temps long est mieux géré : Planification militaire, renseignement, stratégie nationale d'IA, planification écologique (stratégie Net Zero d'ici 2050, pionnier dans les éoliennes en mer).
      • Le Brexit comme illustration des contradictions : Décision de rupture inhabituelle pour un pays connu pour son conservatisme et la continuité de ses institutions.
      • Vision du Global Britain : Stratégie de long terme (sur le papier) visant à des alliances et accords commerciaux mondiaux, rompant avec l'Europe.
      • Échec de la mise en œuvre : Peu de nouveaux accords commerciaux bilatéraux signés, barrières au commerce avec l'UE, et vision de Global Britain perçue comme un "slogan politique de campagne court-termiste".
      • Contradiction entre temps démocratique et intérêt national du temps long : Le Brexit a montré "le point du court terme dans le rapport de force entre la vie démocratique et l'intérêt national du temps long". 55% des Britanniques considèrent aujourd'hui que quitter l'UE était une mauvaise idée.
      • Citation de Churchill : "Plans are of little plan but planning is fundamental" (Les plans ont peu d'importance mais la planification est fondamentale), soulignant l'importance de la capacité d'anticipation et d'adaptation.

      IV. Défis et Perspectives pour l'Action Publique

      Plusieurs défis majeurs ont été soulevés, invitant à une réflexion approfondie sur les réponses politiques à apporter.

      • Référéndum et démocratie directe : La question de l'information des citoyens et des conditions de leur participation a été soulevée. Pierre Rosanvallon a souligné que l'histoire montre qu'un référendum n'a de sens que si les termes de la question contiennent les "conditions normatives d'application", ou s'il est de nature constitutionnelle. Un usage inapproprié peut "détruire la démocratie". La Finlande pratique peu la démocratie directe par référendum.
      • Biais cognitifs et coût politique : La "cécité vis-à-vis de l'avenir" peut être due à des biais cognitifs (peur de l'avenir terrifiant) ou au coût politique des décisions courageuses.
      • La science et la société : Pour contrer les biais, il faut rendre la science "amie de la population", en montrant que la recherche est un processus modeste d'exploration et de doute, et non des énoncés arrogants.
      • Progrès d'hier, catastrophes d'aujourd'hui : Comment choisir les progrès d'aujourd'hui pour éviter les catastrophes de demain ?
      • Changer de système économique : La question d'un changement de système économique pour adresser les urgences climatiques a été posée, sans réponse approfondie compte tenu du temps imparti.
      • Place du citoyen dans le temps long : La manière de consulter les populations, souvent sur une seule solution après toutes les décisions, a été critiquée. Il est proposé de "montrer les différentes solutions" et les marges de manœuvre, pour que les citoyens puissent choisir à partir de leurs propres arguments. L'exemple des gilets jaunes en France a été cité comme illustration des conséquences d'une politique environnementale sans accompagnement social.

      En conclusion, la réflexion sur le temps long dans l'action publique est une question complexe, dont les réponses résident moins dans la création de nouvelles institutions que dans la promotion de fonctionnalités, la responsabilisation de tous les acteurs (étatiques, sociaux, locaux, individuels), une meilleure éducation et un engagement scientifique accessible, afin d'organiser une "familiarité avec les temporalités" nécessaire pour relever les défis futurs.

    1. Note de synthèse : Temps Long et Outils de l'Action Publique

      Introduction

      • Ce document de synthèse présente les thèmes principaux et les idées essentielles discutées lors de la conférence "Temps long et outils de l’action publique". Les intervenants, issus de divers horizons (politique, administration, syndical, entreprise), ont partagé leurs expériences et réflexions sur la capacité de l'action publique à s'inscrire dans une perspective de long terme, en dépit des contraintes et défis actuels.

      Thèmes Majeurs et Idées Clés

      • L'Importance du Diagnostic, de l'Expertise et des Données Factuelles
      • Nécessité de faits incontestables : Tous les intervenants ont souligné l'importance cruciale d'un diagnostic solide et basé sur des données objectives pour éclairer l'action publique de long terme. Jean-Luc Tavernier, directeur général de l'INSEE, insiste sur le rôle de son institution dans la production de données et de scénarios majeurs. Roseline Bachelot évoque l'importance d'un "savoir structuré" et d'une "expertise charpentée et partagée", critiquant les "calambreenes style convention citoyenne pour le climat" qui ne garantissent pas cette expertise.
      • Rapport à la science et à la réalité : Laurent Berger met en avant le besoin d'un "besoin d'expertise" et d'un "rapport à la science" pour la gestion du temps long, soulignant que "l'incontestabilité des faits, ce rapport à la science y compris les sciences sociales" est fondamental.
      • Mesure et évaluation : La capacité à mesurer l'impact des actions et à évaluer les trajectoires est essentielle. Laurent Berger insiste sur la "question de la donnée, de la data" comme étant "phénoménale et fondamentale" pour piloter par la mesure. Jean-Luc Tavernier souligne que l'INSEE met à disposition des "séries longues avec une profondeure historique" pour appuyer l'évaluation.
      • Défis de l'expertise : Jean-Luc Tavernier fait état de la difficulté à maintenir la crédibilité de l'expertise publique face à la désinformation, notamment sur les réseaux sociaux, où l'on est confronté au "on sait que" sans argumentation factuelle. Roseline Bachelot ajoute la nécessité de prendre en compte les "feratrol des guerres informationnelles" et l'impact de l'intelligence artificielle.
      • La Fixation et la Continuité du Cap
      • Vision commune et stratégie : Le temps long nécessite la construction d'une vision partagée et la fixation d'un cap clair. Patrice Vergriete témoigne de l'expérience de Dunkerque, où la "volonté d'un nouvel exécutif politique [fut] de faire repartir le territoire", en se situant dans une "perspective de 10, 15, 20 ans". Cette démarche a conduit à la construction d'une "vision commune" et d'une "feuille de route du développement".
      • Inflexibilité sur le cap, souplesse sur les moyens : Laurent Berger estime que ceux qui dirigent doivent être "inflexible sur le cap fixé" mais non sur "les moyen d'y parvenir".
      • Obstacles à la continuité : Roseline Bachelot dénonce la "valse insensée des responsables ministériels", qui empêche la pérennisation des politiques de long terme, contrastant avec la stabilité des exécutifs locaux. Jean-Luc Tavernier déplore le manque de "gratification politique" pour les politiques de long terme et l'absence de "débat qui n'a pas eu lieu au moment des échéances électorales" sur les choix collectifs fondamentaux.
      • L'Embarquement et la Responsabilisation des Acteurs et de la Population
      • Nécessité de l'adhésion : Le succès des politiques de long terme dépend de l'adhésion et de l'implication de tous les acteurs. Patrice Vergriete insiste sur la nécessité d'"embarquer la population" et de "construire un récit positif de l'avenir", en offrant "de l'espoir dans une démocratie". Il souligne l'importance du "duo sens intérêt" pour maintenir le long terme face à "l'émotion du court terme".
      • Responsabilité partagée : Laurent Berger évoque la "responsabilité partagée" au sein de l'entreprise et la nécessité de "responsabiliser" les collaborateurs, un parallèle qu'il fait avec l'action publique. Il estime qu'il faut "faire davantage confiance aux acteurs qu'au développement des normes".
      • Démocratie participative : La participation citoyenne est un moyen d'embarquement, mais doit être repensée. Roseline Bachelot met en garde contre les "manipulations tout à fait dommageables" des "cénacles" comme les conventions citoyennes. Patrice Vergriete critique la légitimité des dispositifs actuels de participation et l'instrumentalisation des réseaux sociaux, soulignant que "les réseaux sociaux aujourd'hui sont de la propagande pour ce que vous pensez déjà". Il valorise le "porte à porte" comme le "meilleur outil" pour créer la confiance.
      • Coût de la participation : Madame Bonacory soulève la question de la rémunération des citoyens participant aux processus démocratiques, arguant que cela devrait être fait "par rapport au salaire qui gagne".
      • Les Outils Concrets de l'Action Publique pour le Temps Long
      • Normes et institutions stables : La Constitution et les lois de programmation sont des outils clés pour ancrer l'action dans la durée. Roseline Bachelot cite la Charte de l'environnement et les lois de programmation sectorielles comme des exemples, bien que ces dernières puissent restreindre les marges de manœuvre budgétaires.
      • Instruments de gouvernance : Jean-Luc Tavernier mentionne les "lois de programmation" et les "instances de surveillance" (Haut Conseil des finances publiques, Conseil au climat) comme des innovations en matière de gouvernance, tout en déplorant qu'elles ne "mordent jamais réellement" en l'absence de dispositifs correctifs et de légitimité politique suffisante.
      • Financement et recettes affectées : Patrice Vergriete critique l'"annualité budgétaire" comme un obstacle au temps long et plaide pour les "recettes affectées" (comme la taxe GEMAPI), qu'il considère comme "la garantie d'une politique du temps long". Il déplore également la faiblesse actuelle de la "contractualisation" (CPER).
      • Gestion des ressources humaines : Roseline Bachelot souligne la "déplorable gestion des ressources humaines" dans l'administration, avec un "turnover" qui démotive les agents et nuit à la continuité des politiques.
      • Transversalité : Patrice Vergriete met en lumière le problème du "raisonnement en silo" de l'administration, qui empêche de résoudre les problèmes de manière globale et transversale (ex : logement étudiant et villes moyennes).
      • Logique d'investissement vs. de réparation : Plusieurs intervenants, dont Patrice Vergriete et Jean-Luc Tavernier, appellent à "inverser la logique" en investissant davantage dans la prévention et les causes des problèmes plutôt que de se contenter de "mettre les moyens pour essayer [d']y répondre aux conséquences".

      Conclusion

      La conférence a mis en lumière un consensus sur les conditions nécessaires à une action publique efficace à long terme : un diagnostic partagé et basé sur des faits, la fixation d'un cap clair et sa continuité, et l'embarquement de l'ensemble des acteurs et de la population.

      Les défis majeurs identifiés incluent la "dictature de l'immédiateté" médiatique et politique, la bureaucratisation et le cloisonnement de l'administration, et la difficulté à assurer la continuité des financements et des équipes politiques.

      Un appel a été lancé pour repenser le fonctionnement même de la démocratie, en renforçant la confiance envers les acteurs locaux et la société civile, et en encourageant des compromis qui engagent sur la durée.

    1. Document de synthèse : Temps long et urgences climatiques – Perspectives croisées

      Ce document de synthèse vise à analyser les thèmes principaux et les idées ou faits les plus importants issus de la conférence "Troisième conférence : temps long et urgences climatiques", organisée dans le cadre du rapport annuel du Conseil d'État sur l'État stratège et le temps long dans les politiques publiques.

      Les interventions de

      • Valérie Masson-Delmotte (scientifique climatologue),
      • Antoine Pellion (Secrétaire général à la planification écologique) et
      • Florence Lustman (Présidente de France Assureurs)

      ont offert des perspectives complémentaires sur l'urgence climatique, la planification écologique, la participation citoyenne et le rôle du secteur de l'assurance.

      Thèmes principaux et idées clés :

      1. L'Urgence Climatique et la Rupture Anthropique (Perspective Scientifique)

      Valérie Masson-Delmotte, climatologue, souligne la rupture fondamentale que représente l'influence humaine sur le climat, visible à travers l'analyse des carottages glaciaires remontant à 800 000 ans.

      Elle met en évidence une "augmentation brutale et rapide par rapport aux variations naturelles de la teneur des principaux gaz à effet de serre dans l'atmosphère, notamment le dioxyde de carbone émis par la combustion d'énergie fossile".

      • Bases scientifiques solides et historiques : La compréhension de l'effet de serre remonte au XIXe siècle (Arrhenius), avec les premières mesures de réchauffement en 1938 et les premières modélisations climatiques dans les années 1960. Le GIEC, créé dans les années 1990, fournit des évaluations rigoureuses et non prescriptives.
      • Science de l'attribution : La science permet aujourd'hui d'attribuer "comme un fait scientifique que l'ensemble des caractéristiques observées dont le réchauffement de surface est la conséquence des activités humaines", et d'évaluer l'influence humaine sur l'occurrence et l'intensité des événements extrêmes.
      • Aggravation rapide des impacts : Les vulnérabilités et l'aggravation rapide des impacts négatifs ont été sous-estimées. Le réchauffement planétaire a atteint 1,2°C au cours de la dernière décennie, et devrait dépasser 1,5°C vers 2030-2035. Les conséquences sont multiples : "augmentation de la mortalité des arbres", "blanchissement des coraux", "difficulté d'approvisionnement en eau", "choc sur la production alimentaire", "augmentation de la morbidité de la mortalité liée à la chaleur".
      • Limites à l'adaptation : Un réchauffement de 2°C au niveau mondial se traduirait par +3°C en France d'ici 2050, et 3°C mondial par +4°C en France d'ici 2100, exposant à des "limites à l'adaptation" dans les régions les plus vulnérables (climats méditerranéens, zones côtières, grands deltas, villes).
      • Décalage juridique et urgence : Le cadre juridique actuel est en décalage avec l'état des connaissances scientifiques, notamment sur la montée du niveau de la mer et la nécessité de scénarios "pire physiquement plausible" pour l'aménagement du territoire et la dimension des infrastructures critiques.

      2. La Planification Écologique et ses Défis (Perspective de l'État)

      Antoine Pellion, Secrétaire général à la planification écologique, détaille la démarche française pour coordonner l'action publique face aux enjeux écologiques, en lien avec le Premier ministre.

      • Périmètre large de la planification : La planification écologique ne se limite pas aux émissions de gaz à effet de serre, mais englobe l'adaptation au changement climatique, la protection de la biodiversité, la gestion durable des ressources naturelles (eau, forêt, matériaux critiques), et les enjeux de santé environnementale. Elle est également "indissociable d'enjeux économique extrêmement structurant" et de "dimension sociale".
      • Cohérence et transversalité : L'objectif est de "casser les silos" entre les ministères et les acteurs, et de concilier "des enjeux très long terme avec une action immédiate de court terme". La décarbonation est aussi un "plan de résilience économique" majeur pour la France, réduisant la dépendance aux énergies fossiles.
      • Un chemin "possible" mais "difficile" : Un plan d'action opérationnel a été élaboré, montrant qu'il existe "un chemin pour que la France effectivement baisse ses émissions de -55 % entre 1990 et 2030 sans avoir de rupture absolument majeure". Cependant, des "gains un peu faciles" liés à la sobriété forcée par les prix ont été réalisés, et la tendance pour 2025 n'est "pas bonne" dans certains secteurs.
      • Répartition de l'effort et justice sociale : La planification vise une répartition de l'effort : "la moitié des baisses, on attend à ce qu'elle soit faite par les gros acteurs les entreprises notamment 75 % par les gros je dis les gros c'est les pouvoirs publics au sens large". Le dernier quart est entre les mains des citoyens, avec "15 % de la population qui a besoin d'avoir des changements assez drastiques dans ses modes de vie".
      • Défi du financement : L'investissement annuel public et privé doit être augmenté de 50 % (+60 milliards d'euros par an) d'ici 2030. Un quart des investissements est rentable, mais le reste nécessite de "nouveaux modèles de financement" et une "optimisation un peu fine pour que la ressource publique soit vraiment investie là où il y a pas vraiment aucune autre alternative".

      3. Le Rôle Crucial de la Démocratie Environnementale (Perspective de la Société Civile)

      Antoine Gaté, représentant de France Nature Environnement, insiste sur le rôle des associations dans la protection de l'environnement et met en garde contre un "backlash écologique".

      • Conception de l'État : Pour la société civile, l'État est le "cadre du pouvoir d'action publique dans un système démocratique", fondé sur le respect des droits humains (droit à l'environnement), la "prééminence du droit" (sécurité juridique, force jugée) et une "démocratie véritable" (partage du pouvoir, participation citoyenne).
      • Démocratie environnementale : La Convention d'Aarhus (2005) est essentielle : "afin d'être en mesure de faire valoir ce droit et de s'acquitter de ce devoir, les citoyens doivent avoir accès à l'information, être habilité à participer au processus décisionnel et avoir accès à la justice en matière d'environnement". La participation du public conduit à "de meilleures décisions" et une "application plus efficace".
      • Planifications existantes et manque de systémique : De nombreuses planifications sectorielles existent depuis 50 ans (loi sur l'eau, l'air, déchets, etc.), souvent "robustes d'un point de vue juridique" et construites avec des "procédures participatives". Cependant, la planification écologique actuelle "manque aussi une vision systémique de la chose" en se focalisant trop sur le carbone au détriment des interdépendances (biodiversité, pollutions).
      • Besoin d'un débat social et d'un changement transformateur : Face à une "triple crise" (climatique, biodiversité, pollutions), il est urgent d'avoir un "débat social et sociétal global sur quel monde de demain on veut construire par rapport à ces scénarios qu'on nous propose". Les solutions exigent des "changements transformateurs profonds" et une "prise en compte de la dette écologique".
      • Backlash écologique et remises en cause : La période actuelle est marquée par un "backlash écologique" avec des "attaques sans précédent" contre les associations environnementales, la "remise en cause de la science", et une "criminalisation" de la contestation. L'État doit retrouver son "exemplarité sur la défense de l'État de droit" et assumer des décisions respectueuses de la légalité environnementale.

      4. Le Secteur de l'Assurance face aux Risques Climatiques (Perspective Économique)

      Florence Lustman, Présidente de France Assureurs, partage la vision des assureurs, à la fois gestionnaires de risques à long terme et acteurs de la réparation immédiate.

      • Augmentation et interdépendance des risques : Le risque climatique est perçu comme l'un des risques majeurs, partageant la première place avec le risque cyber dans leur cartographie. Il est un "risque maître" qui peut déclencher "40 % des autres risques", y compris la santé mentale (éco-anxiété).
      • Coût croissant des sinistres : Les coûts des sinistres climatiques sont en forte progression : la moyenne annuelle est passée de 1,5 milliard d'euros dans les années 1980 à 6 milliards d'euros sur les quatre premières années de la décennie en cours. L'année 2022 a coûté 10,6 milliards d'euros.
      • Projections futures : Le coût cumulé des sinistres climatiques pourrait doubler sur les 30 prochaines années (2020-2050), atteignant 143 milliards d'euros. Le risque de "retrait-gonflement des argiles" (sécheresse) est le "péril le plus dynamique", pouvant tripler son coût.
      • Régime "Catastrophes Naturelles" (CatNat) : La France bénéficie d'un régime CatNat "universel et solidaire" (partenariat public-privé) qui mutualise les risques et assure une couverture pour un coût modéré (passé de 25 à 40€ par an en moyenne). Ce système est unique en Europe et essentiel pour l'assurabilité des biens.
      • Levi- leviers d'action et domaines de progrès : Les assureurs ont des leviers d'action :
      • Réparation durable : Inciter à l'utilisation de matériaux recyclés et de pièces de réemploi, et développer des filières et des labels pour des réparations plus durables.
      • Prévention et résilience : Poursuivre les actions de prévention (SMS d'alerte, journée de la résilience), tester de nouvelles technologies pour l'amélioration de la résilience du bâti (initiative sécheresse), et encourager les plans de prévention des risques naturels au niveau des communes.
      • Investissement durable : Les assureurs gèrent 2500 milliards d'euros d'actifs, dont une grande partie finance les entreprises et les infrastructures, avec une part croissante dans les investissements durables. Des contraintes réglementaires limitent toutefois leur capacité à financer des projets moins rentables ou plus risqués.
      • Points de convergence et de tension :
      • Nécessité de la science et de l'anticipation : Tous les intervenants s'accordent sur l'importance des données scientifiques pour comprendre les phénomènes climatiques et anticiper leurs conséquences. La nécessité d'une "adaptation par anticipation" est soulignée par la climatologue et appuyée par les assureurs.
      • Temps long vs. Urgence : Un paradoxe est mis en lumière : les phénomènes climatiques évoluent sur le temps long, mais l'urgence des impacts actuels nécessite des actions immédiates. La planification doit intégrer ces deux échelles.
      • Interconnexion des crises : L'approche systémique est cruciale. La climatologue et le représentant de FNE soulignent que le climat ne peut être séparé de la biodiversité, de la santé, de l'eau et de l'alimentation. Les assureurs constatent également les interdépendances entre les risques.
      • Défi de la mise en œuvre et du financement : Malgré l'existence de plans et de stratégies, la traduction en actions concrètes et leur financement restent un défi majeur. La question de la rentabilité des investissements pour la transition est cruciale.
      • Place de la délibération et de la participation citoyenne : La nécessité d'une "démocratie environnementale" et d'un "débat social et sociétal" est fortement mise en avant par FNE, qui déplore le manque de véritable discussion sur des choix politiques majeurs. La frustration des citoyens est un risque si les processus participatifs ne sont pas clairs et respectés.
      • Responsabilité et redevabilité de l'État : FNE appelle à une plus grande "redevabilité" de l'action publique et à l'"exemplarité de l'État" dans le respect de la légalité environnementale.
      • Conflit et désinformation : La montée des "nouvelles conflictualités" liées au changement climatique, l'obstruction à l'action climatique et la désinformation représentent un défi majeur pour nos démocraties.
      • Questions en suspens et pistes de réflexion :
      • Optimisation du cadre juridique : Comment le cadre juridique peut-il mieux intégrer les scénarios climatiques les plus extrêmes et les plus récents pour guider l'aménagement du territoire et la dimension des infrastructures ?
      • Renforcement des mécanismes de suivi et d'évaluation : La mise en place d'un observatoire national des impacts et des pertes permettrait de mieux évaluer l'efficacité des politiques d'adaptation.
      • Innovation en financement : Comment développer des mécanismes de financement innovants (au-delà de la subvention) pour flécher l'épargne vers les investissements dans les transitions, en conciliant rentabilité et impact ?
      • Débat sur les "changements transformateurs" : Comment engager un véritable débat sociétal sur les choix fondamentaux nécessaires pour une transition écologique juste et efficace, en impliquant tous les acteurs ?
      • Articulation entre les différentes échelles : Comment mieux coordonner l'action entre le niveau national, européen et local, en respectant les spécificités biogéographiques des territoires ?
      • Défis de l'adaptation : Comment éviter la "maladaptation" et assurer que les solutions mises en œuvre ne créent pas de nouveaux risques à long terme, notamment en privilégiant les solutions fondées sur la nature ?
      • Éducation et connaissance de la nature : Comment restaurer une meilleure connexion et connaissance de la nature au sein de la société, des décideurs aux citoyens, pour fonder les décisions sur une compréhension plus juste des écosystèmes ?

      En conclusion, cette conférence a mis en évidence l'ampleur et la complexité des défis posés par l'urgence climatique. Si des outils et des stratégies sont en place, leur efficacité dépendra de la capacité à surmonter les tensions (entre temps long et court, entre objectifs sectoriels et systémiques, entre choix politiques et délibération citoyenne) et à mobiliser l'ensemble de la société autour d'une vision partagée et d'actions concrètes, en s'appuyant sur la science et en renforçant la démocratie environnementale.

    1. Note de Synthèse : Réussite à l'École, Réussite de l'École

      Cette note de synthèse analyse les thèmes principaux et les idées ou faits les plus importants extraits des interventions du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur le sujet de la réussite à l'école et la réussite de l'école.

      Elle met en lumière les constats, les défis et les préconisations du CESE et des différents groupes de la société civile.

      1. Le CESE : Rôle, Composition et Missions

      Le CESE est présenté comme la troisième assemblée citée dans la Constitution française, après l'Assemblée Nationale et le Sénat.

      Il est composé de 175 conseillers et conseillères, désignés pour 5 ans par des organisations représentatives de la société civile (entreprises, syndicats, associations, ONG, organisations étudiantes, mouvements de jeunesse, etc.).

      C'est un "mini France réunie dans un hémicycle où tous les points de vue se rencontrent", un des rares endroits où "des chasseurs peuvent discuter et débattre avec des défenseurs des oiseaux".

      Ses quatre missions principales sont :

      • Conseiller et éclairer le gouvernement et le Parlement dans l'élaboration des politiques publiques.
      • Favoriser le dialogue social et la recherche d'un consensus exigeant.
      • Contribuer à évaluer l'efficacité des politiques publiques.
      • Prendre le pouls des régions en lien constant avec les CESE régionaux.
      • Une mission cruciale du CESE est de renforcer la démocratie participative, en permettant aux citoyens de faire entendre leur voix. Cela se concrétise par des méthodes participatives telles que le tirage au sort de citoyens, l'organisation de conventions citoyennes, et les consultations en ligne. Les citoyens peuvent directement saisir le CESE via une pétition qui, si elle recueille plus de 150 000 signatures (dès 16 ans), doit être étudiée par le Conseil. Des exemples concrets de préconisations du CESE ayant eu un impact incluent la Garantie Jeune et les dispositifs d'alerte pour lutter contre les violences faites aux femmes.

      2. Le Contexte Politique Actuel et l'Urgence de Faire Entendre la Voix de la Société Civile

      Plusieurs interventions soulignent le contexte politique troublé en France, marqué par la dissolution de l'Assemblée nationale et la montée de l'extrême droite.

      La société civile organisée exprime une vive inquiétude face à cette situation, considérant l'arrivée de l'extrême droite au pouvoir comme un "véritable danger pour notre démocratie et pour le monde du travail".

      Les craintes exprimées incluent :

      • La remise en cause du dialogue social et des syndicats.
      • La suppression des subventions aux associations.
      • Une liberté de la presse menacée.
      • Des discriminations basées sur le principe de "préférence nationale" dans les entreprises, administrations et écoles.
      • L'abandon ou la privatisation des services publics.
      • Le recul des droits des femmes.
      • La CFDT, la CGT, l'UNSA, le groupe des associations et le groupe santé et citoyenneté appellent à la mobilisation et au vote pour faire "tout sauf l'extrême droite". La CGT, tout en affirmant son indépendance, soutient l'appel à voter pour le nouveau programme du Front Populaire, dénonçant le Rassemblement National comme une "imposture électoraliste" qui a toujours défendu "les intérêts des plus riches et des multinationales". Les associations mettent en garde contre la suppression des subventions et l'utilisation d'outils de restriction associative.

      Le bureau du CESE insiste sur la nécessité de mieux associer la société civile à l'action publique, estimant que "la mécanique de nos institutions s'est rigidifiée et a fini par faire perdre la culture du dialogue et du débat".

      Le CESE se positionne comme un "lieu de résistance par le respect des divergences et des différences" et un "lieu de recueil de toutes les voix des espoirs et des préoccupations".

      3. L'École Française : Constats d'Inégalités et Défis

      Le CESE aborde en profondeur le sujet de l'école, reconnaissant son rôle fondamental dans la République.

      Malgré un budget important et un taux d'alphabétisation et d'éducation sans précédent, l'école française "peine à faire réussir tous les jeunes". Plusieurs constats alarmants sont mis en évidence :

      • Inégalités scolaires persistantes : L'école française est "un des plus inégalitaires d'Europe", ne parvenant pas à "enrayer la reproduction sociale".

      La corrélation entre les inégalités scolaires et sociales est forte : "le facteur essentiel de la difficulté scolaire et de l'échec scolaire provient des inégalités sociales".

      L'enquête PISA montre que "l'école française réussit aux élèves les plus favorisés". 30% des élèves issus de milieux populaires sont en difficulté.

      • Filiarisation ségrégative : 70% des enfants d'ouvriers obtiennent un bac professionnel ou technologique, contre 75% des enfants de cadres qui obtiennent un bac général. Seuls 2% des ouvriers sont étudiants à l'École Polytechnique.
      • Manque de moyens et conditions de travail difficiles : Les témoignages d'enseignantes de Marseille soulignent des locaux dégradés ("peinture arrachée, fissures dans les murs, chauffage défectueux, présence de cafards"), un sentiment d'être "oublié, seul sans moyen", et un rôle multiple des enseignants ("professeur, psychologue, assistante sociale, infirmier, médecin, médiateur social, orthophoniste et parfois même policiers").
      • Manque d'attractivité du métier d'enseignant : Formation "baclée", diplôme "dévalorisé", peu d'inspections, évolution de salaire non basée sur le mérite, absence de médecine du travail.
      • Problèmes d'adaptation et de stabilité : Les élèves témoignent de "changements soudains" dans les programmes et les modalités d'examen (bac), d'une "charge de travail trop chargée", et d'un apprentissage souvent basé sur la mémorisation plutôt que la compréhension. L'école est perçue comme "impersonnelle" et ne s'intéresse pas toujours à ce qui est bon pour l'élève.
      • Manque de mixité sociale : La ségrégation socio-résidentielle se reflète dans les établissements scolaires, amplifiée par la possibilité d'échapper à la sectorisation via le privé ou des stratégies résidentielles. Les familles "fuient le quartier" et la mixité sociale se réduit.
      • Spécificités des Outre-mer : Confrontés à une forte croissance démographique, des difficultés d'accès à l'école, des sorties précoces du système scolaire, un taux d'illettrisme élevé (double de la moyenne nationale aux Antilles et à la Réunion, 5 à 7 fois plus élevé en Guyane et à Mayotte), et des déficits d'infrastructures.

      4. Philosophie de la Réussite : De l'Égalité des Chances à la Réussite de Tous

      Le CESE prône un changement de paradigme, passant du concept d'«égalité des chances» à celui de la «réussite de toutes et tous».

      • L'égalité des chances est jugée une "promesse trompeuse" car elle ne garantit pas l'effectivité du droit à l'éducation, renvoyant les difficultés à la responsabilité individuelle de l'élève (vision méritocratique).
      • La réussite de toutes et tous implique que l'école "ne s'arrête pas avec la fin de la scolarité", et que "un niveau d'éducation élevé a un impact sur le revenu des personnes tout au cours de la leur carrière" (Éric Morin : "une année supplémentaire d'étude apporte 14% de revenus en plus"). L'équité et la performance sont liées : "les systèmes éducatifs les plus équitables... sont également les plus performants".
      • Faire réussir tous les élèves est bénéfique non seulement pour l'individu, mais aussi pour la "cohésion sociale, notre démocratie et notre économie".

      5. Axes de Préconisations du CESE

      Le projet d'avis du CESE s'articule autour de quatre axes majeurs :

      A. Redéfinir les finalités de l'école et mieux articuler l'ensemble des politiques publiques

      Préconisation 1 : Organiser un grand débat démocratique pour clarifier et redéfinir collectivement les finalités de l'école. L'école a été historiquement construite pour former une élite, non pour faire réussir tous les élèves. Préconisation 15 : Améliorer la concertation et l'articulation des politiques publiques complémentaires (logement, transport, santé, culture, sport) qui concourent à l'éducation, car "l'école seule n'arrivera pas à faire de l'égalité".

      B. Favoriser l'égalité et la mixité dans les territoires

      • Préconisation 5 : Mettre en place des observatoires de la mixité sociale et scolaire et de la réussite éducative pour diagnostiquer et recommander des actions.
      • Préconisation 4 : Agir sur la ségrégation scolaire par un plan pluriannuel pour une réelle mixité sociale inter et intra-établissements (publics et privés), avec un objectif de réduction des écarts d'indices de position sociale (IPS).
      • Préconisation 7 : Engager l'enseignement privé dans cette dynamique de mixité par un contrat d'objectifs et de moyens.
      • Spécificités Outre-mer (Préconisation 9) : Donner aux recteurs davantage de marges d'adaptation, créer des réseaux d'échange, faciliter l'accès à la langue française, développer l'offre post-bac sur place, et améliorer les conditions de vie des élèves (bâtiments, restauration scolaire).

      C. Conforter les acteurs de la communauté éducative et en priorité les élèves

      • Reconnaître et entendre les élèves : Les témoignages d'élèves soulignent le besoin de stabilité, de méthodes d'apprentissage basées sur la compréhension, et de prise en compte de la santé mentale et de la diversité. "L'école de mes rêves ce serait une école où la santé mentale des élèves passerait avant leur réussite scolaire".
      • Préconisation 10 : Organiser une concertation pour améliorer le bien-être des élèves et leurs conditions de scolarisation.
      • Préconisation 8 : Étendre les fonds sociaux élèves de l'école primaire au lycée et en faciliter le recours.
      • Préconisation 11 : Faire un bilan des pratiques de la vie démocratique au sein des écoles pour la renforcer.
      • Rôle des parents : L'importance du rôle des parents est soulignée, car l'élève apprend mieux s'il y a un partage de la nécessité d'apprendre entre l'école et la famille.
      • Préconisation 14 : Renforcer la place des parents à l'école via des "espaces parents".

      D. Transformer l'école et conforter le rôle des personnels

      • Revaloriser le métier d'enseignant : La "qualité des enseignants est le premier levier d'amélioration de l'efficacité des systèmes d'éducation".
      • Préconisation 12 et 13 : Mettre l'accent sur la formation initiale et continue des enseignants pour s'adapter à la diversité des élèves et rompre avec les logiques discriminantes.
      • Préconisation 19 : Voter une loi de programmation et de revalorisation des rémunérations des enseignants.
      • Renforcer les équipes : Augmenter le nombre d'assistants sociaux, infirmières, médecins, psychologues scolaires, etc.
      • Liberté pédagogique : Doit être préservée et exercée dans le cadre du projet d'école.
      • Utilisation de la technologie : Les élèves suggèrent l'utilisation des téléphones pour une meilleure adaptation aux nouvelles technologies.

      6. Perspectives et Appel à l'Action

      Le CESE insiste sur l'urgence d'un message positif et d'espoir pour les jeunes. L'école est vue comme un "moyen pour chacun et chacune de se construire, de s'émanciper, de surmonter ses difficultés, de grandir, d'apprendre, d'imaginer le monde de demain pour faire société ensemble".

      Malgré des réserves de certains groupes (entreprises, agriculture) sur des points spécifiques (financement, applicabilité de certaines mesures, pertinence de redéfinir les finalités pour l'agriculture), le projet d'avis "Réussite à l'école, réussite de l'école" a été adopté avec 97 voix pour, 1 contre et 23 abstentions.

      Le CESE s'engage à porter et prolonger cet avis, réaffirmant son rôle d'assemblée de combat et de solution face aux défis sociaux et éducatifs.

    1. Note de synthèse détaillée : Vivre dans les Territoires Ruraux

      Date : 19 juin 2024 Sujet : Synthèse des thèmes majeurs et faits marquants de l'événement "Vivre dans les territoires ruraux" organisé par la Commission Territoire, Agriculture et Alimentation.

      Introduction

      • La séance plénière consacrée à l'événement "Vivre dans les territoires ruraux" a mis en lumière la place centrale et souvent sous-estimée des zones rurales dans l'identité, l'économie et l'avenir de la France et de l'Europe.

      Loin d'être une "diagonale du vide uniforme", ces territoires regorgent d'initiatives et sont essentiels pour relever les défis sociétaux actuels et futurs. Cette réunion a permis de confronter des analyses sociologiques historiques et contemporaines aux témoignages concrets d'acteurs de terrain, offrant une vision nuancée des défis et des opportunités.

      1. La Ruralité : Une Entité Complexe et en Évolution

      Historiquement perçue comme un résidu voué à l'uniformisation face à l'urbanisation, la ruralité a connu une "disparition des écrans radars des politiques publiques nationales" avant de revenir au cœur du débat public, notamment avec la crise des gilets jaunes et la crise sanitaire.

      Évolution Sociologique et Démographique :

      • Déclin de la population agricole : La population agricole est devenue minoritaire dans l'essentiel des espaces ruraux français.
      • Popularisation des campagnes : Les mondes ouvriers et employés sont de plus en plus surreprésentés en dehors des villes. "On est tout l'inverse, les mondes ouvriers sont surreprésentés en dehors des villes."
      • Diversité des ruralités : Au lieu d'une ruralité unique, il existe une "très grande diversité" de territoires ruraux (productivistes, industriels, récréatifs, gentrifiés, balnéaires, naturels protégés).
      • Flux de population et multirésidentialité : Une part croissante de la population est multirésidentielle, ce qui rend la définition de "rural" complexe. Les flux immobiliers montrent une tendance à l'accumulation d'espaces de travail et de récréation, notamment dans les zones côtières et montagneuses.
      • Ségrégation sociale : Plutôt qu'une simple distinction urbain/rural, le territoire se structure de plus en plus par des "territoires de classe supérieure et des territoires de classe populaire". Ces dynamiques créent des "conflictualités de plus en plus fortes" entre usages récréatifs et productifs des espaces.

      Enjeux et Attributs des Territoires Ruraux :

      • Rôle central dans les défis sociétaux : La ruralité est "au cœur des enjeux de notre société", notamment pour répondre aux enjeux environnementaux (réchauffement climatique, biodiversité, transition énergétique) et de souveraineté alimentaire et de réindustrialisation.
      • Atouts intrinsèques : Cadre de vie, grands espaces, nature préservée, qualité de vie (air pur, faible délinquance, éducation protectrice), dimension humaine (proximité avec les acteurs locaux), valeurs (travail, respect).
      • Opportunités liées au changement climatique : Les zones rurales, notamment la moyenne montagne, attirent des populations fuyant les fortes chaleurs estivales des villes. L'eau est également un "véritable enjeu" et un atout fondamental.

      2. Freins et Défis Majeurs

      Malgré leur dynamisme, les territoires ruraux font face à des contraintes importantes qui entravent leur plein développement :

      • Déficit démographique : Population insuffisante et vieillissante, exode des jeunes.
      • Enclavement et accessibilité : Éloignement des pôles urbains, manque de transports en commun, absence de liaisons aériennes, usage impératif de la voiture.
      • Problématiques de recrutement : Taux de chômage très faible (4,7% en Lozère, par exemple), plein emploi, forte proportion d'emplois publics. Difficulté à attirer et loger les talents.
      • Crise du logement : Forte proportion de résidences secondaires (32% en Lozère) et de logements inoccupés (12%), posant un problème crucial pour les habitants et les saisonniers. "On peut même imaginer que des entreprises ou des des sites pourrait fermer par manque de logement pour les saisonniers."
      • Inertie administrative et difficultés de financement : La "longueur des dossiers" et l'inertie des processus administratifs sont des freins majeurs pour les chefs d'entreprise qui nécessitent "rapidité" et "réactivité". Les dispositifs nationaux (France Ruralité Revitalisation, Petites Villes de Demain, Villages d'Avenir) répondent "partiellement" aux besoins, mais nécessitent plus de réactivité et une adaptation aux réalités locales.
      • Déclin des productions locales et des services de proximité : La perte de production à l'usage des habitants entraîne une disparition des services essentiels (boulangerie, épicerie, médecin), augmentant la solitude et les coûts pour les collectivités.

      3. Initiatives et Modèles de Réussite

      Les témoignages des acteurs de terrain ont mis en évidence la capacité des territoires ruraux à innover et à se développer grâce à des initiatives locales fortes et à la coopération :

      Société d'Économie Mixte (SEM) en Lozère (Roger Cruis) :

      • Modèle pluridisciplinaire : Activités diversifiées (tourisme, portage immobilier professionnel, accompagnement des collectivités).
      • Synergie élus-économique : La SEM "allie la compétence et la proximité des élus et la performance et la recherche de performance des dirigeants et du monde économique".
      • Coopération locale : Nécessité d'une "ligne de conduite partagée par tous les acteurs" (services de l'État, collectivités, chambres de commerce).
      • Proactivité : Initiatives de la SEM pour le logement étudiant, la formation aux métiers du thermalisme et la construction de bâtiments partagés.
      • Atout de la fibre optique : La Lozère, fibrée à 99%, voit la fibre comme un "vrai atout et une vraie valeur ajoutée" pour attirer entreprises et habitants.
      • Entreprise INFACO dans le Tarn (David Elmas) :
      • Ancrage territorial fort : "On a des racines qui nous poussent sous les pieds", fierté de développer l'économie locale et de participer à la vie du village.
      • Innovation et fabrication locale : Inventeur du sécateur électrique, l'entreprise innove, fabrique et assemble 100% de ses sécateurs à Caylusac-sur-Vère.
      • Philosophie d'achats locaux : Priorité aux entreprises locales, régionales et nationales.
      • Défis transformés en opportunités : Malgré les difficultés de foncier et d'internet, l'entreprise a investi (fibre optique, bornes électriques) pour maintenir et développer son activité, soulignant l'importance de "faciliter la tâche" aux entreprises.
      • Culture d'entreprise familiale : Forte relation avec les collaborateurs, climat de confiance et d'écoute, "vie d'entreprise simple, vraie, véritable".
      • Conseil de Développement de Beaujovalley (Dominique Alombus) :
      • Démocratie participative : Le Codev, "un petit CES", proactif dans l'élaboration du Plan Climat Air Énergie Territorial (PCAET).
      • Projet d'Alimentation Territoriale (PAT) : Réduction de l'empreinte carbone, soutien à l'emploi et au savoir-faire locaux, commande publique (cantines scolaires) pour soutenir les filières locales.
      • Mobilisation des acteurs : Travail avec la Chambre de Commerce, la Chambre d'Agriculture, l'hôpital, les communes, les associations, les habitants.
      • Participation citoyenne : Réunions et visites à l'initiative du Codev, diagnostic partagé, création d'un guide des producteurs, forums professionnels, ateliers anti-gaspillage.
      • Origine des initiatives : "C'est vraiment partie des habitants et particulièrement d'un agriculteur en bio". Le Codev vise à "anticiper pour ne pas subir".
      • Le Jeu de la Dombe (Monique Michel) :
      • Objectif de lien social : Favoriser l'interconnaissance des habitants sur un territoire morcelé (36 communes, 39 000 habitants).
      • Conception participative : "Tous les habitants ont construit les jeux, les questions du jeu", lors de réunions participatives qui ont elles-mêmes créé du lien.
      • Diffusion large : Distribution gratuite dans les écoles, médiathèques, centres sociaux, mairies, pour toucher tous les publics et notamment les nouveaux arrivants.
      • Le Jardin d'Arvieux, Tiers-Lieu Villageois en Aveyron (Perrine Vigrou) :
      • Démarche participative "Harvieux 2020" : Démarrée en 2014 par la mairie pour relancer l'attractivité et faire face au déclin démographique.
      • Coopération public-privé : Partenariat entre la mairie et la coopérative LITiS (entreprise numérique installée dès 1998) pour créer et gérer le tiers-lieu.
      • Services intégrés : Médiathèque, cyberbase, inclusion numérique, Maison France Services, services aux associations, offre de coworking, formation, habitat passerelle, séjours immersifs pour les candidats à la vie rurale.
      • Synergie entre anciens et nouveaux habitants : Les nouveaux arrivants sont "force de proposition et porteur de ces nouveaux projets".
      • Animation territoriale : Nécessité d'animateurs sur le terrain pour "produire les bonnes conditions de coopération entre des acteurs différents" et réguler les conflits.
      • Projet Terra en Lot-et-Garonne (Frédéric Bosquet) :
      • Expérimentation sur 10 ans : Visant la revitalisation des "12 000 communes rurales en train de mourir".
      • Approche intégrée : Relocalisation de la production (ferme en permaculture), distribution (épicerie de producteurs), énergies renouvelables (SCIC), mobilité partagée, écoconstruction.
      • "Quartier rural en transition pilote" : Construction avec des matériaux locaux, centre d'écoconstruction et de formation pour reproduire le modèle.
      • Financement patient et solidaire : Processus allant des dons de temps des volontaires aux dons défiscalisables, subventions des collectivités, puis investissements à "capitaux patients, intérêts modérés" pour réinjecter les bénéfices dans le territoire.
      • Gouvernance partagée : SCIC (Société Coopérative d'Intérêt Collectif) avec collectivités, entreprises, associations, partenaires financiers.

      4. Recommandations et Perspectives

      Plusieurs pistes de réflexion et d'action émergent de ces échanges :

      • Développer la coopération et la concertation : Renforcer les dispositifs de démocratie participative (Conseils de Développement) en amont des projets pour partager les visions et renforcer l'acceptabilité.
      • Adapter les politiques publiques : Les territoires ruraux "doivent être des vrais laboratoires" et "être traités différemment" des milieux urbains, avec des dispositifs fiscaux, immobiliers et administratifs spécifiques, plus réactifs et moins "inertiels".
      • Soutenir l'économie locale diversifiée : Encourager la réindustrialisation maîtrisée, valoriser les productions locales, faciliter la transmission des entreprises.
      • Investir dans les services de proximité : La question des services (santé, éducation, mobilité, culture, commerces) est "au centre de l'avenir des territoires ruraux". Les Maisons France Services sont un exemple positif de "remettre de l'humain au cœur des services".
      • Changer le récit de la ruralité : Sortir du "récit de l'abandon" et de la "culture de handicap" pour promouvoir l'attractivité et le dynamisme des territoires ruraux, essentiels pour attirer et retenir les talents.
      • Favoriser les modèles de financement innovants : Rechercher des capitaux "patients à intérêt modéré" pour soutenir des projets à long terme qui génèrent de la valeur économique, sociale et écologique.
      • Prendre en compte les enjeux de ségrégation sociale : Les conflits d'usage dans les territoires ruraux sont de plus en plus liés à des dynamiques de classes sociales. Une meilleure compréhension de ces dynamiques est nécessaire pour une gestion apaisée du "bien vivre ensemble".

      Conclusion

      La ruralité française n'est ni figée ni uniforme, mais un "cœur battant de notre économie et de notre souveraineté alimentaire", un "atout puissant pour permettre la transition écologique".

      Les initiatives citoyennes et la coopération entre tous les acteurs locaux sont les moteurs essentiels de son dynamisme. Il appartient aux politiques publiques de les soutenir efficacement en adaptant les cadres existants et en facilitant l'émergence de nouveaux modèles, pour que la ruralité puisse pleinement jouer son rôle dans la société de demain. "Le pays a besoin de sa ruralité."

    1. Ce document est un compte rendu détaillé de la session plénière du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) consacrée à un projet d'avis intitulé "La protection de l’enfance est en danger : les préconisations du CESE".

      Il met en lumière les discussions, les constats alarmants, et les propositions concrètes visant à améliorer la protection de l'enfance en France.

      Thèmes Principaux et Idées Clés :

      Le Rôle du CESE et la Participation Citoyenne :

      • Le CESE est la troisième assemblée mentionnée dans la Constitution, aux côtés de l'Assemblée Nationale et du Sénat. Il conseille le gouvernement et le Parlement dans l'élaboration des lois et politiques publiques, et est devenu récemment une "chambre de la participation citoyenne".
      • Il est le lieu où "s’organise le débat avec les représentants de la société civile organisée et avec les citoyens", un "lieu de rencontre de tous nos horizons et de toutes nos sensibilités", et un "lieu de recueil de toutes les voix des espoirs et des préoccupations".
      • Les citoyens peuvent saisir directement le CESE via une pétition. Si elle recueille plus de 150 000 signatures, le Conseil est "obligatoirement" tenu d'étudier le sujet et peut émettre un avis au Gouvernement ou au Parlement. Même sans atteindre ce seuil, les pétitions peuvent retenir l'attention du Conseil.
      • Le CESE a quatre missions principales : conseiller le gouvernement et le Parlement, favoriser le dialogue social, évaluer l'efficacité des politiques publiques, et renforcer la démocratie participative. Il utilise des méthodes participatives comme le tirage au sort de citoyens et les conventions citoyennes.

      La Crise de la Protection de l'Enfance :

      • Le constat central est que "la protection de l’enfance est en danger". Malgré plusieurs lois protectrices (2007, 2016, 2022) et un cadre législatif globalement solide, leur application est "plus que problématique".
      • Chiffres alarmants : 350 000 à 380 000 mineurs sont suivis au titre de la protection de l'enfance, une augmentation de 17% entre 2007 et 2022. Environ 10% des enfants dans les pays à haut revenu seraient maltraités. Le coût pour la santé du cumul d'événements traumatisants durant l'enfance a été estimé à 34 milliards d'euros en 2019.
      • Les enfants pris en charge sont "surreprésentés parmi les mineurs ou jeunes majeurs délinquants". Il y a un passage "quasi sans transition de la protection de l'enfance à la protection judiciaire de la jeunesse".
      • La crise est due à un manque criant de moyens humains et financiers, une faible attractivité des métiers du secteur (jusqu'à 40% de postes vacants), et une "très grande disparité de volonté politique et de moyens selon les départements". La "non-exécution des décisions de justice est un problème récurrent".
      • 2000 enfants, dont près de 500 de moins de 3 ans, étaient "dans la rue en août 2024" (UNICEF). Plus de 70% des juges des enfants ont "renoncé à un moment souvent ou moins souvent à prendre des décisions de placement d'enfants en danger faute de solution".
      • Causes et Conséquences des Dysfonctionnements :
      • Désorganisation Institutionnelle et Disparités Territoriales : L'État est "totalement désengagé de la politique de la protection de l'enfance". Il manque de données statistiques consolidées au niveau national, ce qui "organise la cécité de l'État et organise l'invisibilité des bénéficiaires".

      • Problèmes de Santé et Scolarité : Les enfants victimes de violence ou de négligence grave ont une espérance de vie réduite de 20 ans. Moins de 30% d'entre eux ont un bilan de santé global à l'entrée dans le dispositif de protection, et moins de 10% ont un suivi effectif. La déscolarisation est fréquente chez les enfants placés.

      • Non-Respect des Droits de l'Enfant : Les droits fondamentaux tels que vivre en famille, respecter les liens d'attachement, l'intimité, l'accès à la scolarité et aux soins, et être protégé contre toute violence, ne sont pas respectés. Le "projet pour l'enfant" (PPE), document personnalisé obligatoire depuis 2007, est "trop peu mis en place".
      • Professionnels en Souffrance : "La crise d'attractivité des métiers est la pierre angulaire de la crise de la protection de l'enfance." Les professionnels sont "fatigués", en "perte de sens", subissent des "coupes budgétaires" et manquent de formation et de valorisation.
      • Préconisations du CESE :

      Gouvernance et Coordination :

      • Rendre effective la collecte de données : Demander au GIP France Enfance Protégée de réaliser annuellement un état des lieux des besoins, capacités d'accueil et mesures non exécutées.
      • Réaffirmer le rôle de l'État : Mettre en place tous les deux ans une stratégie interministérielle de prévention et de protection de l'enfance.
      • Contractualisation État-Départements : Mettre en place une politique de contractualisation pour suivre et évaluer la politique publique, avec une péréquation financière pour réduire les inégalités.
      • Coordination locale : Organiser le suivi et la coordination via les comités départementaux pour la protection de l'enfance (CDPE).

      Amélioration de la Protection :

      • Rendre effectif le Projet Pour l'Enfant (PPE) en en faisant une condition préalable à la contractualisation.
      • Multiplier les dispositifs de soutien aux parents et redonner aux intervenants de proximité (PMI, services sociaux, éducation nationale) leur capacité à remplir leurs missions de prévention.
      • Définir un plan de formation sur la protection de l'enfance commun à tous les professionnels "sentinelles" (enseignants, éducateurs, soignants).
      • Diversifier les modes de prise en charge : Multiplier les petites unités de vie, renforcer les actions éducatives en milieu ouvert, et réduire le nombre d'enfants suivis par travailleur social.
      • Pour les enfants à double vulnérabilité (handicap) : Systématiser une convention entre l'aide sociale à l'enfance, les MDPH et l'ARS, et développer des lieux de prise en charge pluriprofessionnels.

      Respect des Droits de l'Enfant :

      • Prévoir l'assistance systématique d'un avocat spécialisé pour les enfants en situation de protection.
      • Donner un statut, une formation obligatoire et un certificat de compétence à l'administrateur ad hoc.
      • Aucune distinction entre les mineurs non accompagnés (MNA) et les autres mineurs dans la prise en charge.
      • Rendre effectif l'accompagnement des jeunes sortant de l'ASE jusqu'à 21 ans, avec un contrôle de l'IGAS.
      • Charger une autorité nationale indépendante du contrôle des structures d'accueil, avec un droit d'accès à tout moment et une information aux enfants de ce droit.

      Soutien aux Professionnels :

      • Sécuriser la prise en charge des enfants et garantir aux professionnels des conditions de travail normalisées (taux d'encadrement, nombre de mesures suivies).
      • Reprendre les préconisations des avis du CESE de 2022 sur les métiers de la cohésion sociale et les métiers en tension (rémunération, formation).
      • Engager un travail spécifique sur l'accompagnement et le parcours professionnel des professionnels prenant en charge la souffrance humaine, avec valorisation des acquis de l'expérience.

      Citations Clés :

      • "Le CESE, c'est donc le lieu où s'organise le débat avec les représentants de la société civile organisée et avec les citoyens. C'est le lieu de rencontre de tous nos horizons et de toutes nos sensibilités. C'est un lieu de recueil de toutes les voix, des espoirs et des préoccupations et ça c'est unique."
      • "La protection de l'enfance est en danger."
      • "Le coût pour la santé du cumul d'événements traumatisant durant l'enfance a été estimé à 34 milliards d'euros en 2019."
      • "Les professionnels du secteur souffrent d'un manque de formation avec une très faible attractivité de leur métier... ainsi que d'un manque de financement face à des besoins pourtant croissants."
      • "L'État a complètement lâché le navire, complètement lâché le sujet." (Élisabeth Tomé Gtinrich)
      • "Il ne se passe pas une semaine sans que des maltraitances, des violences ou des dysfonctionnements soient relevés dans les gros titres de la presse." (Angéline Bart)
      • "La protection de l'enfance manque de moyens humains, ces métiers sont en forte pénurie de personnelle et les professionnels sont en perte de sens de travail." (Angéline Bart)
      • "Le sort d'un enfant finalement peut être très différent suivant le lieu d'un côté ou de l'autre d'une frontière territoriale où il habite." (Anne Devrez)
      • "La crise d'attractivité des métiers, c'est la pierre angulaire de la crise de la protection de l'enfance." (Stéphane Troussel)
      • "40% des sans-domicile fixe qui ont moins de 25 ans sont passés par l'aide sociale à l'enfance." (David Beauvois)
      • "Un enfant placé qui a vécu des traumatismes a en moyenne 20 ans d'espérance de vie en moins par rapport à d'autres enfants." (Céline Greco)
      • "Entre la loi, les acteurs, les faits divers, il y a le silence des enfants." (Josiane Bigot)
      • "Ne pas avoir de statistique, c'est organiser la cécité de l'État et c'est organiser l'invisibilité des bénéficiaires." (Élisabeth Tomé Gtinrich)
      • "Il faut que la protection de l'enfant devienne l'affaire de tous et que chacun dans sa vie se sente concerné par cette question." (Rapporteurs)

      En conclusion, ce briefing met en évidence l'urgence d'une refonte profonde de la politique de protection de l'enfance en France.

      Il souligne la nécessité d'une action concertée de l'État, des départements et de la société civile pour garantir le respect des droits fondamentaux de chaque enfant, en s'appuyant sur des professionnels mieux formés, mieux rémunérés et mieux accompagnés, et en assurant une gouvernance transparente et efficace.

    1. Note de synthèse : Sortir de la Crise Démocratique - Rapport Annuel sur l'État de la France 2024

      Introduction

      • Ce briefing document synthétise les thèmes principaux, les idées clés et les faits les plus importants issus du rapport annuel du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur l'état de la France 2024, intitulé "Sortir de la crise démocratique".

      Il s'appuie également sur une grande enquête menée avec l'Institut Ipsos et les discussions tenues lors de sa présentation.

      Le rapport et les débats mettent en lumière les préoccupations majeures des Français et proposent un diagnostic des défis démocratiques du pays, soulignant le rôle crucial du CESE en tant que "troisième assemblée" et lieu de "participation citoyenne".

      1. La Crise Démocratique et l'Impact des Inégalités

      Le rapport dresse un tableau alarmant de la "crise démocratique" en France, qu'il juge "forte et multifactorielle".

      Cette crise est intrinsèquement liée à la prolifération et à l'accentuation des inégalités dans la société française.

      Multiplicité des Inégalités : Les sources soulignent la présence d'inégalités à plusieurs niveaux :

      • Pouvoir d'achat et revenus : C'est une préoccupation majeure. Près d'un Français sur deux (45%) déclare ne pas pouvoir couvrir ou couvrir tout juste ses besoins essentiels, un chiffre qui monte à 78% pour les chômeurs, 77% pour les habitants des territoires ultramarins, et 72% pour les familles de trois enfants ou plus. Jacques Cressel souligne que "près d'un Français sur deux ne couvre pas ou couvre tout juste ses besoins essentiels en matière de consommation quotidienne".
      • Accès aux services : L'accès au logement (58% de difficulté perçue) et aux soins de santé (première préoccupation personnelle des Français à 40%) est particulièrement problématique. François de Rugy, président de la Fédération nationale des associations d'usagers de transport, évoque la difficulté des transports en zone rurale et Antoine G. président de France Nature Environnement, met en lumière les injustices environnementales et sociales. Jean-Pascal Thomas, du groupe des associations, témoigne de communes rurales sans médecins.
      • Éducation, territoires, genre et générations : Le rapport pointe des inégalités à l'école (manque de mixité sociale), des disparités territoriales en richesse et accès aux soins (par exemple, la différence d'espérance de vie de 6 ans entre le nord et le sud de Paris le long du RER B), et des inégalités persistantes entre femmes et hommes, ainsi qu'entre générations. Josianne Bigot met en évidence les "absents des sondages" que sont les enfants, dont trop vivent sous le seuil de pauvreté.
      • Conséquences sur la Démocratie : Ces inégalités ont un effet structurant sur le système démocratique, érodant la confiance dans les institutions et le "vivre ensemble". Cynthia Fleury, philosophe, insiste sur le lien entre l'expérience des inégalités et l'adhésion démocratique, citant des études mondiales et françaises qui "convergent tous pour dénoncer un lien extrêmement fort entre inégalités socio-économique et inégalité ressenti d'égalité et la question de l'adhésion démocratique".

      Elle ajoute que "la concentration de la richesse et des revenus... a conduit à un sentiment d'injustice sociale très fort qui érode la confiance dans les institutions démocratiques et réduit la participation politique." Le sondage Ipsos révèle que "plus vous avez accès à des services, plus vous faites confiance en la démocratie... inversement, un moindre accès à ces services-là délite la démocratie." Mael Nisan, présidente de la FAGE, souligne que "les jeunes n'auront pas confiance envers le système" si l'État ne leur fait pas confiance. * Déconnexion et Défiance : Le sentiment que les responsables politiques sont "déconnectés des réalités des citoyens" est partagé par 76% des Français. Eric Chenu, président de la Mutualité Française, évoque une société "démantelée petit à petit parce qu'on... a rendu technique un certain nombre de questions qui sont éminemment politiques." Patricia Drevon, de Force Ouvrière, rappelle l'importance de la démocratie sociale et de la négociation collective. * Pessimisme et Optimisme Relatif : Si les Français sont majoritairement optimistes quant à leur avenir personnel (82% de satisfaction moyenne sur leur bien-être), ils sont nettement plus pessimistes concernant l'avenir de la France et de la planète.

      Patrick Martin, président du MEDEF, appelle à ne pas auto-alimenter un "pessimisme Crass" et rappelle les initiatives positives en France, comme la création d'entreprises. Cependant, Maël Nisan et Claire Touri rappellent qu'il ne faut pas "confondre pessimisme et réalisme".

      2. Le Rôle du CESE et la Démocratie Participative

      Le CESE se positionne comme un acteur essentiel pour "sortir de la crise démocratique" en renforçant la démocratie participative et en assurant le lien entre les pouvoirs publics et la société civile.

      • La "Troisième Assemblée" : Le CESE est la "troisième assemblée citée dans la Constitution", après l'Assemblée Nationale et le Sénat. Son rôle historique est de conseiller le gouvernement et le Parlement, mais il est "plus récemment... aussi devenu la chambre de la participation citoyenne."
      • Voix de la Société Civile : Le CESE est composé de "femmes et d'hommes de terrain qui travaillent dans des entreprises, des syndicats, des organisations patronales, des associations ou des ONG", représentant une "sorte de mini France".

      Il est le "lieu où s'organise le débat avec les représentants de la société civile organisée et avec les citoyens."

      Marie-Lise Léon, secrétaire générale de la CFDT, insiste sur l'importance de "rendre visible ces millions de personnes" qui ne rentrent pas dans les statistiques macro. François Asselin, président de la Confédération des petites et moyennes entreprises, défend le CESE en affirmant que "si on le fout en l'air, on se dira, c'était quand même mieux avant." * Missions et Contribution : Le CESE a quatre missions principales : conseiller le gouvernement et le Parlement, favoriser le dialogue social, évaluer les politiques publiques et renforcer la démocratie participative. Des exemples concrets de propositions du CESE ayant eu un impact sont cités, comme la "garantie jeune" et les dispositifs d'alerte pour les violences faites aux femmes. * Pétitions Citoyennes : Les citoyens peuvent soumettre une pétition au CESE dès l'âge de 16 ans. Si elle recueille plus de 150 000 signatures, le Conseil "doit obligatoirement étudier le sujet".

      Même sans atteindre ce seuil, une pétition peut retenir l'attention du Conseil. * Méthodes Participatives : Le CESE utilise des méthodes participatives telles que le tirage au sort de citoyens, l'organisation de conventions citoyennes ou les consultations en ligne.

      Claire Touri, rapporteure du rapport, souligne que "participation ne veut pas dire consultation, c'est bien de coconstruction dont il s'agit." Elle ajoute que "les citoyens n'ont jamais été aussi éduqués, informés, connectés ; ils veulent participer davantage."

      3. Les Solutions Proposées et les Défis à Relever

      Le rapport et les débats identifient des pistes pour "sortir de l'urgence" et "retrouver du pouvoir d'agir", en mettant l'accent sur la proximité, la co-construction et une vision à long terme.

      • Bataille de la Proximité : Claire Touri invite à une "approche plus rosenvalonienne de la société" et à "engager une bataille de la proximité".

      Il est crucial d'apporter des "réponses ciblées" aux situations diverses, car "construire des réponses trop macro empêche d'appréhender finement le vécu, les aspérités et donc d'apporter des solutions adaptées aux besoins des individus."

      Dominique Charger, président de la coopération agricole, insiste sur l'importance de l'ancrage et des "réalités vécues". * Reconstruire la Confiance et le Sens Commun : La demande d'écoute et de considération est "extrêmement forte" chez les Français.

      Il est essentiel de "retisser le lien" entre l'action publique et les citoyens.

      Laurent Escure, secrétaire général de l'UNSA, met en avant le besoin d'une "fabrique de commun et de commodités" pour réduire les fractures sociales et territoriales. Noël Léandri, président du collectif Alerte, souligne le "besoin de dignité pour nourrir notre cohésion sociale." * Dette Publique et Investissement Stratégique : La dette publique est une "préoccupation majeure" pour les Français. Le rapport suggère de l'utiliser pour des "politiques structurelles" et pour "investir" plutôt que pour couvrir des dépenses de fonctionnement. Jacques Landriot, président de la Confédération des Scops et des Scop, cite une étude sur la transition écologique montrant que "ne pas investir dans la transition écologique pourrait coûter plus cher que de le faire." Jean-Charles Deschamp, du groupe des associations, appelle à aborder la "réforme fiscale" sans tabou. * Importance de l'Éducation et du Travail : L'éducation est perçue comme un "outil de lutte contre les inégalités" (27% des sondés). Le travail et l'emploi sont également "toujours extrêmement valorisé par les Français", comme des "leviers d'insertion" et des ressources économiques déterminantes. * Interdépendance et Coopération : Marie-Lise Léon met en avant l'importance de l'"interdépendance entre acteurs de la société civile" et avec les acteurs politiques et économiques. Patrick Livet, président de France Tiers-Lieu, souligne que "personne n'a la réponse tout seul" et que les crises sont "communes" et "se rejoignent". Marc Clamel, présidente de la CoFaC, insiste sur le fait que "l'intérêt général ne se décrète pas, qu'il se construit pas à pas avec les intérêts individuels, les intérêts collectifs pour aboutir à l'intérêt général." * Politisiser la Société : Claire Touri appelle à passer d'une société engagée à une société "beaucoup plus politisée", non pas au sens partisan, mais en développant "une approche plus systémique" et en créant des "espaces où s'expriment les désaccords", car "ce n'est pas grave de ne pas être d'accord".

      Sylvain Boucherin, de l'association Humanité Biodiversité, évoque une "inquiétude" sur le fait que la transition écologique aura un coût, mais aussi un "point positif" sur la capacité de la biodiversité à repartir.

      Conclusion

      Le rapport et les discussions soulignent l'urgence d'une refonte du contrat social français, axée sur la lutte contre les inégalités, le renforcement de la démocratie participative et une approche holistique des défis.

      Le CESE, en tant qu'instance unique de dialogue entre la société civile et les pouvoirs publics, se positionne comme un acteur central pour initier ces transformations, en encourageant l'écoute, le respect et la co-construction des solutions adaptées aux réalités des citoyens.

    1. Ce document est un compte rendu détaillé des discussions et des propositions issues de la session du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) consacrée aux violences faites aux femmes, en particulier dans les Outre-mer. Il met en lumière les rôles du CESE, l'ampleur du problème des violences, les obstacles à leur éradication, les initiatives de la société civile, et les axes d'amélioration des politiques publiques.

      Rôle et Missions du CESE Le CESE est présenté comme la "troisième assemblée citée dans la Constitution" après l'Assemblée Nationale et le Sénat. Sa mission principale est de "conseiller le gouvernement et le Parlement dans l'élaboration des lois et des politiques publiques". Plus récemment, il est également devenu la "chambre de la participation citoyenne", agissant comme un "trait d'union entre les pouvoirs publics et la société civile".

      Les quatre missions principales du CESE sont :

      Conseiller et éclairer le gouvernement et le Parlement. Favoriser le dialogue social et la recherche de consensus. Contribuer à évaluer l'efficacité des politiques publiques. Prendre le pouls des régions en lien constant avec les CESER. Le CESE a également pour mission de "renforcer la démocratie participative en permettant aux citoyens de faire entendre leur voix". Les citoyens peuvent saisir le CESE via pétition, et si elle recueille plus de 150 000 signatures, le Conseil est "obligatoirement" tenu d'étudier le sujet.

      Ampleur et Spécificités des Violences dans les Outre-mer Les statistiques et témoignages révèlent une situation alarmante :

      En 2023, 96 féminicides sur 119 décès au sein des couples et 451 tentatives d'homicide en France, chiffres en "hausse constante depuis 2019". Un viol ou une tentative de viol "toutes les 2 minutes et demi" en France. Les violences faites aux femmes sont "toujours aussi prégnantes dans le monde et en France", et les Outre-mer ne font "pas exception, bien au contraire". Entre 2017 et 2023, le nombre de féminicides a augmenté dans les Outre-mer, tout comme les violences sexuelles et psychologiques, y compris dans la sphère professionnelle. "11% des féminicides interviennent dans les territoires ultramarins qui ne concentrent que 4% de la population". Les taux de morts violentes au sein du couple placent la Guyane, la Nouvelle-Calédonie, et la Polynésie française comme "les territoires ayant les niveaux de violence les plus élevés en France". Forte augmentation des violences psychologiques, pour lesquelles les campagnes de prévention sont "quasi inexistantes". Un enfant est tué "tous les 6 jours au sein de sa famille" en France, et "160 000 sont agressés sexuellement chaque année". Plusieurs facteurs aggravants et spécificités sont soulignés pour les Outre-mer :

      Contexte socio-économique : "creusement des inégalités familiales, sociales et économiques", "taux des familles monoparentales", "revenus très bas". "Un enfant sur deux à la Réunion vit dans un foyer pauvre, 37% de la population vit en dessous du seuil de pauvreté." Culture patriarcale : "culture patriarcale de domination masculine toujours très enracinée", "tabou" autour de l'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle. Spécificités géographiques et sociales : "interconnaissances plus fortes" sur les îles rendant la dissimulation des violences plus facile, difficultés de fuite dues à l'éloignement ("océan tout autour"). Poids des coutumes : En Nouvelle-Calédonie, le "statut civil coutumier" rend la situation des femmes particulièrement difficile. Une femme mariée coutumièrement "est mariée à un clan", et si elle part, c'est "sans ses enfants parce qu'en fait ses enfants appartiennent au clan". Le divorce est également complexe, nécessitant l'accord des deux clans. Méconnaissance des formes de violence : Beaucoup de femmes ne réalisent pas qu'elles sont victimes, surtout pour les violences psychologiques et économiques. Obstacles et Défis à la Lutte Plusieurs obstacles majeurs sont identifiés :

      Manque de financement : Les associations sont le "premier acteur de terrain", mais manquent cruellement de moyens financiers et de "visibilité à moyen terme". Des exemples concrets sont donnés sur l'annulation de formations faute d'inscrits, ou l'absence de versement des subventions annuelles. Manque de cohérence et de coordination : Les actions sont souvent "ponctuelles", il manque une "grosse dose de cohérence, coordination, coopération". Données lacunaires : Les données sur les violences sont "trop éparses et incomplètes", ce qui "montre en creux l'absence de vision globale et de coordination des politiques publiques". Accès insuffisant aux droits et à la protection : Les victimes ont un "accès insuffisant au droit". Le manque de places d'hébergement est criant, forçant des femmes à "dormir dans leur voiture". Le 115 est "saturé". Méconnaissance des outils existants : Les "lois sont méconnues", y compris des acteurs de terrain. L'ordonnance de protection est "très peu utilisée". Implication inégale des élus locaux : "La prise de conscience des élus [...] est très inégale et elle est souvent insuffisante pour faire bouger les choses". Formation insuffisante des professionnels : Malgré des formations dispensées, elles restent "très inégales d'un territoire à l'autre". Les encadrants d'enfants, par exemple, ne sont pas toujours formés, ce qui "dilue" l'impact des actions de sensibilisation. Adaptation des outils nationaux : Des dispositifs comme le 3919 sont "totalement inadaptés à la diversité des populations ultra-marines" (langue, horaires, interconnaissance). Initiatives et Solutions Proposées Plusieurs pistes et actions sont suggérées :

      Soutien aux associations : Reconnaître leur rôle "primordial" et leur accorder des "moyens pérennes" et des "financements à hauteur des besoins", connus "tôt dans l'année". Prévention et éducation : Développer la "prévention dès le plus jeune âge", notamment via l'éducation à la vie affective, relationnelle et sexuelle (EVARS), obligatoire mais non appliquée partout. Il faut "rompre avec les stéréotypes sexistes" et "adapter les messages aux populations locales". Amélioration des données et observatoires : Étendre les enquêtes "Virage" à l'ensemble des territoires et alimenter un "observatoire national dédié aux violences faites aux femmes dans les Outre-mer" pour disposer de "chiffres fiables et homogènes". Renforcement de la coordination : Création de "référents dans un peu toutes les administrations et aussi des associations qui montent en compétence sur l'écoute des femmes victimes de violence". Importance des "délégations régionales aux droits des femmes" si elles sont dotées de moyens suffisants. Formation des professionnels : Renforcer la "formation initiale et continue des professionnels" (gendarmes, intervenants sociaux, magistrats, personnel de santé, élus). Décloisonnement de la justice : Les "pôles violences intrafamiliales" visent à spécialiser les magistrats et à favoriser les échanges entre les différents acteurs judiciaires pour une prise en charge globale. Lois et politiques publiques ambitieuses : Nécessité d'une "loi cadre" similaire à la loi intégrale espagnole pour une approche globale et coordonnée. Les plans pluriannuels d'investissement ("PPI") et les "contrats de convergence et de transformation" devraient inclure des "financements pluriannuels fléchés" pour la lutte contre les violences. Mobilisation de la société civile : Impliquer davantage les élus locaux, les organisations patronales, syndicales, et les associations. Le CESE lui-même peut servir de lieu de "débat avec les représentants de la société civile organisée et avec les citoyens". Innovation technologique et outils de protection : Utilisation d'outils comme "Mémo de vie" (coffre-fort numérique), le "bouton Monchérif" (alerte géolocalisée), le "sifflet anti-relou" (interpellation de l'entourage). Sensibilisation et médiatisation : L'importance de montrer la "cruauté" des violences pour "faire comprendre l'ampleur" et inciter à la dénonciation. Conclusion Le CESE, sept ans après son premier avis en 2017, réitère son appel aux pouvoirs publics. La résolution actuelle, fruit d'un travail collaboratif et de l'écoute des acteurs de terrain, souligne l'urgence d'une "volonté politique" forte et de "moyens dédiés" pour enrayer ce fléau. Le consensus général est que les violences faites aux femmes sont "un coût humain individuel et collectif aussi dramatique qu'inacceptable", et qu'il est "l'affaire de toutes et de tous" de les combattre. La résolution, adoptée à l'unanimité (111 votants, 111 voix pour), est un appel clair à l'action.

    1. Synthèse : La Restauration de la Nature – Face à l'Urgence, Donnons l'Envie d'Agir * Ce briefing se base sur les discussions et le projet d'avis du Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) intitulé "La restauration de la nature : face à l'urgence, donnons l'envie d'agir". Il met en lumière le rôle du CESE, les enjeux cruciaux de la restauration de la nature, les défis et les propositions concrètes pour une action efficace, ainsi que les divers points de vue exprimés par les groupes d'intérêts.

      1. Le CESE : Un Trait d'Union et un Moteur de Démocratie Participative

      • Le CESE est présenté comme un acteur clé de la démocratie française, servant de "trait d'union entre les pouvoirs publics et la société civile". Composé de 175 conseillers issus de divers horizons (entreprises, syndicats, associations, ONG), il est une "sorte de mini France réunie dans un hémicycle où tous les points de vue se rencontrent", permettant des débats inattendus, comme entre "des chasseurs [qui peuvent] discuter et débattre avec des défenseurs des oiseaux".

      Ses missions principales sont :

      • Conseil et éclairage : Conseiller et éclairer le gouvernement et le Parlement dans l'élaboration des politiques publiques.
      • Dialogue social : Favoriser le dialogue social et la recherche de consensus.
      • Évaluation : Contribuer à évaluer l'efficacité des politiques publiques.
      • Lien territorial : Prendre le pouls des régions via les CESE régionaux.
      • Démocratie participative : Renforcer la démocratie participative, notamment par le tirage au sort de citoyens, l'organisation de conventions citoyennes ou les consultations en ligne.

      Les citoyens peuvent saisir le CESE via une pétition de plus de 150 000 signatures. * Des exemples concrets de l'impact du CESE sont cités, tels que la "garantie jeune" ou les "dispositifs d'alerte pour lutter contre les violences faites aux femmes".

      2. L'Urgence de la Restauration de la Nature : Constats et Enjeux

      • Le projet d'avis sur la restauration de la nature est une réponse directe à une urgence environnementale majeure et aux objectifs du règlement européen de 2024.

      Constats alarmants :

      • Perte de biodiversité : La perte de biodiversité se poursuit à un rythme alarmant, sous l'effet du réchauffement climatique, de la fragmentation des habitats, de l'artificialisation des sols, de la surexploitation et de la pollution.
      • Chiffres clés : "le nombre d'oiseaux a diminué de 25 % en 40 ans dans l'Union européenne et les données sont encore plus dramatique pour les insectes".

      Plus de "80 % des habitats européens sont dégradés". "85 % des zones humides ont disparu" dans le monde.

      La France a perdu "70 % de ses haies depuis 1950 [et] la moitié de ces zones humides entre 1960 et 1990". * Dépendance économique : Près de "50 % du PIB mondial repose sur la nature", et "80 % des emplois en France dépendent directement ou indirectement de la nature". * Santé humaine : Selon l'OMS, "23 % des décès et 25 % des pathologies chroniques dans le monde peuvent être attribués à des facteurs environnementaux et comportementaux."

      Objectifs et Définition de la Restauration :

      • Le règlement européen de 2024 fixe des objectifs "quantitatifs et contraignants" : "restaurer au moins 30 % des terres et des mers dégradées d'ici 2030 et l'ensemble des écosystèmes d'ici 2050".
      • La restauration vise un "état fonctionnel" plutôt qu'un "état originel" ou pré-industriel. "un chirurgien il ne va pas chercher à restaurer un état originel un os d'avant la fracture il va chercher à restaurer un état fonctionnel une capacité à marcher à nouveau bah pour la restauration de la nature c'est peu ou prou la même chose."
      • Elle comprend des actions "passives" (limitation des pressions comme le zéro artificialisation nette) et "actives" (actions ciblées).

      3. Les Défis et Freins à l'Action

      • Plusieurs obstacles entravent la mise en œuvre de la restauration :

      • Faible appropriation et fragmentation : Le plan national se heurte à une "faible appropriation [des enjeux], à une fragmentation des responsabilités et à un manque de moyens".

      • Moyens insuffisants : Les moyens financiers et humains pour la recherche, la mise en œuvre et le contrôle sont jugés insuffisants.
      • Absence de données : Le manque de données agrégées et de connaissances, notamment sur le milieu marin, est un défi, bien que "ce que l'on sait est suffisant pour agir".
      • Réticences des acteurs : Certains acteurs, comme les agriculteurs (concernant Natura 2000), expriment des réticences liées à la liberté entrepreneuriale ou à la méconnaissance des objectifs.
      • Financements problématiques : Les financements sont souvent insuffisants, et la CFDT s'oppose à la création de "nouvelles niches fiscales réduisant d'autant les recettes indispensables au services publics et bénéficiant aussi à de grands propriétaires fonciers".
      • Politiques incohérentes : "Il ne peut y avoir de politique de restauration de la nature efficace si en parallèle les pressions sur la nature ne sont pas durablement et significativement diminué." Des exemples de projets nuisibles (A69, Lyon-Turin) sont cités.

      4. Préconisations du CESE : Une Approche Pragmaticque et Collaborative

      • Le CESE propose 16 préconisations articulées autour de trois axes, privilégiant la mobilisation de l'existant plutôt que la création de nouvelles structures : "nous ne proposons pas de créer de nouvelles institutions, agences, de mettre en place un paquet de nouvelles réglementations non pour réussir ce vaste projet on s'est rendu compte que beaucoup de choses existait et presque tout était disponible déjà mais que il manquait de coordination de moyens et de diffusion sur le terrain".

      Axe 1 : Donner le cap et accompagner

      • Clarification et portage politique : L'État doit fournir un "cap clair" et un "renforcement de l'Association des parties prenantes".
      • Rôle des régions : Les régions doivent intégrer la restauration de la nature dans leurs outils de planification et de financement.
      • Guichet unique : Créer des "guichets uniques" locaux (via les agences régionales de la biodiversité ou leur équivalent) pour accompagner les porteurs de projets (diagnostic, mise en relation avec professionnels).

      Axe 2 : Embarquer les acteurs en faveur de la restauration de la nature

      • Partage de la corresponsabilité : "Embarquer ça veut dire être tous dans le même bateau face à l'urgence et travailler ensemble pour aboutir à quelque chose."
      • Sensibilisation et formation : Lancer une "grande campagne de communication et d'information" dès l'école, et développer des formations professionnelles.
      • Réduction des pressions : Réduire "durablement et significativement" les pressions sur la nature, notamment via la loi ZAN (Zéro Artificialisation Nette) et une meilleure application de la séquence "éviter, réduire, compenser".
      • Reconnaissance et valorisation : Mettre en place un label pour reconnaître le travail des acteurs de terrain (particuliers, propriétaires fonciers, entreprises, associations, collectivités).

      Axe 3 : Mobiliser outils et moyens

      • Outils existants : Rendre plus attractifs les outils juridiques et contractuels existants (contrats Natura 2000, Obligations Réelles Environnementales (ORE), baux ruraux à clause environnementale).
      • Différenciation et incitation : Différencier compensation et engagement volontaire, en incitant ce dernier.
      • Financements dédiés : Flécher des financements dédiés, notamment en abondant le Fonds Vert national, et explorer les financements privés (paiements pour services environnementaux, mécénat, certificats/crédits biodiversité).

      5. Messages Clés et Perspectives

      • Optimisme et action concrète : Malgré l'ampleur des défis, l'avis se veut optimiste : "La restauration de la nature ça fonctionne, ça se voit et ça peut embarquer les gens à cette objectif à cet engagement collectif."

      • Rôle du CESE : Le CESE prouve sa capacité à "co-construire avec les acteurs, par les acteurs, à partir du terrain", et à faire discuter des points de vue divergents.

      • Aller au-delà de l'utilité : Pour certains groupes, la nature ne doit pas être réduite à son utilité pour les humains : "elle possède une valeur intrinsèque non quantifiable en euros ou en pourcentage du PIB."
      • Cohérence des politiques publiques : Nécessité d'une "cohérence avec les territoires" et d'un "pilotage interministériel".
      • L'adoption de cet avis par une large majorité des votants (118 pour, 1 contre) souligne le consensus sur l'urgence et la pertinence des propositions, malgré quelques nuances ou désaccords sur des points spécifiques (ex: zonage Natura 2000, exemptions fiscales). La restauration de la nature est présentée comme "une stratégie sans regret" et une opportunité de construire "un monde plus juste, plus prospère et plus respectueux des générations futures".
    1. Compte-rendu détaillé de la matinée : L'IA, la voie citoyenne Date : [Non précisé, mais fait référence à des événements de 2023 et 2024] Lieu : Palais d'Iéna, siège du Conseil Économique Social et Environnemental (CESE) Organisateurs : CESE, Conseil National du Numérique (CNNum), en partenariat avec Make.org, The Future Society, Sciences Po, ENS.

      1. Introduction et Objectifs de la Matinée La matinée, organisée au CESE, assemblée de la société civile et de la participation citoyenne, vise à discuter de la place du citoyen dans l'intelligence artificielle (IA). L'événement s'inscrit dans la perspective du Sommet Mondial de Paris sur l'IA, avec pour ambition de donner la parole aux citoyens sur les impacts et les enjeux de l'IA.

      Points clés :

      • Rôle du CESE et du CNNum : Le CESE, en tant qu'assemblée de la société civile et de la participation citoyenne, est le lieu "tout à fait naturel" pour cet événement. Le CNNum prolonge ses "cafés IA" initiés en 2024, des moments d'écoute et de débat sur les enjeux de l'IA.
      • Objectif de l'événement : Donner la voix à ceux qu'on n'entend pas toujours, pour "exprimer leurs espérances et leurs craintes face au déploiement de l'IA et de regarder par le débat si nous pouvons trouver des réponses communes."
      • Contexte global de l'IA : L'IA est comparée à l'arrivée d'Internet dans les années 2000 et de l'électricité dans les années 1900, suscitant "les mêmes passions".
      • Nature de l'IA : L'IA est présentée comme "un objet social et politique résultant de choix collectif et humains avant même d'être un objet technologique", n'étant "ni porteuse de miracle ni de danger" en soi.
      • Enjeux des travaux du CESE : Mettre le sujet de l'IA "à hauteur de la société civile" en examinant les problématiques sociales : risques d'atteinte aux droits fondamentaux et libertés individuelles, empreinte environnementale, autonomie stratégique et souveraineté, impacts sur l'emploi, l'intégration en entreprise, les services publics, l'éducation, la santé, le handicap, et la garantie d'un accès au non-numérique.
      • Expertise d'usage : Nécessité d'apporter une "expertise d'usage" pour compléter les savoirs spécialisés et les stratégies politiques/commerciales, cruciale pour l'acceptabilité des mutations par les concitoyens.
      • Mission commune : L'IA ne doit pas se substituer à l'intelligence collective. L'objectif est de rendre l'IA "plus démocratique", pour que "les citoyens, les salariés, les administrés aient un poids dans les décisions et les calculs".
        1. Perspectives Gouvernementales et Institutionnelles
      • Clara Chappaz, Ministre déléguée chargée à l'Intelligence Artificielle et au Numérique :
      • Inclusivité du Sommet de Paris : Souligne l'importance de rendre le Sommet de Paris sur l'IA "le plus inclusif possible", en "embarquant la société civile" et en répondant aux questions des citoyens.
      • IA au service de l'intérêt général : L'objectif principal est de mettre cette technologie "au service de l'intérêt général".
      • IA : une question démocratique et politique : L'IA n'est pas seulement économique ou de compétitivité, mais une "question absolument démocratique et même politique".
      • Confiance comme ciment : "La confiance doit être le ciment du développement de cette technologie". Sans confiance, il n'y aura pas d'adoption de l'innovation.
      • Responsabilité collective : Nécessité d'une "responsabilité absolument collective" pour que l'IA ne devienne pas une source de "fracture sociale", "frustration" ou "fracture territoriale", mais un "outil de progrès".
      • Écoute des citoyens : Mentionne les "Cafés IA" du CNNum et les ateliers "élu.ai" comme exemples d'initiatives d'écoute et d'échange avec les Français sur leurs perceptions et craintes de l'IA.
      • Équilibre : Trouver un équilibre entre le développement de l'écosystème technologique (pour la souveraineté) et l'accompagnement des citoyens à l'adoption de l'IA, dans le respect des droits fondamentaux, des libertés individuelles, de l'égalité et des limites planétaires.
      • Valeurs françaises et européennes : Faire de la France une puissance de l'IA compatible avec son "socle de valeur" et les "spécificités de notre culture française et européenne".
        1. Témoignages Citoyens et Expériences Locales
      • Martine (citoyenne ayant participé à la commission temporaire sur l'IA au CESE) :
      • Expérience formatrice : Souligne une expérience "formatrice et révélatrice", malgré un sentiment initial d'"illégitimité".
      • Importance du dialogue : Les échanges enrichissants et la diversité des perspectives ont permis une meilleure compréhension des enjeux.
      • Rôle du CESE : Le CESE est une "passerelle où décideurs publics et de citoyens... peuvent se réunir et échanger équitablement", favorisant un dialogue inclusif et renforçant la légitimité des décisions.
      • IA comme outil : Réaffirme que l'IA "n'est ni une entité autonome ni véritablement intelligente", mais "un outil façonné par des humains".
      • Responsabilité collective : Insiste sur l'immense responsabilité des créateurs et utilisateurs de l'IA, et le rôle des décideurs publics dans la régulation et l'anticipation des dérives.
      • Axel Docher (Make.org) et Constance (The Future Society) sur la consultation publique :
      • Large participation : Plus de 11 000 participants et 120 000 votes, montrant un "haut niveau de compréhension" et des "points de convergence assez forts".
      • Vigilance active : Les citoyens sont "ouverts à l'IA" mais réclament une "vigilance très active sur son mise en application".
      • IA dans les services publics : Acceptation de l'IA dans les services publics (ex: diagnostics de santé), mais "point de rupture" sur la "décision humaine" : l'IA doit être un outil au service de la décision, non une substitution.
      • Rationalisation vs. Contribution : L'IA ne doit pas être exclusivement au service de la rationalisation des services, mais un élément contributeur.
      • Peurs démocratiques : Peur de l'IA utilisée pour la désinformation et la fragilisation de la démocratie.
      • Opportunité pour la démocratie : L'IA peut "renforcer le lien entre les citoyens et les processus démocratiques", notamment en "décomplexifiant le monde pour les citoyens".
      • Lien IA-Démocratie : "Il n'y aura pas d'innovation ouverte" et "pas d'IA au service du bien commun" sans démocratie.
      • Alice Rousset (Ville de Paris) :
      • Démarche progressive : La Ville de Paris a abordé l'IA par l'expérimentation pour améliorer les services publics (analyse espace public, information aides sociales, urbanisme).
      • Démarche participative : Face à l'essor de l'IA générative, adoption d'une démarche "participative et inclusive" (auditions experts, consultation citoyenne, journée citoyenne).
      • Enseignements : Les Parisiens souhaitent que la ville se saisisse de l'IA "à son niveau" de manière "responsable", avec un "réel encadrement".
      • Axes prioritaires : Nécessité d'un "cadre de transparence et de contrôle des projets IA" (évaluation préalable, suivi déploiement avec société civile) et un "effort de formation et de sensibilisation".
      • Rappel : L'IA ne doit pas "se substituer à la décision humaine".
      • Pierre Jannin (Ville de Rennes) :
      • IA : un sujet politique : L'IA doit être "au service des transitions sociales, écologiques et démocratiques de l'intérêt général".
      • Voie alternative : Créer une "voie alternative qui contrôle, qui régule" face à un modèle "ultralibéraliste et dérégulé".
      • Conseil Citoyen du Numérique Responsable : Création d'une instance de 30 citoyens tirés au sort travaillant sur les enjeux de l'IA (impact sur métiers, IA au service du territoire, enjeux éthiques, liberté, sécurité, justice).
      • Points de vigilance : Les citoyens de Rennes ont identifié des points de vigilance cohérents avec les rapports nationaux : contrôle, transparence, régulation, risques sur l'emploi, lien public-privé, opportunités.
      • Concertations territoriales : Initiative nationale "Concertations territoriales de l'intelligence artificielle" (bottom-up) avec 33 villes, pour extraire des grands enjeux et recommandations.
      • Co-construction et reddition de comptes : "Nous sommes convaincus que nous devons construire la technologie avec les citoyennes et les citoyens", en les formant, les consultant, et surtout en "rendant des comptes sur la manière dont leurs recommandations... sont pris en compte".
      • Didier Mino (Changer de Cap) sur l'IA dans les services publics (CAF) :
      • Problèmes de l'automatisation : Témoignage alarmant sur la dématérialisation à la CAF, générant "maltraitance institutionnelle" et "non accès au droit" pour les plus précaires.
      • Pratiques illégales/discriminatoires : Suspension de droits sans préavis, qualification d'erreurs en fraude, contrôles ciblés par algorithmes discriminatoires, absence de questions ouvertes dans les formulaires, complexité de la réglementation.
      • Perte de maîtrise technique : Les services informatiques ont perdu la maîtrise du code (Crystal, écrit en Cobol dans les années 90), entraînant des décalages avec la loi et des décisions inexplicables.
      • Conséquences humaines : "Graves conséquences pour la santé physique et mentale des personnes en difficulté", basculement dans la pauvreté, perte de sens pour les agents.
      • Injonctions politiques : Les réformes budgétaires (ex: aides au logement) ont provoqué des "catastrophes informatiques".
      • Appel à l'action : Actions en justice contre l'algorithme ciblant les contrôles sur les plus fragiles.
      • Solution : "Possibilité d'un libre choix des usagers dans leur mode de relation avec les services publics", et nécessité de transparence et dialogue.
      • Soasick Penico et Estelle Hary (Observatoire des Algorithmes Publics - ODAP) :
      • Transparence des algorithmes : Nécessité de visibiliser et de rendre transparents les algorithmes utilisés par l'administration, car ils sont "fondamentalement politique".
      • Non-neutralité des algorithmes : Les algorithmes ne sont "absolument pas des objets objectifs" mais résultent de "choix humain et institutionnel" (décision de déploiement, critères, ressources, prestataires privés).
      • Manque de documentation : Absence de panorama exhaustif des algorithmes, les administrations les documentent "très peu publiquement".
      • Inventaire citoyen : Création d'un inventaire de 72 algorithmes à partir de sources publiques, montrant un "très peu de transparence" et une évaluation rare (4% d'évaluations internes publiées).
      • IA et automatisation : L'IA est "l'arbre qui cache la forêt de l'histoire longue de l'automatisation du service public". Les systèmes critiques anciens (ex: calcul impôts) sont aussi importants dans le débat démocratique.
      • Transparence au service de la justice sociale : La transparence est un "outil au service d'autres individus et d'autres collectifs qui luttent pour la justice sociale, pour les droits humains, pour les droits des travailleurs et des travailleuses et pour la justice environnementale".
      • Lutte essentielle : Essentiel que la société civile s'empare du sujet de l'IA comme "partenaire de débat mais aussi comme contre-pouvoir fort", car "tout le monde est légitime à le faire" même sans connaissances techniques, car c'est un "sujet politique avant tout".
      • Gabrielle Dubois (Défenseur des Droits) :
      • Rapport sur l'IA et service public : Rappelle le rapport du Défenseur des Droits de novembre dernier sur les décisions administratives automatisées.
      • Enjeux clés : L'intervention humaine et la transparence sont cruciales.
      • Enjeu individuel : Respecter le principe constitutionnel de transparence et le rendre appropriable par les personnes concernées.
      • Enjeu collectif : Concrétiser l'obligation de publication des règles des traitements algorithmiques pour permettre la compréhension et la contestation.
      • Intelligibilité de l'administration : S'assurer que les agents comprennent le fonctionnement des outils qu'ils utilisent.
      • Recommandations : Respect des obligations de publication, consécration d'un "droit à l'explication des décisions individuelles administratives" (au-delà des IA à haut risque), et association des usagers du service public à tous les niveaux.
      • Thomas Peron (Professeur de droit) sur le service public coopératif :
      • Repenser les services publics par les communs : Réfléchir à la structure de pouvoir dans les services publics à travers les communautés.
      • Jury populaire : Le jury populaire est le seul cas où une décision publique est prise par des citoyens tirés au sort.
      • Numérique et démocratisation : Le numérique offre un accès à la décision et la possibilité de décider en temps réel, permettant une démocratisation des services publics.
      • Métier de citoyen : Le métier de citoyen devrait s'apprendre d'abord dans les services publics.
      • Démocratisation des services publics : La question de l'IA démocratique doit être accompagnée d'une réflexion sur la démocratisation des services publics.
      • Décentralisation radicale : Implique une "décentralisation radicale des lieux de pouvoir et des processus de décision" au plus près de la relation.
      • Sid Sako et Hélène Mazela (citoyens de la consultation Make.org) :
      • Convention Citoyenne sur l'IA : Proposition de lancer une convention citoyenne de l'IA pour embrasser tous les défis contemporains (écologie, équité, justice sociale, éducation, emploi, santé, éthique).
      • Prendre le temps de comprendre : Les citoyens n'ont jamais été vraiment consultés sur la numérisation. La convention permettrait de prendre ce temps pour aligner les enjeux informatiques et IA avec l'intérêt général.
      • Partager la responsabilité : Embarquer les citoyens, c'est partager la responsabilité des décisions futures, car le sujet n'est pas seulement technique mais politique ("quelle société voulons-nous ?").
      • Normes IA environnementales et RSE : Proposer la mise en place de normes IA environnementales et RSE (responsabilité sociale des entreprises) pour encourager des modèles économes (IA frugale), favoriser la transparence énergétique, intégrer les critères éthiques d'inclusion et d'accessibilité.
      • Souveraineté : Favoriser des protocoles de collaboration pour éviter la domination des IA internationales.
        1. Débat public sur l'IA et le travail
      • Thomas Fournaise (Nantes, organisateur salon Data IA) :
      • Transparence des décisions : Le problème de la transparence des décisions est antérieur aux algorithmes et à l'IA. Le numérique permet de mettre en évidence ce manque de transparence historique.
      • Responsabilité humaine : Les décisions de priorisation (ex: couples mariés vs. paxés) sont prises par des humains. "Il faut rendre l'IA éthique, moi ça pose un problème, c'est qu'on la rend humaine, on l'anthropomorphise et quelque part on se déresponsabilise."
      • IA comme outil : L'IA est un outil qui répond à des questions. L'importance réside dans "les questions qu'on lui pose, la manière dont on le pose".
      • Usage sociétal : L'enjeu est "quel usage sociétal on veut l'utiliser".
      • Marine André (Mère de famille et Designer d'IA) :
      • Risque d'anthropomorphisme : Confirme le risque de penser qu'il y a une personne derrière l'IA.
      • Éducation à l'IA : S'inquiète de l'absence d'éducation à l'usage de l'IA dans les lycées et le manque de formation à l'esprit critique des jeunes.
      • Laure Lucchesi (Ex-directrice Etalab) :
      • Obligations légales de transparence : Insiste sur l'importance de la transparence des traitements algorithmiques dans le service public et le rôle d'Etalab dans l'accompagnement des administrations.
      • Démantèlement des équipes dédiées : Regrette le démantèlement des équipes chargées d'accompagner les administrations sur ces questions éthiques.
      • Droit d'accès aux documents administratifs : Rappelle l'importance de ce droit, qui date de 1978, pour la société civile et les journalistes pour interroger la conception des algorithmes et la communication des codes sources.
      • Guilaine Giersau (Les Petits Débrouillards) :
      • Éducation et esprit critique : Souligne l'importance de l'éducation aux sciences et à l'esprit critique, surtout dans les territoires ruraux et d'Outre-Mer, malgré le manque de moyens.
      • Rôle des associations : Les associations jouent un rôle crucial dans cette éducation hors les murs de l'école.
      • Connaissance des entreprises : Nécessité que les entreprises comprennent aussi ces enjeux.
      • Cohérence des dispositifs : Manque de pérennité et de cohérence dans les dispositifs d'éducation numérique.
      • Urgence : L'approche démocratique est d'autant plus urgente au vu des événements mondiaux.
      • Didier Cornel (Juriste, institution publique belge) :
      • Problème non lié à l'IA : Quand la législation est appliquée, les droits sont plus faciles à octroyer avec les outils informatiques qu'sans. Le problème est le non-respect des règles existantes.
      • Obligation d'aide : Propose une obligation légale d'aide avec une obligation de résultat pour les personnes n'arrivant pas à accomplir les formalités.
      • Risques existentiels : Exprime sa "surprise et déception" face à l'absence de discussion sur les risques existentiels de l'IA, citant une probabilité moyenne de 10% de "fatale issue pour l'humanité" selon les spécialistes.
      • Volonté d'arrêter l'IA : S'étonne que la consultation citoyenne ait révélé une proposition d'arrêter l'usage de l'IA (49% pour, 39% contre) sans que cela soit plus discuté.
      • Franck Bataille (Président Loir et Cher Tech) :
      • Cafés IA sur les territoires : Témoigne du succès des "cafés IA" en Loir-et-Cher, ayant touché 300 personnes en 2024 et visant 1000 en 2025, notamment auprès de jeunes en décrochage scolaire.
      • Inclusion numérique : Son association, active depuis 10 ans dans la culture et l'inclusion numérique, a embrassé l'IA avec divers publics.
      • Patrick Allard (Ex-entrepreneur, citoyen) :
      • Souveraineté : Pose la question de la souveraineté face aux acteurs américains et chinois, et de l'action de la France.
      • Aziz Kizou (Fondateur iPublic) :
      • IA privées dans les industries de réseau : Interroge sur le "angle mort" des IA privées dans les industries de réseau (énergie, transport) qui, malgré leur taille, peuvent avoir un pouvoir systémique sur la vie des citoyens.
      • Cadre normatif insuffisant : En dehors du RGPD et de l'AI Act, il n'y a pas de cadre normatif suffisant pour contrôler ces plateformes.
      • Nationalisation ? : Se demande si la société civile sera suffisante ou s'il faudra envisager des nationalisations de plateformes IA.
      • Eden Carou (Data Scientist) :
      • Compréhension du fonctionnement : Une IA démocratique n'est efficace que si les citoyens comprennent son fonctionnement et ses enjeux.
      • Éducation et sensibilisation : L'éducation à l'IA, au-delà de sa dimension technique, doit concerner son interaction avec les individus et la société.
      • Étienne Brevet (Gouvernance des données, Agglomération du Pays Basque) :
      • Importance de la donnée : Insiste sur la qualité de la donnée qui alimente l'IA. "Aucun algorithme ne sera efficace si derrière la donnée qu'on récupère n'est pas bonne."
      • Masse de données : Réflexion sur les quantités astronomiques de données stockées et le faible pourcentage réellement utilisé.
      • Cadre réglementaire : Nécessité d'une réflexion sur le cadre réglementaire de la donnée.
        1. L'IA au travail : Impacts et Dialogue Social
      • Caroline Jeanmaire (Consultation Make.org) :
      • Urgence d'agir : 200 organisations de la société civile alertent sur l'urgence d'agir pour comprendre et prévenir les risques de l'IA pour le futur du travail.
      • Protéger concrètement les emplois : L'IA risque d'aggraver les inégalités. Solutions : observatoire international pour anticiper les bouleversements, accords d'entreprise innovants (ex: Volkswagen zéro licenciement IA), kit de protection des travailleurs (guides pratiques, normes surveillance humaine).
      • Développer formation numérique et esprit critique : Plateforme gratuite multilingue, laboratoires pour l'équité sur l'IA.
      • Investir dans les talents de demain : Accès inégal aux métiers de l'IA. Programme mondial de formations avec acteurs locaux, bourses, mentorat, soutien aux communautés sous-représentées.
      • IA au service de tous : "Agissons maintenant pour une IA au service de tous et pour réduire les inégalités au lieu de les creuser."
      • Eric Meyer (Conseiller CESE, syndicaliste) et Solidaire Finances Publiques :
      • Déploiement de l'IA à la DGFiP (Direction Générale des Finances Publiques) : Exemples du projet CFVR (ciblage fraude et valorisation requêtes) pour détecter la fraude fiscale.
      • Coût et efficacité : 34,5 millions d'euros, 52% des contrôles entreprises en 2022, mais seulement 13,6% des sommes récupérées.
      • Suppression d'emplois : "Gains de productivité" de 500 emplois, soit 1/4 des effectifs dédiés au contrôle fiscal.
      • Impacts sur les missions et conditions de travail :Réduction du périmètre de mission : Moins de lien avec le terrain, traitement prioritaire de listes générées par l'IA au détriment du reste.
      • Perte d'autonomie et de technicité : Travail "monotâche, très répétitif", plus de latitude pour les agents.
      • Erreurs de l'IA : Les agents passent du temps à justifier pourquoi des contrôles proposés par l'IA ne peuvent être engagés.
      • Pas de tâches plus intéressantes : 85,4% des agents estiment que l'IA ne permet pas de se consacrer à des tâches plus intéressantes.
      • Perte de sens au travail.
      • Opacité et absence de dialogue social : Déploiement "à marche forcée", absence totale d'information, de concertation, peu de formations. Bilans d'expérimentations non discutés.
      • Boîte noire et externalisation : Conception souvent externalisée à des cabinets privés, renforçant l'inexplicabilité.
      • Réinvention du syndicalisme : Utilisation de moyens juridiques (saisine CADA), partenariats (journalistes, chercheurs), alertes politiques, enquêtes internes. Obtention d'un comité éthique interne après refus de participation à l'externe.
      • Discours technocritique : Les agents doivent être systématiquement associés à la conception de leurs outils dans une démarche transparente.
      • David Gaborio (Sociologue) sur les ouvriers de la logistique :
      • Outil : la commande vocale (Voice Picking) : Logiciel dictant toutes les tâches via un casque et micro.
      • Bilan : Perte d'autonomie, intensification du travail (10 à 15% d'accélération), individualisation, hausse du contrôle.
      • Taylorisme moderne : Travail contraint, répétitif, physique, avec une "usure accélérée des corps". Explosion des accidents du travail et maladies professionnelles.
      • Manque d'anticipation et promesses déçues : Promesse d'un travail plus qualifié et libéré non tenue.
      • Contrôle inefficace : Les rapports de la CNIL sur la surveillance n'ont pas empêché une standardisation extrême du travail.
      • Discours sur l'automatisation : Produit des effets d'invisibilisation du travail et de perte de légitimité des ouvriers.
      • Très faible encadrement : Manque de contrôle citoyen et démocratique dans l'entreprise (ex: disparition des CHSCT).
      • Dominance des discours d'en haut : Très faible présence des discours des classes populaires.
      • Polarisation du travail : Les nouvelles technologies ne feront pas disparaître les métiers pénibles, mais entraîneront une "polarisation très forte" entre métiers qualifiés et classes populaires subissant les conséquences.
      • Eric Drouin (CNIL) sur la régulation :
      • Régulation : La régulation peut fonctionner, comme dans le cas d'Amazon Logistique France. Le RGPD est "pleinement d'actualité" et "très robuste" grâce à sa "neutralité technologique".
      • Mission de la CNIL : "L'informatique doit être au service de chaque citoyen. Elle ne doit porter atteinte ni à l'identité humaine, ni aux droits de l'homme, ni à la vie privée, ni aux libertés individuelles ou publiques."
      • Cas Amazon Logistique France : Amende de 32 millions d'euros (déc. 2023) pour un système de surveillance excessif (mesure interruptions, vitesse d'utilisation du scanner, conservation des données trop longue).
      • Pas de blocage de l'innovation : Le RGPD n'est pas une "loi bloc" mais un cadre qui "ralentit" les usages excessifs pour un développement cohérent avec les droits fondamentaux.
      • Principe de proportionnalité : Équilibre entre les objectifs de performance de l'entreprise et les atteintes aux droits et libertés fondamentales.
      • Garantie complémentaire : Le RGPD (et l'AI Act) est une garantie face aux dérives des technologies traitant massivement les données personnelles, notamment dans le secteur du travail.
      • Frank Fasalina Madinier (Avis à Bruxelles sur le management algorithmique) :
      • Démocratie et dialogue social : La démocratie au travail, c'est un dialogue avec les travailleurs, surtout quand ils sont impactés.
      • Rôle des syndicats : L'organisation collective est un "véritable contre-pouvoir" pour assurer que les outils se déploient de manière juste et choisie, sans supprimer ni aggraver les conditions de travail.
      • Management algorithmique : Ce phénomène se diffuse au-delà des plateformes uberisées.
      • Dialogue social renforcé : Nécessité d'un dialogue social renforcé, car les acteurs ne sont pas toujours préparés.
      • Réglementations adaptées : Les réglementations européennes existent mais ne sont pas toujours adaptées au monde du travail (ex: consentement dans le RGPD).
      • Transparence des algorithmes : Exigences de transparence (inspirées de la directive plateformes) devraient s'étendre à tous les travailleurs.
      • Négociation et discussion : Adapter la législation pour aider les acteurs du dialogue social à négocier et discuter ces questions.
        1. Échanges et Perspectives du Débat public
      • Christophe Moraux (FSU Emploi à France Travail) :
      • Faux libre choix de l'usage : Les objectifs inatteignables et la réduction des moyens conduisent à l'imposition de l'IA aux agents.
      • IA générative et réponses complexes : Les IA prenant en charge les tâches simples, les agents se retrouvent avec des cas exclusivement complexes, conduisant à une "surprécarisation des publics".
      • Normalisation des réponses : L'IA impose une normalisation des réponses complexes.
      • Exemple Match FT et ChatDoc : Outils de mise en relation et de recherche documentaire qui masquent le manque de moyens humains et le temps laissé aux agents.
      • Perte d'autonomie et de sens : L'IA conduit à une perte d'autonomie, de sens au travail et un contrôle accru.
      • Refus de participation : Refus de la direction d'inclure les syndicats dans le comité éthique externe de l'IA, nécessitant la création d'un comité éthique interne.
      • Margaux Prod (Traductrice, collectif En Chair et en Os) :
      • IA non neutre, insoutenable écologiquement, basée sur l'exploitation : Rappelle que l'IA n'est pas neutre, est gourmande en énergie et eau, et repose sur l'exploitation de travailleurs (clic, mine) dans le monde.
      • IA dans la traduction : la post-édition : Un "sabotage" des savoir-faire et une "ubérisation" des métiers. Consiste à corriger des textes générés par machine (souvent fautifs, lissés, standardisés) pour une rémunération 30 à 50% inférieure.
      • Absence d'intention humaine : Le texte généré manque "d'épaisseur intellectuelle" et d'intention artistique.
      • Opposition des artistes : La majorité des artistes-auteurs s'oppose à l'utilisation de leurs œuvres pour alimenter les logiciels d'IA, même avec compensation financière.
      • IA : pas un progrès : Pour la traduction, l'IA est une "automatisation désastreuse des métiers de la culture".
      • Alice Dragon (Indépendante, ex-interministérielle) :
      • Déficit de management : Souligne un "gros déficit de management" dans les ministères et administrations, antérieur à l'IA.
      • Invisibilité des 15 ans d'optimisation : Demande plus de visibilité sur les suppressions d'effectifs et l'optimisation numérique des 15 dernières années.
      • Opportunités de l'IA générative : Potentiel de "mobilité sociale extraordinaire" et d'accès à la formation pour la classe moyenne.
      • Valorisation des savoir-faire invisibles : Comment mieux valoriser les savoir-faire invisibilisés par l'IA.
      • France et régulation : Fière de la position française sur la régulation (ex: CNIL sur Amazon).
      • Expérience citoyenne et autonomie : L'embarquement des citoyens se fera si l'IA leur laisse "l'autonomie de mettre la techno à leur service et pas à l'autre sens".
      • Agnès de Tamarana (Unbias, Twisting) :
      • Implication des syndicats : Invite les syndicats à s'emparer des questions techniques de l'IA, car c'est une technologie "pas si compliquée à comprendre".
      • Exiger transparence : Exiger des registres algorithmiques, même si l'ingénierie passée n'a pas tout documenté.
      • Structuration des institutions : Les institutions et entreprises doivent se structurer pour gérer ces risques techniques.
      • Formation des salariés : Exiger une formation des salariés qui soit "interne" et non "poussée par les providers de solutions tels que Microsoft ou Google".
      • Combat dans les entreprises : Le "push commercial" des entreprises américaines attaque les entreprises européennes en leur faisant croire qu'elles manqueront une opportunité si elles ne s'équipent pas rapidement.
      • IA et augmentation collective : L'IA est formidable pour "augmenter une puissance collective, une action collective, un dialogue collectif, mais certainement pas au niveau individuel".
      • Sandra Lem (Indépendante, accompagnement entreprises) :
      • Course aux outils digitaux : Constat d'une "course aux outils digitaux" avec une mise en place en deux temps (dirigeant-travailleur, dirigeant-technicien) oubliant le lien "technicien-utilisateur final".
      • Manque d'accompagnement : Pas de temps pour les utilisateurs de changer leurs pratiques, entraînant isolement, surcharge de travail et perte d'intelligence collective.
      • Marc Malenfer (INRS) :
      • Dialogue social et prévention des risques : Le dialogue social est crucial en matière de prévention des risques professionnels.
      • Écoute des salariés : Rappelle le rapport du CESE (Assises du travail 2023) qui proposait d'ajouter l'écoute des salariés comme principe général de prévention.
      • Consultation des instances : Les dispositifs modifiant l'organisation du travail doivent faire l'objet de consultations des IRP et d'une expression directe des travailleurs.
      • Inégalité entre entreprises : Les petites entreprises sont "plus démunies" face à la pression commerciale des solutions IA.
      • Formation des développeurs : Nécessité de former les développeurs d'IA aux enjeux de santé au travail.
      • Arthur Talan (Doctorant en Philosophie) :
      • Non-neutralité de la technologie : Il y a un consensus philosophique sur le fait que la technologie n'est jamais neutre. L'IA ne peut être prise indépendamment de sa conception, de ses usages et de ses finalités.
      • Excuse de la neutralité : La promotion de la neutralité est une "excuse pour justifier le développement" de ces technologies et déresponsabiliser.
      • Responsabilités identifiées : Le développement de l'IA engage des responsables et des responsabilités qui doivent être bien identifiées.
      • Christophe Gernet (Radical Exchange) :
      • IA totalitaire vs. autres formes : L'IA n'est pas neutre, mais il existe d'autres manières de la développer que le modèle totalitaire.
      • Responsabilité du déploiement : Importance de la responsabilité dans le choix des projets IA.
      • Management algorithmique : Les managers se retrouvent aussi sous les ordres d'une IA.
      • Négociation collective des données : Milite pour que les données fassent partie de la négociation collective, car leur valeur n'est pas partagée.
      • Eden Carou (Data Scientist) :
      • IA et expertise : "L'IA n'a pas sa place partout" surtout sans collaboration avec les utilisateurs, car "une IA sans l'expertise, elle est une IA pourrie".
      • Dialogue professionnel : Nécessité d'un dialogue entre ceux qui utilisent l'outil et ceux qui le développent.
      • Quentin Pignon (Conseiller numérique) :
      • Web et émancipation vs. algorithmes de recommandation : Le web est émancipateur mais les algorithmes de recommandation invisibilisent le contenu non monétisable.
      • "Bullshitisation" du web : L'IA générative permet de multiplier les vidéos "bullshit" (influenceurs perte de poids, développement personnel), rendant le web "invivable" et plus difficile à repérer pour la vulgarisation scientifique ou artistique.
      • Dépendance et perte de repères : Les repères deviendront plus difficiles pour le travail de conseil numérique.
      • Antoine Lata (Étudiant en sociologie) :
      • Risque de l'arrêt : Qu'arrive-t-il si l'IA s'arrête ou ne fonctionne plus ?
      • Dépossession des savoirs : L'IA peut entraîner une dépossession des savoirs et une dépendance aux outils.
      • Marline de Banque (The Shift Project) :
      • Implications énergétiques et climatiques : Interroge sur les gigawatts et térawatts nécessaires pour l'IA et le numérique, et les nouvelles émissions de GES.
      • Pollution : Quels secteurs peuvent polluer moins pour permettre au numérique de polluer plus ?
      • Guilaine Giersau (Les Petits Débrouillards) :
      • Merci l'Europe : Remercie l'Europe pour ses valeurs digitales mais appelle à ne pas être naïfs.
      • Responsabilité sociale et environnementale : Insiste sur la responsabilité sociale et environnementale, notamment sur l'eau, l'énergie et la pression sur les travailleurs (plateformes, mineurs).
      • Consommateurs : Importance de la responsabilité du consommateur.
      • Connaissance et diffusion des savoirs : La connaissance est essentielle et la diffusion des savoirs est une priorité.
      • Fanny Legal (SNMI) :
      • Impact dans les Missions Locales : L'arrivée d'un "tout petit bout d'IA" depuis le 20 janvier dans les Missions Locales a des conséquences directes : impossibilité de travailler, l'outil devient un "écran" entre le conseiller et le jeune.
      • Manque d'accompagnement : Les collègues n'ont pas été accompagnés ni formés.
      • Sabine Vannek (Avocate, Docteur en droit) :
      • Souveraineté des données : Interroge sur la volonté de la Chine et des États-Unis de capter les données européennes et françaises, transformant l'Europe en "jumeau numérique", posant une "question essentielle de notre souveraineté" avant de s'engager dans la "course effrénée" à l'IA.
        1. Conclusion de la Matinée
      • Eric Meyer :
      • Livre Blanc du CESE : Rappelle la publication du livre blanc "Pour une intelligence artificielle au service de l'intérêt général", voté très largement par la société civile, avec 30 préconisations.
      • Questions clés : Les questions du débat recoupent les travaux du CESE sur la démocratie et la "prise" des travailleurs sur l'outil IA.
      • IA : un outil politique : L'IA n'est pas un outil comme les autres, mais "un outil très politique".
      • Enjeux pour les entreprises : L'IA n'est pas neutre, nécessite des investissements, peut faire perdre la souveraineté et le pouvoir de décision.
      • Impacts sur l'emploi : Suppression ou transformation du travail, inégalités femmes-hommes (métiers féminins potentiellement les plus impactés), intensification, perte de sens et de reconnaissance.
      • Recommandations : Discussions rapides entre partenaires sociaux et gouvernement pour un accord national interprofessionnel sur l'IA. Privilégier le dialogue social avant toute introduction d'IA en entreprise, avec études d'impact et grilles de maturité.
      • Régulation : La société civile doit faire plus et plus fort sur la régulation et l'encadrement pour éviter que la "bigtech" ou des "politico-financiers" imposent leur loi.
      • [Intervenant non identifié, conclusion intermédiaire] :
      • Vivacité de la société civile : L'ensemble des témoignages montre une "vivacité du monde de la société civile", une "lucidité" et une "expertise".
      • IA : un leurre ou un vivier d'énergie ? : L'IA peut être un leurre masquant des structures de pouvoir, mais en assemblée citoyenne, elle devient un "vivier d'énergie et de force indépassable".
      • Action citoyenne sur le pouvoir politique : L'IA mène à l'action citoyenne sur le pouvoir politique, car ce ne sont pas seulement les technologies qui sont politiques, mais les décisions et les actions.
      • Remerciements : Remerciements aux équipes du CESE et du CNNum.
      • Stéphane Brelman (Anthropologue du numérique) :
      • Regarder dans le détail : L'expérience montre qu'il faut regarder "dans le détail" ce que l'IA introduit au niveau du travail et des pratiques.
      • Ne pas craindre les aspects techniques : Comprendre les aspects techniques est essentiel pour intervenir.
      • Exemple de l'opérateur de centrale nucléaire : L'histoire de l'opérateur qui "sent dans le pif" sa décision illustre l'importance de comprendre les micro-décisions et les facteurs non explicites.
      • Manque d'études approfondies : Regrette le manque d'études approfondies sur les micro-décisions et les impacts concrets de l'IA.
      • Granularité détaillée : Nécessité de descendre à un "niveau de granularité très très très très détaillé" pour comprendre les enjeux et les impacts.
      • Tradition française d'analyse : La tradition française d'analyse des activités précises peut être exploitée pour l'IA.
      • Lever les craintes et fantasmes : Comprendre le détail permettra d'enlever "pas mal de craintes et de fantasmes".
      • Remerciements finals : L'ensemble des intervenants et organisateurs se remercient mutuellement pour la qualité des échanges et l'orientation des travaux futurs.
    1. Document de Synthèse : Les Politiques Publiques en Faveur de la Jeunesse – Constats, Défis et Recommandations

      Source Principale : Extraits de la "Présentation du rapport annuel de la Cour des comptes - En direct", par Pierre Moscovici, Premier Président de la Cour des comptes, et compléments par Jacques Cressel, Président de la Commission Économie et Finances du CE.

      • Introduction : Ce document de synthèse présente les thèmes principaux et les idées les plus importantes issues de la présentation du rapport annuel 2025 de la Cour des comptes, axé sur les politiques publiques en faveur de la jeunesse, ainsi que les réactions et compléments du Conseil Économique, Social et Environnemental (CE).

      Ce rapport, fruit d'un travail collectif des chambres de la Cour et des Chambres Régionales et Territoriales des Comptes (CRTC), est enrichi par l'éclairage d'un groupe d'experts universitaires et chercheurs spécialistes de la jeunesse.

      Il s'inscrit dans une nouvelle approche de la Cour, caractérisée par une publication thématique annuelle et une transparence accrue, avec 180 rapports publiés par an.

      I. La Jeunesse en France : Portrait et Enjeux Démographiques

      • Définition et Importance : La jeunesse, définie pour ce rapport comme la tranche d'âge des 15-25 ans, représente un investissement stratégique pour l'avenir de la société. Bien qu'il n'existe pas de définition juridique unique de la jeunesse, cette période est marquée par des étapes clés (croissance, puberté, parcours scolaires, acquisition de droits) et par la construction identitaire.
      • Données Démographiques (15-25 ans) :En 2024, ils sont 9 millions en France, soit 13,2% de la population.
      • Perspective Démographique Alerte : D'ici une quinzaine d'années, cette proportion sera inférieure à celle des plus de 75 ans, ce qui est qualifié d'"hiver démographique" et aura des "conséquences gigantesques dans tous les domaines". Les zones rurales seront les plus affectées.
      • Accès à l'Autonomie Globalement Réussi mais des Défis Persistants :Les jeunes achèvent leurs études en moyenne à 21 ans et demi, et plus de la moitié sont diplômés du supérieur (au-dessus de la moyenne européenne de 42%).
      • Ils quittent le domicile parental à 23 ans et demi (moins élevé que chez certains partenaires européens).
      • À 25 ans, 88,5% des 15-24 ans sont en étude, formation ou emploi. Le taux de jeunes "NEET" (ni en emploi, ni en étude, ni en formation) est de 5,8% pour le chômage et 5,7% pour l'inactivité.
      • Malgré ces succès, la France est "quasiment du simple au double" par rapport à l'Allemagne en termes de NEETs, ce qui "montre en tout cause que l'accès des jeunes à l'emploi demeure en France plus difficile qu'ailleurs".

      II. Coût et Défis des Politiques Publiques en Faveur de la Jeunesse

      • Coût Massif : Les dépenses de l'État spécifiquement dédiées aux 15-25 ans sont estimées à 53,4 milliards d'euros, soit 12% du budget de l'État (et 12% du PIB). Ce montant n'inclut pas les dépenses des collectivités locales et des organismes de sécurité sociale.
      • L'éducation représente les 4/5e de cette dépense (plus de 40 milliards d'euros).
      • Viennent ensuite les politiques de travail et d'emploi, les aides personnalisées au logement, et la protection judiciaire de la jeunesse.
      • Inégalités Accrues : Le rapport met en évidence de profondes inégalités, le "fil rouge" de l'analyse :
      • Pauvreté : Le taux de pauvreté des 18-25 ans est de 10% en France.
      • Territoriales : Les jeunes ruraux sont 20% à accéder à l'enseignement supérieur contre 32% des jeunes urbains, malgré de meilleurs résultats éducatifs. L'accès aux transports collectifs, à la pratique sportive et à l'emploi est également inégal.
      • Information et Accès aux Droits : Un taux important de non-recours aux droits des jeunes est observé.
      • Fragmentations des Politiques Publiques :Il existe une multitude de dispositifs et d'acteurs, mais une "approche structurée et coordonnée" manque, conduisant à une "gouvernance assez fragmentée". Il y a "plutôt des politiques publiques en faveur de la jeunesse qu'une politique de et pour la jeunesse".
      • Les politiques, longtemps centrées sur l'insertion professionnelle, se sont élargies depuis 2009 à l'autonomie, l'égalité des chances, et la participation à la vie publique.

      III. Principaux Enseignements et Recommandations par Domaine

      Le rapport se structure autour de 16 enquêtes réparties en quatre parties :

      • Accès des Jeunes à l'Éducation et à la Formation :
      • Orientation : Coût élevé (400 millions d'euros) mais inefficace pour dépasser les déterminismes et inégalités. Recommandations : modules obligatoires pour les enseignants, adaptation des emplois du temps, réflexion sur un début d'orientation plus précoce.
      • Obligation de Formation (16-18 ans) : Objectif non atteint pour 150 000 jeunes en décrochage. Manque d'indicateurs et de cibles. Recommandations : améliorer le repérage et le suivi, diversifier les solutions, renforcer la collaboration.
      • Échec en Premier Cycle Universitaire : Taux de réussite en 3 ans de seulement 36% (inférieur à la moyenne OCDE). Coût annuel des redoublements et sorties sans diplôme estimé à 534 millions d'euros. Dispositifs de remédiation (1,4 milliard depuis 2017) aux effets non démontrés. Recommandations : mieux identifier les causes, suivre les parcours, évaluer les dispositifs.
      • Accès des Jeunes Ruraux à l'Enseignement Supérieur : Accès moins fréquent et offre moins développée. Recommandations : favoriser la mobilité, réexaminer l'attribution des bourses pour tenir compte de l'éloignement géographique.
      • Aide à l'Entrée des Jeunes dans la Vie Active et l'Autonomie :
      • Emploi des Jeunes : Amélioration depuis 2017 grâce à l'alternance, mais coût des dispositifs a "explosé" (7,3 milliards d'euros en 2023) sans lien de causalité confirmé entre moyens et résultats. Part des NEETs élevée. Recommandations : formaliser une stratégie cyclique, mieux articuler avec le droit commun, cibler les jeunes les plus éloignés de l'emploi.
      • Accès au Logement : Vulnérabilité des jeunes due aux petites surfaces en ville, mobilités fréquentes, revenus faibles. Politique fragmentée, bénéficiant surtout aux étudiants. Recommandations : agir à l'échelle territoriale, renforcer la coordination locale, désigner un chef de file national.
      • Mobilité en Transport Collectif : 38% des jeunes ruraux renoncent à des entretiens d'embauche par difficulté de déplacement. Les réductions tarifaires sont privilégiées sans cibler les plus défavorisés. Recommandations : meilleure connaissance des besoins, ciblage tarifaire sur les ressources, coordination de l'offre.
      • Prise en Charge des Jeunes Majeurs Sortant de l'Aide Sociale à l'Enfance (ASE) : 32 000 jeunes concernés en 2023. Modalités "trop hétérogènes" selon les départements (taux de prise en charge variant de 38% à 83%). Recommandations : garantir un socle de base, mieux insérer dans des dispositifs de droit commun.
      • Politiques de Prévention à Destination de la Jeunesse :
      • Accès au Sport : 80% des jeunes Français sont des sportifs réguliers, mais fort décrochage entre 15 et 25 ans. Politiques orientées vers la performance, négligeant les profils éloignés de la pratique (jeunes femmes, handicapés, difficultés socio-économiques). Recommandations : cibler ces profils dans une stratégie État-collectivités-acteurs privés.
      • Maisons des Adolescents (MDA) : 123 structures accompagnent 100 000 jeunes pour un coût inférieur à 100 millions d'euros. Demande en forte augmentation (mal-être des jeunes). Recommandations : clarifier les attentes, rationaliser les missions, fusionner avec d'autres dispositifs.
      • Addictions (Drogues illicites et Alcool) : "Enjeu crucial" où la France est "moins bonne que dans le reste de l'Union européenne". 1 jeune sur 10 s'estime dépendant ; 2,6% consomment de l'alcool quotidiennement. Cerveau des jeunes (jusqu'à 25 ans) particulièrement vulnérable. Recommandations : efforts de prévention à la hauteur des enjeux, réponse sanitaire insuffisante, approche plus volontaire et transversale (monde éducatif, campagnes, prix minimum de l'unité d'alcool).
      • Obésité : Taux de prévalence alarmants dans les Outre-mer (38% en Nouvelle-Calédonie, 45% en Polynésie française contre 15% en métropole). Causes : alimentation déséquilibrée, sédentarité, précarité. Politiques de prévention non prioritaires. Recommandations : faire de la prévention une priorité.
      • Politiques d'Apprentissage à la Citoyenneté et à la Vie dans la Cité :
      • Journée Défense et Citoyenneté (JDC) : Obligation légale pour 800 000 jeunes/an (coût 100 millions d'euros). Objectifs divers mais dispositif "soumis à de très fortes tensions", raccourci, sur base juridique "fragile". Recommandations : rationaliser les objectifs, le contenu et la base juridique, "remilitariser".
      • Entrée dans l'Impôt sur le Revenu : Seulement 1/4 des moins de 25 ans paient l'impôt ; 1/3 rattachés au foyer parental. Sondage : plus d'un quart des jeunes interrogés jugent "justifié de tricher sur ses impôts". Recommandations : renforcer la sensibilisation à l'impôt avant la majorité fiscale, simplifier la déclaration, envoyer un courrier d'information à 18 ans.
      • Jeunes et Justice Pénale : Surreprésentation des jeunes dans la délinquance (12% de la population, mais 26% des mis en cause, 34% des poursuivis, 35% des condamnés en 2023). Efficacité limitée malgré au moins 2 milliards d'euros/an. Taux de récidive stable depuis 2010. Recommandations : améliorer les outils de compréhension du phénomène, déployer une action précoce auprès des familles, renforcer la coopération entre acteurs.
      • Éducation Artistique et Culturelle (EAC) : Dépense de 3,5 milliards d'euros en 2023. Mise en œuvre hétérogène (dépend de l'initiative des enseignants), qualité variable. Référencement et contrôle minimalistes. Recommandations : garantir un parcours effectif, cohérent, de qualité, piloté par le chef d'établissement ; évaluation régulière des intervenants externes financés par le Pass Culture.

      IV. Messages Transversaux et Orientations Stratégiques de la Cour des Comptes

      • Non la Quantité, mais la Qualité et l'Efficience de la Dépense : "Le problème n'est pas d'abord la quantité d'indépendance notre jeunesse n'est pas sacrifiée elle n'est pas oubliée elle n'est pas abandonnée mais c'est que la qualité de la dépense et son efficience peuvent être améliorées."
      • Mieux Cibler les Politiques Publiques : Renforcer la cohérence et l'efficacité par un meilleur ciblage.
      • Six Grandes Orientations :Mieux différencier les soutiens et les mesures en fonction des publics ciblés (jeunes ruraux, urbains, quartiers prioritaires, ultramarins).
      • Repenser l'organisation et le contenu des parcours de formation initiale pour mieux préparer l'autonomie sociale et économique (l'orientation est une clé).
      • Élaborer une nouvelle stratégie nationale de lutte contre les addictions et promouvoir la santé et le bien-être des jeunes.
      • Renforcer la lisibilité des dispositifs publics pour les jeunes (face au "non-recours" et à la "méconnaissance du système fiscal").
      • Mieux coordonner les actions des acteurs publics et privés, clarifier les rôles et responsabilités.
      • Mettre en place des outils de suivi et d'évaluation rigoureux pour les politiques jeunesse.
      • Nécessité d'un Plan Stratégique : "Doter la France peut-être pour vous y réfléchir d'un plan stratégique en faveur des jeunes en un mot de planifier", pour donner une "colonne vertébrale" aux politiques éclatées.

      V. La Situation des Finances Publiques (Constat Général de la Cour)

      • "Extraordinairement préoccupante" : Taux d'endettement parmi les plus élevés de la zone euro (115%, derrière l'Italie et la Grèce, loin devant l'Allemagne à 60%).
      • Déficit Public : Reste "pas éloigné de 6%", loin des 3% visés et de la moyenne européenne.
      • Enjeux de Financement : Transition écologique, innovation, recherche, défense.
      • Problèmes de Crédibilité, Soutenabilité, Souveraineté : L'augmentation de la charge de la dette réduit les marges de manœuvre pour les services publics essentiels.

      VI. Compléments du CE et Perspectives

      • Convergence des Constats : Le CE, à travers son Président de la commission Économie et Finances, Jacques Cressel, souligne les nombreux points communs avec ses propres travaux, notamment sur l'importance de l'éducation, les inégalités (sociales, éducatives, territoriales), la coordination des politiques publiques et des acteurs, et l'engagement des jeunes.
      • Impact de la Démographie : L'"hiver démographique" est un facteur d'urgence, avec des conséquences "gigantesques" sur les territoires, les régimes sociaux (retraites) et les modes de consommation.
      • Vitesse de Transformation des Compétences : Le système éducatif doit s'adapter à la "vitesse de transformation des besoins de compétences" due notamment à l'intelligence artificielle, qui peut aussi être une "potentialité pour renforcer l'égalité des chances".
      • Enjeu de l'Orientation : Crucial pour limiter les échecs et mieux faire correspondre offre et demande d'emploi, face à une "assez forte insatisfaction des jeunes" et un coût de 4 milliards d'euros par an lié aux dysfonctionnements.
      • Vision Globale et Évaluation : La complexité des enjeux liés à la jeunesse (emploi, logement, transports, éducation) nécessite une "vision globale de l'ensemble de ces politiques". Le CE insiste sur la nécessité de renforcer l'évaluation des politiques publiques en France, un domaine "assez largement en pauvre".
      • Renforcement de la Collaboration : Les deux institutions expriment leur volonté de renforcer leur partenariat pour travailler sur l'évaluation et l'égalité des chances, qui sera le thème du prochain rapport annuel du CE sur l'état de la France.

      Conclusion : Le rapport de la Cour des comptes, tout en dressant un état des lieux lucide des défis posés par les inégalités et la fragmentation des politiques, insuffle une note d'optimisme.

      Il ne s'agit pas de déplorer un manque d'investissement, mais bien d'améliorer la "qualité de la dépense" et son "ciblage".

      La jeunesse française est perçue comme un "atout", une "ressource inestimable" et "porteuse d'un dynamisme", justifiant ainsi un "témoignage de confiance".

      Les recommandations visent à structurer une véritable "politique de et pour la jeunesse", intégrant planification, coordination et évaluation rigoureuse pour garantir une meilleure égalité des chances.

    1. Compte-rendu détaillé : La prévention en santé, passons aux actes !

      • Ce document de synthèse est basé sur les discussions et présentations tenues lors de la séance plénière du CESE consacrée à la prévention en santé, avec un accent particulier sur la santé au travail.

      Il vise à identifier les thèmes principaux, les idées clés et les faits marquants soulevés par les différents intervenants, en incluant des citations pertinentes.

      1. La Prévention : Un Enjeu Sociétal Majeur et Sous-Estimé

      • L'ensemble des intervenants s'accorde sur l'importance cruciale de la prévention en santé, qui dépasse largement le seul cadre médical pour englober la société dans son ensemble. Malgré cette évidence, la prévention demeure trop souvent le "parent pauvre des politiques publiques".

      1.1 Prévenir Plutôt que Guérir : Une Évidence non Appliquée

      Le constat est unanime : "Prévenir plutôt que guérir, voilà qui semble évident et pourtant la prévention est encore trop souvent le parent pauvre des politiques publiques." (Déclaration introductive).

      Il est souligné que la santé ne se limite pas aux hôpitaux, médecins et médicaments, mais est une affaire de société.

      1.2 Un Investissement, non un Coût

      • Investir dans la prévention est présenté comme une "stratégie d'avenir", non un coût. Les bénéfices sont multiples : "moins de souffrance évitable, moins de dépenses publiques sur le long terme, plus de qualité de vie". (Déclaration introductive).

      De plus, elle redonne aux citoyens un "pouvoir sur leur propre santé", les plaçant comme "acteur de tout" plutôt que comme patient.

      1.3 Historique et Concepts : Prévention vs Promotion de la Santé

      • Le Professeur Emmanuel Ruche, Président de la Conférence Nationale de Santé, met en lumière une spécificité française : une approche historiquement "très centrée sur la prévention et peut-être un peu moins sur la promotion de la santé". Il insiste sur la complémentarité de ces deux approches, qu'il faut "articuler". Il cite le Directeur Général de l'OMS : "La santé ne commence pas dans les cliniques ou les hôpitaux pas plus que la justice ne commence dans les tribunaux ou que la paix ne commence sur le champ de bataille. La santé commence dans les conditions dans lesquelles nous sommes nés et avons grandi dans les écoles les rues les lieux de travail…". Cette vision élargie souligne que la santé est façonnée par les "déterminants commerciaux" (tabac, alcool, aliments transformés, combustibles fossiles), qui sont responsables d'un tiers des décès dans le monde.

      1.4 Efficacité et Retour sur Investissement

      • L'efficacité des actions de prévention n'est "plus à démontrer" (Professeur Ruche), s'appuyant sur des "données probantes bien établies".

      Le retour sur investissement est "une évidence" pour les études scientifiques, l'exemple de la prévention du tabagisme montrant "1900 % de retour sur investissement".

      Malgré cela, le financement reste difficile, nécessitant des "dispositifs de financement incitatifs et pérennes" et pluriannuels.

      2. Les Déterminants de la Santé et les Inégalités

      La discussion met en évidence la multiplicité des déterminants qui influencent la santé, soulignant leur rôle dans la création et l'aggravation des inégalités.

      2.1 Déterminants Sociaux et Économiques

      • Emmanuel Cambois, Directrice de recherche à l'INED, explique que les inégalités de santé se créent non seulement par des comportements individuels mais aussi par des facteurs "qui s'imposent en quelque sorte aux individus et qui peuvent se combiner à d'autres". Ces facteurs incluent la "situation socio-économique", l'"entourage, soutien social, et à contrario l'isolement", la "charge mentale", les "traumatismes" et les "phénomènes d'exclusion". Les inégalités se manifestent aussi dans l'accès aux soins et dans les parcours professionnels (pénibilités, carrières hachées). L'approche en "parcours de vie" est essentielle, car les risques "se cumulent au cours de la vie" rendant certains groupes "beaucoup plus à risque de problème de santé et beaucoup moins en capacité de lutter contre ces risques". La prévention doit donc "couvrir les différentes sphères d'activité qu'elle soit domestique professionnelle ou social et surtout suivre l'ensemble de des âges de la vie".

      2.2 Déterminants Environnementaux et Risques Émergents

      • Jean-François Guégan, Directeur de recherche à l'INRAE, aborde l'impact de l'environnement sur la santé, notamment face aux "évolutions climatiques". Il souligne une "confusion impressionnante" et un "manque de culture" sur les liens entre biodiversité et santé. Les activités humaines, comme la déforestation et l'élevage, sont identifiées comme des facteurs majeurs dans l'émergence de pandémies zoonotiques. Il met en garde contre une vision "naïve, idyllique et tronquée" de la nature, illustrant que même la "réintroduction de la nature en ville" peut introduire des "dangers microbiologiques" (moustiques, rongeurs, germes pathogènes). Le risque infectieux est un produit entre "des aléas" (micro-organismes) et "l'exposition humaine et la vulnérabilité des populations".

      2.3 Déterminants Commerciaux et Influence de l'Industrie

      • Karine Galopel Morvent, Professeure à l'EHESP, met en lumière le rôle des "acteurs commerciaux" qui "influencent de manière délétaire la santé et l'équité de la population". Elle cite le marketing et le lobbying comme des pratiques commerciales préoccupantes, en particulier pour les industries du tabac, de l'alcool, des aliments ultra-transformés et des combustibles fossiles, responsables d'environ "un tiers des décès". Elle dénonce le "pouvoir accru des multinationales" et la sous-estimation des budgets marketing par rapport aux campagnes de prévention (ex: 250 millions d'euros par an pour l'alcool contre 3 millions pour la prévention). Le lobbying est "très fort", bloquant des avancées comme la hausse des taxes sur le tabac ou la généralisation du Nutri-Score. Les solutions incluent l'"encadrement des conflits d'intérêt", la "transparence sur le lobbying", l'"interdiction de publicité" et l'"information et éducation sur ces déterminants commerciaux".

      2.4 L'Approche Genrée en Santé

      • La question de l'approche genrée dans les politiques de santé est soulevée.

      Emmanuel Cambois et Lormier soulignent que la santé des femmes et les défis auxquels elles sont confrontées (troubles musculosquelettiques, troubles anxiodépressifs, carrières hachées) sont souvent sous-estimés ou mal compris.

      Il est crucial d'adopter des "approches différenciées entre les hommes et les femmes" dans la prévention et la personnalisation des soins, car les symptômes et les parcours de vie peuvent varier considérablement.

      3. Innovations et Défis dans la Prévention

      La discussion explore les nouvelles méthodes et outils, notamment le numérique, tout en identifiant les freins persistants à une prévention efficace.

      3.1 Le Numérique : Opportunité et Défi

      • Lormier, experte à l'Institut Montaigne, présente le numérique comme une "réponse indispensable au défi actuel de la prévention", offrant "personnalisation", "ciblage amélioré", "meilleure adhésion du patient" et "anticipation des risques".

      Les données de santé massives et l'intelligence artificielle permettent une "détection précoce" (ex: radiologie), un "soutien personnalisé" (applications mobiles, chatbots) et une "télésurveillance" des paramètres vitaux.

      Cependant, des "freins" persistent : un "décalage culturel et organisationnel" du système de santé axé sur le curatif, la nécessité de "former" les professionnels de santé, et les "déterminants numériques de la santé" (accès, connectivité, confiance). L'objectif est de passer "d'une médecine épisodique à un suivi continu".

      3.2 Financement et Volonté Politique

      • Pierre-Louis Bra, Inspecteur général des affaires sociales, nuance la question du financement, affirmant que la prévention n'est pas "simplement des financements" mais "la capacité à mettre en cause des intérêts privés".

      Le succès de la lutte contre le tabagisme, principalement par l'augmentation des taxes, en est la preuve. Il souligne que "ça ne demande pas de financement public, au contraire, c'est des taxes, ça apporte des financements publics".

      Il critique le recours au "bon sens" plutôt qu'aux "données probantes" pour certaines initiatives de prévention coûteuses (ex: bilans de santé périodiques).

      Il insiste sur la nécessité d'investir dans les réseaux de prévention de base (médecine scolaire, PMI, médecine du travail), qui sont "en difficulté".

      3.3 Gouvernance et Coordination

      • Plusieurs intervenants appellent à une meilleure gouvernance et coordination des politiques publiques.

      Le Professeur Ruche et Emmanuel Cambois insistent sur la nécessité d'une "intersectorialité et interministérialité" au niveau national, et d'une "déclinaison territoriale au plus près des territoires et des populations".

      La promotion de la santé plaide pour "introduire la santé dans toutes les politiques publiques".

      La CNS recommande une "stratégie nationale de santé" sur 10 ans et des "feuilles de route prévention promotion de la santé" au niveau territorial avec un "rendu de compte".

      4. La Santé au Travail : Un Pilier de la Prévention

      La deuxième partie de la séance est spécifiquement dédiée à la santé au travail, soulignant ses défis et les pistes d'amélioration.

      4.1 Des Chiffres Alarmants

      • Les chiffres présentés par Cécile Gondard Lalane et Jean-Christophe Repont sont frappants : "1287 décès liés au travail par an", "5800 maladies professionnelles accidents et 47400 maladies professionnelles" en 2022.

      Cela montre que "malgré un accord interprofessionnel national sur la prévention au travail une loi en décembre 2020 une loi en août 2021 sur la prévention au travail, on est à un niveau qui stagne en terme de prise en charge de prévention primaire au travail".

      4.2 Des Bouleversements qui Pèsent

      Le monde du travail est confronté à des "bouleversements" majeurs :

      • Réchauffement climatique : La chaleur a des "effets physiologiques" et des "conséquences mortelles", entraînant des "pertes de productivité" et des "risques psychosociaux".
      • Approche genrée : La santé au travail est encore "trop centrée sur les hommes". Alors que les accidents du travail ont baissé de 27% pour les hommes sur 20 ans, ils ont augmenté de "plus de 41 %" pour les femmes.

      Les troubles musculosquelettiques, première cause de maladie professionnelle, touchent "trois femmes sur 5 et un homme sur deux". La "répartition genrée du travail domestique" impacte aussi la santé mentale des femmes. * Santé mentale : Les principaux facteurs de risque sont le "stress chronique" (80%, surcharge mentale, burnout, troubles du sommeil, suicide) et les "violences internes ou externes" (20%, incivilités, harcèlement, discrimination).

      La "fatigue liée aux outils et à l'utilisation des outils numériques" est un nouveau défi. * Pratiques managériales : Elles sont "déterminantes" mais apparaissent "trop verticales et trop hiérarchiques" en France, avec un manque de "confiance au salariés" et un "besoin de maîtrise et de contrôle encore très important" (Dr. Florence Bénichou).

      4.3 Les Nouveaux Visages du Travail

      • L'étude met en lumière la situation des travailleurs indépendants et des plateformes. Les livreurs et VTC subissent des "risques forts" (accidents, TMS, problèmes de santé mentale dus à la "pression" des algorithmes et à l'angoisse de la perte de revenus). L'accès aux assurances est "très peu connu" et utilisé.

      • 4.4 Pistes d'Amélioration : Vers une Prévention Primaire Renforcée

      Les rapporteurs proposent trois axes pour améliorer la prévention au travail :

      • Former et sensibiliser : Renforcer la formation des étudiants en médecine à la santé du travail et environnementale pour attirer de jeunes professionnels. Étendre la formation à la santé du travail aux "acteurs du dialogue social", salariés et employeurs, avec des "formations communes".
      • Identifier et prévenir : Accompagner les dirigeants de TPE dans la mise en œuvre du "document unique". Souligner le rôle des "services de prévention en santé au travail" et des "branches professionnelles". Insister sur l'"approche genrée" et l'intégration du "management" dans la prévention.
      • Anticiper par le dialogue social et l'écoute : Inscrire l'"écoute des salariés" dans les principes généraux de prévention du Code du travail, car "ce sont bien les travailleurs qui connaissent mieux les risques et auxquels ils s'exposent". Prendre en compte l'"articulation des temps de vie" et le "déploiement de l'IA" dans le dialogue social.

      4.5 Des Exemples de Succès et une Volonté Politique

      • Bernard Tibba, co-président de la charte sociale des JO 2024, témoigne du succès de cette initiative qui a permis de diviser par quatre l'accidentalité sur un "chantier énorme".

      Cette approche, qui combine "volonté politique, des moyens, une mobilisation des différents acteurs publics comme privés", montre qu'il n'y a "pas de fatalité en matière d'accidentologie".

      Madame Astrid Panosian Bouvet, Ministre chargée du travail et de l'emploi, salue le rapport et confirme l'importance du sujet. Elle rappelle que la santé au travail n'est pas "assez haut sur l'agenda public".

      Elle insiste sur la "lutte contre les accidents du travail grave et mortel", un phénomène qui n'est "pas une fatalité" et dont beaucoup sont "évitables".

      Elle confirme la volonté de "capitaliser sur ce succès" des JO et de "dupliquer la méthode" notamment via le "dialogue social au sein des branches" et une "meilleure coopération interministérielle".

      Elle souligne que la prévention doit être au "cœur des préoccupations" et non un "codicille au contrat de travail".

      5. Conclusion Générale

      • La prévention en santé est un impératif stratégique, économique et social. Elle exige un changement de paradigme, passant d'une logique curative à une culture proactive.

      Cela implique une approche globale et transversale, intégrant les déterminants sociaux, environnementaux et commerciaux.

      Le numérique offre des outils prometteurs, mais leur déploiement doit être inclusif et accompagné.

      Le financement n'est pas le seul obstacle ; la capacité à remettre en question des intérêts privés et la volonté politique sont primordiales.

      La santé au travail, avec ses défis liés aux changements climatiques, aux inégalités de genre et aux nouvelles formes de travail, est un exemple criant de la nécessité d'une prévention primaire renforcée, basée sur le dialogue social et l'écoute des travailleurs.

    1. Synthèse du Briefing : L'Accès à une Alimentation de Qualité et la Précarité Alimentaire en France

      • Le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) a mené une discussion plénière cruciale sur le projet d'avis intitulé "Permettre à tous de bénéficier d’une alimentation de qualité en quantité suffisante".

      Cet avis met en lumière une situation alarmante en France où l'accès à une alimentation saine et équilibrée, en quantité suffisante, qui est un droit fondamental, n'est pas pleinement effectif.

      La précarité alimentaire s'aggrave, touchant près de 16% de la population, soit 8 millions de personnes ayant eu recours à l'aide alimentaire en 2023, un chiffre ayant triplé en 10 ans.

      De plus, les conséquences sanitaires sont préoccupantes, avec un tiers des adultes et plus d'un enfant sur dix en surpoids, et une augmentation des maladies chroniques liées à une alimentation déséquilibrée, représentant un coût de 11 milliards d'euros par an pour l'assurance maladie.

      L'avis propose une approche systémique, interministérielle, et territoriale pour adresser ces défis majeurs.

      Thèmes Principaux et Idées Clés :

      Constat Alarmant de la Précarité Alimentaire et de ses Conséquences Sanitaires et Économiques :

      • Augmentation de la précarité : "la précarité alimentaire ne cesse de s'aggraver elle touche aujourd'hui près de 16 % de la population ce sont 8 millions de personnes qui ont eu recours à l'aide alimentaire en 2023 un chiffre qui a presque triplé en 10 ans."
      • Impact sur la santé : "un/tiers des adultes et plus d'un enfant sur 10 sont en surpoids l'obésité les maladies cardio-vasculaires le diabète certaines formes de cancer liées à une alimentation déséquilibrée se développe de façon préoccupante."

      Le Professeur Daniel Nizeri, président du comité de suivi du Plan National Nutrition Santé (PNNS), souligne que l'alimentation déséquilibrée est "directement impliquée dans le développement des principales pathologies chroniques", coûtant "55 milliards d'euros" et entraînant "plus de 50000 décès par an".

      • Coût financier considérable : "plus de 11 milliards d'euros par an pour les seules pathologies liées à la nutrition."
      • Dépendance économique et choix contraints : La hausse durable des prix alimentaires (+12% en 2023) force les ménages modestes à privilégier des produits moins chers et souvent ultra-transformés, au détriment des produits bruts, frais et locaux. "88 % des consommateurs disent comparer systématiquement les prix pour 68 % c'est même le premier critère d'achat."
      • Perte de souveraineté alimentaire : "près de 40 % de notre alimentation est aujourd'hui importée avec des pics de dépendance atteignant 75 % pour la volaille en restauration hors domicile et plus de 50 % pour les fruits et légumes."

      Rôle des Banques Alimentaires et Aggravation de la Précarité :

      • Action et Objectifs : Le réseau des banques alimentaires est le premier réseau national d'aide alimentaire, accompagnant près de 2,4 millions de personnes.

      Leurs objectifs sont de "lutter simultanément contre la précarité alimentaire et le gaspillage alimentaire, utiliser l'aide alimentaire comme créatrice de lien social, participer à l'amélioration de l'alimentation distribuée, s'adapter constamment à l'évolution des besoins." * Impact de l'inflation : La crise inflationniste est la "première cause du recours à l'aide alimentaire." * Profil des personnes aidées : 42% touchent un revenu mensuel inférieur ou égal à 1000 €, une personne sur deux vit en logement social, et un tiers des personnes en emploi vit en milieu rural, signe de l'aggravation de la précarité en milieu rural et de l'émergence des "travailleurs pauvres". * Problèmes de santé et renoncement aux soins : "78 % déclarent au moins un problème de santé" et "déclare avoir renoncé à ses soins pour des raisons financières." * Amélioration de la qualité de l'aide alimentaire : Les banques alimentaires ont progressé de 8 points en 10 ans pour les fruits et légumes et intègrent l'accompagnement social via des ateliers (anti-gaspi, activité physique, nutrition santé, etc.) pour favoriser l'autonomie et la participation.

      Propositions et Préconisations du CESE (16 au total) :

      • Axe 1 : Gouvernance et Priorisation Faire de l'alimentation une grande cause nationale : "mobiliser et sensibiliser le plus largement possible."
      • Gouvernance interministérielle : Mettre en place un "pilotage centralisé au plus haut niveau de l'État" pour coordonner les politiques publiques (agriculture, santé, solidarité, environnement).
      • Généralisation et soutien des Projets Alimentaires Territoriaux (PAT) : Assurer leur "généralisation sur tout le territoire" avec des moyens financiers pérennes, en associant tous les acteurs.
      • Axe 2 : Alimentation Équilibrée et Qualité des ProduitsGénéralisation du Nutri-score : Rendre le Nutri-score "obligatoire au niveau européen", tout en précisant qu'un mauvais score n'est pas une interdiction de consommer, mais une incitation à la modération et à un régime équilibré.
      • Réduction des substances nocives : Fixer des objectifs de "réduction de la teneur en sel, en sucre, en matière grasse des produits transformés et ultra transformés" avec un calendrier. Les produits ne respectant pas ces objectifs pourraient faire l'objet d'une taxation.
      • Évolution des réglementations : Faire évoluer les réglementations "plus systématiquement et rapidement" dès que des études scientifiques prouvent la nocivité de substances (additifs chimiques, résidus de pesticides, ultra-transformation).
      • Encadrement de la publicité : Renforcer l'encadrement de la publicité ciblée sur les jeunes pour les produits posant problème.
      • Interdiction des produits "snacking" près des caisses : Mettre fin à la présence de "produits sucrés salés ou gras de type snacking près des caisses des magasins."
      • Interdiction des publicités axées uniquement sur les prix : Interdire les publicités de la grande distribution qui "ne portent que sur les prix sans prendre en compte la qualité des produits", qui dégradent l'image de la nourriture et impactent les revenus des agriculteurs.
      • Obligation d'indication d'origine : Étendre l'obligation d'indiquer le pays d'origine aux "principaux ingrédients végétaux dans les produits transformés et dans les plats servies hors domicile."
      • Soutien aux filières locales : Fédérer les plans de soutien aux filières locales de fruits, légumes et légumineuses.
      • Éducation à la cuisine : Former dès le plus jeune âge à la préparation et à la cuisine des produits bruts.
      • Simplification du programme européen lait et fruit à l'école : Simplifier les modalités pour une meilleure utilisation des budgets alloués.
      • Axe 3 : Lutte contre la Précarité Alimentaire Pérennisation des dispositifs : Rembourser la TVA sur les achats de denrées des associations d'aide alimentaire et maintenir/renforcer les financements publics. Le produit de la taxation des produits trop gras, salés, ou sucrés pourrait abonder ces financements.
      • Organisation des Assises Nationales : Organiser des "assises nationales de la lutte contre la précarité alimentaire" pour recenser, évaluer et diffuser les initiatives efficaces et assurer une bonne couverture territoriale.
      • Axe 4 : Restauration Collective et Filières Locales Soutien aux petits acteurs économiques : Systématiser l'accompagnement et la formation des agriculteurs pour répondre aux marchés publics (réponses groupées).
      • Développement des plateformes régionales : Faciliter la mise en relation entre acheteurs et producteurs.
      • Assouplissement des règles de marché public : Relever les seuils de dispense des règles de marché public (ex: de 40 000 à 100 000 € HT) et renforcer la formation des acheteurs sur les pratiques existantes.

      Points de Débat et de Divergence au sein du CESE :

      • Taxation des produits : L'idée de taxer les produits trop gras, salés ou sucrés a suscité des débats. Certains groupes comme "Artisanat et profession libérale" s'y opposent, jugeant cette approche "ni constructive ni réaliste", et craignant la suppression ou la taxation de produits du terroir. D'autres, comme la CFDT, la soutiennent comme une mesure "courageuse et pragmatique".
      • Transparence des prix et des marges : Des groupes comme "Alternative sociale et écologique" regrettent que "la commission a refusée de formuler une préconisation sur la transparence des prix", la considérant comme un "levé essentiel pour limiter les surmarche et surtout pour reconstruire la confiance entre tous les acteurs." Le groupe des "Non inscrits" note également que le sujet de la formation des prix, où "règne l'opacité la plus complète sur les marges des intermédiaires", a été évoqué mais n'a pas donné lieu à des préconisations concrètes.
      • Interdiction de la publicité : La proposition d'interdiction pure et simple de la publicité pour les produits gras/sucrés/salés auprès des enfants a été adoucie en "encadrement renforcé" pour tenir compte de la difficulté de mise en œuvre et de la nécessité de transition, bien que certains membres l'auraient souhaitée plus stricte.
      • La "Sécurité Sociale de l'Alimentation" (SSA) : Le sujet, bien que mentionné comme potentiellement prometteur et en cours d'expérimentation, n'a pas été traité directement dans l'avis en raison de sa complexité et de la nécessité de dispositifs financiers dépassant le champ de compétence du CESE. Certains groupes, comme "Alternative sociale et écologique" et "Organisations étudiantes et mouvements de jeunesse", souhaitent un soutien plus affirmé à ces "expérimentations des caisses alimentaires communes".
      • Produits ultra-transformés : Le groupe des entreprises s'oppose à la notion d'"aliment ultra transformé", citant un rapport de l'Anses soulignant les limites de la classification NOVA.
      • Vision générale de l'industrie : Le groupe des entreprises regrette le manque de reconnaissance des progrès déjà réalisés par la filière et l'absence de soutien aux acteurs, s'opposant aux "sanctions ou des taxes supplémentaires", craignant que cela affaiblisse l'industrie agroalimentaire française. Ils votent contre.
      • Inauguration de l'Exposition "La Belle Gamelle" :
      • En marge de la discussion, une exposition est consacrée à "La Belle Gamelle", une société coopérative d'insertion qui propose de la restauration en formant et employant principalement des personnes réfugiées.

      Cette initiative, saluée comme "une très belle entreprise" et "une œuvre une action qui s'inscrit directement dans la volonté de se placer ailleurs et même de combattre ces remugles insupportables", met en lumière la capacité de l'entrepreneuriat social à concilier qualité alimentaire et insertion professionnelle.

      Elle est présentée comme un exemple des valeurs civiques fortes et de la démocratie sociale.

      Conclusion du Vote :

      Le projet d'avis "Permettre à tous de bénéficier d’une alimentation de qualité en quantité suffisante" a été adopté avec 94 votes pour, 17 contre et 11 abstentions.

      Ce vote témoigne d'un consensus large sur l'urgence d'agir face à la précarité alimentaire et aux enjeux de santé publique, malgré des divergences notables sur les moyens et l'étendue des mesures à prendre.

      Le CESE réaffirme ainsi son rôle dans l'éclairage de la décision publique sur des sujets de société fondamentaux.

    1. Note de synthèse : Évaluation des Politiques Publiques Environnementales

      Source : Extraits de "Quelles évaluations des politiques publiques environnementales ? - En direct" (enregistrement d'une session plénière du Conseil Économique, Social et Environnemental - CESE)

      Date : Session plénière du 13 juin [année non précisée, mais post-2008 et avec des références à des événements de 2023-2025].

      Objet : Examen d'un projet d'avis intitulé "L'évaluation des politiques publiques environnementales : un pilier démocratique à consolider".

      Cette session aborde également des sujets d'actualité variés tels que la publicité des paris sportifs, la jurisprudence Depardieu, les coupes budgétaires dans la branche famille de la sécurité sociale, le gel de MaPrimeRénov', les reculs écologiques, et la situation à Gaza.

      Résumé

      • Le Conseil Économique, Social et Environnemental (CESE) se penche sur la question cruciale de l'évaluation des politiques publiques environnementales, soulignant leur rôle de pilier démocratique.

      L'avis présenté vise à renforcer la faisabilité, la légitimité démocratique et l'utilité de ces évaluations.

      Il met en lumière les lacunes actuelles, notamment le manque d'objectifs clairs, d'indicateurs et de suivi, et propose 14 préconisations concrètes pour y remédier.

      Les discussions insistent sur l'importance d'anticiper l'évaluation dès la conception des politiques, d'associer toutes les parties prenantes (y compris les citoyens, les jeunes et les acteurs territoriaux), et d'utiliser les conclusions pour éclairer les décisions futures et le débat public.

      Un thème récurrent est la nécessité de changer la culture de l'évaluation, la percevant non comme une sanction, mais comme un outil d'amélioration continue et de redevabilité.

      Thèmes Principaux

      Le rôle et les missions du CESE :

      • Le CESE a quatre missions principales : conseiller le gouvernement et le parlement, favoriser le dialogue social, évaluer l'efficacité des politiques publiques, et prendre le pouls des régions via les Césars.
      • Il vise à renforcer la démocratie participative en permettant aux citoyens de faire entendre leur voix, utilisant des méthodes comme le tirage au sort, les conventions citoyennes ou les consultations en ligne.
      • La conférence internationale du 13 juin, co-organisée par le CESE, sur le projet de paix à deux États entre Israéliens et Palestiniens, illustre la "diplomatie des sociétés civiles" du CESE.
      • L'évaluation des politiques publiques environnementales (EPPE) :
      • Problématique actuelle : Les politiques environnementales sont "difficilement évaluables, peu transparentes dans leur mise en œuvre et insuffisamment utilisées pour éclairer les décisions futures." L'absence d'évaluation adéquate conduit à des retours en arrière et à une inefficacité des dépenses publiques.
      • Exemples cités : la Stratégie Nationale pour la Biodiversité 2 (SNB2) de 2011-2020 "n'est même pas évaluable", et le Plan National d'Adaptation au Changement Climatique (PNAC) 3 n'a pas tiré pleinement les enseignements des versions précédentes.
      • Spécificités des EPPE : Elles sont souvent à long terme, avec des effets diffus (ex: gaz à effet de serre, pollution de l'eau) et complexes à appréhender. Elles sont également relativement nouvelles dans le paysage des politiques publiques et nécessitent une approche territoriale.
      • Trois piliers pour une évaluation efficace :Faisabilité : Toute politique environnementale doit être conçue avec un dispositif d'évaluation précis dès le départ, incluant "des objectifs clairs, des indicateurs adaptés, des données accessibles et un calendrier d'évaluation réaliste".
      • Légitimité démocratique : Les évaluations doivent "associer les parties prenantes concernées (associations, élus, acteurs économiques, citoyens) de manière transparente et structurée" pour renforcer leur acceptabilité et pertinence. Un renforcement du rôle des jeunes et des Césars est préconisé.
      • Utilité : Les évaluations doivent servir à "améliorer les politiques" en diffusant leurs conclusions et en les prenant en compte dans les décisions futures. Cela implique de "former les décideurs et les parties prenantes à l'utilité de l'évaluation".
      • Préconisations clés (14 au total) :Anticiper l'évaluation dès la conception avec un cahier des charges précis, des indicateurs pertinents (quantitatifs et qualitatifs), des données robustes et des moyens dédiés.
      • Organiser la collégialité des parties prenantes (décideurs, financeurs, public, société civile, jeunes, Césars) et définir les méthodes et délais.
      • Faire des évaluations des "outils d'amélioration collective" et non de sanction.
      • Intégrer les conclusions dans le processus de décision publique, avec des "recommandations claires et pratiques, voire éventuellement des scénarios comparés".
      • Mettre en place une "planification stratégique des évaluations avec un programme annuel", potentiellement consulté par le CESE.
      • Systématiser l'expérimentation et l'évaluation avant la généralisation des politiques, et ne pas hésiter à "abandonner quand on voit qu'une politique publique environnementale ne peut pas se mettre en place et serait peut-être contreproductive".
      • Créer une "plateforme nationale regroupant l'ensemble des évaluations des politiques publiques environnementales", alimentée par des référents régionaux.
      • Consolider un "référentiel sur le coût de l'inaction" environnementale, car "ne rien faire coûte beaucoup plus cher que d'avoir la conviction et la force de le faire".
      • Vision systémique et robustesse (Olivier Amand, chercheur) :Le monde fluctuant appelle à des stratégies de robustesse (maintenir le système stable et viable malgré les fluctuations) plutôt qu'à la seule performance (efficacité et efficience), qui peut fragiliser le système. Les indicateurs devraient privilégier les écarts-types plutôt que les moyennes.
      • Nécessité d'une pensée systémique, mettant l'accent sur les interactions (ex: voitures partagées plutôt que voitures électriques supplémentaires).
      • Le levier le plus systémique parmi les crises écologiques n'est "pas le climat mais la biodiversité".
      • L'importance de la coconstruction et des approches participatives, qui sont plus créatives et robustes (ex: Convention Citoyenne pour le Climat).
      • Autres sujets d'actualité abordés :
      • Publicité des paris sportifs en ligne : Non-respect des réglementations, ciblage des jeunes, incitation à l'addiction, endettement. Proposition d'une taxe de 30% sur la publicité pour financer la santé mentale.
      • Jurisprudence Depardieu : Condamnation pour agression sexuelle et reconnaissance d'une "victimisation secondaire" des victimes, signal fort contre la violence systémique en justice.
      • Sécurité sociale et branche famille :La CFDT insiste sur l'autonomie de gestion et un financement solide (CSG dédiée), s'opposant à la suppression des cotisations sociales et critiquant les exonérations non maîtrisées.
      • L'UNAF dénonce les coupes budgétaires massives dans la branche famille depuis 10 ans, malgré son excédent, et demande la mise en place d'un congé de naissance.
      • Rénovation énergétique des logements : Le gel de MaPrimeRénov' (15e réforme depuis 2020) décourage les ménages et désorganise les entreprises, menaçant 100 000 emplois. Appel à la stabilité et à la cohérence pour atteindre les objectifs de décarbonation.
      • Recul écologique et "grand renoncement" du gouvernement : Critiques virulentes concernant la reprise de chantiers controversés (A69), la remise en cause du ZAN (zéro artificialisation nette), la suppression des zones à faible émission (ZFE), et la baisse des budgets écologiques, perçus comme cédant aux lobbies et au "système libéral". Il est souligné que les populations les plus pauvres sont les premières victimes de ce "baclash écologique".
      • Génocide du peuple palestinien à Gaza : Dénonciation du "massacre d'État" et de la "tragédie sans précédent" (famine, destruction, impact sur les enfants). Appel à des sanctions contre le gouvernement Netanyahou, un cessez-le-feu immédiat et inconditionnel, la libération des otages, et la reconnaissance de l'État palestinien. Solidarité avec les dockers refusant de charger des armes vers Israël. Soutien à la solution à deux États.

      Citations Clés

      • "Pour être efficace une politique publique doit pouvoir être évaluée Et pour être évalué elle doit être pensée dès le départ avec des objectifs clairs des indicateurs adaptés des données accessibles et un calendrier d'évaluation réaliste."
      • "L'évaluation est un pilier démocratique Quand on évalue on rend redevable finalement des décisions les les décideurs les politiques On rend compte de ce qui marche ou ce qui marche pas dans une approche qui est objective et ça ça nous semble évidemment essentiel."
      • Concernant la SNB2 : "quelle horreur d'apprendre qu'elle n'est même pas évaluable."
      • "L'évaluation ne se termine pas quand l'évaluation est terminée C'est vraiment tout ce qu'on en fait après et tout le portage qui suit qui est essentiel." (Député, cité par la rapporteure)
      • Olivier Amand : "Le levier le plus systémique ce n'est pas le climat c'est la biodiversité."
      • Olivier Amand : "plutôt que de faire venir des experts plutôt créer des communautés apprenantes."
      • Amina Nathan Evan Jean Rose (Artisanat et Professions Libérales) : "L'évaluation qui mériterait d'être pleinement mobilisée tant en amont de l'élaboration d'une politique publique que pour le suivi de son application."
      • Evan Jean Rose (Associations) : "L'évaluation... devient un véritable outil démocratique de pilotage des politiques publiques environnementales."
      • Evan Jean Rose (Associations) : "Les politiques pensées sans les personnes les plus concernées aggravent les inégalités environnementales et sociales."
      • Evan Jean Rose (Associations) : "Comment ne pas penser au projet de la 69 ? Alors que la construction ne peut plus se débétonner et que la contestation citoyenne a été en permanence déconsidérée ce projet est symptomatique d'une démocratie environnementale qui se contente de recueillir la vie des citoyens et citoyennes sans en tenir compte."
      • Christophe Grison (Coopération) : "L'efficacité de l'action publique est indissociable de la qualité de l'information produite."
      • Marie-José Baldoui (Familles) : "Évaluer une politique publique c'est s'intéresser à ses bénéficiaires."
      • Conclusions et Recommandations
      • L'avis du CESE sur l'évaluation des politiques publiques environnementales est un appel clair à une refonte de la manière dont ces politiques sont conçues, mises en œuvre et suivies en France.

      Les principales recommandations incluent :

      • Institutionnaliser l'évaluation : Intégrer l'évaluation comme une étape fondamentale et obligatoire dès la conception de toute politique environnementale, avec des objectifs et des indicateurs clairs.

      • Renforcer la participation citoyenne et territoriale : Associer activement un large éventail de parties prenantes, y compris les citoyens, les jeunes, et les conseils territoriaux (Césars et Codèves), pour garantir la légitimité et l'acceptabilité des politiques.

      • Transparence et redevabilité : Assurer un suivi public et structuré des évaluations, avec la création d'une plateforme nationale, pour éclairer le débat public et permettre aux citoyens de comprendre et d'agir.

      • Changer la culture de l'évaluation : Éduquer les décideurs et le public à percevoir l'évaluation non comme une menace ou une sanction, mais comme un outil d'apprentissage, d'amélioration continue et d'efficacité de l'action publique.

      • Prendre en compte le coût de l'inaction : Développer des outils pour chiffrer les conséquences économiques, sociales et environnementales du non-agir, afin de justifier des politiques ambitieuses.

      • Adopter une pensée systémique et la robustesse : Aller au-delà de la performance et des chiffres isolés pour considérer les interactions complexes des écosystèmes et privilégier des solutions qui augmentent la résilience des systèmes face aux fluctuations.

      L'accent devrait être mis sur la biodiversité comme levier systémique.

      • En somme, le CESE milite pour une évaluation rigoureuse, transparente et participative, indispensable pour la crédibilité de l'action publique, la restauration de la confiance démocratique et l'atteinte effective des objectifs de transition écologique.
    1. Briefing Document : Désenclaver pour un espace de vie apaisé - Quartiers urbains populaires #2 : En direct

      Date : 14 juin 2024 (référence aux dates mentionnées dans les sources)

      • Contexte : Ce document synthétise les discussions et les témoignages présentés lors du deuxième rendez-vous du Conseil économique, social et environnemental (CESE) sur les quartiers urbains populaires, intitulé "Parlons solution".

      L'événement fait suite aux violences de 2023 et s'inscrit dans une démarche d'écoute active et d'immersion dans la réalité de ces quartiers. L'objectif principal est de "désenclaver les quartiers pour y faire advenir des espaces de vie apaisés".

      Thèmes Majeurs et Idées Clés :

      1. Revalorisation et Reconnaissance des Quartiers Populaires :

      • Contre les regards condescendants : Le CESE souhaite lutter contre les perceptions négatives et stigmatisantes des quartiers populaires, souvent réduits à leurs défis (pauvreté, enclavement, discrimination). Thierry Baudet, président du CESE, affirme que ces quartiers "méritent mieux que les regards trop souvent condescendants ou anxiogène qu'on leur porte".
      • Lieux de résilience et de créativité : Au-delà des difficultés, ces quartiers sont décrits comme des "lieux de résilience, d'engagement, de créativité, de solidarité" avec un "vivier de talent, une densité associative, une capacité d'initiative que peu de territoires peuvent revendiquer avec autant de vitalité".
      • Vision positive : Swad Bellad souligne l'importance de voir "le verre à moitié plein et même souvent plein et non pas comme peuvent le faire beaucoup effectivement de de médias de fixés sur les vides". Il s'agit de "braquer les projecteurs sur ceux et celles qui font et qui souvent comblent les manques voire déficit des pouvoirs publics".
      • Innovation sociale : Nora Amadi insiste sur la nécessité de parler de ces quartiers pour leur "dimension d'innovation sociale", plutôt que pour les seules "exceptions" (violences, colère). Ismaël Cousin utilise les termes "innovation et développement" pour décrire l'approche nécessaire.
      • Changer la narration : L'objectif est de "tordre le bras à cette loupe politique et médiatique" et de "démontrer que des solutions existent". Ismaël Cousin et Wael Wael soulignent l'importance de former les jeunes à l'écriture de scénarios et à la réalisation de documentaires pour qu'ils puissent "raconter eux-mêmes leur récit" et changer la "narration" dominante. Sana Sanouli de Banlieue Climat met en avant l'importance des "fissures d'espoir" et de changer le regard sur ces quartiers : "les quartiers populaires c'est l'avenir c'est la richesse de la France".

      2. Le Désenclavement : Au-delà de l'Infrastructure, un Enjeu Humain et Social :

      • Briser les barrières visibles et invisibles : Le désenclavement ne se limite pas à "poser une ligne de tramoué ou ouvrir une nouvelle médiathèque". Il s'agit de "briser les barrières visibles et invisibles celles qui enferme qui stigmatise qui fracture".
      • Mobilité et accès à l'emploi : Imen Swed Cadir Mbarc insiste sur le rôle crucial des transports (T9, ligne 14 du métro) pour "rapprocher nos habitants des secteurs d'emploi" et connecter les villes de banlieue entre elles. Le permis de conduire pour les mères, évoqué par Bartha chez Mamam, est également un levier d'autonomisation et de désenclavement.
      • Accès à la culture : La culture est un vecteur essentiel. Faudel Kepier (Micro-folie) et Valérie Suner (Théâtre de la Poudrerie) travaillent à rendre la culture accessible au plus près des habitants, souvent victimes d'"autocensure" et se sentant "pas légitimes" à fréquenter les grands musées ou théâtres. L'objectif est de créer une "curiosité culturelle" et de faciliter le passage vers les institutions culturelles classiques.
      • "Aller vers" et "Faire avec" : C'est une démarche clé. Le Théâtre de la Poudrerie va "rencontrer les gens chez eux à domicile" et inclut les habitants dans le "processus de création artistique". Ismaël Cousin (Action Baumayiller) amène le cinéma "en bas d'immeuble". Cette approche participative est essentielle pour que les habitants "s'approprient" les projets. Valérie Suner le résume : "quand on embarque tout le monde c'est pas une question de lieu en fait c'est une question de dynamique".
      • L'ingénierie locale : Maryline Picherie et Cadir Mbarc soulignent le rôle fondamental des élus et des équipes locales pour impulser des politiques de proximité et recréer du lien social. Le Conservatoire de musique et de danse de Melun, transféré dans les quartiers nord, en est un exemple de succès en termes de mixité.

      3. Le Rôle Central de la Culture et de l'Éducation :

      • Démocratisation de l'art : Le projet Micro-folie vise à apporter les œuvres des grands établissements culturels "au plus près des habitants", en utilisant le numérique pour démocratiser l'accès à l'art. Valérie Suner met en avant le "théâtre de la social", où "le cœur de la rencontre de l'autre de celui qui est différent de moi est au centre de nos préoccupations".
      • La culture comme vecteur de lien social : À Melun, la médiathèque "la boussole" est un "outil hybride" où "la culture et le vecteur de lien social dans le quartier". Brahim Timrich (Le Grand Bleu) utilise l'apprentissage de la natation comme un moyen de "réapproprier la mer" pour les habitants de Marseille, au-delà de la simple compétence technique.
      • L'école de la République : Plusieurs intervenants insistent sur le rôle crucial de l'école. Maryline Picherie regrette que l'école "n'est pas assez ambitieuse" et ne permette pas toujours aux enfants des quartiers d'avoir les "mêmes chances". Le financement des Cités éducatives est salué par Imen Swed, mais questionné par Maryline Picherie sur son financement. La difficulté pour les jeunes à trouver des stages est également évoquée comme un frein à leur parcours.
      • Changer les imaginaires : La culture et les initiatives comme celles de Wael Wael (documentaires "Mon incroyable 93", "Banlieue Tour d'Europe") visent à "détourner ces récits" négatifs et à montrer la "réalité" et le "vécu" des territoires.

      4. Les Défis et la Nécessité d'une Action Collective et Durable :

      • Baisse des financements publics : Saïd Ramani et Maryline Picherie expriment leur inquiétude face à la baisse des budgets de la politique de la ville ("moins 3% pour chaque contrat de ville et 5% qui sont gelés"), mettant en péril les actions locales et le maintien des services essentiels pour les populations. La question des "quartiers d'été" est particulièrement préoccupante.
      • Lutte contre les rixes : Awa Diablé, mère de victime, témoigne de la douleur des familles et de la nécessité de "parler aux jeunes" dans leurs mots ("embrouille" plutôt que "rixe") pour leur faire prendre conscience de la gravité des conséquences. Mohamed Magassa et Awa Diablé dénoncent un "abandon de l'État" face à ce phénomène, soulignant que les associations "pâient les lacunes". Le fait que les jeunes transportent des armes blanches par peur est un constat alarmant.
      • Rôle des familles et des habitants : Awa Diablé insiste sur la "responsabilisation des parents" et l'importance de la "parentalité". Mohamed Magassa met en avant la formation des mères pour qu'elles deviennent des actrices clés dans la prévention des rixes, valorisant leur "émancipation".
      • Écologie Populaire : Camera Vit (Picpic Environnement) et Sana Sanouli (Banlieue Climat) promeuvent une "écologie populaire" qui redonne le "pouvoir d'agir aux citoyens", en particulier aux mères. Elles dénoncent l'exclusion des habitants des quartiers des débats sur le climat, alors qu'ils sont les premiers touchés par la pollution et les impacts environnementaux. L'École Populaire du Climat et le Collectif des Mamans pour le Climat sont des initiatives concrètes qui "arment" les habitants pour faire valoir leurs droits.
      • Importance des réseaux et de la collaboration : Leila Breton (Social Hackers Lab) souligne la complexité des financements européens et l'importance d'accompagner les associations à les obtenir. Elle encourage la "collaboration entre les différentes structures pour créer des modèles de collaboration" face à la raréfaction des moyens. L'appel à "se coaliser" et à "sortir des silos" est récurrent.
      • Reprendre le pouvoir et la narration : La phrase de Nelson Mandela "Tout ce qui est fait pour moi sans moi est contre moi" est citée comme un principe fondamental. L'idée est que les personnes concernées doivent "porter [leurs] propres revendications" et non plus laisser d'autres "s'exprimer à [leur] place". La mobilisation des jeunes, des femmes et des habitants des quartiers est perçue comme une "prise de pouvoir".

      Conclusion : Cette conférence met en lumière la richesse et la vitalité des quartiers populaires, tout en soulignant les défis structurels auxquels ils sont confrontés, notamment le manque de moyens et la stigmatisation.

      Les solutions présentées reposent sur une approche participative, une valorisation des initiatives locales, un réinvestissement dans l'accès à la culture et à l'éducation, et une volonté de "désenclaver" au sens large : briser les barrières physiques et mentales, recréer du lien social et donner le pouvoir d'agir aux habitants pour qu'ils soient les acteurs de leur propre développement et du "vivre ensemble".

      Le message final est clair : "il n'y a pas de fatalité" et l'action collective est la clé pour un avenir apaisé.

    1. Note de Synthèse : Réflexion sur les Politiques de l'Enfance en France

      Date : 27 Octobre 2023 Sujet : Bilan et perspectives des politiques publiques de l'enfance en France, rôle du Haut Commissariat à l'Enfance, défis et pistes d'action.

      Source : Extraits de "CCTE - Session#1 : Échanges avec Sarah EL HAÏRY - En direct"

      1. Création et Mission du Haut Commissariat à l'Enfance (HCE)

      Le Haut Commissariat à l'Enfance est une institution nouvellement créée, ayant moins de trois mois d'existence au moment de l'intervention.

      Sa création répond à un besoin jugé "criant" de repenser la place de l'enfant dans la société française de manière globale.

      • Motivation : Sarah El Haïry, Haute Commissaire à l'Enfance, souligne que la réflexion sur l'enfant était auparavant fragmentée : "on pense les enfants vous savez par avec une casquette à chaque fois soit on le pense comme un élève soit on pense l'enfant comme finalement bah c'est notre enfant... soit on le pense finalement comme parfois un patient... soit on le pense comme un adhérent d'une voilà d'une aventure associative culturelle ou sportive mais on n'avait pas de lieu de moment pour dire bah enfin c'est le même c'est c'est le même".

      L'objectif est de créer un environnement qui pense l'ensemble des temps et spécificités de l'enfant.

      • Rôle transversal : La mission principale du HCE est de "coordonner toute l'action sur les politiques de l'enfance".

      Sarah El Haïry se décrit comme celle qui va "pousser la place de l'enfant ou la voie de l'enfant quel que soit le ministère et donc quelle que soit la politique publique pensée".

      Son rôle n'est pas opérationnel mais garantit la prise en compte des besoins et des droits de l'enfant dans toutes les instances, même celles éloignées de l'univers de l'enfance (ex: secteur du tourisme avec la question du "No Kids").

      • Pouvoir et marge de manœuvre : Ancien ministre, Sarah El Haïry explique que son poste actuel lui confère une "force" et lui permet d'être une "coordinatrice", un "garant" des politiques de l'enfance, dépassant les silos ministériels.

      Elle travaille en étroite collaboration avec Matignon pour assurer l'interministérialité et peut mobiliser toutes les administrations.

      Elle peut demander des expertises mais surtout comprendre "Qu'est-ce qui a bloqué ? Pourquoi lui tout seul il l'a pas fait ?".

      2. Défis Majeurs des Politiques de l'Enfance

      Plusieurs défis sont soulevés, illustrant la complexité et les lacunes actuelles du système :

      • Fragmentation des approches (les "silos") : Malgré les efforts passés (école ouverte, Devoir Fait, lutte contre le harcèlement, SNU, etc.), un citoyen souligne que "si on est là c'est que ça ne marche pas tellement".

      Sarah El Haïry confirme ce point : "rien ça a été fait par silo". La prise en charge des enfants en situation de handicap, par exemple, implique de multiples acteurs (département pour le transport, État pour l'éducation, ministère de la santé pour les soins) sans coordination globale, menant à des "inégalités territoriales" et une situation de "petit bonheur la chance".

      • Place de l'enfant dans la société : La question des "No Kids" (établissements interdisant l'accès aux enfants) est soulevée comme une illustration du manque de prise en compte de la place de l'enfant, qui est pourtant un "premier des impératifs".

      • Protection et bien-être matériel : La situation des "enfants à la rue" est un "engagement" du Président de la République mais reste une réalité criante.

      La Haute Commissaire insiste sur la "faiblesse ou la fragilité parfois de notre système" où la responsabilité est renvoyée entre l'État (pour les familles) et les départements (pour les enfants seuls), menant à "3000" enfants à la rue.

      Elle souligne que "quelle que soit sa nationalité quelle que soit son identité c'est pas aujourd'hui un élément qui doit être différenciant".

      • Éducation et adaptation des systèmes : Un citoyen s'interroge sur le fait que l'identité de genre ait été une "problématique principale" des débats récents sur l'enfance, tandis que des problèmes plus fondamentaux (agressions, disparitions d'enfants) persistent.

      Une citoyenne soulève la question des enfants jugés "dysfonctionnants" à l'école, qui sont trop souvent médicalisés au lieu d'être accompagnés pour transformer leurs particularités en "chance et une force".

      • Moyens et budgets : Un citoyen dénonce la "discrimination de base" en matière de matériel scolaire et le fait que les décisions concernant les rythmes scolaires soient souvent guidées par le "budget" plutôt que par le bien-être de l'enfant.

      La Haute Commissaire mentionne l'absence de "jaune budgétaire" pour l'enfance, rendant difficile une vision d'ensemble des investissements.

      3. Soutien à la Parentalité et Rôle des Parents

      Le rôle des parents et le besoin de soutien sont des thèmes centraux des échanges :

      • Évolution du contexte parental : Sarah El Haïry constate des "nouveaux défis" pour les parents : la fragilisation des solidarités familiales, l'éloignement des grands-parents, des temps de trajet domicile-travail plus longs, l'augmentation des familles monoparentales, et la place du "deuxième parent".
      • Responsabilités et devoirs : Un citoyen (Christian) insiste sur le "devoir des adultes", notamment des parents biologiques, qui ne doivent pas s'effacer derrière l'État. Il suggère également de mentionner le "devoir entre guillemets des enfants", en leur montrant leur rôle au sein de la famille et de la société.
      • Besoin d'accompagnement : Les parents sont confrontés à des "injonctions très contradictoires" et ont besoin d'aide. Le soutien à la parentalité est encore perçu comme "réservé à ceux qui vont pas bien", alors qu'il devrait être accessible à tous, sans jugement. Il faut "déculpabiliser".
      • Congé de naissance et parentalité : La question du "réarmement démographique" est liée au soutien à la parentalité. Le congé de naissance est en discussion pour être rallongé et mieux rémunéré, afin de permettre aux deux parents de s'investir davantage, reflétant "un combat de l'égalité plus fort".
      • Éducation affective : Une mère s'inquiète du contenu du programme "affectif" dans les écoles, estimant que l'éducation affective relève de la famille et questionnant la "neutralité" de l'éducation nationale sur des sujets sensibles comme l'identité de genre.

      Sarah El Haïry répond que l'objectif est de "donner à nos enfants les apprentissages essentiels" et de les "accompagner dans cette éducation au consentement", en complémentarité avec les parents.

      4. Valorisation des Métiers de l'Enfance

      La crise des vocations et le manque de reconnaissance des professionnels travaillant auprès des enfants sont un sujet de préoccupation :

      • Pénurie de personnel : Le manque de personnel dans les crèches (10 000 postes non pourvus) et la médecine scolaire, ainsi que le manque de psychomotriciens et ergothérapeutes dans les IME, sont soulignés.
      • Manque de reconnaissance : Au-delà de la rémunération, la "place dans la société" de ces professionnels est moins reconnue. "L'éducation populaire a connu le grand âge [mais] aujourd'hui cette place d'expertise d'expérience de faire grandir elle elle s'atténue".
      • Nécessité de parcours et de formation : Il est suggéré de créer "plus de parcours" pour permettre aux professionnels d'évoluer et de changer de milieu, afin de bâtir une "communauté éducative" plus large.

      5. Engagement et Perspectives

      Sarah El Haïry affirme son engagement personnel et la singularité de sa mission :

      • Engagement personnel : Elle a accepté ce poste "pour la cause", car elle "croit que aujourd'hui on a très envie d'aller d'aller bous [bouger] ça".
      • Durabilité de la mission : Sa position de Haute Commissaire lui confère une "force" car elle n'est pas soumise à l'instabilité politique d'un ministre. Sa mission est de suivre la cause de l'enfance "dans la durée", "quels que soient les ministres en place, quel que soit le sujet".
      • Optimisme : Elle exprime un optimisme mesuré, voyant des ouvertures et une volonté collective : "je vois toute la force des équipes de l'Élysée toute la force des équipes de Matignon la force des ministères avec qui je travaille en se disant 'Bah OK mais toi tu vas suivre dans la durée.' Bah oui moi je vais suivre dans la durée".

      • En conclusion, cette séance d'échanges met en lumière la volonté de la France de dépasser les approches fragmentées des politiques de l'enfance par la création d'un Haut Commissariat dédié.

      Les défis sont immenses, allant de la protection des enfants vulnérables et de l'accès à un environnement décent, au soutien d'une parentalité en mutation et à la valorisation des métiers de l'enfance.

      L'accent est mis sur la transversalité, la coordination et la nécessité d'une vision globale et durable pour assurer le bien-être de tous les enfants.

    1. Compte Rendu Détaillé : Défis de l'Environnement Numérique et de l'IA pour la Démocratie

      • Ce document de synthèse est une revue des principales thématiques, idées et faits marquants abordés lors de la table ronde "Vincent Champain, Gilles Babinet et Laurent Guimier sur les défis du nouvel environnement numérique", qui a eu lieu le 5 février. Les intervenants,

      • Vincent Champain (Observatoire du long terme),

      • Gilles Babinet (Conseil national du numérique) et
      • Laurent Guimier (CMA Média), ont partagé leurs analyses sur l'impact du numérique et de l'intelligence artificielle sur la démocratie, les menaces qu'ils représentent et les pistes de solutions.

      I. Constat alarmant : La fragilisation de la démocratie à l'ère numérique et de l'IA

      Les intervenants s'accordent sur un constat préoccupant : la démocratie est fragilisée dans ses fondements mêmes par le nouvel environnement numérique et l'intelligence artificielle.

      • Multiplication des manipulations et de la polarisation :
      • Le numérique a démultiplié la capacité de chacun à s'exprimer, ce qui est un progrès, mais a aussi "ouvert la porte à des phénomènes massifs de manipulation souvent invisible et très efficace des informations virales billets de diffusion propagande algorithmique fake news diffusé par des bots et ingérence étrangères à grande échelle".
      • Ces dérives ne sont pas anecdotiques et menacent la capacité des citoyens à former un jugement éclairé, condition essentielle d'un vote libre et informé.
      • Les algorithmes amplifient la colère, la peur, l'indignation, enfermant les individus dans des "bulles d'opinion".

      Laurent Guimier évoque "un moment atomique" où "nous sommes tous collectivement en capacité d'avoir entre les mains un moyen de destruction massive de la démocratie". * Impact sur le contrat démocratique et la cohésion sociale : * Le principe "une personne, une voix" est mis en danger par des systèmes où ceux qui paient ou trichent ont plus de poids. * La polarisation affaiblit la cohésion sociale, menant à "une société de plus en plus fracturée" et un "débat public de moins en moins rationnel". * Perte de confiance dans les institutions et augmentation des confrontations violentes, loin de l'échange d'idées apaisé que la démocratie est censée promouvoir. * Ingérences étrangères et guerre informationnelle : * Vincent Champain souligne "une multiplication des cas en France à l'étranger" et une "aptitude de plus en plus passive des grandes plateformes" face aux manipulations. * Gilles Babinet fait référence à la "doctrine Guerassimov", selon laquelle "pour le coût de un coût insignifiant le coût d'un tank je suis capable de déstabiliser un pays". Il met en garde contre une "2e génération de système de désinformation" avec des "systèmes automatisés, des robots", qui, si rien n'est fait, nous "submergeront". * Des exemples concrets sont cités par Michel Herbillon : l'annulation d'élections en Roumanie suite à une campagne d'ingérence russe, et la cyberattaque contre la campagne d'Emmanuel Macron en 2017 attribuée aux services de renseignement russes. * Vulnérabilités et défis de la régulation : * Le débat public est marqué par des "biais forts", et les algorithmes amplifient ce qui est "inquiétant, étonnant, outrancié". * Augmentation des dépressions, notamment chez les jeunes femmes. * Affaiblissement des médias d'information traditionnels et amplification de la production d'information trompeuse. * La régulation est complexe en raison de l'évolution rapide de la technologie, du caractère extraterritorial des plateformes et du modèle économique basé sur la "captation et la marchandisation de l'attention". Laurent Guimier souligne que "la régulation dans les réseaux sociaux elle est faite par des gens et des algorithmes dont l'intérêt n'est pas de faciliter le débat". * Difficulté à sanctionner les délits sans préjudice quantifiable (ex: diffusion de fake news) et à traiter les préjudices diffus. * L'anonymat, bien que parfois bénéfique pour la liberté d'expression (ex: Printemps Arabe), profite également aux "robots y compris à des rebots manipulés par des agents de l'étranger". * La cybercriminalité est un secteur à 1000 milliards d'euros de revenus, fournissant des "moyens logistiques aux manipulateurs" de désinformation.

      II. Les causes profondes de la fragilisation

      Les intervenants identifient plusieurs causes structurelles à cette fragilisation :

      • Le modèle économique des plateformes : "Le problème c'est pas les ingénieurs du chaos mais c'est ce qui rend ce chaos possible et surtout les raisons qui font que nos démocraties ont du mal à y résister." Les plateformes, dont le modèle d'affaires repose sur la publicité, ont "tout intérêt à accélérer tout ce qui va leur permettre de d'avoir un trafic supérieur", ce qui favorise la polarisation et la désinformation.
      • La rapidité des changements technologiques face à la lenteur des institutions : Laurent Guimier illustre cette idée en comparant l'expérience du lecteur de journal il y a 30 ans et celle d'aujourd'hui, radicalement différente, contrastant avec les quatre siècles précédents. Il évoque trois révolutions successives : le web, les réseaux sociaux (qui ont fait descendre les journalistes de leur piédestal) et l'IA (qui met l'humain en "concurrence frontale avec la machine").
      • Le manque de souveraineté numérique : Sophie Chikirou insiste sur la "propriété des moyens de production des moyens de diffusion de la propriété des moyens de stockage et de la propriété de la donnée", question essentielle de souveraineté. Guillaume Bigot déplore une "immense naïveté" face à la "colonisation numérique" américaine, soulignant que les plateformes imposent leurs conditions d'utilisation dictées par les intérêts des États-Unis.
      • L'absence de cadre clair et de mise en œuvre effective de la régulation : Gilles Babinet estime que des textes comme le DSA, le DGA ou l'AI Act "ne sont pas mis en œuvre, notamment pour des raisons politiques", par crainte de confrontation avec les États-Unis.
      • La difficulté à définir ce qu'est un média : Laurent Guimier souligne qu'aujourd'hui, "il n'y a pas besoin d'avoir une carte de presse pour être pour se dire journaliste pour créer un média", ce qui efface la frontière entre "information d'un côté" et "propagande de l'autre".

      III. Pistes de solutions et recommandations

      Le rapport appelle à une "prise de conscience urgente" et propose de nombreuses pistes pour "reformer la démocratie" :

      Repenser l'espace public numérique et renforcer la résilience démocratique :

      • Coercition accrue envers les plateformes : Gilles Babinet plaide pour être "beaucoup plus coercitif à l'égard des plateformes", avec des "amendes soient importante" pour contrer leur tendance à contourner les règles via l'"expérience utilisateur" (dark patterns).
      • Transparence et interchangeabilité des algorithmes : Gilles Babinet propose l'"interchangeabilité des algorithmes" pour permettre aux utilisateurs de choisir comment ils sont administrés sur les réseaux sociaux, un concept déjà mis en œuvre par Mastodon et Blue Sky.
      • Développement de "contre-plateformes" : Vincent Champain suggère la création d'une "contre-plateforme" au niveau européen, non pas par l'État, mais par un "consortium de médias", pour offrir une alternative respectueuse du débat.
      • Renforcement de la veille et de la détection : Augmenter les moyens de Viginum pour détecter et dénoncer les campagnes de désinformation. Vincent Champain propose également "un partage de de bonnes pratiques où on informe très très de façon très très rapide pendant le période électoral de des choses qui se font pour que sur ce sujet de la capacité à atteindre les gens on mette les les gens en égalité".
      • Outils de "testing" : Vincent Champain suggère de mettre en place des outils de testing statistique (ex: ouvrir 150 comptes d'utilisateurs) pour obtenir des informations précises sur ce qui est présenté aux différentes catégories d'utilisateurs.

      Remettre les citoyens au cœur du jeu démocratique, informés et armés :

      • Éducation aux médias et à l'esprit critique : Une proposition clé est d'élargir les missions des établissements scientifiques et des universités pour que "l'information via les réseaux sociaux... puisse davantage faire partie de leur mission pour que ce flux d'information correcte vérifiée puisse contrecarrer les flux deinformations". Des exemples de programmes efficaces en Finlande et en Suède sont cités.
      • Développer une "culture citoyenne" : Gilles Babinet insiste sur la nécessité que les citoyens participent à "contrer les opérations de désinformation" et développent un "niveau d'expertise plus ou moins élevé".
      • Réinventer les règles du débat numérique : Inspiré par l'histoire d'Internet dans les années 90, le rapport propose de réinventer une "étiquette" ou des "règles pour essayer de garder un peu de respect dans le débat numérique".

      Adapter les institutions et les outils juridiques :

      • Réflexion sur l'évolution de la démocratie en mode numérique : Vincent Champain évoque la difficulté des démocraties représentatives à écouter des catégories de personnes éloignées, suggérant que l'IA pourrait aider à faire des synthèses et identifier des signaux faibles.
      • Adaptation du cadre juridique : Le cadre juridique actuel est inadapté pour gérer les préjudices diffus ou punir des délits sans préjudice quantifiable.
      • Pseudonymat : Une proposition est le "pseudonymat", qui permet de "garder les bénéfices pour la liberté d'expression de l'anonymat tout en évitant de donner des protections à des robots manipulés par des trolls".
      • Régulation de la presse : Laurent Guimier plaide pour une "régulation de la presse" et une "capacité à authentifier à labelliser ce de ce qui est de l'ordre du média et de ce qui est de l'ordre de la de la propagande". Il propose une instance comparable à l'Ordre des médecins pour les journalistes.
      • Coopération public-privé : Laurent Guimier insiste sur la nécessité de dépasser l'opposition historique entre technologie et médias, et de faire coopérer les institutions et les acteurs privés pour "dompter la technologie". L'exemple de "alerte infox" sur le modèle de "alerte enlèvement" est cité.

      Développer la souveraineté technologique européenne :

      • Accès aux capitaux et unification des marchés : Gilles Babinet souligne que "l'unification des marchés des capitaux est indispensable si on veut réussir à lever des capitaux en quantité suffisante".
      • Développement de l'Open Source : Gilles Babinet y voit une "forme de gouvernance" et une "carte que l'Europe pourrait tout à fait jouer" face aux infrastructures opaques.
      • Utilisation des normes : Vincent Champain rappelle que les normes (ex: GSM) peuvent être un "outil très puissant" pour réduire la dépendance technologique.
      • Investir dans des initiatives comme Mistral AI ou Shō France : Ces entreprises françaises sont citées comme des exemples d'efforts pour développer une intelligence artificielle et promouvoir le pays.

      IV. Conclusion des intervenants

      Les intervenants concluent sur l'urgence d'agir et la nécessité d'une vision collective à long terme :

      Vincent Champain : Le débat est à ses débuts, et il est crucial pour la France et l'Europe "d'essayer d'être un peu en avance et de poser un peu les fagnons de la démocratie libérale avant que les trolls se soient emparés de la place".

      Laurent Guimier : Bien qu'il soit "trop tard pour notre génération", la responsabilité est de travailler pour les "trois prochaines générations" en les aidant à sortir de l'"immaturité logique" face à cette révolution. Cela passe par l'éducation et la confiance générée par la coopération entre médias et institutions.

      Gilles Babinet : Les systèmes institutionnels ne pourront pas ne pas évoluer face à l'IA. Il faut réfléchir à de "nouvelles formes d'institution de nouvelles formes de régulation", notamment en créant des "corps intermédiaires" de citoyens chargés de développer les algorithmes pour l'État. Il souligne que "les défendants ont un avantage sur les attaquants" car ils partagent l'information, ce qui leur permet de se renforcer plus vite.

      Enfin, il insiste sur la nécessité d'une "approche offensive" face à la désinformation.

    1. Synthèse Détaillée : Adaptation de l'Aménagement des Territoires au Changement Climatique en France

      • Ce document de briefing s'appuie sur les conclusions du rapport de la mission d'information parlementaire sur l'adaptation de l'aménagement des territoires au changement climatique.

      Il met en lumière les retards accumulés par la France en matière d'adaptation, l'insuffisance des politiques actuelles et la nécessité urgente d'une stratégie plus ambitieuse, coordonnée et financée pour faire face aux impacts croissants du dérèglement climatique.

      1. Le Contexte et l'Urgence de l'Adaptation

      Le rapport s'inscrit dans un contexte marqué par la publication du PNACC 3 (3e Plan National d'Adaptation au Changement Climatique) en mars dernier.

      Si les politiques d'atténuation (réduction des émissions de gaz à effet de serre) restent "indispensables pour limiter l'ampleur du changement climatique", elles doivent désormais être "complétées par une politique d'adaptation ambitieuse" face aux impacts déjà visibles et futurs.

      Constat alarmant : La France a pris un "important retard" en matière d'adaptation.

      Les réponses actuelles sont "insuffisantes", les "coûts de l'inaction s'alourdissent", et les politiques publiques peinent à traduire "l'urgence climatique en action concrète".

      Prévisions climatiques : "La trajectoire actuelle de réchauffement climatique pourrait conduire les températures à augmenter d'ici 2100 en France de 3 à 4°C supplémentaire par rapport à l'ère pré-industrielle".

      L'ampleur et la vitesse de ces évolutions sont "inédites", affectant les sols, la disponibilité de l'eau, les rendements agricoles, et augmentant la récurrence d'événements extrêmes (inondations, sécheresses).

      Impacts sur le quotidien des Français : "Disparition d'habitations et d'infrastructures littorales ou de montagne, baisse de la productivité économique lors des fortes chaleurs, dommages considérables du retrait gonflement des argiles sur les maisons individuelles, coupure récurrente de route, impossibilité d'assurer certains biens."

      2. Atténuation vs. Adaptation : Deux Piliers

      Complémentaires et Complexes La lutte contre le changement climatique repose sur deux piliers :

      Atténuation : Agit sur les "sources du réchauffement climatique".

      Adaptation : Agit sur les "conséquences de ce dernier".

      Ces deux démarches sont "complémentaires" (ex: végétalisation des villes atténue et adapte).

      Cependant, elles peuvent aussi s'opposer si l'adaptation conduit à des "maladaptations" (ex: "répondre aux vagues de chaleur en installant des millions de climatiseurs").

      L'adaptation est "plus complexe que celle de l'atténuation" car elle nécessite de "réduire les vulnérabilités physiques et de trouver des moyens d'adaptation fonctionnels selon des méthodes qui diffèrent en fonction des territoires des secteurs d'activité et des choix opérés par les élus et la population". Il n'existe pas de "politique d'adaptation unique".

      Contrairement à l'atténuation, qui dépend d'un effort mondial, "les politiques d'adaptation ne dépendent que de nous".

      L'action est urgente car "l'adaptation doit être pensée et mise en œuvre dès maintenant pour éviter la maladaptation et des coûts futurs importants".

      3. Le Coût de l'Inaction et les Bénéfices de l'Adaptation

      Bien qu'il n'existe pas d'"évaluation globale du coût de l'inadaptation", ce coût est "important" et "exponentiel".

      • Le changement climatique est responsable de près de la moitié de l'augmentation des coûts d'assurance, passés de "1,5 à 3,5 milliards d'euros par an" entre les décennies 1980 et 2010.
      • Les vagues de chaleur ont provoqué entre "22 et 37 milliards d'euros de surcoût entre 2014 et 2022", sans compter les milliers de morts.
      • Exemple frappant de maladaptation : le déploiement de la fibre optique sans enfouissement des câbles, nécessitant un investissement supplémentaire de "7 à 17 milliards d'euros" pour correction.
      • À l'inverse, "les bénéfices de l'adaptation dépassent largement ses coûts". Selon la Banque Mondiale, "chaque euro investi dans l'adaptation rapporte entre 2 et 10 €". Agir dès maintenant présente des "bénéfices économiques" et permet d'éviter des "investissements déjà très lourds" à refaire.

      4. Recommandations Clés pour une Politique d'Adaptation Efficace

      Le rapport formule une centaine de propositions. Les plus importantes incluent :

      4.1. Renforcement du Cadre Juridique et Stratégique

      • Reconnaître l'adaptation comme une "véritable priorité nationale" en lui dédiant un chapitre au sein du Code de l'Environnement, sur le modèle de la stratégie nationale bas-carbone.
      • Donner une "valeur législative" à la trajectoire de réchauffement de référence pour l'adaptation (TRACC), fixée à 4°C de réchauffement en France à l'horizon 2100 par le PNACC 3. Cela imposerait aux documents stratégiques locaux (PLU, SCoT) de prendre en compte le climat futur.

      4.2. Financement et Ressources

      • Lutter contre l'impensé du financement de l'adaptation. Le PNACC 3 n'est pas assorti d'un plan de financement chiffré.
      • Développer une "méthodologie de chiffrage" pour les collectivités territoriales.
      • Publier en annexe du projet de loi de finances un "orange budgétaire" récapitulant les actions de financement de l'adaptation au niveau de l'État.
      • Rétablir un "lien d'évolution automatique" entre l'augmentation de la surprime d'assurance catastrophe naturelle (passée de 12 à 20% en 2025) et l'augmentation des recettes du Fonds Barnier, en le tournant davantage vers la prévention.
      • Rehausser le Fonds Vert à son niveau de 2024, augmenter la part consacrée à l'adaptation et les exigences de verdissement des projets financés.
      • Renforcer "majeurement les moyens humains et financiers des opérateurs de l'État" (ex: ADEME, CEREMA) impliqués dans l'adaptation, qui ont vu leurs effectifs réduits malgré une charge de travail croissante. Le CEREMA, par exemple, a perdu "20% de ses effectifs en 10 ans" tout en étant impliqué dans près de "2/3 des actions du PNACC 3".
      • Libérer les ressources des Agences de l'Eau en supprimant complètement leur plafond de recettes et en rehaussant leur plafond de dépenses.
      • Instaurer un "test de conformité à la TRACC" pour chaque investissement d'ampleur et intégrer impérativement la prise en compte du climat futur dans les marchés publics.

      4.3. Ingénierie Territoriale et Culture du Risque

      • Le "déficit d'ingénierie territoriale" est un frein majeur. Les petites collectivités manquent de moyens et d'expertise.
      • Mettre en place une "formation obligatoire des élus" à la culture du risque et aux enjeux climatiques en début de mandat.
      • Labelliser les bureaux d'études réalisant des diagnostics de vulnérabilité.
      • Renforcer le CEREMA pour structurer l'accompagnement des collectivités et réduire les inégalités territoriales.
      • Renforcer le volet adaptation des SRADDET et envisager la fusion des ALEC avec les agences d'urbanisme pour créer des agences locales de l'urbanisme et du climat.
      • Fusionner les COPES régionales et les CESER pour élargir la concertation citoyenne sur les choix d'adaptation.

      4.4. Adaptation de l'Aménagement et du Droit

      • Repenser l'ensemble du droit de l'urbanisme pour éviter la maladaptation dans les zones à risque.
      • Mieux articuler les lois Montagne et Littoral ainsi que l'objectif ZAN (Zéro Artificialisation Nette) avec les impératifs d'adaptation, notamment le "recul stratégique d'habitation ou d'infrastructure".
      • Après les catastrophes naturelles, la "reconstruction à l'identique ne soit plus la norme". Le droit de l'urbanisme et de l'assurance doit évoluer pour y mettre fin.
      • Responsabiliser les assureurs (qui restent dans les zones à risque) et les assurés (qui n'effectuent pas les travaux de prévention).

      4.5. Enjeux Spécifiques et Cas Particuliers

      • Prévention des inondations : Évolution de la compétence GEMAPI pour inclure le ruissellement et favoriser une "plus grande solidarité territoriale" (entre amont et aval).
      • Risques littoraux (érosion côtière, submersion marine) : Création d'un "fond dédié au financement des actions face à l'érosion côtière", alimenté par les taxes sur les éoliennes en mer et les locations touristiques de courte durée dans les zones concernées. Nécessité d'accepter parfois de "se retirer" plutôt que de lutter inutilement.
      • Chaleurs extrêmes en ville et logement : Les villes sont en "première ligne". Le nombre de nuits tropicales à Paris "quadruplera d'ici 2050".
      • Intégrer les enjeux d'habitabilité d'été dans les travaux éligibles à Ma Prime Rénov' et à l'éco-prêt à taux zéro.
      • Lutter contre les îlots de chaleur urbains : renforcer la présence de l'eau, végétaliser, développer les surfaces à fort albédo, repenser l'organisation spatiale.
      • Territoires ultramarins : Malgré une influence océanique atténuant le réchauffement moyen, ils sont confrontés à l'érosion/submersion marine, l'affaiblissement de la ressource en eau douce, l'intensification des cyclones, l'acidification de l'océan, et les sargasses (dont le classement en catastrophe naturelle est envisagé).
      • Manque de territoires de repli pour l'urbanisme, car l'habitat côtier est très vulnérable (en Polynésie, "près de 8 habitants sur 10 vivent ainsi à moins d'1 km de la mer").
      • Augmenter "significativement les aides allouées à l'amélioration de l'habitat" du ministère des Outre-mer pour la réhabilitation et la relocalisation des logements menacés.

      5. L'Adaptation comme Levier de Résilience et de Développement

      • Le rapport souligne que l'adaptation n'est pas seulement une "contrainte et un coût", mais aussi un "levier de résilience, d'innovation et d'attractivité pour les territoires". Les sommes investies peuvent "servir à faire levier pour redynamiser l'activité" tout en "protégeant d'inévitables coûts futurs". Pour cela, il est impératif de "nous mettre en ordre de bataille pour intégrer cet enjeu dans l'ensemble de nos politiques publiques et ainsi éviter la maladaptation et la gabegie des deniers publics."

      6. Débats et Points de Tension Plusieurs points de discussion ont émergé :

      • Loi ZAN : Des divergences persistent sur l'application rigide de la loi et la nécessité de l'adapter aux spécificités territoriales (érosion côtière, montagne). Certains critiquent une "artificialisation dogmatique" qui serait "contre-productive" face à la protection humaine. D'autres insistent sur la nécessité de maintenir le cap du ZAN, le qualifiant de "chance de repenser nos manières d'habiter et de vivre ensemble", face à la vacance de logements et l'impact sur l'écosystème.
      • Rôle de l'État : Appel à une réaffirmation claire du rôle de l'État comme "garant de la cohésion nationale de l'égalité et de la sécurité de tous", notamment pour la solidarité financière (Fonds Barnier, érosion côtière) et l'accompagnement des collectivités.
      • Simplification normative : Demande d'un "vrai chantier de simplification de cohérence et surtout d'arbitrage entre protection environnementale sans concession et sécurité humaine".
      • Stations de montagne : La "fin possible de certaines activités économiques" (comme le ski) est une réalité difficile à accepter pour les territoires qui ont investi massivement. La diversification économique viable est un défi majeur nécessitant un accompagnement national fort.
      • Sentiers littoraux : Questionnement sur la pertinence de continuer à construire des sentiers littoraux coûteux et souvent détruits par les tempêtes, face à l'érosion inévitable, suggérant une gestion plus agile et locale des investissements.
      • Délai d'instruction des dossiers : Nécessité d'accélérer les procédures administratives pour les aides après catastrophes naturelles, en s'inspirant des procédures d'urgence utilisées dans le Pas-de-Calais.
    1. Compte rendu détaillé : La formation des professionnels de santé et son impact sur l'accès aux soins

      Ce document synthétise les points clés soulevés lors de l'audition concernant l'organisation du système de santé et l'accès aux soins, avec un accent particulier sur la formation des professionnels de santé.

      Les discussions ont mis en lumière les défis actuels, les réformes en cours et les pistes de réflexion pour l'avenir.

      1. Le constat des difficultés d'accès aux soins

      • Le rapporteur souligne d'emblée la gravité de la situation : « 6 millions de nos concitoyens n'ont pas de médecin traitant et des territoires entiers peuvent être considérés comme des déserts médicaux ». Ce problème n'est pas propre à la France, mais une difficulté mondiale, particulièrement dans les zones éloignées des grands centres urbains. Au-delà du nombre, la question de la répartition territoriale et de la couverture du spectre des besoins de santé est cruciale.

      2. Le rôle central de la formation

      La formation des professionnels de santé, relevant en grande partie du ministère de l'enseignement supérieur, est identifiée comme un levier majeur pour améliorer la situation sanitaire. Les enjeux liés à la formation sont de trois ordres :

      • Quantitatif : Définir le nombre de professionnels à former. Bien que le ministère de la Santé soit prioritairement en charge de cette définition des besoins, c'est une question fondamentale et complexe. Il est noté que le numerus clausus est passé d'un point bas de 3500 par an dans les années 90 à près de 11000 aujourd'hui, mais un « effet retard » d'environ 10 ans existe entre le début de la formation et l'arrivée effective des médecins sur le terrain.
      • Qualitatif : Former des médecins capables de couvrir toutes les disciplines et champs de la santé, assurant une bonne répartition entre les spécialités et l'adéquation des compétences aux missions.
      • Territorial : Assurer une répartition équitable des médecins sur le territoire pour répondre aux besoins locaux, ce qui n'est « évidemment criant que ce n'est pas le cas aujourd'hui ».

      3. Les leviers d'action et réformes en cours

      Plusieurs mesures sont mises en œuvre ou envisagées pour améliorer la situation :

      • Diversification du recrutement : L'objectif est de recruter des jeunes issus de territoires d'origine et de milieux sociaux diversifiés. Cela passe par l'extension des « options santé dans les lycées », notamment pour les élèves les plus éloignés des carrières de santé. Ces options sont en phase d'expérimentation et les premiers retours sont très positifs, les lycéens ayant suivi ces options gérant mieux leur première année d'études de santé.
      • Décentralisation de la première année d'études de santé (PASS/LASS) : Une proposition phare est la possibilité d'avoir « une première année d'accès aux études de santé par département », y compris via des campus connectés. Cette mesure vise à rapprocher la formation des territoires et à envoyer un signal sur la répartition des professionnels. L'expérimentation débutera dès l'année prochaine.
      • Simplification des parcours d'accès : La réforme de la première année d'études, initiée en 2019, vise à rendre les parcours plus lisibles et moins socialement déterminants. Le système de la PACES présentait de nombreux inconvénients, notamment un taux d'échec élevé (2/3 des étudiants) et une mauvaise réponse aux besoins territoriaux. L'objectif est de réduire les redoublements et de diversifier les profils.
      • Adaptation aux réalités locales et modes d'exercice : Il est jugé essentiel que les étudiants découvrent les territoires et les différents modes d'exercice, ainsi que les disciplines sous-couvertes (personnes âgées, soins palliatifs, santé mentale, santé scolaire, santé au travail).
      • Généralisation des stages hors CHU : Actuellement, moins de 40 % des stages ont lieu en dehors des Centres Hospitaliers Universitaires. L'objectif est de changer cet état de fait pour que les stages se déroulent sur tout le territoire, avec la « généralisation d'un stage en dehors des CHU et en territoire soudance au cours de la formation en 2e ou 3e cycle ». Dès novembre 2026, la 4e année d'internat en médecine générale incitera les docteurs en formation à réaliser des stages en zone fortement sous-dense.
      • Développement professionnel continu et passerelles : Pour retenir les professionnels, il est nécessaire d'assurer un développement professionnel continu. Il faut aussi « faciliter les passerelles entre les formations pour permettre des évolutions de carrière ».

      4. Débats et pistes de réflexion complémentaires

      Plusieurs points ont fait l'objet de discussions approfondies :

      • L'alternance : Le concept d'une formation en alternance plus poussée, dès la première année, est évoqué par le rapporteur, citant l'exemple de médecins ruraux souhaitant former des jeunes en vue d'une reprise de patientèle. Le ministre tempère en soulignant les défis logistiques et la nature très théorique de la première année. Cependant, il reconnaît que la formation actuelle est déjà fortement basée sur la pratique en cycles supérieurs (« en 2e cycle aujourd'hui ils passent 50 % de leur temps en stage et en 3e cycle 80 % »). La 4e année d'internat est d'ailleurs une réponse à ce besoin de professionnalisation.
      • Les compétences non-médicales : La nécessité d'inclure des cours sur les « relations humaines » (management, communication) et l'« entrepreneuriat » (pour la médecine libérale) dès les premières années est soulignée par le rapporteur. Le ministre indique que ces sujets sont déjà abordés, notamment l'éthique dès le premier cycle et la gestion de cabinet en fin de troisième cycle, mais que les maquettes peuvent être améliorées.
      • La durée des études : Le rapporteur s'interroge sur la possibilité de raccourcir les études, citant l'Allemagne et la Suède où les durées sont différentes. Le ministre précise que les diplômes belges et allemands de 6 ans ne confèrent pas un exercice complet de la médecine, et que le premier cycle français est jugé incompressible en raison de disciplines fondamentales. L'allongement d'un an de la formation en médecine générale est justifié par la complexité croissante de l'exercice et la contribution des docteurs juniors à la force de travail dès la 4e année.
      • La territorialisation de l'internat : La question du fléchage des internes, majoritairement vers les CHU, est un enjeu majeur pour les hôpitaux de province. L'obligation de stages en zones sous-denses est une première réponse, mais la réflexion se poursuit sur des mécanismes plus justes.
      • La suppression du concours de première année : Le rapporteur propose de supprimer le concours de première année, jugé trop sélectif, socialement discriminant (coût des prépas privées) et inadapté pour évaluer une carrière de 10 ans. Le ministre partage cette vision d'une plus grande ouverture et de donner « plusieurs chances à des étudiants », permettant de rebondir après un premier échec en licence non-médicale. Il reconnaît toutefois la difficulté de cette transition en France en raison du « culte dans les dans mais y compris des parents paradoxalement de du concours de la note ».
      • L'orientation vers les spécialités : Le système actuel laisse aux étudiants le choix de leur spécialité, ce qui entraîne des déséquilibres (ex: difficulté à attirer les étudiants vers la psychiatrie). Deux approches sont envisagées : réduire les marges de flexibilité ou revaloriser l'attractivité des spécialités moins choisies.
      • Le retour des certificats d'études spécialisées (CES) : La possibilité de réintroduire des spécialisations intermédiaires entre la médecine générale et l'hyperspécialisation CHU est évoquée comme une piste pour améliorer la prise en charge des patients et éviter des consultations inutiles chez des hyperspécialistes.

      5. Coût de la formation

      Le ministre n'est pas en mesure de donner le coût précis de la formation d'un médecin. Le coût moyen d'un étudiant toutes filières confondues est d'environ 12 000 euros par an, mais il précise que les étudiants en santé contribuent aussi directement au système de soins via leurs stages.

      En conclusion, la France est engagée dans une série de réformes visant à résoudre la crise de l'accès aux soins par une refonte profonde de la formation des professionnels de santé, axée sur la décentralisation, la diversification des parcours, l'intégration de la pratique et une meilleure anticipation des besoins territoriaux et des compétences futures.

    1. Compte Rendu Détaillé de l'Audition du Ministre de la Santé et de l'Accès aux Soins

      Introduction et Contexte

      Cette audition, menée par une commission d'enquête parlementaire, vise à échanger sur le système de santé français et l'accès aux soins, ainsi que sur les évolutions possibles pour améliorer son efficience et sa soutenabilité.

      Le Ministre de la Santé et de l'Accès aux Soins, Yannick Neuder, a souligné que l'accès aux soins est "le plus grand et le plus important défi de notre système de santé", une priorité mais aussi une "préoccupation" pour les Français confrontés à "des délais inacceptables, à des distances infranchissables, à des découragements silencieux".

      Il a insisté sur la nécessité de mobiliser "tous les leviers dans une action globale qui mobilise tous les acteurs" et de "rebâtir les organisations à la hauteur des défis et de notre époque" (vieillissement de la population, maladies chroniques, nouvelles attentes).

      I. La Formation des Professionnels de Santé : Un Axe Majeur de la Politique du Ministre

      La formation est placée au "centre de gravité" de l'action du Ministre, avec le triptyque "former plus, former mieux, former partout".

      Augmentation des Capacités de Formation :

      • Quatrième année d'internat de médecine générale : Cette mesure vise à injecter 3 700 "docteurs juniors" dans les circonscriptions dès novembre 2026. L'objectif est de les positionner "en libéral" sur les territoires, et non dans les services hospitaliers, pour renforcer l'offre de soins de ville. Le Ministre reconnaît que cette quatrième année ne fait pas l'unanimité parmi les syndicats de médecins et "il faudra savoir évaluer l'intérêt de de cette 4e année de médecine".
      • Réforme des voies d'accès aux études de santé : Inclut la suppression définitive du numerus clausus (désormais numerus apertus, et en voie d'être totalement supprimé, avec un vote au Sénat prévu le 17 juin).

      L'objectif est d'adapter les besoins en formation aux réalités territoriales et aux capacités des universités, tout en renforçant les moyens alloués à la formation. * Retour des étudiants français formés à l'étranger : Le Ministre estime qu'environ 10 000 étudiants français partis en Belgique, Pologne, Roumanie pourraient être réintégrés.

      Il s'interroge sur la "souveraineté sanitaire" de la France, 7ème puissance mondiale, dépendante d'autres pays pour la formation de ses soignants (ex: 54% des dentistes inscrits en France sont formés à l'étranger).

      • Augmentation des places en formation paramédicale : Plus 5 870 places en IFSI depuis 2020.
      • Chiffres clés et perspectives : 9 000 médecins formés cette année, 10 900 l'an prochain. En incluant les médecins à diplôme hors Union européenne (PADU) et les étudiants français formés à l'étranger, l'objectif est d'atteindre "50 000 médecins supplémentaires en 2027" (33 000 en formation initiale, 12 000 PADU, 5 000 étudiants de l'étranger).

      Adaptation des Cursus et Compétences :

      • Management et relations humaines : Le Ministre, ancien chef de pôle, reconnaît le manque de formation des médecins sur les aspects managériaux, comptables, administratifs et relationnels, que ce soit en libéral (gestion d'entreprise) ou à l'hôpital (gestion de pôle). Il salue la suggestion d'intégrer des cours sur ces sujets.
      • Décentralisation des études : L'idée d'une première année dans chaque département est saluée comme novatrice et comme une réponse à la décentralisation.

      L'objectif est de familiariser les futurs médecins avec les réalités des territoires ruraux dès le début de leurs études.

      • Alternance et stages : Le Ministre est favorable à ce que le deuxième cycle des études médicales (dès la 4ème année) puisse se faire en ville plutôt qu'exclusivement à l'hôpital, pour rapprocher les étudiants du terrain. Cependant, il insiste sur la nécessité de maintenir un "socle de connaissance fondamental" (physiologie, anatomie, biochimie) qui ne peut s'apprendre en alternance dès la 2ème année.
      • Passerelles professionnelles : Les passerelles sont jugées "extrêmement importantes" pour permettre aux professionnels paramédicaux d'évoluer vers le métier de médecin, notamment pour attirer vers des spécialités peu attractives (santé publique, médecine du travail, gériatrie, soins palliatifs, psychiatrie).

      De même, les doubles cursus (ingénieur-médecin) sont encouragés face à l'évolution technologique (IA, radiologie, biophysique). * Causes Historiques des "Déserts Médicaux" : Le Ministre attribue la pénurie actuelle à plusieurs facteurs : * Un numerus clausus trop bas (3 500 en 1993), n'ayant pas anticipé l'augmentation de la population (+15 millions d'habitants depuis les années 70, avec un nombre de formations similaire). * Le vieillissement de la population et l'émergence des maladies chroniques (ex: 10% de diabétiques à La Réunion). * Le changement du rapport au travail des professionnels de santé (impact des 35 heures, nécessité de 2,3 médecins pour remplacer un généraliste partant à la retraite). Le Ministre cite: "il est préférable de demander peu à beaucoup de médecins que demander beaucoup à très peu".

      II. Le Rôle et la Gouvernance des Agences Régionales de Santé (ARS)

      Le rôle des ARS est au cœur des discussions, avec des perceptions contrastées.

      • Critiques et Perceptions : Bien que le Ministre salue le travail des ARS comme les "bras armés" du ministère, la commission d'enquête a relevé une perception "unanime" des ARS comme une "structure énorme, très déconnectée du terrain", avec une communication "hyper compliquée", en décalage avec la volonté du Ministre de travailler en proximité avec les élus.
      • Réduction des Effectifs et Augmentation des Missions : Les ARS ont vu leurs effectifs baisser de 15% depuis leur création en 2010 (de 9 500 à environ 8 000 ETP en 2025), alors même que leurs missions ont augmenté. La répartition des ETP montre une forte concentration sur la "santé publique veille" (2 300 ETP) et l'"offre de soins" (1 800 ETP).
      • Amélioration de la Proximité : Le Ministre souhaite renforcer les liens entre les élus locaux et les représentants des ARS, notamment les directeurs départementaux. Il a d'ailleurs organisé une réunion inédite avec préfets, directeurs généraux et directeurs départementaux des ARS pour décloisonner le travail. Il estime que le département est l'"air géographique le plus efficient" pour une proximité accrue.
      • Repositionnement des Missions : La question est posée de savoir si les ARS devraient se concentrer davantage sur l'offre de soins. Le Ministre suggère de "creuser" la possibilité de rapprocher la mission "environnementale" des préfectures, ce qui permettrait aux ARS de se concentrer sur l'offre de soins et le médico-social.
      • Statut des Directeurs Départementaux : La proposition de créer un "sous-préfet sanitaire" est évoquée pour valoriser l'échelon départemental et améliorer l'attractivité des métiers de l'ARS, en lien avec les compétences des préfectures en aménagement du territoire. Le Ministre se dit favorable à une réorganisation pour un meilleur service rendu à la population et à des services de l'État "le plus déconcentrés possible".
      • Dépendance et Prévention : Le rapporteur propose de confier la gestion totale de la dépendance aux départements et la prévention aux EPCI.
      • Dépendance : Le Ministre est plus préoccupé par le "mode de financement" de la dépendance que par l'attribution de la compétence. Il souligne l'hétérogénéité des départements en termes de richesse et donc de capacité à financer cette compétence.
      • Prévention : Le Ministre n'est pas "convaincu" que les soignants soient les "meilleurs effecteurs de la prévention". Il insiste sur le rôle crucial des maires ("capital sympathie et confiance auprès des élus le plus fort c'est le maire") et d'autres professions de santé de proximité comme les biologistes et les pharmaciens.

      III. Financement du Système de Santé et Lutte Contre la Fraude

      • Sécurité Sociale en Danger : Le Ministre alerte sur l'avenir de la Sécurité Sociale, avec une CADES (Caisse d'Amortissement de la Dette Sociale) "quasiment remplie" (231 milliards d'euros de dette résiduelle) et une COSS (Caisse Nationale d'Assurance Maladie) confrontée à des risques de financement dès 2027 (selon la Cour des Comptes).
      • Mutualisation des Caisses et des Mutuelles : La proposition d'une "grande sécutualisation" des différentes caisses et des mutuelles, qui pourrait générer 3 à 6 milliards d'euros d'économies sans désavantage pour les citoyens, est soulevée. Le Ministre reconnaît que le sujet a déjà été évoqué il y a une dizaine d'années et rappelle que la Sécurité Sociale a été créée dans un contexte de rassemblement national.
      • Lutte Contre la Fraude : Le Ministre identifie la lutte contre la fraude comme un levier majeur. La fraude est estimée à 13,5 milliards d'euros. Le Ministre souhaite porter l'objectif de retour sur les fraudes indues de 700 millions d'euros en 2024 à 1,5 milliard d'euros en 2026. Il propose d'utiliser l'intelligence artificielle pour croiser les données entre l'assurance maladie obligatoire et complémentaire, de généraliser la carte Vitale digitalisée, et de rendre les arrêts de travail et ordonnances infalsifiables.
      • Prévention comme Investissement : Le Ministre voit la prévention (qui représente environ 8 milliards d'euros dans le compte de la Cnam) comme un "investissement" : "un € investi dans la prévention c'est 10 € de moins consommé dans le soin". Il déplore le faible taux de dépistage des cancers (moins de 50% de la cible) et la non-atteinte des objectifs de vaccination.
      • Stabilité Ministérielle : Le Ministre souligne l'instabilité ministérielle ("4e ministre de la santé en 2024 avec des durées de vie de parfois 2 3 mois") comme un obstacle à la mise en œuvre de réformes structurelles profondes.

      IV. Gouvernance des Hôpitaux

      • Relations Directeur / PCME : Le Ministre estime que la relation entre le directeur d'hôpital et le président de la Commission Médicale d'Établissement (PCME) doit être une "affaire de personnes" et un "couple qui doit faire avancer les choses". Il rejette l'idée d'un "enjeu de pouvoir" et met en avant les exemples de réussite.
      • Délégation de Gestion : Plutôt que de renforcer le pouvoir hiérarchique, le Ministre privilégie la "délégation de gestion" au niveau des pôles et des services. Il souhaite donner plus d'autonomie au "trio de pôle" (chef de pôle, cadre paramédical, directeur administratif) pour gérer les ressources humaines et les moyens, tout en maintenant le contrôle.
      • Rôle du CNG (Centre National de Gestion) : Le CNG, qui gère les carrières et le pouvoir disciplinaire des praticiens hospitaliers au niveau national, est perçu comme éloigné du terrain et entraînant des délais longs.

      Le rapporteur suggère de transférer le règlement des conflits aux conseils de l'ordre départementaux.

      Le Ministre reconnaît une différence de traitement entre PH (CNG) et HU (juridiction universitaire). * Pénurie de Médecins et Pouvoir : La pénurie de médecins est reconnue comme ayant inversé le rapport de pouvoir, donnant aux médecins une influence significative et la possibilité de "chantage" en raison de la facilité de départ. * GHT (Groupements Hospitaliers de Territoire) : Les GHT sont vus comme une solution pour les petits hôpitaux, souvent plus "médico-dépendants" et confrontés à des problématiques différentes des CHU.

      Une "deuxième génération de GHT" pourrait favoriser la collaboration territoriale et réduire les tensions.

      V. Relations Public-Privé et Médecine de Ville

      • Collaboration Nécessaire : Le Ministre rejette la "gué-guerre" entre le public et le privé, estimant que la "subsidiarité" est essentielle.

      Il souligne que dans certains territoires, l'offre d'hospitalisation est uniquement privée, et l'hôpital public ne pourrait pas absorber le flux si elle disparaissait. Il souhaite réunir les PCME et directeurs, y compris du privé, pour envisager des projets de territoire. * Permanence des Soins (PDSES) : Le Ministre appelle à la vigilance sur la permanence des soins, notamment la nuit profonde, pour éviter de mobiliser des moyens disproportionnés par rapport aux besoins réels. Il souligne également les limites à la mutualisation des équipes et du matériel entre le public et le privé pour des actes techniques d'urgence, où la sécurité du patient prime. Il juge que "sur le papier ça fonctionne mais dans la réalité c'est pas ça". * Accès aux Médicaments : La pénurie de médicaments est un "enjeu qui dépasse largement la problématique française", nécessitant une solution à l'échelle européenne.

      La relocalisation des entreprises pharmaceutiques est cruciale, mais la dépendance aux principes actifs produits en Asie ou aux États-Unis est une réalité.

      Le Ministre a pris des mesures nationales (substitution, interdiction d'export, préparation magistrale, dispensation à l'unité), mais leur efficacité est limitée sans la "souveraineté de production". * Dispensation à l'Unité : Le Ministre réaffirme que la dispensation à l'unité en cas de pénurie est autorisée par la loi et qu'aucun pharmacien ne devrait être sanctionné pour son application. Il a cependant clarifié un cas spécifique où des pharmaciens ont été sanctionnés pour des motifs disciplinaires plus larges et non pour cette pratique.

      VI. Points Divers et Transversaux

      • Application des Lois Antérieures : Le Ministre s'engage sur la sortie des décrets nécessaires à l'application de lois antérieures, notamment sur les Infirmières en Pratique Avancée (IPA) et la 4ème année d'internat de médecine générale, avant l'été. Le décret sur l'ouverture du CESP (Contrat d'Engagement de Service Public) dès la 2ème année est prévu pour juin, et la limitation du cumul des aides à l'installation a été publiée le 12 mars.
      • Prévention des Inégalités Sociales dans l'Accès aux Études : Le Ministre insiste sur l'importance de démocratiser l'accès aux études de santé, rappelant qu'à son époque, seulement 3% des étudiants étaient issus du monde ouvrier. La première année de médecine dans chaque département est une mesure clé pour tendre la main à ces étudiants.
      • Flexibilité et Évaluation : Face à l'évolution constante de la population, des pathologies chroniques, du rapport au travail et de la médecine (IA, exercice pluriprofessionnel), le Ministre juge "difficile" de définir un "nombre idéal" de médecins. Il privilégie la "flexibilité" et l'évaluation des mesures mises en place sur le court terme.
      • En conclusion, le Ministre a exposé une feuille de route axée sur la formation, la réorganisation territoriale et la modernisation du système de santé, tout en reconnaissant les défis complexes et les interdépendances internationales.
    1. Note de synthèse de l'audition de Isac Mayembo (Alex Hitchens) par la commission d'enquête sur TikTok

      Date de l'audition : [Non spécifiée, mais contexte indique "aujourd'hui" et "cet après-midi"]

      Personne auditionnée : Isac Mayembo, créateur de contenu sous le pseudonyme Alex Hitchens.

      1. Contexte de l'audition et déclaration d'intérêts

      • Isac Mayembo a été convoqué par la commission d'enquête sur l'impact de TikTok sur la santé mentale des jeunes.
      • Il est invité à déclarer tout intérêt public ou privé susceptible d'influencer ses déclarations, notamment ses sources de rémunération liées aux plateformes.
      • Avant de commencer, il prête serment de "dire la vérité, toute la vérité et rien que la vérité" conformément à l'article 6 de l'ordonnance du 17 novembre 1958.
      • Déclaration d'intérêts :
      • Rémunération TikTok : Isac Mayembo déclare ne pas être directement rémunéré par la monétisation des vidéos sur TikTok.
      • Modèle économique : Ses revenus proviennent principalement de la vente de ses formations. Il a mis en place un programme d'affiliation où d'autres personnes promeuvent ses formations sur TikTok et touchent des commissions (en moyenne 50%, voire 60-70% pour les meilleurs affiliés).
      • Intérêts : Il reconnaît avoir des intérêts financiers avec TikTok, affirmant : "Oui je gagne de l'argent avec TikTok et oui j'ai des intérêts avec cette plateforme bien entendu."
      • Honnêteté face à la plateforme : Malgré ses intérêts, il affirme vouloir être "100% honnête" et estime que TikTok est une plateforme "néfaste" et qui "déprime". Il ajoute : "Je pense que cette plateforme de manière générale est néfaste déprime à bord lorsque TikTok est sorti c'était quelque chose d'intéressant."

      2. Évolution et impact perçu de TikTok

      • TikTok initialement : À son lancement, il trouvait TikTok "intéressant", permettant de "condenser un peu les informations, regarder une vidéo de 1 minute 2 minutes pour pouvoir ainsi apprendre tout un tas de choses".
      • Problèmes actuels : Le format court (1 à 2 minutes) rend difficile l'obtention d'informations complètes, ce qui a créé "énormément de problèmes notamment énormément de désinformations". Il peut lui-même être victime de désinformation par l'isolement de propos hors de leur contexte (ex: "on va prendre une vidéo de 10 minutes on va isoler 30 secondes ou une minute bien choisie pour manipuler l'information").
      • Recommandation : Il conclut son propos liminaire en affirmant que "TikTok est à ban bien entendu selon moi et je pense que cette plateforme est néfaste pour les jeunes si elle est mal entradé encadrer bien entendu ça à préciser quand même et c'est le cas je pense."

      3. Parcours sur TikTok et stratégies de contenu

      • Débuts : Il a commencé sur TikTok fin 2021/début 2022.
      • Contenu performant : Il a rapidement constaté que ce qui fonctionnait le mieux est le "contenu qui choque".
      • Importance des premières secondes : Sur TikTok, les "premières secondes sont primordiales", contrairement à YouTube où les miniatures attirent davantage. Le contenu doit être "tranchant", "cash", et "clair" dès le début.
      • Contenu initial à succès : Ses premières vidéos à succès étaient sur le thème de la "séduction", notamment la "drague de rue" et les "caméras cachées" où il abordait des gens dans la rue. Ce type de contenu "fonctionnait extrêmement bien et ça fonctionne d'ailleurs encore maintenant".
      • Monétisation des vidéos à succès : Bien que ses vidéos aient pu générer des millions de vues et de la monétisation, il affirme n'avoir "jamais touché à cette monétisation".

      Il n'avait même pas connecté sa carte bancaire car la vente de formations était beaucoup plus rentable.

      La monétisation TikTok était "bien moins avantageuse" en 2021/début 2022. Actuellement, il laisse même la monétisation à ses collaborateurs qui créent du contenu pour lui.

      4. La communauté et l'interaction

      • Taille de la communauté : Il estime avoir entre 3 et 5 millions de "personnes" qui le suivent via tous les comptes liés à lui sur TikTok.
      • Difficulté à définir la communauté : Il trouve "extrêmement dur" de cibler les tranches d'âge spécifiques de sa communauté. Il rencontre aussi bien des hommes de 40 ans que des jeunes de 18 ans ou des personnes de 50 ans.
      • Interaction : Il n'a pas beaucoup l'occasion d'interagir directement avec sa communauté, sauf lors de rares lives TikTok (une fois tous les deux-trois mois). Dans ces lives, les participants sont généralement des "jeunes", mais il précise que TikTok est aussi très présent chez les adultes (30-40 ans).
      • Présence de mineurs : Il reconnaît qu'il y a "forcément des mineurs" parmi les 4000 personnes qui peuvent regarder ses lives, même s'il demande l'âge. Il estime que c'est à la plateforme de modérer.

      5. Gestion des comptes et responsabilité

      • Comptes multiples : Il y a une "cinquantaine de comptes" le concernant. Sept comptes sont gérés personnellement par lui et son équipe.
      • Comptes "non-affiliés" : Les 43+ autres comptes sont gérés par des personnes qui "postent de leur plein gré pour toucher la monétisation". Ces personnes ne sont pas affiliées à lui et il ne touche pas directement d'argent de leur monétisation, bien qu'elles puissent vendre ses formations.
      • Responsabilité et propriété intellectuelle : La rapporteur souligne qu'il a une responsabilité sur ces contenus si son nom et son image sont utilisés. Il tolère ces comptes mais a du mal à les stopper malgré des tentatives.
      • Loi "influenceur" (Loi du 9 juin 2023) : Interrogé sur le respect de cette loi concernant la mention des partenariats commerciaux, Isac Mayembo n'est pas certain de son application à son modèle.

      Il pense qu'il n'est pas obligé de le notifier si la promotion n'est pas faite "dans la vidéo même" mais par un lien en description.

      Il reconnaît qu'il le ferait si la promotion était directe dans la vidéo. La rapporteur indique que la question sera examinée.

      6. Contenus controversés, modération et désinformation

      • Critiques sur les contenus : La rapporteur soulève les critiques concernant ses contenus, notamment leur impact sur la santé mentale des jeunes et leur vision des femmes, mentionnant que son nom est connu par des enfants dès 9-10 ans.
      • Perception de ses contenus : Isac Mayembo rejette l'idée que ses contenus soient "contestables" ou "problématiques", les considérant comme "une question de point de vue". Il affirme : "Je ne trouve pas que mes propos soient problématiques même si bon voilà problématique ça ça veut rien dire Et je pense qu'un jeune homme de 13 14 ans 15 ans devrait suivre mes conseils Je pense que je donne de bons conseils pour la jeunesse."
      • Bannissement de TikTok : Il a été banni de TikTok. Il explique que cela est dû à un grand nombre de "signalements" (100, 200, 300, 400) de la part d'utilisateurs qui ne sont pas d'accord avec ses vidéos, et non à une décision initiale de TikTok autorisant la publication. Il précise qu'une même vidéo peut ne pas être bannie sur un autre compte.
      • Techniques d'évitement de la modération : Il admet "adoucir" ses propos pour TikTok. Par exemple, utiliser le mot "poutrer" au lieu de termes plus vulgaires pour éviter la censure.
      • Propos controversés cités par la commission : La commission cite des propos qu'il aurait tenus :
      • "Vous prenez son téléphone si elle refuse c'est une pute fin de relation."
      • "la majorité des femmes énormément de P u T S peu de filles bien." (il utilise "P U T S" pour échapper à la modération).
      • "une femme après 22h qu'est-ce qu'elle fout dehors ?"
      • Défense contre l'accusation de désinformation : Isac Mayembo affirme que les propos cités par la commission ont été prononcés lors de lives YouTube et non TikTok.

      Il accuse la commission de "désinformation" en isolant ses propos : "Vous êtes en train d'isoler mon propos Donc vous avez pris 10 secondes d'un propos de 8 10 minutes où j'expliquais justement parce queon va rentrer en détail parce qu'apparemment on est en train d'en parler donc pourquoi pas J'expliquais que le gouvernement était responsable de la sécurité J'ai n'était pas normal qu'une femme en 2025 ne puisse pas sortir dehors euh le soir très tard sur Paris Et justement après je parlais du fait que dans ce monde dans ce monde qui est dur que fait une femme dehors après 22h et je poursuivais ensuite il est préférable de sortir avec une amie ou avec deux amis ou avec un homme Vous vous avez pris 10 secondes de vos propos vous l'avez isolé et vous venez de me le balancer à la gueule."

      7. Incident et suspension de l'audition

      • Un échange tendu a lieu entre Isac Mayembo et le président de la commission, ce dernier lui reprochant de "balancer la gueule" et de ne pas le laisser finir.
      • Isac Mayembo refuse de se soumettre aux règles de l'audition ("Vous changer de sujet Je vous demande de me laisser finir C'est moi qui mène l'audition Je suis président de la commission d'enquête Je vous demande de me laisser finir Non je vous lis Je suis président Excusez-moi excusez-moi On va couper le son de monsieur Ichen s'il vous plaît si vous continuez Voilà Donc je finis ma je finis mon propos s'il vous plaît Je vous disais au revoir monsieur Bonne journée").
      • Le son de Isac Mayembo est coupé.
      • L'audition est suspendue pour le recontacter et l'informer qu'il ne peut quitter une audition sans autorisation.
    1. Document de Synthèse : Audition d'Adrien Laurent par la Commission d'Enquête sur TikTok

      Date de l'audition : Non spécifiée, mais fait suite à plus d'une centaine d'auditions. Intervenants principaux :

      • Président de la Commission : M. de la Porte
      • Rapporteure : Mme. Marie B. (députée)
      • Auditionné : Adrien Laurent (AD Laurent), créateur de contenu.
      • Autres députés : M. Vermel, M. Vogeta

      1. Contexte et Objectifs de l'Audition

      • La commission d'enquête parlementaire a été mise en place pour comprendre le fonctionnement et les usages des réseaux sociaux, en particulier TikTok, et leurs mécanismes qui peuvent aboutir à des interpellations sur divers sujets.

      L'objectif est de faire la lumière sur la production de contenus et la régulation. L'audition d'Adrien Laurent fait suite à une consultation citoyenne ayant recueilli plus de 30 000 réponses et à des témoignages, son nom étant "revenu très souvent" parmi les influenceurs ou créateurs de contenu jugés "problématiques" par les jeunes.

      Le Président de la commission a rappelé qu'il ne s'agit pas d'un tribunal mais d'un travail de compréhension, avec des pouvoirs étendus, sans se substituer à la justice. L'audition est médiatisée, mais l'objectif premier reste la prise en compte des victimes.

      Adrien Laurent a été invité à déclarer tout intérêt public ou privé pouvant influencer ses déclarations et à détailler la nature de ses revenus liés aux plateformes. Il a prêté serment de "dire la vérité, toute la vérité, rien que la vérité".

      2. Présentation et Défense d'Adrien Laurent

      • Adrien Laurent, ancien sportif de haut niveau en basket, s'est fait connaître à 22 ans dans la téléréalité avant de devenir "créateur de contenu" plutôt qu'influenceur, terme qu'il juge réducteur.

      Il se présente comme son "propre producteur". Parallèlement, il est depuis deux ans créateur de contenu pour adultes, vidéos commercialisées exclusivement sur des plateformes réservées aux majeurs et "ne sont pas présentes sur TikTok". Il travaille avec des "actrices professionnelles majeures qui ont elles-mêmes leur compte sur ces plateformes".

      • Il réfute "avec force" les accusations du Président de la Porte le décrivant comme "un influenceur extrêmement violent qui véhicule un imaginaire sexiste" et dont le contenu serait "problématique" en raison de vidéos pour adultes sur son compte X (anciennement Twitter).

      Ses arguments principaux :

      • Contenu TikTok : Reprenait les codes de la téléréalité, montrant son quotidien, voyages, proches, et activité professionnelle, tout en respectant les règles de la plateforme (pas de nudité, accessibles aux plus de 13 ans). Il estime son bannissement de TikTok "infondé et motivé par des raisons politiques".
      • Contenu sexuel et législation : Fait une distinction claire entre contenu évocateur de sexualité adulte (classé -12 ans par l'ARCOM) et contenu érotique (classé -16 ans).

      Il affirme n'avoir "aucun contenu érotique sur TikTok". * Twitter/X : Reconnaît que Twitter autorise les contenus pour adultes mais en restreint l'accès aux majeurs via des réglages. * Accusations de sexisme/violence : Affirme que son contenu n'est "ni sexiste ni misogyne ni masculiniste" et qu'il n'a "jamais été violent". Il évoque sa vie d'acteur de contenu pour adultes "de manière assumée mais transparente et respectueuse", sans "dénigrer leurs envies ni leurs pratiques ni les rabaisser". * Public mineur et responsabilité : "Je n'ai jamais encouragé un public mineur à consommer du contenu inadapté." Il insiste sur le fait que "la sexualité ne s'apprend pas à travers le contenu pour adultes". Avec près de 2 millions d'abonnés sur TikTok, il a diffusé des messages de prévention sur le dépistage et le port du préservatif. * Accès des CM2 à TikTok : "Les CM2 ne peuvent pas avoir accès à TikTok. La plateforme est interdite au moins de 13 ans." Si des enfants de cet âge y accèdent, il s'agit d'un "problème de contrôle parental et de responsabilité de TikTok, pas de la mienne." Il refuse "d'endosser une responsabilité qui ne [lui] appartient pas".

      3. Relations avec TikTok et Revenus

      • Liens avec TikTok : Il n'a "pas de lien particulier avec la plateforme", n'est pas "son ambassadeur", et n'a "jamais été rémunéré" ni eu de partenariat direct avec TikTok.
      • Revenus TikTok : En 3 ans, il estime avoir gagné entre 15 000 et 20 000 €, soit une moyenne haute de 555 € par mois, "loin d'un business". Ses revenus provenaient majoritairement de la monétisation de contenu (0,50 € à 1 € pour 1000 vues de plus d'une minute) et des "cadeaux" (emojis monétisés) lors des lives.
      • Live Match : Il était "réticent à cette pratique et [en] n'a fait que très peu" (environ une dizaine en 3 ans), bien que cela puisse "rapporter énormément d'argent".
      • Lives classiques : Ses lives, réalisés tous les soirs de 22h à minuit, lui permettaient d'échanger "directement et légèrement" avec sa communauté.
      • Règles d'accès aux lives TikTok : Selon lui, TikTok confirme l'âge des utilisateurs pour l'accès aux lives : "Si nous confirmons que tu as 18 ans ou plus, tu pourras passer en live.

      Si nous ne pouvons pas confirmer ton âge, tu ne pourras passer en live et enfin si nous confirmons que tu as moins de 18 ans tu ne pourras pas accéder au live."

      Il réfute les accusations de la ministre Aurore Berger concernant des "lives sexuels avec des jeunes femmes masquées" douteuses quant à leur majorité et consentement, affirmant qu'aucun contenu sexuel n'était diffusé et que les participants étaient "majeurs et consentants".

      4. Modération et Algorithme

      • Algorithme : Juge l'algorithme "flou", mais comprend qu'il faut être "percutant et accrocheur dans les premières secondes de la vidéo".
      • Rôle de la commission : Trouve la commission "essentielle" et la réflexion "extrêmement utile". Il ne comprend pas la décision "hâtive" du bannissement de son compte par l'exécutif sans attendre les conclusions parlementaires.
      • Propositions : Si les conclusions montrent des effets négatifs sur la santé mentale des mineurs, il serait "le premier à demander qu'il n'ait pas accès à ce contenu", par exemple en "restreignant l'accès de certains réseaux ou certains contenus aux mineurs de 15 ans". Il faudrait un "contrôle efficace mais sans faire peser toute la responsabilité sur les créateurs qui ne sont ni éducateurs ni parents mais qui doivent seulement respecter les règles fixées par la plateforme."

      5. Échanges avec les Députés

      • Notoriété auprès des jeunes : La rapporteure confirme que son nom est "bien connu" des jeunes, y compris des collégiens, lycéens, et parfois primaires. "Un jeune sur deux de 11 ans est sur la plateforme TikTok aujourd'hui".

      La commission cherche à comprendre "pourquoi vous êtes allé sur TikTok", "comment vous gérez vos contenus" face à cette communauté jeune, et la modération.

      • Bannissements d'autres plateformes : Adrien Laurent confirme avoir été banni de Snapchat et Instagram en raison de signalements massifs, sans toujours avoir d'explication claire.

      • Choix de TikTok : S'est mis sur TikTok "très tard" sur conseil de son frère, y voyant une opportunité de visibilité grâce à l'application "la plus téléchargée en France et même dans le monde". Il appréciait les vidéos "très rapides avec beaucoup d'engagement".

      • Diversité de sa communauté : Sur ses 2 millions d'abonnés, "il n'y a pas 2 millions de personnes qui me suivent par rapport au contenu pour adultes". Beaucoup le suivent pour la téléréalité ou l'aspect "positif" et "bienveillant" de ses lives.

      • Responsabilité vis-à-vis des mineurs : Il ne peut pas "être responsable de tout" si des CM2 contournent les règles d'âge.

      Il met en parallèle la vente d'alcool en magasin, où la responsabilité n'incombe pas au vendeur si un mineur contourne l'interdiction d'achat.

      Il se considère comme un "simple usager de la plateforme qui respecte les règles". * Comparaison avec Alex Chen : Il se dit "totalement mais sur tous les points opposés à ce monsieur", affirmant ne pas être "ni sexiste ni misogyne ni masculiniste". Il défend la "liberté sexuelle à égalité" et met la femme "sur un piédestal tout le temps". * Promotion croisée et contenu pour adultes : Il confirme rediriger sa communauté TikTok vers d'autres plateformes (Snap, Insta, Twitch, YouTube) pour "alimenter [ses] autres plateformes", mais insiste sur le fait que son contenu est "totalement différent" et adapté à chaque plateforme. Pour ses contenus privés (Mim, OnlyFans), il affirme une "double authentification" qui empêche l'accès aux mineurs, qualifiant son porno d'"éthique". * Lives avec des mineurs : Confronté à une vidéo de live avec un mineur très jeune, Adrien Laurent explique qu'il prend "énormément de gens tous les soirs" et que si une personne de moins de 18 ans réussit à contourner les règles, ce n'est pas son problème. Il affirme cependant avoir une "responsabilité" en énonçant un "propos responsable" même dans ces cas-là (ex: "il est tard faut que tu ailles te coucher"). * "Pranks" et provocation : Décrit ses "pranks" comme de l'"autodérision" et du "fun", citant l'exemple de la "trompe d'éléphant" ou "viser le trou" au basket. Sa mère, professeur, le soutient. * Accusation de transphobie/humiliation : Réfute l'accusation d'avoir humilié une personne transgenre en live. Il pose des questions par "intérêt", et "n'humilie jamais personne". * Outils de restriction d'audience : Questionné par M. Vogeta sur l'utilisation d'outils de restriction d'audience pour exclure les mineurs sur ses contenus "classiques" (non pornographiques), Adrien Laurent répond que sur Twitter/X, il faut modifier les réglages pour voir du contenu sensible, ce qui protège le compte vierge. * Agents OnlyFans/MIM : Il n'a pas d'agent mais une "équipe qui bosse avec [lui] justement pour sécuriser un petit peu [son] travail". Il insiste sur le fait que c'est un "boulot" qui demande "beaucoup de travail". Il se considère comme un "artiste" et demande le respect de sa "liberté de création artistique". * Recrutement pour la pornographie via TikTok : Il indique que certaines abonnées peuvent exprimer leur intérêt pour des collaborations dans le milieu du contenu pour adultes, mais il les redirige alors vers un "email professionnel" et "coupe le lien" sur TikTok, ne souhaitant pas en parler sur la plateforme. * Impact sur les enfants : Questionné en tant que députée et mère sur l'impact de ses contenus sur un enfant de 13 ans, il répond qu'il ne "choisit pas sa communauté". En tant que futur père, il ferait une éducation basée sur la "communication" et laisserait à sa fille, une fois majeure, le choix de son chemin professionnel. * Contenus sexualisants en live : La rapporteure constate, après un test avec un compte mineur, que les lives sont accessibles aux mineurs, malgré les affirmations d'Adrien Laurent. Elle cite des propos "sexualisants" (ex: "Ça va ma puce il y a du monde au balcon") et "hypersexualisants" (taille des poitrines) tenus en live. * Comparaison avec des artistes musicaux : Adrien Laurent compare ses propos à des paroles de chansons d'artistes comme Michel Sardou, Bruno Mars ou Orelsan (citant des extraits explicites), se plaignant d'une "indignation à géométrie" variable, ce que la rapporteure qualifie d'"œuvres à caractère artistique" et non de lives soumis à des conditions d'utilisation différentes. * Restriction des lives : La rapporteure précise que TikTok permet aux hôtes de "restreindre" leurs lives, option qu'Adrien Laurent n'active pas car il considère ses lives comme "bon enfant". Il reconnaît qu'il n'est pas un "technicien TikTok" mais s'efforce de "se conformer au maximum aux règles communautaires". * Modération interne : Il a une équipe de "modérateurs modératrices" qui "bannissent tous les commentaires à caractère négatif les insultes". Il note l'opacité de l'algorithme et la nécessité de contourner certains mots pour éviter le "shadow ban" (ex: "viol" par "ool", "pute" par "pu pute").

      6. Conclusions de l'Audition

      • L'audition met en lumière la tension entre la liberté de création et d'expression d'un créateur de contenu et la nécessité de protéger un public jeune et potentiellement vulnérable.

      Adrien Laurent insiste sur sa professionnalisation dans le contenu pour adultes éthique et son respect des règles (en théorie) de TikTok, tout en reconnaissant les défis de la modération et de l'accès des mineurs aux plateformes.

      La commission insiste sur la réalité de la présence de jeunes mineurs sur TikTok et la nécessité de trouver des solutions législatives pour protéger les enfants.

      La question de l'accessibilité réelle des lives aux mineurs et la responsabilité des créateurs et de la plateforme reste un point de divergence majeur.

    1. Compte-rendu de l'Audition de Manon et Julien Tanti par la Commission d'Enquête sur TikTok

      • Date de l'audition : Non spécifiée, mais mention de "cet après-midi". Contexte : La commission d'enquête a pour objectif de "préparer les lois à venir, de réfléchir sur la bonne application des différentes normes, des différents cadres juridiques (...) nationaux ou européens et donc en fait l'enjeu c'est de nous éclairer sur la meilleure protection des enfants à l'air numérique et en particulier sur les effets psychologiques de TikTok sur les mineurs." (Président de la commission). Les personnes auditionnées doivent prêter serment de dire la vérité.

      I. Préambule et Positionnement des Influenceurs

      Manon et Julien Tanti ont été convoqués en tant qu'influenceurs pour s'exprimer sur leur modèle économique, leurs revenus via TikTok et d'autres plateformes, ainsi que sur l'impact de TikTok sur les mineurs.

      • Réaction de Manon Tanti face aux accusations : Manon Tanti exprime un profond regret concernant la préparation publique de l'audition et les déclarations du président l'accusant d'être une "influenceuse à contenu problématique" et d'humilier ou dégrader l'image de ses propres enfants. Elle déclare : "Je ne suis pas venue ici pour fuir mes responsabilités. J'ai conscience que lorsque l'on s'expose publiquement, surtout sur des plateformes comme TikTok, on a un devoir d'exemplarité, d'autant plus quand on est suivi par des jeunes. Mais je veux poser les choses clairement dès le départ : je regrette profondément deux choses dans la manière dont cette audition a été préparée publiquement. Je regrette vos déclarations Monsieur le Président, je ne suis pas une influenceuse à contenu problématique, du moins je ne pense pas, et du coup quelle décision de justice vous fondez-vous pour affirmer cela ? Ce genre de jugement lancé dans les médias avant toute audition ne révèle pas d'un travail d'enquête objectif, mais d'une condamnation sans débat. La seconde, plus grave à mes yeux, ce sont ces propos affirmant que j'humilierai et que je dégraderai l'image de mes propres enfants. Ces accusations sont violentes, injustes et totalement déplacées. Je suis mère avant tout et jamais je ne tolérerais qu'on prête des intentions aussi graves sans preuve ni dialogue." Elle précise avoir été "profondément attristée" par la diffusion de ces accusations sur des chaînes comme TF1 et BFM, alors qu'elle était initialement "flattée d'avoir été convoquée" pour aider à comprendre le fonctionnement de TikTok.

      • Positionnement professionnel : Julien Tanti se définit principalement comme une "personne qui fait de la téléréalité" depuis 14 ans, et non comme un influenceur. Il affirme : "Moi travail principal les tournages, je fais de la télé ça fait 14 ans que je fais de la télé et le reste c'est des hobis parce que ben je suis à Dubaï (...)." Il ajoute : "je n'influence personne je suis sur les réseaux parce que j'aime ça parce que c'est pour moi c'est un divertissement c'est quelque chose que je kiffe et je n'influence personne à faire quoi que ce soit je ne suis pas un influenceur." Manon Tanti soutient cette idée, expliquant qu'ils sont des "personnes qui font de la téléréalité" et que les réseaux sociaux sont une continuité de cette exposition de leur vie.

      II. Modèle Économique et Sources de Revenus

      Les deux influenceurs détaillent leurs différentes sources de revenus, insistant sur le fait que TikTok n'est pas leur source principale.

      Revenus de Julien Tanti :

      • Télévision : Principal revenu. Il effectue "3 à 4 tournages par an", ce qui équivaut à "pratiquement 7 mois dans l'année 6 à 7 mois" de travail.
      • TikTok Live (dons) : Une source de revenus secondaire, perçue comme un "kiff" et un "plaisir" plutôt qu'une activité principale. Il explique que TikTok prend 50% des gains. Le président de la commission estime ses revenus liés aux lives à environ "40000 dollars par mois", ce que Julien qualifie d' "énorme". Il explique reverser cet argent en organisant des événements pour sa "team" de joueurs, comme un yacht loué à Dubaï pour plus de 30 personnes. Il passe "à peu près 2-3 heures par jour" sur TikTok et se classe "souvent dans le top 20, dans le top 30, top 20, top 30, top 10". Manon souligne que son mari est un "showman" et que cette activité est sa "passion", allant au-delà de la simple rémunération.

      Revenus de Manon Tanti :

      • TikTok (vidéos de plus d'une minute) : Très peu de revenus. Elle explique être éligible à la rémunération pour les vidéos de plus d'une minute depuis peu et en poste très rarement (une ou deux par mois). Elle estime que TikTok représente "très très honnêtement 1% de la question" de ses revenus. Elle mentionne un RPM (ratio par minute) très bas (0,10 centimes) car elle ne poste pas assez fréquemment (il faudrait "minimum deux à trois vidéos par jour" pour optimiser l'algorithme). Sa vidéo la plus lucrative lui aurait rapporté "800 € il y a des années en arrière", la moyenne étant plutôt de "30-40 €".
      • Autres plateformes et partenariats : Principale source de revenus. Manon perçoit des revenus via d'autres plateformes.
      • Placements de produits : Ils sont toujours sous contrat avec des agences comme Shona Events et Wi Events. Julien Tanti affirme faire "toujours une pub ou deux, voir même trois ou quatre par semaine" et Manon "deux ou trois". Ils expliquent que "les personnes qui veulent contacter ils contactent directement les agences" et qu'ils n'ont plus besoin de faire la promotion de ces collaborations.
      • III. Exposition des Enfants et Cadre Légal
      • Un point central de l'audition concerne l'exposition des enfants sur les réseaux sociaux et le respect de la législation.

      Motivation de l'exposition des enfants : Manon Tanti explique que l'exposition de ses enfants est une "continuité de ce qu'on fait en télé" car ils sont des "personnages publics".

      Elle insiste sur le caractère "naturel" de cette exposition dans leur quotidien : "nous sommes des personnages publics, nos enfants aussi".

      Elle affirme ne pas les "surexposer" et qu'ils sont "consentants" et même demandeurs d'apparaître dans les vidéos.

      Elle cite l'exemple de son fils qui "aimerait avoir une chaîne par exemple", comme des "enfants youtubeurs" célèbres.

      • Accusations d'humiliation et dégradation : Manon conteste fermement les accusations d'humiliation, citant l'exemple d'une vidéo où les enfants jouent avec des ballons d'eau lors d'un barbecue : "ce que je veux vous dire c'est que le terme humiliant dégradant en tout cas moi en tant que maman je pense savoir ce qui est bon pour mes enfants ce qui est humiliant dégradant ou pas mes enfants jamais je ferai des vidéos ou des jeux s'ils en ont pas envie."

      Elle défend une vidéo où les enfants ont la "tête dans une espèce de bassine d'eau", expliquant que c'était une "trend" (tendance) et que les enfants étaient "morts de rire".

      Elle reconnaît cependant que "peut-être que d'autres parents le le reproduirait de d'une mauvaise manière" mais insiste : "sur cette vidéo je ne trouve absolument pas la vidéo humiliante puisque mes enfants sont ils sont morts de rire parce que c'est vraiment dans une bonne c'est bon enfant encore une fois je je je suis pas du tout en train de noyer mes enfants".

      Non-rémunération directe des enfants : Manon affirme ne pas utiliser ses enfants pour la rémunération : "je me sers pas de mes enfants pour la rémunération parce que dans tous les cas moi avec ou mes ou mes sans mes enfants je gagne ma vie".

      • Contrats de mannequins et placement de produits : La commission interroge Manon sur un placement de produit Instagram avec sa fille pour la marque "Ora Bora" (des brumes).

      La députée mentionne l'absence de "contrat de manquina" et de versement des revenus sur un "compte sous séquestre" comme l'exige la loi sur l'influence commerciale.

      Manon Tanti reconnaît : "premièrement déjà ça je ne savais pas deuxièmement encore une fois que cette marque là et cette vidéo là en l'occurrence que vous pouvez me citer et troisièmement au rabora en fait j'ai dû le faire une cinquantaine de je je n'ai pas besoin de ma fille pour vendre en fait".

      Un autre exemple est soulevé : une collaboration commerciale récente avec la marque "Shane" (vêtements) où les enfants apparaissent, sans mention de "collaboration commerciale" et sans respect du cadre légal.

      Manon se défend en disant : "j'ai appris avec vous il y a donc 10 minutes qu'à partir du moment où il y avait écrit collaboration mes enfants ne pouvaient pas apparaître je l'ai appris ben c'est vous qui me l'avez appris".

      Elle ajoute avoir déjà été contrôlée par la DGCCRF et avoir payé une amende, mais que "lorsque que Julien a eu son amende par exemple ça n'a pas été mentionné dans les choses qu'on avait mal faites donc si on l'avait su bah forcément on aurait arrêté".

      IV. Impact de TikTok sur les Mineurs et Propositions

      Les influenceurs sont interrogés sur leur perception de l'âge de leur communauté et leur avis sur la protection des mineurs.

      • Âge de la communauté et restriction d'accès : Manon Tanti estime que sa communauté est très diverse, allant des "préadolescents" aux "grand-mères". Elle est d'accord sur la nécessité de restrictions d'âge pour les réseaux sociaux : "TikTok est-ce que je sens il me semble que c'est interdit au moins de 15 ans c'est ça ça c'est quel est l'âge de TikTok ? 13 ans".

      Elle est catégorique : "mes enfants n'auront pas de compte TikTok et n'auront pas accès à TikTok".

      De même, pour Instagram, leurs enfants ont un compte géré par elle en tant que mère, mais "n'auront pas accès à ces réseaux sociaux là on en parlera quand ils seront plus grands mais je pense au moins avant leur 14 voir 16 ans".

      • Proposition de pièce d'identité : Manon Tanti propose une solution pour mieux encadrer l'accès des mineurs : "pour moi la seule solution qu'il aurait à tout ça ce serait de demander une pièce, je sais que ce serait ce serait pas possible mais pour moi si les réseaux sociaux dès le début comme certains réseaux de de contenu comme MIME ou tout ça demandait une pièce d'identité à chaque inscription ça éviterait plusieurs choses ça éviterait déjà bah que il y ait trop de mineurs qui qui qui tombent sur des choses qu'ils n'ont pas à voir et en plus de ça ça éviterait nous en tant qu'influenceur d'avoir du harcèlement des haters".

      Conclusion

      • L'audition met en lumière la complexité de réguler l'activité des influenceurs, notamment en ce qui concerne l'exposition des enfants et la distinction entre contenu personnel et commercial.

      Les Tanti se positionnent comme des personnalités de téléréalité avant d'être des influenceurs, gérant leurs réseaux sociaux comme un prolongement de leur vie médiatisée. Ils reconnaissent certaines lacunes dans leur connaissance de la loi (notamment sur les contrats de mannequins enfants) mais affirment leur volonté de se conformer aux réglementations une fois informés.

      L'échange souligne également le fossé entre la perception de l'influenceur sur son propre contenu ("bon enfant") et la réception par le public ou l'interprétation par la loi ("humiliant", "illégal").

    1. Compte rendu détaillé de l'audition de Nasser Sari (Nasdas) par la commission d'enquête sur TikTok

      • Date de l'audition : Non précisée (référence à "aujourd'hui")

      Personne auditionnée : Nasser Sari, alias Nasdas, influenceur avec 3,7 millions de followers sur TikTok et plus de 9 millions sur Snapchat.

      Contexte : La commission d'enquête de l'Assemblée nationale vise à comprendre les mécanismes de TikTok et des réseaux sociaux en général, ainsi qu'à élaborer une meilleure régulation pour protéger les mineurs des contenus choquants.

      L'audition fait suite à une consultation citoyenne et des signalements.

      Thèmes principaux et idées/faits importants :

      1. Rôle et rémunération sur TikTok vs. Snapchat :

      • Nasdas se définit avant tout comme un "Snapchatter", sa principale source de revenus étant Snapchat.
      • Il déclare que TikTok représente une part "quasi rien", estimée à "0,1 %" de ses rémunérations globales. Il affirme avoir gagné moins de 5000 € sur TikTok en 5 ans.
      • Sur TikTok, seuls les vidéos de plus d'une minute et les lives (via dons) sont rémunérés. Nasdas n'a posté qu'une soixantaine de vidéos en 4 ans, dont seulement deux de plus d'une minute, et environ 10 lives.
      • "Moi principalement ma source de revenu elle vient de Snapchat c'est un autre réseau [...] majoritairement ça vient de Snapchat."
      • "Sur TikTok comme je vous ai dit j'en gagne très peu."
      • Sur Snapchat, la rémunération se fait "à la vue" et via des placements de produits. Il déclare que 80% de ses placements de produits sont gratuits, dédiés au soutien des commerces de proximité.

      2. Utilisation de TikTok comme "tremplin" et viralité :

      • Malgré une faible monétisation directe, Nasdas utilise TikTok comme un "tremplin pour booster [ses] vidéos", gagner en visibilité et en autorité.
      • Il reconnaît que "le réseau principal aujourd'hui pour avoir plus d'aud [audience] c'est c'est c'est TikTok."
      • Ses vidéos Snapchat sont souvent relayées sur TikTok via des "comptes redif" (rediffusion), qui republient son contenu sans sa permission, obtenant parfois plus d'ampleur que sur Snapchat. Il qualifie cela de "normal" mais le reconnaît comme un "pillage de contenu".
      • Ces comptes rediffusent des vidéos virales ou de petits créateurs, en faisant des captures d'écran et en les repostant, sans identité claire. Il existe des milliers de ces comptes.

      3. Audience et présence de mineurs :

      • Nasdas est suivi par 3,7 millions de personnes sur TikTok et 9 millions sur Snapchat.
      • Il admet voir "énormément de jeunes" dans sa communauté, reconnaissable à leur écriture et leurs commentaires ("on voit bien que c'est un gamin de 14 ans ou 15 ans").
      • Cependant, il affirme que sur Snapchat, son réseau principal, plus de 87% de son audience est majeure, sa plus grande communauté étant les 25-36 ans. Il ne dispose pas de chiffres précis pour TikTok.
      • "Je vais vous dire que je n'ai pas réussi à regarder le nombre de mineurs qui me regardent."

      4. Les jeunes fugueurs et la responsabilité :

      • Nasdas est conscient que sa notoriété a entraîné des "jeunes mineurs qui fugent de leur ville pour venir à Perpignan", y compris des enfants de 10-11 ans attendus à 2h du matin.
      • Son adresse a fuité, entraînant 200 à 300 personnes par jour devant sa maison.
      • Il reconnaît avoir "une part de responsabilité" mais souligne aussi celle des parents. "Vous pensez pas que les parents ont une part de responsabilité ?" Il cite des cas de parents lui demandant de garder leurs enfants fugueurs.
      • Il affirme avoir toujours inclus une "morale" dans ses vidéos, disant "arrêtez ne venez pas arrêtez de croire au rêve Nasdas."
      • Il aide les jeunes en difficulté (hébergement, achat de vêtements, aide financière pour des opérations médicales), mais a "ralenti énormément" ces actions filmées, surtout l'année dernière, et s'est "isolé dans une villa" face à l'ampleur du phénomène.
      • Il mentionne que beaucoup de jeunes qui viennent sont des jeunes de foyers (aide sociale à l'enfance), se sentant "plus en sécurité des fois que dans certains foyers".
      • Il nie "rajouter de la misère à la misère" et souligne qu'il n'a jamais demandé aux jeunes de venir. Il a même collaboré avec la police pour gérer la situation.
      • Le maire de Perpignan (RN) n'aurait mis aucune aide en place, et même au contraire, des policiers seraient intervenus lors de ses actions sociales non autorisées. Il se sent "vraiment seul".

      5. La santé mentale des créateurs de contenu et la pression :

      • Nasdas a annoncé suspendre ses réseaux sociaux, une décision prise 3 mois avant l'audition, non liée à cette dernière.
      • Il évoque la difficulté mentale du métier : "notre santé mentale elle est impactée."
      • La "course au vues", à l'"image", au "buzz" met une pression sur les créateurs, les poussant "à poster des choses sans même en être conscient".
      • Il se reconnaît responsable de ses erreurs mais estime n'avoir pas été préparé à une telle notoriété.
      • Il envisage une pause d'un à trois ans : "je ne sais pas si j'arrête totalement définitivement mais c'est une décision sage." Il perdra "énormément d'argent" en s'arrêtant.
      • Il estime qu'il faudrait "plus d'encadrement, pas sévère, pas des punitions" pour les créateurs de contenu.

      6. Évolution de la ligne éditoriale et accusation de contenus choquants :

      • Des parlementaires accusent Nasdas d'une évolution de sa ligne éditoriale vers une "mise en scène assez violente qu'elle soit physique, psychologique ou symbolique", montrant des personnes "vulnérables filmées dans des situations de mise en concurrence assez dégradante", avec des encouragements à des comportements "discriminatoires et misogynes".
      • Il est spécifiquement interrogé sur la mise en scène de relations amoureuses dans sa villa, impliquant parfois des mineurs, et sur la frontière entre réalité et fiction.
      • Le cas d'une jeune fille "Leina" accusée d'être tombée enceinte d'un homme de la villa alors qu'elle était mineure est cité. Nasdas affirme qu'elle a menti sur sa grossesse et son âge (16-17 ans). Il mentionne qu'elle est majeure et qu'elle a le droit à l'image.
      • Le cas de "Dibril" jetant un téléphone sur sa compagne est évoqué comme un acte de violence conjugale filmé. Nasdas affirme que la scène était "surjouée" et que le couple est toujours ensemble.
      • Il admet que "il y a des choses qui sont mises en scène oui et d'autres choses réelles".
      • Un incident sur Twitch où une jeune fille a montré sa poitrine a été "pas volontaire" et le live a été coupé immédiatement. Il affirme qu'elle est majeure et qu'il l'a conseillée de s'éloigner des commentaires haineux.
      • Il réfute l'accusation d'avoir incité au racisme suite à l'expression "ramenez un banania" concernant un jeune garçon. Il explique qu'il s'agissait d'une référence à une boisson chocolatée et que l'auteur s'est excusé.
      • Il nie contribuer à la "banalisation de la violence" ou de l'harcèlement. Il se dit lui-même victime de harcèlement via ses vidéos. Il affirme que ses amis et lui se protègent mutuellement.

      7. Recommandations et auto-critique :

      • Nasdas reconnaît ne pas avoir de "baguette magique" ou de "solution miracle" pour réguler TikTok. Il se demande si "ce n'est pas un peu trop tard".
      • Il suggère qu'un "âge minimum" pour utiliser TikTok pourrait être de 14 ou 15 ans.
      • Il pense qu'il faudrait "plus une question d'algorithme pour les jeunes, plus les ramener vers un contenu on va dire éducatif".
      • Il souligne la difficulté de vérifier l'âge des utilisateurs et la facilité de mentir sur l'âge à l'inscription.
      • Il déclare que les "dramas" (contenus violents, misogynes, etc.) font "largement plus de vues qu'une vidéo qui explique [...] comment fonctionne une commission d'enquête". "Donc ça rapporte plus d'argent de faire des dramas que de faire de la pédagogie ah ben mais mais mais totalement."
      • Il avoue avoir partagé du "Paris sportif" et du "trading" par le passé, avant la loi influenceur, sous l'influence d'agences peu scrupuleuses, et reconnaît avoir causé des pertes à des familles. Il salue la nouvelle loi qui responsabilise les agences.
      • Il regrette d'avoir indirectement poussé les jeunes à croire en lui plutôt qu'en leurs études ou leur éducation. "Je représente un symbole de renaissance pour eux de d'une meilleure vie et surtout d'un meilleur avenir et c'est là où j'ai C'est là ou c'est là où je le regrette."

      En conclusion, il conseille à ceux qui veulent se lancer sur les réseaux : "vous lancez pas sur les réseaux."

      Questions en suspens / Points d'attention :

      • L'écart entre le discours de Nasdas sur la faible rémunération de TikTok et la reconnaissance de la plateforme comme "tremplin" pour la visibilité.
      • La difficulté pour Nasdas de fournir des chiffres précis sur la part des mineurs dans son audience TikTok, malgré son impact reconnu sur cette tranche d'âge.
      • La ligne floue entre "réalité" et "mise en scène" dans ses contenus, et les implications légales potentielles.
      • Le rôle des agences d'influenceurs et leur responsabilité dans les contenus problématiques (bien que la loi influenceur soit censée y remédier).
      • L'absence d'aide des services publics locaux face à l'afflux de jeunes chez Nasdas à Perpignan.
      • La perception de Nasdas que l'audition était trop axée sur des attaques personnelles plutôt que sur l'algorithme de TikTok.
    1. Voici un compte-rendu détaillé des principaux thèmes et idées importants des sources fournies, incluant des citations pertinentes :

      Synthèse du Rapport de la Commission d’Experts sur l’Impact de l’Exposition des Jeunes aux Écrans

      Ce document de briefing synthétise les points clés soulevés lors de l'audition de deux experts, * Madame Mouton (neurologue) et * Monsieur Benjamina (neurophysiologiste), co-présidents d'une commission antérieure sur l'impact des écrans.

      L'audition se concentre sur l'impact des réseaux sociaux, en particulier TikTok, sur la santé mentale et physique des jeunes.

      1. La Détérioration de la Santé Mentale des Jeunes et le Rôle des Réseaux Sociaux

      Les experts soulignent une chute de la santé mentale des moins de 25 ans depuis les années 2010, antérieure à la pandémie de COVID-19, qui a cependant accentué cette tendance.

      Parallèlement, l'usage des réseaux sociaux s'est massivement répandu, soulevant des questions sur leur implication dans cette détérioration.

      • Problème global des réseaux sociaux : Bien que la commission se concentre sur TikTok, les experts insistent sur le fait que "les réseaux sociaux posent globalement aujourd'hui tous les mêmes problèmes de design non éthique". TikTok est "peut-être particulièrement efficace pour capter et retenir l'attention des usagers", mais d'autres réseaux ne sont pas exempts de ces problèmes.

      • Modèle économique et captation de l'attention : Le problème fondamental réside dans le "design de TikTok et des réseaux sociaux qui étant basé sur l'économie de l'attention, la captation des données qui vont ensuite être monnayées à des fins de publicité ciblées". L'objectif est de "maintenir les usagers en ligne le plus longtemps possible de les faire venir en ligne le plus souvent possible et également de leur faire des achats en ligne".

      2. Conséquences Négatives sur la Santé Physique et Mentale

      L'usage excessif des écrans et des réseaux sociaux entraîne de multiples effets délétères, même indépendamment des contenus.

      • Santé physique :Sédentarité : Les activités sur écran sont sources d'inactivité sédentaire, un facteur de risque cardiovasculaire (infarctus, AVC, maladies artérielles, surpoids, obésité, diabète de type 2).
      • Sommeil : L'empiètement sur les heures de sommeil ou l'interruption de celui-ci (réveils pour des défis en ligne) compromet la qualité et la quantité du sommeil, favorisant les maladies cardiovasculaires, le surpoids, l'obésité et les infections. "La dette chronique de sommeil pouvant favoriser à nouveau les maladies cardiovasculaire mais aussi le surpoids l'obésité les infections".
      • Vision : L'activité en intérieur, le manque d'exposition à la lumière naturelle, la surexposition à la lumière bleue et la sursollicitation de la vision de près favorisent la myopie.
      • Santé mentale (par l'intermédiaire du sommeil) : La dette chronique de sommeil favorise également "l'anxiété et la dépression".

      3. La Question de l'Addiction aux Écrans et Réseaux Sociaux

      La discussion autour de l'addiction est nuancée, soulignant une réalité clinique distincte des classifications académiques.

      • Réalité clinique : Le Professeur Benjamina affirme traiter de nombreux jeunes "qui consomment et qui sont dépendants aux réseaux sociaux et TikTok en particulier".

      Ces problématiques sont prises en charge "à l'instar des produits comme le cannabis la cocaïne les extasiies ou l'alcool".

      Les dommages incluent des "effets métaboliques ou bien somatiques", ainsi que des "problématiques associées de type psychiatrique ou psychologique anxiété insomnie dépression difficulté l'adaptation relationnelle environnementale".

      • Classification académique : Sur le plan académique, l'addiction aux écrans ou aux réseaux sociaux n'est pas encore classée comme telle dans les classifications internationales (OMS, Association Américaine de Psychiatrie), à l'exception du jeu pathologique. Cependant, il est probable que cela évoluera à l'avenir.

      • TikTok, un produit "dépendogène" : TikTok est considéré comme "extrêmement accrocheur addictogène" en raison de son algorithme "extrêmement développé" et de la "fugacité du contenu" (vidéos courtes et répétitives), qui stimulent de manière intense le système de récompense. "Ces deux éléments ne sont pas là par le fait du hasard".

      4. Responsabilité des Plateformes et Nécessité de Régulation

      Les experts estiment que la responsabilité première du "mésusage" ou "surutilisation" des plateformes incombe aux industriels.

      • Design non éthique : Le modèle économique de TikTok et autres réseaux sociaux est délibérément conçu pour maximiser le temps passé en ligne, sans considération éthique pour la santé des utilisateurs. "Aucune éthique évidemment n'est convoquée puisque on a des contenus absolument scandaleux".

      • Manque de bonne foi des plateformes : Les plateformes sont réticentes à mettre en place des contraintes sans obligation légale. Elles mettent en avant "responsabilité liberté" et renvoient la "minorité" vers la "responsabilité de ses parents".

      Le Professeur Benjamina déclare : "Il faut pas s'attendre que les plateformes s'exécutent s'il n'y a pas de contrainte parce qu'elles ont les capacités à évidemment mettre en place des choses éthiques".

      5. Prise de Conscience Sociétale et Mesures Recommandées

      Il y a une prise de conscience sociétale croissante, mais des efforts significatifs sont encore nécessaires.

      • Écart de connaissance : Il existe un "gouffre entre peut-être des parents ou des professionnels de santé qui sont sensibles au sujet et qui sont bien informés et qui peuvent déjà avoir cette connaissance de l'impact des réseaux sociaux sur la santé des jeunes mais qu'il y a aussi toute une frange de la population aujourd'hui qui ignore totalement ses effets".

      • Communication massive et ciblée : Une "communication qui soit extrêmement massive sur ce sujet" est nécessaire, ainsi qu'une "communication plus ciblée aussi sur les professionnels de santé" qui n'ont pas toujours le réflexe d'interroger les jeunes sur leur usage des réseaux sociaux.

      • Formation des soignants : La formation des soignants sur l'usage des écrans est "très hétérogène aujourd'hui" et nécessite une formation "massive" des professions en lien avec la petite enfance et les adolescents.

      • Alternatives et réinvestissement des espaces physiques : La question "si on nous retire les réseaux sociaux qu'est-ce que vous nous mettez à la place" est comprise.

      Les jeunes trouvent dans ces plateformes un "refuge de divertissement". Il est essentiel de "proposer des alternatives aujourd'hui suffisamment puissantes pour les extraire de cette attraction très très forte de l'univers numérique".

      L'exemple des terrains vagues aménagés en espaces d'activités physiques montre l'efficacité de "choses qui n'ont pas demandé beaucoup de ni de temps ni d'énergie ni surtout d'argent et qui les ont finalement motivés à faire autre chose".

      • Réseaux sociaux "éthiques" et progressivité : La recommandation de limiter l'accès aux réseaux sociaux à 15 ans pour les plateformes dont la "conception serait éthique" est évoquée.

      Le concept de "réseau social éthique" implique un design qui ne vise pas la captation à tout prix, mais le bien-être de l'utilisateur. Cependant, la définition et l'application d'un tel âge limite se heurtent à la complexité de la vérification de l'âge et à la mauvaise foi des plateformes.

      L'idée de 15 ans se cale sur la "majorité numérique" et la "majorité sexuelle". La question est posée si cet âge ne devrait pas être plus élevé (18 ans), étant donné la vulnérabilité des adolescents et le fait que le cerveau continue de mûrir jusqu'à 25 ans.

      6. La Résistance des Jeunes et le Conflit de Génération

      Les jeunes rejettent souvent l'idée de la dangerosité des plateformes, considérant les adultes comme des "boomers" qui "n'ont rien compris".

      • Discours immobilisant : Le discours selon lequel "on peut pas revenir en arrière c'est le progrès et puis on peut pas faire autrement ils sont partout" est critiqué car il "désarme toute volonté de changer".

      Les experts insistent sur le fait que "oui on a le choix" de développer des modèles différents et de réguler.

      • Information insuffisante : "L'information qu'un produit est néfaste pour la santé suffisait à changer les comportements depuis le temps qu'on fait la prévention en santé publique on le saurait". L'information seule ne suffit pas ; une "régulation extrêmement" forte est nécessaire pour les produits addictifs ou "addictif-like".

      • Temps de la science vs. Évolution technologique : La reconnaissance scientifique des addictions prend du temps (90-100 ans pour le tabac), mais la technologie évolue "toutes les semaines" avec de nouveaux produits, plaçant la science "des années de retard".

      7. Approche Clinique et Traitement des Addictions aux Écrans

      La prise en charge clinique ne dépend pas d'une classification officielle mais des dommages constatés.

      • Prise en charge globale : Le traitement est "biopsychosocial", incluant "des mesures évidemment sociales", des "thérapies systémiques parents enfants", et la limitation de la consommation pour "éviter les le clash".
      • Bilan psychiatrique : Un bilan est crucial car de "grandes maladies psychiatriques commencent à l'adolescence" (schizophrénie, troubles bipolaires, anxiétés).
      • Thérapies : Des thérapies cognitivocomportementales, la psychanalyse ou psychodynamie de groupe sont utilisées. La recréation d'une "communauté" de jeunes en milieu de soin est efficace.
      • Transfert de dépendance : Le fait d'arrêter une consommation d'écrans n'est pas "à l'origine d'un transfert" vers d'autres substances. La réalité est plutôt celle de "polyconsommateur" et "polyxpérimentateur" où l'offre de drogues est variée.

      • En conclusion, l'audition met en lumière l'urgence d'une prise de conscience collective et d'une action politique ferme face à l'impact délétère des réseaux sociaux, dont le modèle économique est intrinsèquement problématique pour la santé des jeunes.

      La régulation des plateformes, la formation des professionnels de santé et le développement d'alternatives concrètes sont des pistes essentielles pour inverser la tendance.

    1. Document d'information détaillé : "Le pavillon des irresponsables"

      Ce document d'information analyse les thèmes principaux, les idées essentielles et les faits marquants des extraits du documentaire "Le pavillon des irresponsables".

      Il se concentre sur la vie des patients déclarés pénalement irresponsables et internés en Unités pour Malades Difficiles (UMD), en France.

      1. La Catégorie des "Irresponsables Pénaux" : Définition et Contexte

      Le documentaire s'ouvre sur la présentation des "irresponsables pénaux", des individus ayant commis des crimes (meurtre, agressions graves) mais échappant à la prison en raison de leur état mental au moment des faits. Ils sont internés dans des UMD.

      • Définition légale et clinique : Ces patients sont "des criminels qui échappent à la prison en raison de leur état mental et sont internés dans des unités pour malades difficiles". Leur statut d'"irresponsable" est caractérisé par un "caractère psychotique indéniable" et une "absence de conscience de ce qu'il pouvait faire".
      • Historique et Évolution : Historiquement, la psychiatrie, au milieu du 19e siècle, était une "mesure d'ordre public" participant à la "sécurité de la société". L'avènement des neuroleptiques dans les années 50-60 a permis une "ouverture". Cependant, ces dernières années, il y a un "repli vers une crainte et une volonté de plus de sécurité", mais les professionnels avertissent qu'un maintien coûte que coûte en milieu hospitalier risque d'être "liberticide" pour ceux qui pourraient évoluer favorablement.
      • Proportion et Durée de Séjour : Les patients irresponsables ne représentent qu'une "infime partie" des patients en UMD (environ 10 à 20 à Sarreguemines), mais ce sont "ceux qui restent de loin le plus longtemps en UMD".

      2. Le Quotidien et les Défis de la Vie en UMD

      Le documentaire offre un aperçu du quotidien des patients internés, soulignant les contraintes de l'environnement, mais aussi les efforts pour créer un espace de vie et de soin.

      • Soins Contraints et Environnement : Les UMD sont des "lieux de soins qu'on pourrait qualifier de soins de recours" pour des patients venant d'hôpitaux psychiatriques de secteur, souvent "les plus déstructurés, les plus délirants". Le terme "difficile" est approprié car ils "usent les équipes", nécessitant des séjours en UMD pour une "rupture".
      • Adaptation à la Contrainte : Malgré la privation de liberté, les patients développent des habitudes et cherchent à créer leur "petit espace", comme l'entretien méticuleux de leur chambre pour Christian Dornier : "C'est la chambre la plus ordonnée de tout le CHS... les affaires comme ça ça coûte cher alors il faut quand même un minimum de de soin à apporter au aux objets que j'ai acheté". La participation à des activités comme l'ergothérapie (Sylvain, Giselin) ou le travail du bois (Sylvain) est valorisée, car elle permet de "ne rien penser du tout" et de ne plus entendre de voix.
      • Souffrance et Délire Persistant : Malgré des traitements lourds, la souffrance des patients reste palpable. Giselin Anès, qui a tué sa mère, "reste un patient qui reçoit un traitement extrêmement lourd malgré ce traitement on devine chez lui plus que d'autres la souffrance qui est la sienne et qui est générée par ce qu'il ressent encore et ce qui constitue le noyau persécutif". Certains patients, comme Sylvain, continuent d'exprimer des délires de grandeur ("je suis Dieu, je suis Shiva, je suis tous les dieux") ou des missions salvatrices.
      • Gestion de la Dangerosité : Le personnel soignant est constamment attentif à la dangerosité potentielle. Pour le patient ayant tué sa grand-mère, "on devine parfaitement quand on quand on regarde l'évolution de ce patient qui reste malgré tout un des patients au potentiel de dangerosité le plus important dans ce qui reste de son délire il y a une dimension de mission qu'il aurait à accomplir en dehors d'un lieu comme l'UMD plus rien ne le retiendrait".

      3. Les Histoires Individuelles et la Complexité des Cas

      Le documentaire met en lumière des cas spécifiques qui illustrent la nature des maladies mentales et les défis de leur prise en charge à long terme.

      • Christian Dornier : Atteint de "schizophrénie paranoïde" avec des "éléments délirants extrêmement importants", il a commis un "meurtre de masse au sein de sa famille et du village" à la fin des années 80. Malgré plus de 30 ans de prise en charge, il n'a "jamais pu... avoir conscience qu'il était malade" et demeure convaincu d'"éléments persécutifs" qui ont nourri son délire. À 66 ans, la question de son avenir et d'un possible transfert vers un hôpital psychiatrique classique se pose, bien qu'un juge ait refusé sa sortie en 2023. Il exprime des regrets ("j'ai des regrets") mais explique ses actes par la "folie".
      • Giselin Anès : A tué sa mère lors d'une "séquence de décompensation psychotique". Il est arrivé en UMD après avoir été "retranché dans sa chambre, extrêmement hostile, menaçant". Sa dangerosité était "importante à ce moment-là". Il a toujours une "souffrance qui est la sienne et qui est générée par ce qu'il ressent encore et ce qui constitue le noyau persécutif".
      • Le Patient Incendiaire/Homicide : Un patient raconte avoir "brûlé une chambre" et "tué un mec". Il attribue ses actes à "Dieu ou voix" et à la "faute du psychiatre" précédent, refusant la responsabilité de ses actes et affirmant qu'il ne récidivera pas grâce au "bon traitement du psychiatre" actuel. Il nie être dangereux ("vous êtes trompé moi je suis pas du tout dangereux").
      • Sylvain Laurent : Se prend pour "Dieu", "Shiva", "tous les dieux", et se croit "la dernière personne sur qui on peut compter avant que la fat". Il décrit une mission de "massacrer sur la roche" pour revenir avec une "baguette magique en or" et faire disparaître les pédophiles et terroristes. Il ne perçoit pas ses idées comme un délire, affirmant: "mon délire à moi il dit non c'est pas vrai si j'ai fait ça c'est choquant mais j'avais des bonnes raisons de le faire".
      • Monsieur Tourchef : Exprime la difficulté de vivre "tout le temps avec les mêmes personnes" et la frustration de ne pas pouvoir sortir. Il a été maintenu en UMD en raison de son "comportement", notamment un "passage à l'acte agressif" récent.

      4. Les Commissions de Suivi Médical et la Question de la Sortie

      Les commissions sont un élément central de la vie en UMD, déterminant le maintien ou le transfert des patients.

      • Fonctionnement de la Commission : Tous les six mois, un collège de trois médecins examine chaque dossier et s'entretient avec le patient pendant 20 à 30 minutes. Ils ont à leur disposition le dossier médical et une synthèse des séjours. La commission rend un avis de maintien en UMD ou de transfert vers un hôpital d'origine si l'évolution est favorable et les critères de dangerosité "fortement atténués".
      • Critères d'Évaluation : Les critères incluent "l'état clinique de la personne", la persistance du délire, des hallucinations, de la froideur affective, la capacité à formuler des regrets ou de l'empathie, et les antécédents d'actes violents.

      Dilemmes de la Sortie :

      • Volonté du Patient : Certains patients souhaitent ardemment quitter l'UMD, même s'ils n'en ont pas les moyens cliniques, comme le patient incendiaire qui veut "retourner à mon hôpital d'origine au plus vite" pour "être comme un roi". D'autres, paradoxalement, "font tout ce qu'il faut pour rester", car ils ont "presque trouvé une sorte de petite famille", se sentant en "sécurité" et obtenant des "bénéfices secondaires" de l'hospitalisation.
      • Sécurité versus Liberté : Le "risque zéro n'existe pas en psychiatrie", et il n'y a "pas de garde fou ultime pour éviter le passage à l'acte d'un grand psychotique". La décision est complexe car elle doit concilier la sécurité de la société et du patient avec le droit à une évolution possible.
      • Pression Sociétale : La France a "de plus en plus de mal à répondre à l'inquiétude de la société face à la maladie mentale", conduisant parfois à des lois et décisions qui peuvent privilégier la sécurité au détriment de l'évolution individuelle des patients. Le maintien en UMD, pour certains, signifie une "qualité de vie" inégalée ailleurs (sorties accompagnées), mais aussi une absence de "perspective" d'une vie autonome.

      Conclusion : Une Réflexion sur l'Équilibre

      Le documentaire met en lumière la complexité de la prise en charge des patients pénalement irresponsables. Entre la nécessité de protéger la société, de soigner des individus atteints de pathologies lourdes et de préserver leurs droits, les UMD représentent un équilibre délicat.

      La question de la durée d'internement, de la conscience de la maladie par les patients, et de leur potentiel de réinsertion, même minime, reste au cœur des débats et des préoccupations des professionnels.

    1. Synthèse des auditions des responsables de la modération TikTok par la commission d’enquête

      1. Structure de la modération de contenu chez TikTok

      TikTok emploie une approche hybride pour la modération des contenus, combinant des systèmes automatisés (algorithmes et IA) avec l'intervention humaine.

      Nikessou, responsable de la sécurité juridique, a précisé que "98 % des contenus qui violent les conditions" sont supprimés de manière proactive grâce à ces systèmes automatisés.

      La modération humaine, qui implique 509 modérateurs francophones, se concentre sur les contenus les plus sensibles ou contextuels. Les contenus signalés ou devenus populaires font l'objet d'examens supplémentaires.

      Cependant, il y a une diminution du nombre de modérateurs humains, passant de 634 au premier semestre à 509 au deuxième semestre.

      TikTok justifie cette baisse par l'amélioration de ses outils d'IA, permettant une suppression plus rapide et cohérente des contenus problématiques, et minimisant l'exposition des utilisateurs et des employés à ces contenus.

      Les modérateurs reçoivent une formation initiale et des vérifications hebdomadaires et mensuelles de leur interprétation des règles. Un soutien psychologique est également mis en place pour les modérateurs exposés à des contenus difficiles.

      2. Efficacité de la modération et défis liés aux contenus problématiques

      TikTok affirme que "moins de 1 % du contenu ne respecte pas les lignes directrices", mais la commission a remis en question la pertinence de ce pourcentage en raison de l'algorithme de recommandation qui peut amplifier même un faible volume de contenu problématique.

      Un exemple majeur de ce défi est la tendance "Skinny Talk", qui a incité à l'anorexie et aux troubles alimentaires. TikTok a expliqué avoir initialement détecté un volume faible et un faible taux de non-conformité.

      Ce n'est qu'après l'augmentation du volume et l'émergence d'une communauté centrée sur de mauvaises habitudes alimentaires que des mesures, y compris le blocage du hashtag, ont été prises.

      Malgré ces efforts, des contenus problématiques liés à ce thème, comme le hashtag "fearfood", persistent, soulevant des questions sur l'efficacité de la modération et la capacité de TikTok à honorer son "obligation de résultat".

      La représentante de TikTok a admis que "bien sûr, nous faisons des erreurs, c'est inévitable".

      La commission a également soulevé le problème des "moyens de contournement" utilisés par les jeunes, tels que l'utilisation de symboles (ex: petit zèbre pour la scarification) pour aborder des sujets sensibles sans être détectés.

      Les responsables de TikTok reconnaissent cette problématique et affirment travailler à anticiper ces contournements.

      3. Gestion des signalements et relations avec les organisations externes

      TikTok collabore avec des organisations comme Stop Fisha, e-Enfance, Génération Numérique et Point de Contact, qui agissent comme "signaleurs de confiance". Ces organisations bénéficient d'un canal de signalement prioritaire, assurant une réponse rapide.

      Cependant, la commission a fait état de divergences entre les signalements effectués par des particuliers et ceux des organisations, ces dernières entraînant des suppressions de contenu plus fréquentes. TikTok justifie cette différence par l'expertise des signaleurs de confiance, qui aident à identifier plus précisément les violations des règles communautaires.

      4. Sanction des comptes et politiques de tolérance

      TikTok applique une politique de tolérance variable selon la gravité des infractions.

      Les violations mineures peuvent entraîner des avertissements et des opportunités de correction, tandis que les infractions graves comme les discours de haine ou la pédopornographie entraînent une "tolérance zéro" et une interdiction immédiate.

      Un document public détaillant cette gradation des sanctions existe et peut être partagé.

      La commission a exprimé sa préoccupation quant à la lenteur de réaction face à des comptes d'influenceurs connus, suivis par des millions de personnes, qui diffusent des contenus problématiques (ex: propos sexistes, incitation à la violence). TikTok a souligné la difficulté d'examiner l'intégralité du contenu d'un utilisateur et le caractère contextuel des violations.

      5. Modération et fonctionnalités de TikTok Live

      TikTok Live est un produit de diffusion en direct où les créateurs interagissent avec leur communauté. L'équipe de modération (TNS) est la même que pour les contenus préenregistrés et agit en toute indépendance.

      Des modèles dédiés sont utilisés pour détecter des signaux de violation pendant les diffusions en direct, permettant d'interrompre la vidéo ou de donner des retours aux créateurs. Les menaces à la vie sont signalées aux autorités locales.

      Une fonctionnalité notable est le "Live Match", où deux ou quatre créateurs s'affrontent pendant 5 minutes, accumulant des points via des cadeaux virtuels et des "J'aime" du public.

      Le vainqueur est celui qui a le plus de points. Les cadeaux virtuels vont d'une "rose virtuelle" valant environ 5 centimes à plusieurs centaines d'euros. TikTok prélève 50 % de la valeur des cadeaux.

      Les agences externes spécialisées dans le live streaming sont rémunérées par TikTok et peuvent recevoir des pénalités financières si leurs créateurs enfreignent les règles. Un "score de santé" est attribué aux agences, démarrant à 100 points et diminuant en cas de violation.

        1. Préoccupations liées à l'addiction et à la protection des mineurs sur TikTok Live

      La commission a exprimé de vives inquiétudes quant au caractère addictif de TikTok, en particulier des Lives. Les responsables de TikTok ont souligné plusieurs mesures de protection:

      • Interdiction des Lives pour les moins de 18 ans: Les créateurs doivent vérifier leur identité (pièce d'identité et selfie) pour lancer un Live.
      • Interdiction de l'envoi de cadeaux virtuels pour les mineurs: Seuls les majeurs peuvent acheter et envoyer des cadeaux.
      • Limitation du temps d'écran: Les utilisateurs de 13 à 17 ans ont une limite de 60 minutes par jour, activée par défaut, avec des rappels réguliers.
      • Contenu non personnalisé: Dans le cadre du DSA, TikTok propose des flux non personnalisés pour permettre aux utilisateurs de découvrir une diversité de contenus.
      • Cependant, la commission a confronté TikTok à des témoignages directs de mineurs participant à des Lives et dépensant de l'argent via le compte Apple Pay de leurs parents, ou étant incités à changer leur date de naissance pour accéder à certaines fonctionnalités. La vérification de l'âge reste un défi majeur. TikTok a reconnu la persistance du problème, indiquant que "642 000 comptes" de moins de 13 ans ont été supprimés en France l'année dernière, et 6 millions par mois dans le monde.

      • La commission a également interrogé le modèle de rémunération des Live, où les "top créateurs" peuvent gagner "plusieurs dizaines de milliers d'euros par mois", et la nature des "Live Match" qui, selon certains membres, s'apparentent à des "mécanismes similaires à ceux des jeux d'argent". TikTok a réfuté cette assimilation, arguant qu'il n'y a pas d'espérance de gain pour les donateurs et que les jeux d'argent sont strictement interdits.

      Le remerciement des donateurs par les streamers, même s'il est considéré par TikTok comme de la "politesse", est perçu par la commission comme une "forme de gratification" et d' "encouragement au don".

      7. Transparence et obligations légales

      TikTok publie des rapports de transparence trimestriels et des rapports dédiés sur les demandes de retrait gouvernementales, les demandes d'information, les suppressions pour propriété intellectuelle, la lutte contre les opérations d'influence et les abus sexuels sur mineurs.

      La plateforme est également soumise aux obligations du DSA (Digital Services Act) et du code de pratique de lutte contre la désinformation de l'Union européenne.

      Conclusion

      • L'audition a mis en lumière la complexité de la modération de contenu sur une plateforme de l'ampleur de TikTok, confrontée à la fois à des défis technologiques (détection de contournements, vérification de l'âge) et humains (volume de contenu, contexte culturel).

      Si TikTok a détaillé ses efforts en matière de sécurité et de conformité réglementaire, la commission a exprimé de fortes réserves quant à l'efficacité réelle de ces mesures, en particulier concernant la protection des mineurs et la persistance de contenus problématiques.

      Des informations complémentaires ont été demandées à TikTok par écrit, avec la possibilité d'une reconvocation en cas de non-fourniture ou de divergence des réponses.

    1. Compte-Rendu d'Audition des Responsables de TikTok France

      Contexte de l'Audition et Objectifs * L'audition vise à examiner le modèle économique, les stratégies de contenu, les mesures de sécurité et de modération de TikTok en France, ainsi que son impact sur les mineurs. Les représentantes de TikTok, * Marlène Masure (Responsable du contenu, Europe, Moyen-Orient, Afrique) et * Marie Hugon (Responsable des enquêtes réglementaires européennes), ont prêté serment de dire la vérité.

      L'objectif de la commission est d'obtenir des informations précises et d'éviter les redites avec les auditions précédentes.

      I. Activités et Positionnement de TikTok en France et en Europe

      1. Portée et Mission de TikTok :

      • TikTok compte 25 millions d'utilisateurs actifs chaque mois en France et plus de 175 millions en Europe.
      • La plateforme se positionne comme un "tremplin pour des milliers de créateurs et professionnels" et une "véritable vitrine sur le monde".
      • L'objectif est d'encourager la création de contenus "créatifs, éducatifs, divertissants, de qualité au service d'une communauté très engagée".
      • TikTok affirme soutenir les contenus "utiles et positifs" et veiller à la "sécurité et au bien-être de notre communauté", agissant "en responsabilité".

      2. Partenariats et Contenus Promus :

      • TikTok collabore avec plus de 250 médias (Le Monde, France Info, AFP, etc.) pour les aider à "développer leur audience en favorisant l'interaction avec de nouveaux publics".
      • Des partenariats sont établis avec des acteurs de la culture, du sport (ex: Tour de France, JO Paris 2024, INA).
      • L'entreprise soutient activement les créateurs de contenu, notamment à travers des initiatives éducatives :
      • Fil STEM (Sciences, Technologies, Ingénierie, Mathématiques) lancé en avril 2024, consulté par 27% des utilisateurs de moins de 18 ans au moins une fois par semaine en France. Les moins de 18 ans le voient par défaut.
      • Programme "Apprendre sur TikTok" : valorise "toutes les formes de savoir", a généré plus de 5 milliards de vues depuis son lancement en 2023 grâce à 250 000 vidéos éducatives.
      • Marlène Masure mentionne travailler avec une sélection de 1000 créateurs et 400 partenaires pour créer du contenu jugé "intéressant" et "utile".

      II. Engagement Réglementaire et Mesures de Sécurité

      1. Conformité au DSA (Digital Services Act) et Transparence :

      • TikTok a été désignée "très grande plateforme" (VLOP) par la Commission européenne en avril 2023.
      • L'entreprise soutient le DSA, le considérant comme une "avancée majeure" pour le secteur.
      • TikTok réalise des "évaluations détaillées des risques systémiques", notamment liés à la protection des mineurs, et met en œuvre des "mesures d'atténuation raisonnable, proportionnée et efficace".
      • Cela inclut l'ajustement des conditions d'utilisation, le renforcement des politiques de modération, la modification des systèmes de recommandation et la promotion de l'éducation aux médias.
      • Des audits externes et indépendants et des rapports de transparence (nombre d'utilisateurs actifs, suppressions proactives de contenus illégaux) sont publiés annuellement.
      • En France, 91% des contenus problématiques sont supprimés avant même d'être vus. TikTok emploie 509 modérateurs en langue française et des milliers en Europe.

      2. Mesures Spécifiques pour la Protection des Mineurs :

      • TikTok applique une "approche ferme et globale" avec des "politiques de tolérance zéro", des "technologies innovantes", des "fonctionnalités de contrôles intégrées" et des "ressources pédagogiques".
      • Contenus sensibles : les contenus classifiés "matures" ne sont pas proposés aux mineurs et peuvent ne pas apparaître dans le "Pour Toi".
      • Contenu créé par des mineurs : le contenu créé par des moins de 16 ans n'est pas éligible aux recommandations (pas dans le "Pour Toi").
      • Publicité personnalisée : n'existe plus pour les 13-17 ans depuis août 2023.
      • Gestion du temps d'écran :
      • TikTok a été "la première plateforme à proposer cette limite de 60 minutes de temps d'écran pour les mineurs". Si le contrôle parental est activé, l'enfant est bloqué après 60 minutes, seul le parent peut prolonger. Sans contrôle parental, l'enfant peut choisir de prolonger.
      • Notifications push désactivées automatiquement entre 21h et 8h pour les 13-15 ans, et entre 22h et 8h pour les 16-17 ans.
      • Outils de contrôle parental ("Mode Connexion Famille") : permettent de filtrer des mots-clés, gérer le temps d'écran, le type de personnes pouvant interagir, et bloquer des heures d'accès.
      • Marlène Masure insiste sur la "culture du feedback" et l'écoute des retours des partenaires, associations et experts pour améliorer la sécurité.

      3. Gestion des Données (Projet Clover) :

      • TikTok a investi 1,2 milliard de dollars dans le "projet Clover" pour la souveraineté numérique, visant à localiser les données personnelles des utilisateurs européens en Europe (data centers à Dublin, en Finlande, en Norvège).
      • Ce projet est validé par un tiers de confiance, NCC. Actuellement, certaines données sont encore hébergées dans des pays ayant des accords avec l'UE (États-Unis, Singapour) en attendant le transfert complet.

      III. Défis et Points de Tension

      1. Contradiction entre Propos et Témoignages :

      • Les rapporteuses confrontent les représentantes de TikTok avec de nombreux témoignages de jeunes et d'enseignants décrivant des expériences négatives : addiction, spirale de contenu toxique (liés à la dépression, l'hypersexualisation, le racisme, le sexisme, les violences), développement de complexes, idées noires, troubles du sommeil, désintérêt scolaire, perte d'esprit critique, isolement social.
      • "L'algorithme a amplifié mon état en m'inondant de contenu en lien avec ma détresse il savait exactement ce que je ressentais et il me le servait en boucle ce qui était un divertissement est devenu un piège et j'ai mis des mois à m'en sortir" (Thibault, 20 ans).
      • "Aujourd'hui TikTok est saturé de contenus violents dégradants sexualisés ou tout simplement toxique" (Manon, 20 ans).
      • Une enseignante : "il est urgent de protéger nos enfants de cette addiction Leurs parents n'étant pas toujours au courant ou conscient de l'emprise de TikTok sur leur façon de penser ou de ne plus penser par eux-mêmes".
      • Les représentantes reconnaissent l'importance de ces témoignages mais nuancent, soulignant l'existence de témoignages positifs de créateurs ayant trouvé soutien, créé des entreprises ou bénéficié des programmes éducatifs. Elles affirment que le problème dépasse TikTok et concerne l'usage du numérique en général.

      2. Fonctionnement de l'Algorithme et "Bulles de Contenu" :

      • L'algorithme de TikTok est basé sur les "centres d'intérêt" et non les connexions sociales, recommandant du contenu en fonction des consommations passées de l'utilisateur et d'utilisateurs similaires.
      • Les rapporteuses expriment leur préoccupation face à l'enfermement dans des "bulles de contenu" et la promotion de contenus "provocateurs" ou "choc" par l'algorithme qui privilégie l'"attention" plutôt que les "intentions profondes" ou la "raison".
      • Elles évoquent l'infinit scrolling comme une spécificité addictive de TikTok.
      • TikTok affirme avoir des "principes de dispersion des contenus" pour éviter la répétition excessive de contenus sensibles.
      • Concernant la recommandation de contenus éducatifs, TikTok encourage l'utilisation de hashtags comme #apprendresurTikTok et soutient des médias et créateurs qualitatifs. Elles citent l'exemple de BookTok, une "très belle histoire" de communauté littéraire, bien que les rapporteuses mentionnent des articles de presse faisant état de la présence de "Dark Romance" hypersexualisée et violente sur cette tendance.

      3. Efficacité de la Modération et Contournement des Règles :

      • TikTok se dit en "permanence en train de rééduquer nos algorithmes" pour détecter les mots-clés détournés (ex: "algospeak", substitution de lettres par des chiffres ou émoticônes).
      • Cependant, des tests effectués par la commission montrent que des recherches avec des mots-clés détournés (ex: "scarification" avec un "c", "zèbre" pour scarification, "Suisse" pour suicide) donnent toujours accès à des contenus problématiques, même après signalement.
      • Les rapporteuses dénoncent le manque de réactivité de TikTok et l'insuffisance des messages de prévention pour des recherches telles que "je veux mourir" ou "comment se pendre".
      • Elles soulignent que l'obligation de TikTok est une "obligation de résultat" pour la protection des enfants, pas seulement une "obligation de moyens".

      4. Vérification de l'Âge et Comptes de Mineurs :

      • TikTok reconnaît avoir supprimé 642 000 comptes en France (sur la période 2024-2024) de moins de 13 ans n'ayant pas pu prouver leur âge, ce qui atteste que "beaucoup de jeunes mentent sur leur âge".
      • Cependant, TikTok ne dispose pas de statistiques précises sur le pourcentage de mineurs réels sur la plateforme ni sur l'activation des outils de contrôle parental par les comptes de mineurs identifiés.
      • Elles déclarent que la vérification de l'âge à l'inscription est déclarative et qu'il n'y a pas d'obligation réglementaire européenne pour une vérification plus stricte.
      • Les rapporteuses critiquent cette passivité, suggérant que TikTok pourrait être "plus responsable que les autres" en mettant en place une vérification d'âge a priori, même imparfaite (comme la solution "Connet" proposée par l'Éducation Nationale et refusée par TikTok).
      • Elles estiment que la réalité des mineurs sur la plateforme est que "deux tiers d'entre eux sont inscrits comme des majeurs" et ont accès à des contenus inappropriés.

      5. Différences avec Douyin (version chinoise) :

      • Les représentantes de TikTok affirment que Douyin est une application "complètement différente" gérée par des équipes chinoises, et qu'elles n'ont pas de lien ni de connaissance approfondie de ce produit, ce qui limite leur capacité à commenter ses mécanismes de protection des mineurs.

      6. Influenceurs Problématiques et Signalement :

      • La commission s'interroge sur la lenteur de la réaction de TikTok face à des influenceurs problématiques très suivis (ex: Ad Laurent, Alexis Chens) qui ont été signalés par des associations (Stop Fisha) ou des personnalités politiques (Aurore Berger).
      • TikTok affirme avoir été "les premiers" à retirer certains comptes, mais reconnaît des systèmes de "graduation" avant le bannissement. Elles estiment que l'intervention médiatique met "un coup de pression" mais que des processus réglementaires existent.
      • Les rapporteuses regrettent que les signalements d'individus soient moins bien traités que ceux d'organisations.

      IV. Conclusion et Perspectives

      • Les représentantes de TikTok réitèrent leur engagement continu pour la sécurité, l'amélioration des outils et la collaboration avec les régulateurs, associations et chercheurs. Elles soulignent les investissements massifs dans la sécurité et les efforts de modération (plus de 6 millions de vidéos supprimées en France en 2024).
      • Elles reconnaissent que "cette marge d'erreur on l'accepte pas" et "on travaille pour lutter contre effectivement des contenus qui peuvent créer des drames".
      • Elles rappellent la "fierté de ce que la plateforme offre comme opportunité" et son rôle dans la "création de valeur", "d'engagement" et de "carrières".
      • La commission exprime une "frustration" face aux réponses, estimant que les mesures de TikTok ne sont pas à la hauteur de la "dépendance très très forte des mineurs" et des "drames évitables" (suicides, scarifications).
      • La commission avertit qu'en l'absence d'"amélioration effective", l'interdiction de la plateforme pourrait devenir une option si des vies d'enfants continuent d'être affectées.
      • Des questions importantes sur le modèle économique (revenus des lives, part des revenus publicitaires) restent sans réponse et pourraient mener à une nouvelle audition.
    1. Compte Rendu Détaillé de l'Audition de la Présidente du Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes (HCE)

      • Ce document résume les points clés et les thèmes principaux abordés lors de l'audition de la Présidente du Haut Conseil à l'Égalité entre les femmes et les hommes (HCE) par la délégation aux droits des femmes.

      Il met en lumière les priorités du HCE, ses travaux récents et futurs, ainsi que les préoccupations soulevées par les parlementaires.

      I. Priorités et Rapports Clés du HCE

      La Présidente du HCE a souligné le rôle du Conseil comme « interlocuteur de premier plan pour les pouvoirs publics » et « moteur du débat démocratique sur les droits des femmes et les questions de genre ».

      Elle a mis en avant les domaines d'intervention du HCE et les synergies possibles avec les travaux parlementaires.

      A. Le Sexisme en France : Un état des lieux alarmant et polarisé

      • Rapport Majeur 2025 : Le rapport principal du HCE pour 2025 porte sur l'état des lieux du sexisme en France, publié le 20 janvier dernier. Basé sur un baromètre et des questions posées à plus de 3000 Français, il vise à évaluer l'évolution du sexisme.
      • Polarisation de la société : Le rapport a révélé une forte polarisation sur les questions d'égalité et de sexisme.
      • Jeunes femmes : Elles sont « de plus en plus conscientes que leur vie au quotidien est plus difficile que celle des hommes » et sont « plus engagées sur ces questions, plus sensibles au féminisme et au combat pour l'égalité des genres ».
      • Jeunes hommes : À l'inverse, ils « expriment un sentiment d'incompréhension des évolutions de la société voire de rejet », étant « de plus en plus attirés par les idées sexistes et masculinistes ».
      • Pilier du sexisme persistant : L'éducation : Une conclusion majeure est que « l'éducation était l'un des piliers de ce sexisme persistant et qu'il fallait agir de toute urgence ».
      • Appel aux ÉVARS : Le HCE appelle depuis des années à l'adoption d'un programme d'éducation à l'égalité, les cours à la vie affective, relationnelle et à la sexualité (ÉVARS). Ces cours permettraient de « déconstruire les stéréotypes et les normes sociales inégalitaires qui favorisent ce sexisme ».
      • Déploiement des ÉVARS : Moins de 15 % des élèves en bénéficient actuellement, malgré leur caractère obligatoire depuis 2001.

      La Présidente se réjouit de l'annonce par la Ministre de l'Éducation nationale du déploiement de ce programme dès la prochaine rentrée, car 9 Français sur 10 y sont favorables, et 70 % le considèrent comme la mesure la plus efficace.

      B. La Parentalité : L'« éléphant dans la pièce » des inégalités professionnelles

      • Facteur structurant des inégalités : Les inégalités liées à la naissance sont un « moment clé de cristallisation des inégalités pro entre les pères et les mères » et l'un des « facteurs les plus structurants des inégalités de salaire et de carrière ». La Présidente le qualifie d'« éléphant dans la pièce ».
      • Chiffres alarmants :Les écarts de revenus salariaux sont plus marqués entre parents, les mères ayant des temps de travail et des salaires « nettement inférieurs aux pères », ces écarts augmentant avec le nombre d'enfants.
      • Les mères salariées du secteur privé subissent une perte salariale d'environ 20 % cinq ans après la naissance, et jusqu'à 40 % pour les salaires les plus bas.
      • Les ajustements professionnels après l'arrivée d'un enfant sont 10 fois plus importants pour les mères.
      • 95,6 % des congés parentaux sont pris par les femmes, 70 % des tâches domestiques sont réalisées par les femmes, et 80 % des salariés à temps partiel sont des femmes.
      • Seulement 42,6 % des cadres sont des femmes, alors qu'elles sont plus diplômées que les hommes.
      • Réforme du congé parental : Le HCE préconise une réforme du congé parental, notamment la « réduction du temps mais qui soit mieux rémunéré pour qu'on ait davantage d'hommes à le prendre ».
      • Congé paternité : Le HCE s'interroge sur l'allongement du congé paternité à l'égalité du congé maternité, considérant que le congé maternité est aussi un temps de récupération pour la mère.

      Il souligne l'importance de le rendre accessible à toutes les catégories sociales, car il est moins pris par les plus précaires.

      C. Parité dans l'Encadrement Sportif : Un angle mort à combler

      • Sous-représentation des femmes : Bien que la pratique sportive des femmes progresse (moins de 40 % des licences en 2024), elles restent sous-représentées dans les disciplines fédérales de haut niveau et, surtout, dans les rôles décisionnaires.
      • 46 % des bénévoles sont des femmes, mais seulement 34 % des dirigeants de structure sportive.
      • Seulement 33 % des encadrants sportifs sont des femmes, un chiffre en baisse.
      • Problème de formation : Les femmes représentent seulement 32 % des étudiants en filières STAPS, et 20 % dans les filières d'entraînement sportif.
      • Recommandations urgentes :Instauration de « coprésidences mixtes des fédérations sportives nationales agréées » pour lutter contre le « plafond de verre » et les pressions subies par les femmes dirigeantes.
      • Création d'un programme d'accompagnement des jeunes filles vers le management et l'encadrement sportif.
      • Objectif de 25 % de femmes dans les filières STAPS d'ici 2026, et 40 % d'ici 2030.
      • Mise en place de « budgets sensibles au genre » au niveau communal et municipal pour inciter la féminisation des clubs à la base.

      D. Lutte contre les Violences Sexuelles et Sexistes : Améliorer la prise en charge judiciaire

      La commission "violences faites aux femmes" du HCE a travaillé sur le traitement judiciaire des viols et agressions sexuelles et rendra ses conclusions et recommandations publiques prochainement, visant une « meilleure prise en charge des victimes ».

      II. Discussions et Questions des Parlementaires

      Les parlementaires ont salué la qualité des travaux du HCE et ont soulevé des questions spécifiques, souvent en écho aux préoccupations du Conseil.

      A. Parité Sportive et Accompagnement Local

      • Graziella Melker (Groupe Ensemble pour la République) : A souligné le « cercle vicieux du sexisme dans le sport » et la nécessité de travailler à l'échelle locale pour accompagner les femmes confrontées à des situations de violence ou de manque de soutien dans les instances régionales.

      B. Pénalité Parentale et Réforme des Congés

      • Sarah Lin (Groupe La France Insoumise) et Delphine Ligoman (Groupe Les Démocrates) : Co-rapporteures d'une mission d'information sur la parentalité, elles ont rappelé que 90 % des inégalités de revenus entre femmes et hommes sont liées à la parentalité.
      • Réforme du congé paternité : Elles ont interrogé le HCE sur l'efficacité du congé paternité comme outil pour un partage égalitaire, suggérant une augmentation de la part automatique obligatoire et une partie de ce congé à l'issue du congé maternité.
      • Mères solos : Elles ont demandé des pistes de réflexion pour les mères solos, qui subissent encore plus fortement la pénalité parentale.
      • Parentalité en entreprise : Delphine Ligoman a interrogé sur les leviers pour inciter les entreprises à mieux intégrer la parentalité, proposant la généralisation d'une charte de la parentalité, l'intégration de la parentalité dans l'index égalité professionnelle, et une reprise progressive après les congés liés à la naissance.
      • Réponse du HCE sur la parentalité :La Présidente du HCE souhaite que le Conseil travaille davantage sur la parentalité, reconnaissant que le sujet n'a pas été « spécifiquement traité jusqu'à [présent] ».
      • Elle confirme l'importance de la réforme du congé parental, visant une réduction du temps mais une meilleure rémunération pour inciter les hommes à le prendre.
      • Elle exprime des doutes sur l'allongement du congé paternité à la même durée que le congé maternité, considérant que le congé maternité est aussi un temps de récupération pour la mère.
      • Elle souligne l'importance de toucher toutes les catégories sociales et s'inquiète de la situation des modes de garde en France, qualifiant la disparition prochaine de 40 % des assistantes maternelles de « bombe à retardement ».

      C. Diplomatie Féministe et Soutien aux Associations

      • Sénine Thiebau Martinez (Groupe Socialiste) : A interrogé sur l'impact de l'élection de Donald Trump sur la diplomatie féministe et la diminution des moyens pour les ONG. Elle a demandé si le HCE a été saisi de la question d'un événement sur la diplomatie féministe en France et sa position sur le sujet. Elle a également demandé si le HCE allait se saisir de l'étude de la Fondation des femmes sur la seniorité des femmes.
      • Réponse du HCE sur la diplomatie féministe :La Présidente a confirmé la tenue d'un événement à l'automne et la participation du HCE.
      • Elle a souligné le rôle important de la France et la volonté du HCE de travailler avec son homologue canadien pour porter la diplomatie féministe dans les pays francophones, notamment par la coordination des budgets et des actions des ambassadeurs.
      • Le HCE a recommandé de pérenniser les budgets alloués à ces politiques.

      D. Conséquences Genrées de la COVID et Santé Mentale des Femmes

      • Sandrine Rousseau (Groupe Les Écologistes) et Cécile Violande (Groupe Horizon et apparentés) : Ont soulevé la question des conséquences genrées de la gestion de la COVID-19, notamment la dégradation de la santé mentale des femmes et des jeunes femmes liée à l'exposition aux violences intrafamiliales. Elles ont appelé le HCE à se saisir de ce sujet.
      • Réponse du HCE sur la santé mentale :La Présidente a reconnu l'importance du lien et a exprimé le souhait de travailler sur la « santé des femmes », notamment sur le « burnout des femmes », lié à la charge mentale et aux contraintes qu'elles subissent.
      • Elle envisage des travaux interdisciplinaires au sein du HCE sur la santé des femmes, « tout au long de la vie », des menstruations à l'âgisme.

      E. Soutien aux Associations Féministes et Âgisme

      • Sandrine Rousseau : A exprimé son inquiétude quant aux menaces pesant sur les associations féministes (Planning Familial, CIDFF) et leur financement, alors même que l'IVG est inscrit dans la Constitution.
      • Réponse du HCE sur les associations : La Présidente a reconnu les « difficultés réelles de financement » de ces associations, les qualifiant d'« indispensables » et de « clé », et a affirmé que le HCE ne peut pas travailler sans elles.

      F. Contraception Masculine

      • Cécile Violande : A demandé si le HCE se saisissait des travaux sur la contraception masculine.
      • Réponse du HCE : La Présidente a indiqué que des travaux avaient été engagés avant son arrivée mais qu'ils n'avaient pas été publiés car « la nature du rapport ne convenait pas à ceux qui avaient engagé le rapport » et qu'il ne faisait pas consensus parmi les co-signataires.

      Elle a reconnu que c'est un sujet à regarder, car la contraception reste « à la charge aujourd'hui des femmes et ressenti comme une contrainte féminine ».

      III. Perspectives et Orientations Futures du HCE

      La Présidente a réaffirmé sa volonté de redonner au HCE toute sa force dans le débat public et politique.

      • Décentralisation : Le HCE s'engage à se « déplacer partout en France » et non plus être une « instance très parisienne ».
      • Nouveaux travaux : L'arrivée de nouveaux membres permettra de décider rapidement des prochains travaux. Des sollicitations fortes concernent notamment l'intelligence artificielle, un sujet sur lequel le HCE n'a pas encore travaillé.
      • Interdisciplinarité : La Présidente souhaite développer les collaborations entre les différentes formations et commissions du HCE, à l'image des travaux parlementaires.
      • Importance de l'éducation : Elle a insisté sur la nécessité de « déconstruire un certain nombre de stéréotypes » dès le plus jeune âge, soulignant que les inégalités sont présentes dès 6 ans. Elle a mis en évidence le rôle des ÉVARS, mais aussi l'importance de changer les mentalités des futurs parents et d'agir sur les contenus numériques, la littérature jeunesse, les films et les séries.
      • Budget sensible au genre : La Présidente a salué l'annonce du travail sur un budget sensible au genre par trois ministères (Égalité, Budget, Éducation nationale) et a insisté pour que cela ne se limite pas à l'État, mais soit appliqué aussi aux collectivités locales.

      Elle a pris l'exemple des budgets alloués au sport, souvent déséquilibrés en faveur des pratiques masculines.

      • Sanctions : La Présidente a regretté le manque de sanctions pour la non-application de l'index égalité professionnelle.

      En conclusion, la Présidente du HCE a réaffirmé l'engagement du Conseil à éclairer le débat public et à faire avancer l'égalité réelle, en se concentrant sur des sujets structurants comme le sexisme, la parentalité, la parité sportive et la santé des femmes, tout en cherchant à impliquer l'ensemble des acteurs de la société.

    1. Synthèse des Priorités et Défis de la Haute-Commissaire à l'Enfance

      • La Haute-Commissaire à l'Enfance présente sa feuille de route en soulignant la mission fondamentale de son Haut-Commissariat : coordonner les politiques publiques pour placer l'enfant au cœur des réflexions, en sortant des "silos" administratifs habituels.

      La Haute-Commissaire insiste sur l'importance de l'interministérialité et de la pluridisciplinarité professionnelle comme leviers pour répondre aux défis complexes liés à l'enfance.

      1. Mission et Définition de l'Enfance

      • Rôle du Haut-Commissariat : Créé en février, le Haut-Commissariat à l'enfance vise à remédier aux "faiblesses dans nos politiques de protection et de prévention" en renforçant l'interministérialité.

      L'objectif est de "penser autrement ces politiques publiques et donc de coordonner en étant d'une certaine manière le garant que l'enfant était au cœur et du coup il était au centre de ses réflexions".

      Il réunit tous les acteurs (associatifs, administrations, éducatifs).

      • Définition de l'enfant : La définition retenue est celle de l'article 1er de la Convention relative aux droits des enfants de 1989, couvrant "de la naissance à finalement la majorité", incluant la petite enfance (0-3 ans) et l'adolescence.

      2. Priorités Thématiques et Actions Engagées

      La Haute-Commissaire aborde plusieurs chantiers prioritaires, souvent interdépendants :

      Service Public de la Petite Enfance (0-3 ans) :

      • Problématiques : Manque de places et besoin d'améliorer la qualité et la compétence. Forte demande de reconnaissance des professionnels.
      • Actions : Travail sur l'attractivité des métiers (VAE inversée, accompagnement des formations), aides aux communes pour la montée en charge des compétences, collaboration avec les fédérations pour la prochaine COG (Convention d'Objectifs et de Gestion), expérimentation de "solutions hybrides" comme les crèches familiales ou scolaires.

      • Écrans en petite enfance : Publication d'un "référentiel qualité" interdisant les écrans dans les lieux d'accueil des 0-3 ans, posant des règles claires et accompagnant les PMI.

      Soutien à la Parentalité :

      • Considéré comme "un des outils (...) les plus puissants en terme de prévention et d'accompagnement".
      • Plan National de Soutien à la Parentalité : En cours de finalisation, il vise à "reposer (...) des repères, des soutiens, des espaces de dialogue avec les parents" face aux nouveaux défis, notamment numériques. Refonte du site "Je protège mon enfant".

      Adoption et Accès aux Origines : * Adoption : Améliorer les pratiques professionnelles pour accélérer les procédures et la mise en œuvre du "fichier national des familles adoptantes". Diffuser les outils législatifs existants (Loi Limon sur l'adoption simple). * Accueil durable bénévole/Tiers digne de confiance : Étude des différentes hypothèses, en soulignant l'importance de l'accompagnement spécialisé pour les familles adoptantes si elles envisagent un accueil durable, et la nécessité de "remuscler toutes les possibilités" d'accueil.

      Recherche des "familles de cœur" pour apporter stabilité et favoriser la désinstitutionnalisation.

      • Accès et Droit aux Origines : Réflexion sur la place des tests ADN (actuellement non autorisés en France sauf décision de justice), en raison des demandes des associations d'enfants.

      Reposer la question compte tenu des nouvelles réalités et de l'évolution législative en Europe.

      Lutte contre les Violences Faites aux Enfants :

      • Urgence : Constat d'une augmentation des alertes sur des violences, notamment chez les nourrissons.
      • Actions : Diffusion prochaine d'un questionnaire national pour "objectiver cette évolution et spécifier ces violences" (sexuelles, intrafamiliales, institutionnelles, physiques, psychologiques).

      Poursuite des travaux de prévention, détection des "signaux faibles", et capacité à "mieux accueillir la parole des enfants".

      • Prise en charge : Déploiement des "Unités d'accueil spécialisées pour les enfants" (UEJ) dans toutes les juridictions, coordination du soin médical, psychologique, social et judiciaire. Renforcement du 119 (campagne d'information, amélioration des canaux dont le chat, traitement des rappels et priorisation).

      • Loi Votrein : Projet de loi en préparation par la Ministre Votrein proposant des mesures concrètes : autorisation du cumul d'activité pour l'accueil familial, droit au répit, réinterrogation des modalités d'indemnisation (y compris pour l'accueil durable bénévole), reconnaissance du tiers digne de confiance.

      Enjeux Numériques et Écrans :

      • Constat : Présence accrue des écrans (70% des 8-10 ans sur réseaux sociaux), explosion du cyberharcèlement, conséquences documentées (addictions, santé mentale, obésité, troubles de l'apprentissage).
      • Réponses :Éducation numérique : Essentielle, avec des travaux pour une cohérence des messages portés par l'Éducation Nationale et l'éducation populaire.
      • École : Saisine de l'Inspection de l'Éducation Nationale pour un rapport sur les ENT (Environnements Numériques de Travail), visant un "droit à la déconnexion pour les parents et pour les enfants" (pas d'information réactualisée entre 20h et 7h, fermeture le weekend). Généralisation de la "pause numérique" (pas de portable au collège).
      • Réseaux Sociaux : Mise en œuvre de la loi Marcangelie interdisant les réseaux sociaux aux moins de 15 ans. Négociations européennes (Digital Service Act), avec une "coalition nouvelle" pour aller dans ce sens.
      • Contrôle d'identité et d'âge : Stabilisation de l'outil technique grâce à l'ARCOM et des structures comme Docapost, permettant un contrôle fiable de l'âge.

      Cela a conduit au départ de certaines plateformes pornographiques ne souhaitant pas utiliser ces outils. Projet de "mini wallet européen".

      • Place de l'Enfant dans l'Espace Public : Engagement du Haut-Commissariat pour le respect des droits des enfants et leur place dans le débat public.

      Suivi des travaux de la Convention Citoyenne sur les temps de l'enfant avec la participation d'enfants.

      3. Défis et Critiques Adressées à la Haute-Commissaire

      Plusieurs députés expriment des préoccupations majeures, remettant en question l'action et les moyens du Haut-Commissariat :

      • Crise de l'Enfance en France : Caroline Parmentier dénonce un "état catastrophique" de l'enfance, l'absence de ministre dédié et la multiplication des drames (crèches, pauvreté infantile, dysfonctionnements de l'ASE).

      Elle questionne l'investissement total de la Haute-Commissaire, engagée dans la campagne des municipales.

      • Manque de Volontarisme et de Moyens : Arnaud Bonet juge les propositions de la Haute-Commissaire "dans le bon sens" mais reste "sceptique" faute de "mobilisation de l'ensemble de notre société" et de "moyens réels". Il évoque une "cécité volontaire collective" aux violences faites aux enfants.
      • Problématiques Spécifiques :Cyberharcèlement lié aux prénoms : Mme Dubré alerte sur les publications péjoratives en ligne et demande des mesures.
      • Mineurs Non Accompagnés (MNA) : Mme Dubré souligne le manque de données fiables, l'absence de présomption de minorité et la complexité de leur prise en charge. La Haute-Commissaire réitère la position de la France d'accueillir les enfants "quelle que soit leur situation".
      • Santé Mentale des Jeunes Placés : Mme Dubré fait état d'un suivi psychologique insuffisant (40% n'en ont jamais bénéficié) et propose une meilleure formation des professionnels, un accès réel aux soins et des liens stables.

      La Haute-Commissaire évoque le déploiement de "Santé Protégée Péas" et le rôle des coordinateurs.

      • Défaillances de la Protection de l'Enfance (ASE) :Mme Hamdane dénonce une "politique de l'enfance symbolique, médiatique mais déconnectée de l'urgence", rappelant que 400 000 enfants sont en danger, que la France ne respecte pas ses engagements internationaux ni ses propres lois (loi Taquet inappliquée).

      Elle cite le rapport accablant de la commission d'enquête sur les "manques de pilotage national, rupture de parcours, recours abusif au placement à l'hôtel".

      • Mme Maximie exprime sa "colère" face à la mort d'une enfant placée (Aiden, 7 ans) et le silence public de la Haute-Commissaire et de la Ministre Votrein. Elle dénonce une inaction malgré des constats répétés. La Haute-Commissaire répond qu'elle travaille avec les acteurs concernés (ADF, départements, associations) mais ne communique pas systématiquement publiquement. Elle insiste sur la responsabilité de chacun.
      • Scolarisation des Enfants Vulnérables : Mme Piron alerte sur les "délais d'inscription et d'affectation scolaire anormalement longs" pour les enfants hébergés en urgence ou vivant dans des habitats précaires, ainsi que sur la situation "dramatique" à Mayotte (5000 enfants privés d'école).

      Elle demande des leviers pour garantir la scolarisation effective et la volonté d'intervenir à Mayotte. La Haute-Commissaire prend note des alertes et évoque un travail avec le Ministre des Outre-Mers pour renforcer les équipes et la priorité donnée à ces territoires.

      • Moyens du Haut-Commissariat : Mme Met interroge sur les "moyens humains et financiers" du Haut-Commissariat. La Haute-Commissaire précise disposer de six conseillers directs, d'un soutien de l'Éducation Nationale, et d'un renforcement à venir par des représentants des Outre-Mers et de la Justice, pour favoriser l'interministérialité.

      4. Réponse de la Haute-Commissaire aux Critiques

      La Haute-Commissaire se défend des accusations de manque d'investissement ou d'action, affirmant être pleinement engagée dans sa mission de coordination. Elle insiste sur :

      • La coordination des acteurs : Sa mission est de "réunir tout ce monde-là et de rappeler à chacun ses responsabilités et ses missions".
      • L'évaluation et le suivi : Provoquer les contrôles nécessaires, évaluer les politiques, suivre la mise en œuvre des engagements (y compris la loi Taquet).
      • La mobilisation collective : Nécessité d'une "prise de conscience générale" et que "chacun prend pleinement sa place et sa part".
      • Le soutien ministériel : Souligne le soutien de la Ministre Votrein et l'organisation d'un "comité interministériel sur l'enfance" pour évaluer les politiques publiques avec des indicateurs de suivi.
      • La complémentarité des actions : Défend la complémentarité entre la lutte contre le "no kids" ou la régulation des écrans et la protection de l'enfance la plus vulnérable. Elle précise que son action ne se limite pas à la communication publique.
      • Les freins à l'accompagnement des jeunes majeurs : Identification de problèmes d'accès à l'identité, au logement, manque de préparation à la sortie, inégalité de traitement entre départements. Elle évoque les travaux en cours pour améliorer cet accompagnement (soutien aux associations, parrainage).

      En conclusion, la Haute-Commissaire à l'Enfance se positionne comme une figure de coordination interministérielle, cherchant à décloisonner les politiques publiques pour une approche centrée sur l'enfant.

      Elle met en avant des chantiers concrets sur la petite enfance, la parentalité, l'adoption, la lutte contre les violences et le numérique.

      Néanmoins, elle fait face à des critiques virulentes de députés qui soulignent l'urgence d'une crise de l'enfance, le manque de moyens concrets et des défaillances institutionnelles persistantes, notamment dans la protection de l'enfance, remettant en cause l'effectivité de son action.

    1. Compte rendu détaillé : Rapport sur l'accompagnement à la parentalité

      Ce document présente les principales thématiques, idées clés et faits importants tirés des extraits de la présentation du rapport sur l'accompagnement à la parentalité.

      Thèmes principaux

      • La parentalité comme enjeu majeur pour l'égalité femmes-hommes : Le rapport souligne que la parentalité dépasse la sphère intime pour devenir un facteur explicatif primordial des inégalités de revenus et de carrière, et qu'elle impacte la santé physique et mentale des femmes.
      • La "pénalité maternelle" : Un concept central du rapport, décrivant la baisse significative des revenus et l'impact négatif sur la carrière des femmes après la maternité, contrastant avec l'absence d'impact pour les pères.
      • Les stéréotypes de genre persistants et leurs conséquences : Le rapport met en évidence la persistance des rôles traditionnels où la mère est perçue comme le "parent principal" et le père comme un "parent auxiliaire", menant à une surcharge des tâches domestiques et parentales pour les femmes.
      • La nécessité de réformes structurelles et de changements de mentalités : Pour parvenir à une parentalité égalitaire, le rapport préconise des mesures concrètes et des réformes structurelles, notamment concernant le congé paternité, l'organisation du travail et l'éducation aux tâches domestiques.
      • L'importance de l'accompagnement post-partum et des parents d'adolescents : Le rapport identifie ces périodes comme des "zones blanches" des politiques publiques nécessitant un soutien accru pour la santé des mères et l'accompagnement des familles.

      Idées et faits importants

      • Impact sur les inégalités de revenus et de carrière : "La parentalité a un impact considérable sur les inégalités de revenus et de carrière.

      Elle est elle en est même le principal facteur explicatif bien devant les discriminations." * 90% des inégalités de revenus entre femmes et hommes sont liées à la parentalité. * Les femmes voient leurs revenus baisser de 38% au cours des 10 premières années de l'enfant. * "Plus de 6 femmes sur 10 estiment qu'être mère est un frein à la carrière alors qu'être père ne l'est pas." * Bérangère Couillard, Présidente du HCE, a qualifié la parentalité d'"éléphant dans la pièce" concernant l'égalité professionnelle. * Impact sur la santé des femmes : "Vous évoquez à juste titre les dépressions post-partum, l'isolement, l'épuisement parental, ce sont des réalités que nous ne pouvons plus ignorer." * La dépression post-partum touche 10 à 20% des mères et est la première cause de mortalité maternelle dans l'année suivant la naissance. * La "double injonction permanente": "Travailler comme si nous n'avions pas d'enfants, élever nos enfants comme si nous ne travaillions pas" est intenable et mène au burnout parental, qui touche davantage les femmes.

      Répartition inégale des tâches :

      • Les femmes assument en moyenne 71% des tâches domestiques et 65% des tâches parentales.
      • "Environ 60% des Français estiment encore que les mères savent mieux répondre aux besoins et aux attentes des enfants que les pères."
      • 94% des congés parentaux sont pris par les mères.
      • Un parent sur cinq est contraint de garder lui-même son enfant faute de solution de garde, et dans 94% des cas, c'est la mère.

      Le congé paternité comme levier clé : * La durée actuelle du congé maternité est de 16 semaines, contre 28 jours pour le congé paternité, ce qui "peut consolider la dynamique d'une mère parent principal et d'un père auxiliaire". * Le rapport propose de porter progressivement le congé paternité à 16 semaines, à égalité avec le congé maternité, en s'inspirant du modèle espagnol. * En Espagne, le congé paternité a été porté à 16 semaines entre 2019 et 2021, avec un succès unanime et une augmentation systématique du taux de recours à chaque allongement. Là-bas, on parle de "congé de naissance et de soins de l'enfant". * La proposition inclut 8 semaines obligatoires dès le début (4 semaines à la naissance avec la mère, 4 semaines obligatoires après le congé maternité pour que le second parent puisse passer du temps seul avec l'enfant) et 8 semaines facultatives progressives. * Le coût de porter le congé paternité à 8 semaines obligatoires serait d'environ 820 millions d'euros (correction de la coquille "820 milliards"). Le coût maximum pour 16 semaines est estimé à 2,3 milliards. * L'allongement du congé paternité est vu comme un levier pour "lutter contre les stéréotypes de genre" et "inverser la dynamique parent principal-parent auxiliaire".

      Propositions clés pour une parentalité égalitaire :

      • Éducation : Mettre en place des "cours d'activités domestiques à l'école et au collège pour les garçons et les filles" pour valoriser ces compétences et lutter contre les stéréotypes. Mener des campagnes nationales de lutte contre les stéréotypes de genre.
      • Soutien post-partum : Renforcer la formation des praticiens sur la dépression post-partum, prévoir une consultation facultative et remboursée à 100% avec un psychologue dans les 3 mois suivant la naissance. Créer des cercles de rencontre entre parents pour lutter contre l'isolement. Étendre le congé aidant au conjoint/conjointe d'une mère en dépression post-partum.
      • Parentalité au travail : Généraliser la "charte de la parentalité" aux entreprises de plus de 50 salariés. Intégrer la parentalité dans la négociation collective sur l'égalité salariale et dans l'index égalité professionnelle.

      Accorder aux parents des autorisations d'absence (4 demi-journées/an) pour participer aux moments clés de la scolarité de leurs enfants (ex: réunions parents-professeurs). Réfléchir à l'organisation du travail (horaires atypiques, réunions avant 9h ou après 18h). * Accompagnement des pères : Associer les pères au projet parental dès le désir d'enfant, consacrer une séance de préparation à la naissance au projet parental en présence du père, permettre aux pères d'assister à tous les rendez-vous médicaux si la mère le souhaite. * Interruption de grossesse : En cas d'IVG, IMG ou fausse couche avant 22 semaines d'aménorrhée, la femme devrait bénéficier d'un arrêt maladie et le conjoint pourrait demander jusqu'à 3 jours d'autorisation d'absence. * Familles monoparentales (mères solos) : Défiscaliser la pension alimentaire. Étudier la création d'un statut des familles monoparentales avec des droits associés. Ouvrir les allocations logement (APL) aux deux parents. Possibilité offerte aux mères isolées de transférer une partie de leur "congé de paternité ou d'accueil et de soins de l'enfant" à une personne de confiance de leur choix. * Accompagnement des parents d'adolescents : Élargir les lieux d'accueil parents-enfants aux adolescents, renforcer l'offre en pédopsychiatrie, travailler avec la médecine scolaire, lancer une campagne nationale sur la santé mentale des adolescents. * Coût et bénéfices : La mesure d'allongement du congé paternité, bien que coûteuse (estimée à 820 millions d'euros pour 8 semaines obligatoires et jusqu'à 2,3 milliards d'euros pour 16 semaines), est jugée "pleine de bon sens" et susceptible de générer de "nombreuses externalités positives" (meilleure participation des femmes au marché du travail, baisse du temps partiel subi, augmentation des cotisations sociales, baisse du recours au congé parental, encouragement à la natalité).

      Réflexions sur le congé maternité et le temps de travail :

      • La durée du congé maternité n'est pas la principale préoccupation, mais plutôt l'intégration des cotisations retraite pendant cette période. Il n'est pas proposé d'allonger le congé maternité pour ne pas éloigner davantage les mères du travail, l'objectif étant d'atteindre 6 mois garantis pour l'enfant avec ses parents via l'allongement du congé paternité.
      • La réduction du temps de travail est une question complexe sans consensus, mais elle est reconnue comme une mesure féministe et favorable à l'égalité parentale, notamment observée dans les pays scandinaves.
      • Prise en compte de toutes les familles : Le rapport a eu à cœur "d'intégrer toutes les familles sous toutes leurs formes", incluant les familles LGBT.

      La difficulté de ces familles à voir leur rôle de parent reconnu avant l'adoption ou la naissance a été soulignée, d'où l'insistance sur la reconnaissance de la parentalité "dès le projet parental".

      • Synthèse des Thèmes Principaux
      • Système de Santé en Crise et Désorganisation
      • Le système de santé français, autrefois "protecteur et solidaire", ne tient plus ses promesses.
      • La désorganisation est le cœur du problème, plus que le manque de moyens, qui sont pourtant limités face à des missions illimitées. "La France consacre à la santé plus que beaucoup de pays européens mais sans de meilleurs résultats car c’est avant tout l’organisation qui est défaillante et dans un système désorganisé rajouter des moyens c’est verser de l’eau dans un seau percé."
      • L'épuisement des professionnels est généralisé.
      • Rôle et Souffrance de l'Hôpital Public
      • L'hôpital public est un pilier du "pacte républicain" et le "dernier recours quand tout vacille".
      • Il souffre d'un manque de reconnaissance et est perçu comme un "gouffre financier" ou un "tableau Excel".
      • Il est saturé par des missions qui ne sont pas les siennes, se substituant aux carences d'autres structures (manque de solutions à domicile, en SSR, en EHPAD). "L’hôpital est en permanence saturé de patients pour lesquels il n’est pas le lieu pertinent faute de soins et domicile ou de solutions sociales adapté."
      • Les déficits hospitaliers sont quasi généralisés car le financement n'est pas à la hauteur des exigences.
      • Propositions de Réorganisation Hospitalière
      • Moins d'hôpital, mais mieux d'hôpital : Il ne s'agit pas de fermer des hôpitaux mais de "repenser l'offre de soins".
      • Développement de l'ambulatoire et de l'HAD : Poursuivre le développement de l'hospitalisation à domicile et des activités ambulatoires.
      • Réorientation des capacités : Adapter la répartition des lits au profit de la médecine polyvalente et de la gériatrie. "La solution n’est donc pas d’ouvrir à tout-va des lits de médecine aiguë mais de repenser son environnement pour améliorer l’accès aux soins hospitaliers."
      • Gradation des soins : Arrêter de croire que "l'on pourra tout faire partout". La gradation des soins est une "garantie de qualité" et non une "punition territoriale".
      • Gestion des lits : Impératif d'ordonnancer les parcours patients au sein des établissements et de manière solidaire entre acteurs du territoire.
      • Accès aux Soins Non Programmés et Urgences
      • Le recours systématique aux urgences est une "absurdité" : 30 à 40% des passages pourraient être évités.
      • Les urgences sont un "symptôme mais pas la solution".
      • Tous les médecins (hospitaliers et libéraux) doivent participer à l'organisation des soins non programmés, y compris en journée.
      • Attractivité des Métiers de la Santé et Formation
      • Le modèle hospitalier n'attire plus en raison de la contrainte et du manque de reconnaissance. "Mes propres enfants m’ont dit 'On ne restera pas à l’hôpital car on ne veut pas la vie que tu as eu.'"
      • Nécessité de redonner du sens, de la reconnaissance et de la confiance aux professionnels.
      • La formation doit être repensée :
      • Former "autrement", ancré dans les territoires et selon les besoins réels (généralistes, gériatres, psychiatres, pédiatres).
      • Développer la polyvalence et la polypathologie dans les formations.
      • Intégrer des modules de management, de relations humaines et de travail en équipe dès les études médicales.
      • Explorer des cursus communs et pluriprofessionnels.
      • Développer de "nouveaux métiers" et les "IPA" (Infirmiers en Pratique Avancée) sont sous-exploités.
      • Gouvernance et Coopération Territoriale
      • La gouvernance du système est "illisible" avec trop d'intervenants et de strates.
      • Les Agences Régionales de Santé (ARS) doivent être des régulateurs et des accompagnateurs des transformations, non des contrôleurs permanents.
      • Nécessité de fusionner les agences d'État redondantes et d'unifier la stratégie entre le ministère et l'assurance maladie.
      • Le "territoire" est le bon niveau pour organiser les parcours de soins. Un projet territorial de santé obligatoire, articulé avec les dispositifs existants (CPTS, contrats locaux de santé, GHT), est nécessaire.
      • Groupements Hospitaliers de Territoire (GHT) :Les GHT doivent évoluer vers une "deuxième génération", en abandonnant le modèle "monolithique" actuel.
      • Imaginer "plusieurs types de GHT" avec des gouvernances adaptées (personnalité morale, outils communs de décision).
      • Intégrer les élus locaux dans les prises de décision territoriales.
      • Développer de "vraies équipes spécialisées de territoire" capables de mutualiser les expertises.
      • Coopérations : Elles ne se décrètent pas, mais nécessitent un cadre incitatif et le dépassement des peurs (peur de la fermeture, tentations économiques). "Personne n’a intérêt à agir, personne n’est incité véritablement à agir."
      • Mettre fin à la dichotomie "ville-hôpital" et aux "silos étanches". La "véritable source d’efficience réside dans les coopérations étroites".
      • Financement et Efficience
      • Les politiques d'efficience focalisées uniquement sur la "performance financière" ont dégradé les finances hospitalières et désengagé les professionnels.
      • La Tarification à l'Activité (T2A) a été un progrès mais a des limites, notamment avec les baisses de tarifs ("travailler plus pour gagner moins") et la mauvaise rémunération de certaines spécialités (maternités, réanimation).
      • Il faut évoluer vers des dotations socles, des dotations populationnelles et des financements à la qualité et à la pertinence des soins. "Aujourd’hui on n’est pas incité à coopérer, on n’est pas incité à travailler avec le privé, on est incité à se concurrencer."
      • Le paiement à l'acte, dans certains secteurs, "tue l'hôpital public", notamment en encourageant la création de centres de soins non programmés privés par d'anciens urgentistes hospitaliers.
      • Maternités et Réorganisation
      • La question de la fermeture des maternités est complexe et délicate. Il ne s'agit pas d'un simple critère de nombre d'accouchements, mais de la réunion des "trois compétences" (pédiatres, anesthésistes, gynécologues-obstétriciens) et de la sécurité des équipes et des patientes.
      • Maintenir des maternités sans personnel qualifié suffisant est dangereux. "Quand on n’a pas les professionnels il est plus dangereux de fermer de laisser ouvert."
      • Nécessité de réorganiser en amont pour éviter les fermetures subies et de cartographier les besoins territoriaux.
      • Le "ratio" personnel/patient n'est pas la seule solution aux charges de travail ; il faut aussi considérer l'organisation, l'architecture, les équipements et le climat social.
      • Numérique en Santé
      • Le numérique est un "levier de la transformation hospitalière" mais est actuellement une "jungle et un désert".
      • Nécessité d'un "dossier patient unique interopérable intégré entre tous les acteurs" pour un meilleur partage d'informations, la qualité, la sécurité et la qualité de vie au travail des soignants.
      • La télémédecine et l'intelligence artificielle doivent être pensées comme des outils au service de l'accès aux soins, et non comme des gadgets.
      • Citations Clés
      • "La France consacre à la santé plus que beaucoup de pays européens mais sans de meilleurs résultats car c’est avant tout l’organisation qui est défaillante et dans un système désorganisé rajouter des moyens c’est verser de l’eau dans un seau percé." (Thierry God)
      • "L’hôpital est en permanence saturé de patients pour lesquels il n’est pas le lieu pertinent faute de soins et domicile ou de solutions sociales adapté." (Thierry God)
      • "Il faut moins d’hôpital mais pour mieux d’hôpital." (Thierry God)
      • "La gradation des soins n’est pas une punition territoriale c’est une garantie de qualité." (Thierry God)
      • "Cesson de parler de la crise des urgences les urgences sont un symptôme mais pas la solution." (Thierry God)
      • "Mes propres enfants m’ont dit 'On ne restera pas à l’hôpital car on ne veut pas la vie que tu as eu.'" (Thierry God)
      • "La véritable source d’efficience réside dans les coopérations étroites dans les par les acteurs par des complémentarités et par la gradation des soins moins de cloisonnement et plus de responsabilités partagées et d’incitations à agir ensemble moins de technocratie mais plus de confiance moins d’hôpital mais mieux d’hôpital." (Thierry God)
      • "Diriger un hôpital c’est trois défis que nous devons relever simultanément… Le premier défi c’est améliorer continuellement la prise en charge de nos patients… Le deuxième défi… la qualité de vie au travail… Le troisième défi… avoir des établissements de santé en bonne santé financière." (Francis Saintubert)
      • "Il y a des acteurs qui cumulent les avantages si vous me permettez de dire à la fois ils sont payés à l’acte et ils peuvent parfaitement choisir les secteurs les activités qu’ils veulent prendre en charge et en face vous avez des acteurs qui cumulent les contraintes ils ont des enveloppes et ils doivent tout traiter." (Francis Saintubert)
      • "Un hôpital ce n’est pas un centre commercial où chaque service chaque boutique gère son profit son son activité non l’hôpital tous les services sont interdépendants." (Francis Saintubert)
      • "Quand on n’a pas les professionnels il est plus dangereux de fermer de laisser ouvert." (Thierry God)
      • "Personne n’a intérêt à agir, personne n’est incité véritablement à agir." (Thierry God)
      • "Il faut juste donner la possibilité aux ARS d’arrêter je ne remets pas en cause tous les centres de soins non programmés à côté nous avons des centres de soins non programmés qui ont été montés avec la participation de la médecine de ville où évidemment en fonction du temps qu’il passe il y a un contrat il y a un paiement qui est lié à non pas aux actes mais à ce qu’il rendent le temps qu’il passe." (Francis Saintubert)
      • En somme, les intervenants appellent à un "choc d'organisation et un choc de confiance" pour refonder un système de santé qui privilégie la pertinence, la coopération territoriale et la reconnaissance des professionnels, plutôt que de se contenter de "colmater" les brèches ou de poursuivre une logique purement comptable.
    1. Synthèse de l'Audition de Claire Hédon, Défenseure des droits

      L'audition de Claire Hédon, Défenseure des droits, a été l'occasion de présenter le rapport annuel d'activité de son institution, soulignant son rôle crucial dans la protection et la promotion des droits et libertés en France.

      Elle a exprimé une vive inquiétude face à la fragilisation des droits, exacerbée par un discours qui les présente comme des obstacles, ainsi que par la dématérialisation excessive des services publics et le désengagement de l'État dans les territoires.

      Deux alertes majeures ont été mises en lumière : l'ampleur croissante des discriminations et les défaillances de l'administration numérique, notamment pour les étrangers.

      1. Mission et Cadre d'Action de l'Institution

      La Défenseure des droits a rappelé que son institution, inscrite dans la Constitution, a pour mission de "veiller au respect des droits et des libertés". Ses cinq domaines de compétence sont :

      • La défense des droits des usagers dans leurs relations avec les services publics.
      • La défense et la promotion des droits de l'enfant et de l'intérêt supérieur de l'enfant.
      • La lutte contre les discriminations et la promotion de l'égalité.
      • Le respect de la déontologie des forces de sécurité.
      • L'information, l'orientation et la protection des lanceurs d'alerte.
      • L'institution, forte de 256 agents professionnels du droit et de 620 délégués bénévoles répartis sur tout le territoire, a traité près de 141 000 réclamations en 2024. Hédon a souligné l'efficacité de la médiation, avec 80 % des réclamations traitées par cette voie et les trois quarts aboutissant à un règlement amiable, permettant d'éviter la judiciarisation des conflits. Elle a insisté sur l'indépendance de son rôle, qui lui permet de "dire et d'obtenir des avancées" et de "faire émerger des sujets dans le débat public".

      2. Une Inquiétante Fragilisation des Droits

      Claire Hédon a exprimé une profonde inquiétude quant à la "fragilisation et l'éloignement des services publics liés à une dématérialisation excessive, un désengagement de l'État dans les territoires", ce qui "conduisent immanquablement à une fragilisation et à un éloignement des droits".

      Cette dynamique "mine l'effectivité des droits, génère d'ailleurs du ressentiment contre les institutions, génère aussi des tensions dans la société et abîme le sentiment d'appartenance à la République".

      3. L'Ampleur Croissante des Discriminations

      Les discriminations sont un "phénomène très préoccupant" dont l'ampleur "inquiète à la mesure d'ailleurs du non recours en la matière".

      Elle a fourni des chiffres éloquents :

      • 18 % de la population de 18 à 49 ans déclarait avoir été discriminée en 2020, contre 14 % en 2008.
      • Un jeune sur trois (18-34 ans) a été victime de discrimination, selon le 14ème baromètre avec l'OIT.
      • Hausse de 52 % du nombre de victimes de discrimination entre 2021 et 2022.

      • Malgré ces chiffres, les réclamations auprès de l'institution ont baissé de 15 % en 2024, ce qui interpelle la Défenseure. Le "non recours" s'explique par la "peur des représailles, le sentiment d'inutilité, le découragement, les difficultés à établir les faits [et la] méconnaissance des droits".

      Les discriminations liées à l'origine (cumulées avec nationalité, apparence physique et conviction religieuse) représentent 25 % des réclamations, avec un pic d'appels (+53%) en mai-juin 2024 pour des propos haineux.

      Claire Hédon regrette un "essoufflement des politiques publiques" et que la "non-discrimination comme objectif politique a pratiquement disparu du débat public et des discours des décideurs qui préfèrent parler de diversité de lutte contre les discours de haine".

      Elle a insisté sur l'importance de faire appliquer le droit existant plutôt que d'ajouter de nouveaux critères.

      Des exemples concrets de médiations réussies ont été cités, comme l'accès à un logement décent ou le non-renouvellement de CDD lié à un état de grossesse.

      4. Défaillances de la Dématérialisation et Droits des Étrangers

      • Le deuxième point d'alerte concerne les "atteintes aux droits causées par la fragilisation du service public dématérialisé", en particulier le cas de l'Administration Numérique des Étrangers en France (ANEF).

      Les réclamations concernant les relations avec les services publics représentent 90 % des saisines, dont 37 % pour les droits des étrangers en 2024 (contre 10 % en 2019 et un quart en 2023).

      La "multiplication des dysfonctionnements de l'administration numérique des étrangers en France prive trop souvent les personnes étrangères de la possibilité même de formuler une telle demande".

      Ces défaillances touchent majoritairement des personnes déjà intégrées, les plaçant en situation irrégulière et leur faisant perdre emploi et droits.

      Les recommandations incluent la reconnaissance du droit à un accès multicanal, la modification du téléservice pour permettre plusieurs démarches simultanées, la facilitation du renouvellement des attestations de prolongation d'instruction (API), et le renforcement des moyens humains dans les préfectures.

      Claire Hédon a réaffirmé que, contrairement aux dires du Ministre de l'Intérieur, les dysfonctionnements de l'ANEF n'ont pas diminué.

      5. Autres Domaines de Compétence

      • Droits de l'Enfant : Le rapport 2024 a porté sur le droit à un environnement sain.

      Les 3073 réclamations en 2024 alertent sur les difficultés scolaires des enfants handicapés (manque d'accompagnement), le problème des "lycéens sans lycée" (plus de 23 600 en 2024), et les "violences éducatives au sein d'établissements scolaires".

      La Défenseure a plaidé pour un contrôle renforcé des établissements et un suivi rigoureux des professionnels.

      • Déontologie des Forces de Sécurité : Sur 2434 saisines en 2024, des "défaillances dans le contrôle hiérarchique" et des "rapports incomplets, erronés ou minimisant les incidents" ont été constatés.

      Une décision de décembre 2024 sur la prise en charge d'une femme sous "soumission chimique" a mis en lumière la difficulté à distinguer cet état de l'alcoolisation, appelant à l'amélioration des techniques de détection et à la formation des forces de l'ordre.

      • Protection des Lanceurs d'Alerte : Le nombre de saisines a significativement augmenté, passant de 134 en 2022 à 519 en 2024 (soit une hausse de 70 % en 2024). Un pôle spécialisé a été créé. Les lanceurs d'alerte, souvent confrontés à des représailles, sont des "vigies de l'intérêt général".

      Les recommandations incluent l'amélioration de la communication autour du dispositif légal, le soutien financier et psychologique, et la réévaluation du périmètre des autorités externes de recueil des signalements (ex: inclure les ARS).

      6. Enjeu Prospectif : L'Intelligence Artificielle

      • L'IA est une "source de progrès indéniable mais aussi de menaces sur les droits et libertés", notamment par le biais d'algorithmes utilisés dans le recrutement, la gestion des ressources humaines, l'accès aux biens et services, et la lutte contre la fraude.

      Le recours au data mining dans la lutte contre la fraude présente des "risques de biais discriminatoires", touchant particulièrement les populations précaires.

      Un travail est en cours pour garantir une "action humaine" dans les procédures d'affectation scolaire (Parcoursup, Affelnet).

      7. Échanges avec les Parlementaires

      Les députés ont posé des questions variées, reflétant les préoccupations locales et nationales :

      • Antisémitisme : Bien que l'institution ne soit compétente que sur les discriminations et non les propos, Claire Hédon a noté une augmentation des actes antisémites et des appels au 3928 liés à des propos haineux en général. Elle a insisté sur l'absence de saisines spécifiques pour discrimination antisémite, mais un lien est fait avec le CRIF pour aborder les situations de harcèlement discriminatoire.
      • Discrimination liée à la grossesse : Claire Hédon a jugé la loi actuelle "très protectrice" et s'est dite "excessivement inquiète" du nombre de cas, notamment dans la fonction publique et le secteur privé, où des femmes sont poussées à la démission après un congé maternité.
      • Services Publics et Dématérialisation : Elle a réaffirmé que le problème n'est pas la dématérialisation en soi, mais le fait d'en faire la "seule porte d'entrée". Elle a appelé à la possibilité de déposer des dossiers papier et à renforcer le contact humain, saluant les initiatives comme la "pirogue France Service" en Guyane.
      • Droits des Étrangers : Les parlementaires ont confirmé les difficultés de leurs administrés. Claire Hédon a souligné que les atteintes aux droits des étrangers sont un "marqueur essentiel du niveau de protection plus généralement accordé aux droits et aux libertés dans notre pays". Elle a insisté sur la nécessité du renouvellement automatique des API pour désengorger les préfectures.
      • Discrimination des Seniors : Les chiffres du baromètre OIT montrent qu'un quart des seniors a subi une discrimination liée à l'âge, et un sur deux a connu des relations de travail dévalorisantes. Les seniors "non blancs" ou en mauvaise santé sont particulièrement touchés. Des recommandations incluent la sensibilisation, la formation des employeurs et l'anticipation des fins de carrière.
      • Refus de Soins Discriminatoires : Un rapport récent a mis en lumière l'ampleur du phénomène, avec des refus de rendez-vous et des minimisations de la douleur. Des "15 500 récits" de patients et soignants ont été reçus. Les recommandations visent à élaborer une stratégie nationale, faciliter les recours et prononcer des sanctions effectives.
      • Refus de Dépôt de Plainte : La persistance de refus de dépôt de plainte, particulièrement pour les femmes victimes de violence ou les personnes vulnérables (gens du voyage, handicapés), est une préoccupation.

      Bien que les délégués puissent intervenir, il est préférable d'éviter ce refus initial.

      • Accès à l'Éducation en Détention : L'institution est "excessivement inquiète" de la situation dans les établissements pour mineurs (EPM), notamment à Marseille, où les enfants sont confrontés à des heures d'éducation insuffisantes et un manque d'activités sportives. Les délégués de la Défenseure sont présents dans les lieux de détention et constatent ces entraves aux droits.
      • Statistiques par Sexe : Les statistiques sont disponibles et montrent des différences notables : les femmes saisissent majoritairement sur les droits des enfants, les hommes sur la déontologie des forces de sécurité.
      • En conclusion, Claire Hédon a rappelé que la défense des droits et libertés est une "nécessité pour les personnes concernées" et contribue à une "société plus apaisée et plus juste".

      Elle a souligné le rôle de son institution comme "pôle de stabilité et de permanence" dans un contexte où les droits sont fragiles, appelant à travailler sur l'effectivité du droit existant plutôt que d'en rajouter.

      Elle a enfin mis en garde contre le fait de "monter les populations les unes contre les autres", estimant que cela n'est bénéfique pour personne.

    1. Compte rendu détaillé : La justice face aux violences sexuelles, entre tradition punitive et voie restaurative

      • Ce compte rendu explore les principaux thèmes et idées abordés lors de l'émission "Les matins de France Culture" avec Antoine Garapon, magistrat honoraire et président de la commission reconnaissance et réparation, et Aude Douinge, chargée de plaidoyer et de communication de l'association "Face à l'Inceste".

      La discussion se focalise sur les limites de la justice punitive traditionnelle face aux crimes de violences sexuelles, en particulier l'inceste, et propose des alternatives telles que la justice restaurative et des évolutions législatives.

      1. La nature et l'ampleur des crimes sexuels, en particulier l'inceste

      • Les intervenants soulignent l'ampleur effrayante des violences sexuelles, notamment sur les enfants.

      Antoine Garapon mentionne le chiffre de "160 000 enfants subissent des violences sexuelles chaque année" en France, une statistique qu'il met en perspective avec les 1600 homicides annuels, soulignant que les violences sexuelles sont "10 000 fois plus" fréquentes.

      Ces crimes sont caractérisés par :

      • L'identité de l'agresseur : Majoritairement des hommes, souvent majeurs. Les pères (27%), les frères (19%) et les oncles (13%) sont fréquemment cités comme agresseurs.

      • Leur nature "fondatrice" et paradoxale : Antoine Garapon les décrit comme des crimes "réputés les plus graves, les plus fondateurs", mais paradoxalement "les moins condamnés, étaient même les moins dénoncés".

      L'exemple des crimes sexuels commis par des prêtres est particulièrement mis en avant, car une institution qui doit annoncer le salut "sème la mort", ce qui est une contradiction totale.

      • L'inimaginable et le "système du silence" : Pendant longtemps, ces crimes étaient considérés comme "au-delà du périmètre de ce qu'on était prêt à croire".

      Un "système du silence" prévalait, souvent lié à un "conflit de loyauté", où la loyauté envers l'institution (comme l'Église) ou la famille était "supérieure à au crédit porté à un enfant".

      L'affaire de l'Abbé Pierre est citée comme un exemple criant où "tout le monde savait" mais les autorités n'ont pas agi, abordant le crime uniquement par rapport à la loi morale, "pas un mot pour les victimes".

      • La notion de "pharmakos" : La victime, appartenant au vocabulaire sacrificiel, était perçue comme "l'objet du sacrifice".

      La thèse audacieuse de Dorothée Dussy, partagée par Garapon, suggère que les enfants victimes étaient en quelque sorte "le prix de l'ordre familial, de l'ordre ecclésial", participant par leur silence à l'ordre social général.

      2. L'évolution de la "conscience commune" et le rôle du mouvement #MeToo

      La perception de ces crimes a radicalement évolué. Reprenant la définition de Durkheim, qui définit le crime comme "ce qui choque la conscience commune", Antoine Garapon affirme qu'aujourd'hui, "ces crimes sont considérés comme étant les plus choquants dans la conscience générale. Peut-être même plus que les homicides".

      • Cette évolution est attribuée à une période de "rêve d'une société postsacrificielle" et, de manière significative, au mouvement " #MeToo" qui a marqué "un grand tournant" en montrant une évolution de la sensibilité.

      La société ne supporte plus que des dominés (enfants, femmes) soient l'objet de violences impunies, d'autant plus que le viol est quasi équivalent au crime en termes de répression pénale.

      3. Les limites de la justice pénale traditionnelle et les souffrances des victimes

      La justice pénale traditionnelle, bien qu'essentielle, montre ses limites :

      • Centrée sur le coupable et l'ordre public : Elle est "très centrée sur le coupable, sur l'ordre public", plutôt que sur la victime.
      • La "thérapie judiciaire" : L'expression "c'est de la thérapie judiciaire" était utilisée par certains magistrats pour déprécier l'intérêt porté aux victimes, sous-entendant que le rôle du juge n'était pas de s'occuper du rétablissement des personnes.

      Cependant, Antoine Garapon soutient que "s'intéresser au rétablissement des personnes à commencer par celui de la victime, c'est de la justice".

      • Difficulté d'accès à la plainte et amnésie traumatique : Les victimes souffrent d'un "empêchement d'être" et d'une "impossibilité même d'accéder à la plainte, même d'accéder à son propre souvenir".

      L'"amnésie traumatique" peut durer des années, empêchant même la conscience des faits.

      • Le fardeau de la preuve : Il est "très difficile de savoir ce qui s'est passé dans un collège, dans un dortoir d'un collège, dans un confessionnal, dans une famille il y a 30 ou 40 ans".

      Les aveux de l'auteur restent souvent la preuve maîtresse.

      • Impact dévastateur sur les victimes : Une agression sexuelle peut "détruire" une victime, et savoir que son agresseur est "couvert de gloire", "un saint homme", révolte encore plus.
      • La reproduction des violences : Les auteurs de violences incestueuses ou sexuelles ont souvent eux-mêmes été abusés (au minimum la moitié des cas), créant un "engrenage" et un "climat incestuel" dans certaines familles.
      • Santé mentale et espérance de vie : Aude Douinge souligne que l'inceste est "profondément traumatisant" et se cumule en moyenne avec "trois ou quatre autres traumatismes dans l'enfance".

      Plus le nombre de traumatismes est élevé, plus les conséquences à l'âge adulte sont graves.

      Une personne ayant subi deux traumatismes majeurs dans l'enfance a "20 ans d'espérance de vie de moins que la population générale".

      Plus de la moitié des victimes d'inceste font ou ont fait une tentative de suicide.

      4. La justice restaurative : une alternative centrée sur la victime

      Antoine Garapon promeut la justice restaurative comme une "alternative" ou un complément à la justice pénale :

      • Centrée sur la victime : Son but est de "rétablir, de réhabiliter la victime" et de lui "restituer sa parole, lui restituer une parole propre et pas une parole toujours déléguée ou substituée comme dans le procès ordinaire".
      • Nomination et reconnaissance : Elle vise à ce qu'il y ait une "nomination, c'est-à-dire qu'on nomme les choses. Oui, c'était une reconnaissance. Oui, c'est bien. Le premier des besoins des victimes, c'est que la société reconnaisse". Il s'agit d'une "validation sociale de ce qui s'est passé".
      • Objectif de "restituer à une victime l'énergie de vivre" : La justice restaurative est "beaucoup plus dynamique" et vise à libérer la victime de la solitude paralysante.
      • Importance de la parole : Elle ne se caractérise pas par la "mise en suspicion systématique de la parole" de la victime, contrairement au processus pénal.
      • Non-obligatoire : Aude Douinge insiste sur le fait que la justice restaurative "ne peut être obligatoire", car "on ne peut obliger les victimes au pardon".

      5. Les évolutions législatives et les défis de la prescription

      Les intervenants abordent les débats actuels autour de la prescription des crimes sexuels :

      • L'imprescriptibilité : L'association "Face à l'Inceste" milite pour l'"imprescriptibilité pour les crimes d'inceste et la protection immédiate des enfants". Actuellement, le délai de prescription est de 30 ans après les 18 ans de la victime, soit jusqu'à 48 ans.
      • Distinction pénal/civil : Le gouvernement réfléchit à une imprescriptibilité pour la justice civile, permettant des réparations financières, mais à charge pour la victime d'apporter des preuves. Les intervenants estiment que cela ne "prend pas le problème de face" en raison des difficultés de preuve et du risque d'aggraver la souffrance de la victime par un non-lieu.
      • La procédure pénale est fondamentale : Aude Douinge souligne que la "réponse pénale reste extrêmement importante et elle doit pouvoir être offerte aux victimes puisqu'il faut rappeler que la prescription, c'est aussi le droit à l'oubli pour l'agresseur".

      Elle ajoute que "le sentiment d'intranquillité qui habite la victime lui est à vie" et qu'il devrait "venir hanter l'agresseur".

      • Départ de la prescription à la "consolidation" : Une solution juridique proposée serait de faire partir le délai de prescription de la date de "consolidation", c'est-à-dire le moment où le traumatisme est estimé ne plus évoluer, plutôt que de la date des faits. Cependant, la blessure psychique est fluctuante.
      • L'abus de bien social comme exemple : L'exemple de l'abus de bien social, imprescriptible à partir de la découverte du délit, est donné comme modèle pour les crimes sexuels.

      6. Le rôle des associations et les besoins des victimes

      L'association "Face à l'Inceste", créée il y a 25 ans par une victime, Isabelle Aubry, joue un rôle crucial :

      • Visibilisation de l'inceste : Leurs sondages ont révélé que "trois enfants par classe ont subi l'inceste" et que cela touche "un Français sur 10, 7,4 millions de Français".
      • Combats législatifs : Ils ont milité pour la réintégration du crime d'inceste au code pénal en 2016 et la notion de "solidarité".
      • Besoins des victimes : Au-delà de la réponse pénale, les victimes réclament "un soutien psychologique et un soutien indéniablement financier". La prise en charge psychologique est souvent peu soutenue et l'arrêt des thérapies est souvent dû à des raisons financières. Un formulaire pour le remboursement à 100% des soins pour les victimes d'inceste par la sécurité sociale existe mais est "trop peu connu".
      • Reconnaissance et réparation : Les victimes ont besoin d'abord et avant tout de "cette reconnaissance et que la société légitime ce qu'elles ont vécu et viennent leur dire oui, ce qui vous est arrivé et a existé et on va le reconnaître".

      7. Vers une "autre justice" et la "politisation de l'intime"

      Antoine Garapon plaide pour une "autre justice", plus "accomplie", qui intègre différentes facettes :

      • Réarticulation des justices : Il appelle à une "réarticulation entre la justice civile, la justice restaurative et la justice pénale".
      • "Politisation de l'intime" : Le défi est de savoir "comment les pouvoirs publics vont pouvoir s'emparer de relations intimes intelligemment pour mettre fin à cette ce très très grand nombre, ce trop grand nombre de violences sexuelles".
      • Respect des désirs de la victime : Il est crucial de "respecter les désirs de la victime", qu'il s'agisse d'une demande de punition, d'une demande protectrice pour se dégager et vivre dans l'anonymat.
      • Les droits de l'auteur : Tout en se concentrant sur la victime, il est rappelé que "l'auteur aussi a des droits" et bénéficie de la présomption d'innocence.

      En conclusion, la discussion met en lumière la nécessité d'une approche plus globale et empathique face aux violences sexuelles, qui ne se limite pas à la seule punition de l'agresseur mais qui inclut une reconnaissance profonde de la souffrance des victimes, un soutien adapté, et des mécanismes de réparation qui favorisent leur reconstruction et leur capacité à vivre.

    1. Synthèse : Le Consentement au Cœur du Débat en France

      • Ce document explore la notion de consentement, en soulignant son émergence comme un concept central dans le débat public français, notamment sous l'impulsion de mouvements féministes et de procès emblématiques.

      Il met en lumière la complexité de cette notion, les défis liés à sa compréhension et son application, ainsi que les efforts déployés pour l'intégrer pleinement dans la loi et les mentalités.

      1. Le Consentement : Une Notion Émergente et Centralisée

      • Le mouvement féministe et des affaires judiciaires retentissantes ont placé le consentement au premier plan des préoccupations sociétales.

      Le procès des viols de Mazan, avec la condamnation de Dominique Pélico pour avoir drogué et violé sa femme pendant dix ans, a été un catalyseur majeur.

      Une des personnes interrogées souligne la simplicité apparente mais la profondeur de la notion :

      "Quand une fille dit non, j'ai l'impression quand même que souvent ça sous-entend que c'est c'est non. Non.

      D'accord. Ah ouais. Ah faut bien c'est pas si simple. Faut bien choper le truc hein. Oui ou non ? Deux petits mots de trois lettres. Mais qui change absolument tout."

      Cette prise de conscience a conduit à des appels à inscrire le consentement dans la loi, exigeant que les agresseurs présumés prouvent avoir obtenu un accord explicite avant tout acte sexuel.

      Le slogan "Jamais sans mon consentement" est devenu un cri de ralliement dans les cortèges féministes.

      2. La Compréhension du Consentement : Défis et Manques

      • Malgré son importance croissante, la compréhension du consentement reste un défi, en particulier chez les jeunes.

      Pauline, victime de viol à 14 ans par son premier petit ami, témoigne de la difficulté à identifier le viol et à en parler, d'autant plus en l'absence d'éducation sexuelle adéquate : "Je savais pas ce que c'était les rapports.

      Donc pour moi c'était un peu la norme entre guillemets... je savais pas trop comment en parler et après j'ai mis du temps avant de d'accepter aussi le terme viol parce que c'est un mot quand même très fort."

      Elle évoque aussi l'influence de la pornographie, qui "ne parle pas du tout" du consentement à cet âge.

      Les témoignages révèlent que le "non" n'est pas toujours respecté, et que la peur peut paralyser les victimes, comme Elodie qui a été agressée sexuellement à 17 ans : "J'étais tellement peur que c'est comme si j'étais paralysée. J'arrivais pas à crier. J'étais vraiment tétanisée."

      3. L'Éducation et la Prévention : Des Outils Essentiels

      Face à ces lacunes, des interventions en milieu scolaire se multiplient. Une gendarme intervient dans un collège pour expliquer le consentement aux élèves de 3ème.

      Elle définit l'agression sexuelle comme "le fait de toucher les parties intimes sans consentement, sans son autorisation."

      Elle insiste sur la clarté du "oui" ou du "non", verbal ou par des gestes, et surtout, sur le fait qu'en l'absence de réponse, il faut considérer que c'est un "non".

      L'importance de parler "sans cacher les mots" est soulignée par la gendarme, car "on a beau dire non du plus plus fort qu'on peut, si l'autre en face n'entend pas, il fera quand même ce qu'il a envie de faire qui est illégal."

      Ces interventions sont jugées cruciales, car la discussion sur le consentement est "très peu abordée aussi bien par les parents à la maison qui peuvent être embarrassés... et même les établissements scolaires sont parfois dépourvus de moyens."

      4. La Réalité des Violences Sexuelles : Souvent le Fait de Proches

      Un point crucial est la démystification de l'image de l'agresseur. Contrairement à l'imaginaire collectif, un violeur n'est pas toujours un inconnu armé : "Dans 90 % des cas, l'agresseur connaît sa victime.

      Dans la moitié des cas, c'est son partenaire ou un ex amoureux." De plus, les femmes sont majoritairement les victimes, avec 91% des auteurs de violences sexuelles étant des hommes.

      5. La Complexité Juridique et la Subjectivité du Consentement

      • Les affaires de viol sont souvent complexes, mêlant souffrances et ressentiments. L'avocat Robin Binsard souligne que la "question de la preuve est toujours au centre des débats" et que la "vérité est parfois plurielle".

      Un accusé, qui nie les viols dont il est accusé malgré la condamnation à 7 ans de prison, exprime cette ambiguïté : "La notion de consentement est pour moi acquise...

      À aucun moment, ell m'ont elles m'ont dit non clairement." Il ajoute avoir dit à une victime "C'est comme un viol, ce n'en est pas un," illustrant la "limite très fine" de la compréhension.

      • La magistrate Genola Jolicose récuse la notion de "parole contre parole", affirmant que le rôle de la cour est de "contextualiser, de comprendre que ça n'est pas simplement une situation qui nous est décrite mais en réalité un système.

      Tout ça est adossé à la culture du viol, au patriarcat, à la domination des femmes et c'est ça qui change tout."

      6. L'Inscription Légale du Consentement : L'Exemple International

      Le débat sur l'inscription du consentement dans la loi française s'inspire de législations étrangères :

      • Suède (2018) : Nécessité d'un consentement verbal ou physique.
      • Espagne (2022) : Un rapport sexuel sans consentement explicite est un viol ("solo sí es sí").
      • Canada : Premier pays à définir le consentement pénalement comme donné "librement et avec enthousiasme, continu, précis, requis pour chaque activité et éclairé". Éléonore Noël, chercheuse en sciences sociales au Canada, explique que cela change tout car l'enjeu principal n'est plus la violence ou la contrainte, mais l'absence de consentement.

      7. Changer l'Imaginaire Collectif pour une Culture du Consentement

      • Pour lutter contre la "culture du viol" et promouvoir une "culture de consentement", il est essentiel de "développer un imaginaire positif autour du consentement".

      Les films et les médias sont critiqués pour leurs représentations stéréotypées où l'insistance masculine est glorifiée et le "non" féminin est souvent interprété comme un "oui" latent.

      Des initiatives, comme l'association Sex et Consentement, proposent des supports (cartes postales, préservatifs) avec des messages explicites pour normaliser la demande de consentement.

      Les jeunes interrogés y voient un moyen de "nous forcer à réfléchir et à demander à l'autre aussi si elle est d'accord oui ou non."

      En conclusion, l'émission souligne une transformation profonde des mentalités et du cadre légal autour du consentement en France, tirant des leçons des expériences individuelles et des législations internationales pour mieux protéger les victimes et éduquer les nouvelles générations.

    1. Document d'information détaillé sur les études de genre :

      Ce document d'information examine les principales thématiques et les idées ou faits les plus importants concernant les études de genre, en s'appuyant sur les extraits de l'émission "France Culture Questions du soir : le débat Études de genre : pourquoi tant de polémiques".

      1. La nature controversée des études de genre :

      • Division de l'opinion : Les études de genre suscitent des réactions diverses.

      Certains les perçoivent comme une "remise en cause des repères", tandis que d'autres les considèrent comme un "outil utile pour penser les inégalités". * Controverses politiques et médiatiques : Aux États-Unis, des recherches ont été "freinées voire arrêtées sous l'administration Trump".

      En France, des "polémiques régulières alimentent la méfiance, même dans les sphères ministérielles".

      Le collectif "La Manif pour tous" s'oppose à l'intrusion du "gender à l'école", affirmant que cela "favoriserait l'indifférenciation entre les sexes et la théorie du genre", et que l'idéologie du genre à l'école "signifie propager l'idée aux enfants qu'ils peuvent changer d'identité sexuelle".

      • Menace perçue sur les repères anthropologiques : Pour les opposants, les études de genre menacent les "repères viscéraux auxquels nous sommes attachés en terme d'anthropologie, c'est-à-dire qu'est-ce que l'homme, qu'est-ce que la femme, de quoi a besoin un enfant".

      2. Qu'est-ce que les études de genre ?

      • Un champ d'étude multidisciplinaire : Éric Fassin, sociologue, décrit les études de genre comme un "champ d'étude" mobilisant "des disciplines différentes qui sont mobilisées.

      Ça va des sciences sociales, à la philosophie, mais aussi à la biologie ou à toutes sortes de disciplines."

      • Pluralité des théories : Il n'existe pas une "théorie du genre" monolithique, mais "des théories qui peuvent s'opposer". Sylviane Agacinski, philosophe, confirme qu'il s'agit d'une "caricature", d'une "simplification" de parler d'une idéologie monolithique, car "il y a plusieurs théories, c'est-à-dire il y a aussi plusieurs usages du mot genre."

      • Un concept central : le "genre" comme "sexe social" : Le concept de genre a été "approprié par le féminisme à partir des années 70" et s'est transformé. Il signifiait initialement le "sexe social", comme l'a utilisé Ann Oakley.

      Cette notion est cruciale pour comprendre que "quand on parle des femmes, on parle toujours à mon avis simultanément des femmes telles qu'elles sont dans telle ou telle société, dans telle ou telle culture.

      C'est-à-dire que en tant que sexe [...] elles sont toujours socialisées, de même que le masculin est toujours socialisé."

      • Origine dans les mouvements sociaux : Ce champ d'étude est né de "mouvements sociaux et en particulier du féminisme mais aussi des mouvements sociaux liés aux minorités sexuelles en général." Cela souligne le lien entre "le savoir et la politique".

      3. Le débat sur la biologie et le sexe :

      • Critique du "biologisme" : Le reproche courant est que les études de genre nieraient l'importance de la biologie. Cependant, Éric Fassin explique que ce qui est critiqué n'est pas la biologie en tant que fait, mais le "biologisme", c'est-à-dire "l'idée que nous serions tout entier posé par cette définition."

      • La perspective d'Anne Fausto-Sterling : Cette biologiste féministe utilise le concept de genre pour "déconstruire l'idée même de notre rapport à la biologie".

      Elle remet en question la dualité homme/femme, soulignant une "variété bien plus grande que le simple sexe mâle et femelle" et la possibilité de penser le sexe à "différents niveaux : chromosomal, hormonal, formation des organes génitaux, gonades, et développement humain".

      Elle propose que la discipline biologique propose "des manières d'organiser le réel" mais que cela "ne veut pas dire que c'est le réel".

      • Catégorisation et hiérarchie : Éric Fassin insiste sur le fait que "catégoriser, c'est-à-dire organiser le monde selon des catégories, c'est pas simplement décrire de manière neutre, c'est toujours déjà organiser des hiérarchies."

      • Le point de vue de Sylviane Agacinski sur la reproduction et le sexe : Agacinski rejette l'approche de Fausto-Sterling comme un "biologisme réductionnisme". Pour elle, "la définition du sexe se donne par la fécondité, par la reproduction".

      Elle considère que la distinction mâle/femelle est "universelle" et que les personnes intersexes, bien qu'humaines, sont des "exceptions" qui "confirment la règle".

      • Le sexe comme fait politique et d'état civil : Éric Fassin soutient que le sexe n'est pas "juste une donnée biologique, c'est un fait politique", citant la possibilité de "changer de sexe selon certaines conditions qui sont variables selon les pays et selon les époques".

      Il utilise l'exemple de Donald Trump qui veut "restaurer le sexe biologique", montrant que "c'est un fantasme la biologie" dans ce cas.

      La controverse sur "l'homme enceinte" découle de l'abandon de la stérilisation pour le changement de sexe, montrant que "c'est l'État, c'est la politique qui détermine le sexe." Sylviane Agacinski conteste l'idée que l'on puisse "changer de sexe" facilement, affirmant que les réalités physiologiques persistent.

      4. Les études de genre face à l'individualisme et aux normes sociales :

      • Critique de l'individualisme : Éric Marty suggère que les études de genre, avec leur aspiration à la "gender fluidité" et au "genderless", pourraient être en "parfaite harmonie avec le discours néolibéral" et le masque d'un "ordre social" ou une "idéologie".
      • Réponse des études de genre : Éric Fassin rejette cette critique comme un "contresens". Le féminisme et les études de genre ne visent pas à la disparition des normes, mais à questionner le fait que "ces normes, elles sont historiques et politiques, autrement dit, elles sont susceptibles de changer".
      • Renégociation des normes : Pour Fassin, il ne s'agit pas d'une "disparition des normes" mais d'une "renégociation des normes, les repenser, imaginer d'autres normes".

      Les violences sexuelles en sont un exemple, où il y a eu "une prise de conscience que il y a des normes démocratiques, c'est-à-dire de respecter la liberté, c'est-à-dire la capacité de consentir et l'égalité".

      • Asymétrie des sexes et violence : Sylviane Agacinski insiste sur l'asymétrie de force physique entre hommes et femmes, qui explique selon elle pourquoi les femmes "souffrent de violence sexuelle".

      5. Pourquoi les études de genre cristallisent-elles tant de polémiques ?

      • Touche à l'intimité et aux peurs : Éric Fassin explique que la controverse vient du fait que "ça touche à notre intimité et mobiliser l'intimité, les peurs sur l'intimité et sur les changements de l'ordre amoureux, de l'ordre sexuel et bien c'est politiquement efficace".

      • Un langage politique pour les rapports de pouvoir : Il souligne une deuxième partie de la définition des études de genre, telle que donnée par Joan Scott : "une manière de signifier les rapports de pouvoir".

      Cela signifie que le genre "ne parle pas seulement des hommes et des femmes", mais aussi d'"immigration, de laïcité, d'islam, d'identité nationale, etc."

      C'est un "langage politique pour mobiliser des troupes" et jouer sur des "questions raciales, sur des questions économiques". * Instrumentalisation politique : Sylviane Agacinski reconnaît une "instrumentalisation" et une "utilisation politique". Elle évoque des "violences activistes" qui peuvent se mêler à la "réflexion et la théorie", ce qu'elle déplore.

      • Lien entre féminisme et politique : Éric Fassin insiste sur le caractère "politique" de toutes ces questions, soulignant que "les féministes ne parlent pas d'une seule voix" et s'affrontent parce que ce sont des "enjeux démocratiques".

      Il alerte sur le fait que des leaders comme Trump, Milei, Orban et Poutine "défendent l'idée que l'ordre sexuel et bien ça ne doit pas bouger", ce qui a des "effets sur des gens bien réels et pas simplement sur des minorités sexuelles mais aussi sur des femmes."

      • En résumé, les études de genre sont un champ académique diversifié qui questionne les constructions sociales et politiques des catégories de sexe et de genre.

      Elles sont l'objet de vifs débats, souvent politisés, concernant la nature du sexe, la relativité des normes sociales et leur rôle dans la compréhension et la contestation des rapports de pouvoir.

    1. Document de Synthèse : Violence en Milieu Scolaire – Sécurité vs. Santé Mentale

      Source : Extraits de "France Culture Questions du soir : Sécurité ou santé mentale, quelles solutions contre la violence à l'école ?". Émission du 16.06.2025.

      Invités : * Sylvain Berrios (Député indépendant apparenté Horizon), * Catherine Nafbecti (Secrétaire générale de la CFDT Éducation Formation Recherche Publique), * Johanna Dagorne (Sociologue et chercheuse à l'Observatoire international de la violence à l'école).

      Introduction

      L'assassinat d'une surveillante de 31 ans à Nogent par un élève de 14 ans a ravivé le débat sur la recrudescence des violences en milieu scolaire.

      L'émission explore deux approches principales pour lutter contre ce phénomène : une réponse sécuritaire (portiques, fouilles, sanctions pénales) et une approche axée sur la santé mentale des jeunes (formation du personnel, détection des signaux faibles, augmentation des professionnels de santé scolaire).

      I. Constat et Nature de la Violence

      Hausse des violences graves mais pas généralisée :

      • Catherine Nafbecti observe une angoisse accrue chez les assistants d'éducation et CPE suite au meurtre, notant des recours à des couteaux et tirs de mortiers près des établissements.

      Cependant, elle précise : "Nous syndicalement, on n'a pas forcément un retour de nos équipes nous disant c'est une explosion des violences permanentes.

      Mais depuis le Covid, beaucoup de collègues nous disent, quel que soit leur métier qu'ils perçoivent que des élèves en plus grand nombre qu'auparavant sont fragiles en terme de rapport aux autres, de rapport à la collectivité".

      • Johanna Dagorne contredit l'idée d'une hausse globale de la violence chez les jeunes : "de manière globale, les chiffres de la violence et chez les jeunes diminuent. Par contre ce qu'il se passe qu'il y a davantage de violence paroxistique et puis la question des médias qui fait qu'elle est davantage porté à la connaissance de tous et toutes."

      Elle se fonde sur des statistiques montrant une diminution de 4% des faits sur les mineurs l'année dernière, tout en reconnaissant une augmentation des violences "paroxistiques".

      Origine de la violence : Société vs. Génération :

      • Thèse de la "culture violente générationnelle" (Sylvain Berrios) : Sylvain Berrios suggère que "dans une génération, me semble-t-il un phénomène de culture violente qui existe". Il met en avant l'exposition des jeunes (93% des 15-24 ans ayant joué à GTA) aux jeux vidéo ultra-violents, comme GTA, "qui consiste globalement à tuer des gens dans la rue". Selon lui, cette culture va "marquer de façon assez durablement une génération", créant une "forme de déterminisme".

      Il établit un lien entre cette exposition, la perte de repères d'autorité et les actes dramatiques, comme celui de Nogent.

      • Contre-thèse : Violence historique, rôle de la masculinité toxique (Johanna Dagorne) : Johanna Dagorne réfute l'idée d'un fait générationnel, citant "La Guerre des Boutons" comme preuve de violences juvéniles passées.

      Elle souligne plutôt "la question à la fois du sexe des auteurs, sur la question de la masculinité toxique, sur la question des violences retournées contre autrui."

      Elle explique que les filles expriment davantage la violence par des automutilations, tandis que les garçons le font par l'agressivité.

      Le cas de l'agresseur de Nogent :

      • Le procureur de la République de Chaumont décrit l'accusé comme ayant "une certaine fascination pour la violence et la mort ainsi que pour les personnages les plus sombres des films ou des séries télévisées.

      Il est adepte de jeux vidéos violents sans pour autant être addicte". Plus important, il "apparaît en perte de repère quant à la valeur de la vie humaine à laquelle il ne semble pas attacher une importance particulière."

      • Sylvain Berrios y voit une combinaison de facteurs : exposition à la violence culturelle, perte de repères d'autorité (il était référent harcèlement mais sans réelle conscience des règles), et l'absence de règles.

      II. Solutions Proposées : Sécurité ou Prévention Humaine ?

      L'approche sécuritaire : Limites et contre-productivité :

      • Portiques et fouilles : Sylvain Berrios mentionne l'intention du gouvernement d'expérimenter des portiques et soutient l'idée de fouilles régulières de sacs.

      Cependant, il reconnaît les limites : "vous savez très bien que mois de septembre, il y aura pas des portiques partout.

      Donc tout ça et je vous rappelle encore une fois que le drame qui a eu lieu a eu lieu un moment où on a fouillé des sacs, où il y a des gendarmes, où c'était un jeune qui était un bon élève, qui était référent harcèlement."

      Catherine Nafbecti et Johanna Dagorne critiquent vivement ces mesures :

      • Le couteau de Nogent n'aurait pas été détecté.

      • Les fouilles par les forces de l'ordre sont logistiquement complexes, retardent le début des cours et créent des attroupements dangereux aux abords.

      • Johanna Dagorne estime que la prévention situationnelle (portiques, vidéosurveillance) "ne va faire qu'augmenter en effet les rencœurs, la colère, les injustices et donc par conséquent va engendrer un manque d'autorité institutionnelle évidemment, mais également des violences."

      Elle soutient que la violence étant majoritairement endogène (perpétrée par les élèves eux-mêmes), la prévention doit être "humaine".

      • Justice pénale et centres éducatifs fermés : Sylvain Berrios préconise une réponse pénale précoce, y compris des détentions dans des centres éducatifs.

      • Johanna Dagorne conteste l'efficacité de l'enfermement : "la dernière enquête de Bran et de Choqué [sur les contrats éducatifs fermés] montre qu'il y a 70 % de réitération de récidive.

      On sait très bien que la question de l'enfermement de la coercition et là je suis juste uniquement sur le volet pragmatique, ça ne marche pas, c'est contreproductif."

      • L'approche basée sur la santé mentale et l'humain :

      • Détection des signaux faibles et formation du personnel :

      C'est la priorité de Johanna Dagorne et Catherine Nafbecti.

      Un élève "en repli sur soi, lorsqu'il est en décrochage, qu'il a de l'anxiété, une irritabilité soudaine" sont des signes faibles de danger.

      • Manque criant de professionnels de santé scolaire :

      Les chiffres sont alarmants : "un infirmier pour 1600 élèves, un psychologue pour 1500, un assistant ou une assistante sociale pour 4000 élèves et un médecin scolaire pour 13000 élèves.

      Chez les médecins scolaires, le nombre de postes vacants dépasse par ailleurs les 40 %".

      • Conséquences du manque de personnel : Les enseignants sont surchargés, n'ont pas le temps de détecter collectivement les élèves en difficulté.

      Les médecins et infirmières scolaires, majoritairement des femmes, perdent le sens de leur travail et ne rencontrent plus les élèves.

      Il n'y a pas de moyens budgétaires suffisants pour la revalorisation de ces métiers.

      • Solution : Revalorisation des métiers du soin : Johanna Dagorne affirme que "c'est la question des métiers du CER qui sont sous-payés.

      Donc augmenter les salaires, il y aura beaucoup plus de personnes qui se porteront volontaires. C'est systémique". Catherine Nafbecti partage cet avis, ajoutant la question des conditions de travail et du remboursement des frais de déplacement.

      La question de l'autorité et de la justice scolaire :

      • Perte d'autorité et de règles (Sylvain Berrios) : Pour Sylvain Berrios, l'absence d'autorité et de règles, combinée à l'exposition à la violence, est un facteur clé des drames.
      • Justice scolaire et cohérence (Johanna Dagorne) : Johanna Dagorne met l'accent sur la "justice scolaire", définie comme la cohérence dans les punitions, sanctions et notations.

      Les recherches montrent un lien fort entre la justice scolaire perçue par les élèves et la baisse des violences. Des évaluations encourageantes sont préférables à la coercition.

      • La "violence institutionnelle" (Catherine Nafbecti) : Catherine Nafbecti évoque la "violence institutionnelle" qui peut être analysée philosophiquement et sociologiquement.

      Elle questionne si la justice scolaire, bien qu'importante pour éviter le sentiment d'injustice, est suffisante pour prévenir les violences extrêmes.

      Elle souligne le manque de moyens pour que les enseignants puissent être attentifs au harcèlement et aux signes de dégradation de la santé mentale.

      III. Le Rôle des Familles et la Co-éducation

      Responsabilisation des familles :

      • Sylvain Berrios insiste sur le lien entre famille et école : "Je pense qu'on doit s'interroger sur le lien entre la famille et l'école à avoir une corrélation très très forte entre la famille et l'école."

      Il déplore que l'école ait parfois pris le pas sur les parents dans l'éducation. Il observe que les familles aisées et instruites accompagnent mieux leurs enfants que les familles fragiles. * Il suggère une "fusion" ou une "accroche" entre la santé scolaire et la santé familiale.

      Limites et culpabilisation :

      • Johanna Dagorne estime que demander un effort aux parents les plus éloignés du système scolaire est "au mieux illusoire au pire culpabilisant", dans un système éducatif de plus en plus compétitif et "en train de trier l'élite plutôt qu'à réduire les inégalités sociales et scolaires".

      • Catherine Nafbecti défend les parents, affirmant qu'ils ont "à cœur de bien éduquer leurs enfants" et qu'ils ne sont pas démissionnaires, même dans les cas dramatiques comme celui de Nogent.

      Elle souligne aussi le manque de temps des parents qui travaillent pour participer aux réunions scolaires.

      Conclusion

      • Le débat met en lumière une situation complexe, où les solutions sécuritaires, bien que politiquement visibles, sont jugées inefficaces et potentiellement contre-productives face à une violence majoritairement interne à l'école.

      L'accent est mis sur l'urgence d'investir massivement dans la santé mentale des jeunes, via la revalorisation et l'augmentation des professionnels de santé scolaire, ainsi que sur une approche humaine de la prévention, fondée sur la détection des signaux faibles et une "justice scolaire" cohérente.

      La co-éducation entre famille et école est jugée essentielle, mais doit se faire sans culpabilisation des parents les plus fragiles.

    1. Note de synthèse : Les différences cognitives entre les sexes

      Source : Extraits de la conférence "Les différences cognitives entre les sexes : lesquelles ? pourquoi ? comment ?" animée par Franck Ramus.

      Cette conférence aborde la question complexe des différences cognitives entre les sexes, en s'appuyant sur des données scientifiques pour démystifier les idées reçues et explorer les diverses causes possibles (biologiques, environnementales, sociales).

      Thèmes principaux et idées clés :

      1. Existence de différences cognitives moyennes et leur nature :

      • Il existe des différences cognitives moyennes entre les sexes en langage, mathématiques, mémoire et attention.
      • Ces différences sont souvent commentées, exagérées ou niées, mais la science cherche à comprendre leur origine et leur ampleur.
      • Citation : "oui il existe des différences cognitives moyennes entre les sexes en langage en mathématiques en mémoire en attention mais ces différences sont-elles biologiques ?

      quel rôle a joué notre évolution dans cette différenciation ? sont-elles construites par l'éducation ? sont-elles universelles ou liées à une époque et une culture et un environnement ?

      et surtout que peut-on vraiment prouver aujourd'hui quand on interroge la réalité de ces écarts ?"

      2. Le cas des performances en mathématiques chez les filles et les garçons :

      • Les rapports officiels (ADEP, inspection générale) montrent que les filles sont minoritaires dans les options scientifiques au lycée et dans les filières scientifiques de l'enseignement supérieur, une situation stable depuis 20 ans après une progression.

      • Des évaluations nationales récentes ont révélé que les garçons sont en moyenne plus performants en mathématiques dès le milieu du CP.

      • Cet écart est spécifique aux mathématiques, car globalement, les filles ont de meilleurs résultats scolaires dans d'autres matières (français, langues, etc.).

      • Ce phénomène n'est pas franco-français et s'observe dans la plupart des pays de l'OCDE (évaluations PISA), à quelques exceptions près comme la Finlande où il n'y a pas de différence ou elle est inversée.

      • Citation : "dès le dès le milieu du CP il se passe quelque chose au cours du CP qui fait que tout d'un coup les filles commencent à perdre du terrain sur les garçons dans l'apprentissage des mathématiques et c'est assez spécifique aux mathématiques parce que finalement c'est dans un contexte où globalement les filles ont des meilleurs résultats scolaires que les garçons".

      3. Analyse des causes potentielles des différences : un modèle multifactoriel :

      • Le rapport de l'inspection générale écarte l'origine biologique des différences en mathématiques, privilégiant les causes psychologiques et sociologiques, notamment la menace du stéréotype.

      Franck Ramus propose un modèle causal hypothétique incluant :

      • Facteurs internes à l'individu : préférences, motivations, capacités cognitives.
      • Facteurs environnementaux : influences familiales et sociales (socialisation de genre, stéréotypes, modèles).
      • Facteurs biologiques précoces : génome (chromosomes sexuels), hormones sexuelles (testostérone).
      • Facteurs contextuels : peuvent biaiser la mesure des performances (ex: menace du stéréotype, compétitivité).

      4. Analyse critique des facteurs sociaux :

      • Menace du stéréotype :Des expériences (ex: tâche de Rey-Osterrieth présentée comme test de dessin vs. géométrie) montrent que le fales it de mentionner les mathématiques peut faire baisser la performance des filles.
      • Cependant, les méta-analyses et études à grande échelle récentes remettent en question sa réplicabilité et suggèrent que son effet est très faible (taille d'effet proche de 0,07 après correction des biais de publication).
      • Son rôle dans les situations d'évaluation réelles n'est pas clairement établi.
      • Socialisation de genre (activités genrées et organisation genrée de la famille) :Une étude sur la cohorte ELF (4000 enfants suivis de la naissance au CP) n'a trouvé aucun effet des "activités genrées" (choix de jeux, etc.) sur les performances en mathématiques.
      • En revanche, l'organisation genrée de la famille (répartition stéréotypique des tâches parentales) a un petit effet sur les performances en mathématiques des filles au CP (explique environ 7% de la différence garçons-filles).

      Les filles issues de familles plus stéréotypiques ont de moins bons scores.

      • Influence des enseignants :Les caractéristiques des enseignants (sexe, formation) peuvent moduler les performances des filles. Un écart plus important est observé chez les filles ayant un instituteur à formation scientifique.
      • Des études montrent que plus les enseignants ont des stéréotypes de genre (explicites ou implicites), plus les scores des filles en maths diminuent, sans effet sur les garçons.
      • Contexte de l'évaluation (compétitivité, pression temporelle) :Les filles ont tendance à moins bien performer dans les contextes d'évaluation compétitifs ou chronométrés.
      • Les garçons préfèrent davantage les tâches compétitives que les filles.
      • Cependant, ce n'est pas spécifique aux mathématiques et ne semble pas entièrement expliquer les écarts observés dans les évaluations nationales.

      5. La perspective évolutionnaire et les différences à travers les espèces :

      • Il existe de nombreuses différences entre les sexes observables dans toutes les espèces, souvent liées à la reproduction.
      • La reproduction sexuée anisogame (gamètes de tailles différentes) entraîne des stratégies reproductives différentes :
      • Investissement parental : plus important pour les femelles (grossesse, allaitement).
      • Potentiel reproductif : plus élevé chez les mâles (un homme peut potentiellement avoir beaucoup plus de descendants qu'une femme).
      • Compétition intrasexuelle : plus forte chez les mâles, menant à la sélection de traits (taille, force, agressivité).
      • Dimorphisme sexuel : différences de forme/taille (ex: mâles plus grands pour la lutte).
      • Ces prédictions de la théorie de l'évolution sont vérifiées chez l'humain (critères de choix du partenaire, agressivité, violence).
      • Citation : "Toutes ces prédictions de la théorie de l'évolution elles sont vérifiées non seulement dans plein d'espèces mais aussi chez l'être humain et chez la plupart des mammifères donc de ce point de vue on n'a pas l'air exceptionnel du tout".
      • L'hypothèse d'une origine 100% socioconstructiviste des différences humaines est jugée "peu plausible" car elle impliquerait une annulation de l'héritage évolutif et une émergence "par hasard" de différences qui correspondent exactement aux prédictions évolutionnaires.

      6. Lien entre la cognition, l'évolution et les mathématiques :

      • Les mathématiques ne sont pas une capacité cognitive primaire sélectionnée, mais un objet culturel complexe.

      • Capacités visuo-spatiales (rotation mentale 3D) : Les hommes sont en moyenne meilleurs.

      Des études chez les bébés (3-16 mois) et des "expériences de la nature" (filles avec hyperplasie congénitale des surrénales) suggèrent une origine biologique précoce, potentiellement liée à la testostérone prénatale/postnatale.

      • Citation : "c'est un indice possible que pour une capacité cognitive bien spécifique il pourrait y avoir un avantage au garçon qui soit observé dès la naissance et que peut-être il est là parce que il a été sélectionné".

      • Cependant, le lien entre ces capacités spécifiques et la performance globale en mathématiques est complexe et non linéaire, car les mathématiques sollicitent de nombreuses fonctions cognitives (mémoire, raisonnement, etc.) où les avantages sont répartis entre les sexes.

      • Les tests de compétences mathématiques précoces chez les bébés (dès 6 mois) ne montrent pas de différences entre garçons et filles.

      7. Différences de préférences et de variabilité :

      • Préférences :Les hommes ont un intérêt plus fort pour les objets et les systèmes matériels ("systématisation").
      • Les femmes ont un intérêt plus fort pour les personnes et les relations sociales ("empathisation").
      • Ces préférences sont observées dès le plus jeune âge (choix de jouets) avec des tailles d'effet très importantes.
      • Des indices suggèrent un rôle des facteurs biologiques précoces (filles avec hyperplasie, nouveau-nés).
      • Ces préférences peuvent entraîner un engagement différent dans les activités et, à terme, des différences de compétences.
      • Variabilité :Les garçons/hommes présentent une plus grande variabilité dans leurs scores en mathématiques et dans la plupart des traits cognitifs et cérébraux.
      • Citation : "toutes les barres qui sont au-dessus de la ligne zéro ici et ben elles disent que les garçons ont des scores de math plus variables que les filles".
      • Cette plus grande variabilité masculine est expliquée par la plus grande variabilité reproductive des mâles (potentiel de descendants extrêmes), ce qui favorise la sélection de phénotypes extrêmes (très bons ou très mauvais).

      • Conséquence : Même avec une moyenne égale, une plus grande variabilité masculine signifie qu'il y aura plus d'hommes aux extrêmes (à la fois les meilleurs et les moins bons), ce qui impacte les filières sélectives (ingénierie, sciences).

      Conclusion générale :

      • Les différences entre les sexes sont variées en ampleur et en niveaux de preuve.
      • Les différences liées à la reproduction et au comportement social sont importantes et bien étayées par des preuves biologiques précoces.
      • Les différences dans des capacités cognitives spécifiques sont plus petites et leurs preuves d'origine biologique précoce sont plus faibles (ex: rotation mentale 3D).
      • Il n'y a pas de différence significative d'intelligence générale entre les sexes.

      Concernant les différences en mathématiques :

      • Les différences cognitives innées spécifiques aux mathématiques ne sont pas clairement prouvées.
      • Les différences de préférence semblent être un facteur explicatif plus robuste, car elles sont précoces et peuvent influencer l'engagement et le développement des compétences.
      • La socialisation de genre (notamment l'organisation genrée de la famille et les stéréotypes des enseignants) a un effet causal prouvé, bien que modeste.
      • La menace du stéréotype a un effet très faible et sa réalité est débattue.
      • La plus grande variabilité masculine peut expliquer la surreprésentation des garçons aux extrêmes (donc dans les filières d'excellence) même si la moyenne est similaire.

      En somme, l'explication des différences en mathématiques est multifactorielle, impliquant des interactions complexes entre facteurs biologiques, environnementaux et sociaux, sans qu'aucune cause unique ne puisse tout expliquer.

      La focalisation sur les mathématiques est justifiée par leur lien avec les carrières rémunératrices, mais une attention similaire devrait être portée aux difficultés des garçons en français/langage.

    1. Synthèse des Thèmes et Idées Principales : La Grande Solitude des Adolescents et le Manque de Liens Sociaux

      L'émission "France culture être et savoir" aborde la problématique croissante de la solitude chez les adolescents, un phénomène qui dépasse même les questions de santé mentale, et ses conséquences sur la violence et le bien-être général des jeunes.

      Les intervenantes, Louia Bris (coordinatrice jeunesse), Laurence Touroude (spécialiste des sciences de l'éducation), Sophie Vénétitay (secrétaire générale du SNES FSU) et Marie-Rose Morau (pédopsychiatre), explorent les causes de cette solitude et les pistes pour recréer du lien social.

      1. La Solitude Existentielle et Banale des Adolescents

      Le thème central de l'émission est la "solitude immense et banale de nos enfants" (Introduction de l'émission).

      Marie-Rose Morau souligne que les adolescents d'aujourd'hui se sentent "isolé", ce qui est "la chose la plus grave et la plus importante qui arrive à nos adolescents aujourd'hui".

      Cette solitude est si prégnante que même une jeune stagiaire de seconde, Agathe, témoigne de classes où "on est tous restés inconnus les uns des autres", où "on se parlait pas tant que ça" et où elle ne connaissait pas "les prénoms des gens de ma classe".

      Ce manque de lien est perçu comme une "solitude existentielle" par les adolescents eux-mêmes, qui, une fois hospitalisés, apprécient les échanges mais craignent que "quand je vais sortir, ma solitude va recommencer."

      2. Le Manque de Liens Sociaux et la Difficulté à "Vivre Ensemble"

      Plusieurs facteurs sont identifiés comme contribuant à ce manque de lien social :

      • L'individualisation de la réussite scolaire et les réformes éducatives : Marie-Rose Morau critique la "stratégie même à l'intérieur des classes avec des options, avec des" spécialités qui, bien que liées à la "réforme du bac", encouragent les élèves à "réussir individuellement".

      Cela conduit à une méfiance entre eux car "ils se connaissent pas bien qui justement qui a pas ces liens de générosité de et de fraternité". L'école, qui devrait être un lieu collectif, a selon elle "renoncé à être ce lieu collectif".

      • L'impact des écrans et des réseaux sociaux : Louia Bris observe que "de plus en plus, les parents vont plutôt nous dire en fait, il préfère rester à la maison, il préfère être devant ses écrans". Agathe, la stagiaire, l'explique directement : "Les jeunes passent de nos jours beaucoup plus de temps sur les réseaux sociaux qu'en personne avec les gens parce que bah ils peuvent communiquer, ils peuvent s'envoyer des messages, des vocaux comme si c'était la vie réelle." Ce comportement entraîne un repli sur soi où des élèves "s'enferment, ils ont leur casques, leur téléphone, ils parlent à personne".

      • La disparition des espaces collectifs : Les intervenantes soulignent le manque de lieux où les adolescents peuvent se rassembler et construire ensemble. Marie-Rose Morau déplore l'absence de "lieux où ces adolescents construisent finalement contre nous, j'allais dire contre la génération d'avant qui a encore le pouvoir, construisent ses propres valeurs". Sophie Vénétitay ajoute que "la démocratie lycéenne, la démocratie collégienne, ça fait partie de tous ces espaces qui aujourd'hui nous manquent pour créer du collectif et créer du vivre ensemble aujourd'hui." Elle cite également la disparition progressive des "clubs, les associations, la maison des lycéens".

      • L'incapacité à décoder les émotions et interagir : Louia Bris, travaillant en centre social, constate une "incapacité à des moments à créer du lien avec les autres" et une difficulté à comprendre "ce que l'autre ressent".

      Ce constat est partagé par les écoles, centres de loisirs et clubs de sport locaux, tous d'accord sur le fait que les jeunes "ne savent vraiment plus communiquer".

      3. Les Conséquences du Manque de Lien : Violence, Souffrance Psychologique et Isolement du Personnel

      Le manque de liens a des répercussions graves :

      • Augmentation de la violence : L'émission s'ouvre sur les récents faits divers violents impliquant des adolescents, soulignant une "violente sidérante" et un "manque d'empathie" chez certains jeunes. Marie-Rose Morau relie ces violences à la souffrance des adolescents : "certains vont réagir en se faisant du mal à eux-mêmes, d'autres vont réagir en faisant du mal aux autres."
      • Souffrance psychologique et diagnostics précoces sans prise en charge : Marie-Rose Morau met en garde contre les politiques de "repérage ultra précoce" des fragilités, affirmant que "on peut pas prévenir [les passages à l'acte] sauf par des actions de société". Elle dénonce un système où des "diagnostics très précoces" sont faits (par exemple de troubles du neurodéveloppement), mais où les interventions sont retardées de "1 an, 2 ans, 3 ans" ou inexistantes, les familles étant "laissé à elle-même".
      • Fragilité du cadre institutionnel et isolement des adultes : Laurence Touroude met en lumière les dysfonctionnements du cadre institutionnel scolaire, notamment le "manque de circulation de l'information", l'"inconsistance du cadre" (règles fluctuantes), et le manque de soutien de la hiérarchie envers les Assistants d'Éducation (AED). Sophie Vénétitay souligne que les professionnels de l'éducation sont "par définition, par nature, par essence isolé et seul", gérant des situations complexes sans formation adéquate et sans le temps nécessaire pour un travail collectif.

      4. Pistes et Solutions : Recréer du Lien et du Collectif Malgré la gravité de la situation, des solutions sont esquissées :

      • Priorité à la construction de liens et de communautés : Marie-Rose Morau insiste sur la nécessité d'"aider ces adolescents tous à être en relation, à se sentir membre d'une communauté ici, la communauté scolaire mais aussi aussi autour de l'école et dans la famille".
      • Renforcer le rôle des professionnels de l'éducation et les soutenir : Les AED sont un personnel "hyper important" qui "peut avoir un lien très différent avec les élèves" car ils sont des "adultes auxquels on peut parler". Il est crucial qu'ils soient "soutenus" et non "discrédité" par leur hiérarchie, et qu'ils bénéficient de formations sur "l'accompagnement et sur le lien".
      • Accorder du temps et des espaces pour le collectif : Sophie Vénétitay déplore le manque de "temps et des espaces où on pourrait se retrouver pour faire du collectif". Agathe suggère des "temps d'échange", des "lieux d'échange" comme "une salle avec des canapés où tu peux te regrouper entre jeunes, parler et on n'est pas forcément sur nos téléphones".
      • Développer l'éducation populaire et l'autonomie : Les centres sociaux, comme celui de Louia Bris, offrent un "accompagnement global" en créant un cadre "un tout petit peu plus souple" et en incitant les jeunes à l'autonomie, par exemple en les accompagnant à des sorties culturelles pour leur donner "les codes de juste le truc de se dire 'On y va, on voit qu'on peut ça prend 20 minutes en transport, que du coup c'est accessible, que finalement personne ne demande rien au musée.'" Ces lieux démontrent qu'il est possible de "créer des liens" et que "nos lieux fonctionnent". Louia Bris évoque le succès de son centre qui a accueilli "160 jeunes de toute la France", prouvant que "on peut le faire et que les centres sociaux ont trouvé peut-être un bout de réponse qui pourrait être dupliqué dans d'autres structures."
      • Remettre en question la compétition et l'individualisme : Le dialogue doit s'élargir pour interroger "comment est-ce qu'on fait société dans l'école et en dehors ?" La compétition scolaire, la valorisation de l'individuel au détriment du collectif, et même l'idée que "le collectif était dangereux" pendant le Covid, sont des freins à la création de lien.

      En conclusion, l'émission met en lumière une crise profonde du lien social chez les jeunes, exacerbée par les évolutions sociétales et éducatives.

      Face à cette "angoisse de cette solitude" (Laurence Touroude), il est impératif de repenser collectivement les cadres et les espaces qui permettent la construction du "vivre ensemble" et le partage de la parole.

    1. Briefing : Réussir son projet numérique associatif

      Ce document synthétise les points clés du webinaire "[Webinaire] De l'idée à la réalisation : comment réussir votre projet numérique associatif ?", animé par Gautier Jeanzac de Pastec et une représentante de Solidatech.

      Il vise à fournir une méthodologie claire et des conseils pratiques pour les associations souhaitant entreprendre un projet numérique.

      I. Solidatech : Un partenaire pour la transformation numérique des associations

      Solidatech est présenté comme un programme de solidarité numérique créé en 2008, porté par les Ateliers du Bocage (mouvement Emmaüs). Son objectif est de "renforcer l'impact des associations par le numérique" et "renforcer votre impact à travers une meilleure utilisation du numérique".

      1. Bénéficiaires et Éligibilité :

      • Principalement les associations loi 1901, mais aussi les fondations RUP, fonds de dotation, et bibliothèques publiques.
      • L'inscription est gratuite et ouverte "quel que soit votre secteur d'activité, que aussi vous vous soyez bah voilà vous fonctionnez entièrement avec que des bénévoles ou au contraire des des centaines de salariés".
      • Plus de 42 000 associations sont déjà inscrites.

      2. Modes d'action pour accompagner les associations :

      • Faciliter l'accès au numérique :Logiciels à tarifs réduits (Microsoft, Adobe, Zoom, ainsi que des solutions françaises comme Assoctoc, Spirit, Net Explorer, Insia).
      • Matériel informatique reconditionné (par les Ateliers du Bocage) et neuf (grâce à des partenaires comme Cisco et Dell).
      • Accompagnement au développement des usages du numérique :Centre de ressources et outil d'autodiagnostic.
      • Formations (Solidatech est un organisme de formation certifié Qualiopi), webinaires thématiques mensuels.
      • Newsletters.

      Prestations de conseil sur mesure.

      Coproduction et diffusion de savoirs :Réalisation d'une étude nationale sur la place du numérique dans le projet associatif tous les 3 ans (5e édition lancée mi-avril 2025, dernière en 2022).

      II. Pastec : Expertise en conseil et développement informatique pour les projets à impact

      • Gautier Jeanzac représente Pastec, une société coopérative qui est une "agence de conseil et développement en informatique" spécialisée dans l'accompagnement de "projets à impact social et ou environnemental", travaillant "beaucoup avec des associations".

      1. Expertises Métiers de Pastec :

      • Conseil et gestion de projet / Direction technique partagée : Aide à la conception (architecture, planning) et au pilotage du développement produit.
      • Développement de produits numériques : Basé sur un cahier des charges, en "code traditionnel" ou "no code".
      • Numérique responsable : Conception de services "éco-conçus", "accessibles" et "respectueux du RGPD" (Règlement Général sur la Protection des Données).

      2. Rôle du Chef de Produit (Gautier Jeanzac) :

      Point de convergence entre la vision du client, les attentes des utilisateurs et les possibilités techniques. Aide à piloter la vie du produit en intégrant ces différentes perspectives.

      III. La formalisation du besoin : Clé de voûte du projet numérique

      La transformation numérique est définie comme "l'idée d'intégrer des technologies numériques dans l'ensemble des activités de l'association".

      1. Freins et Opportunités de la transformation numérique :

      • Freins majeurs dans les associations : "le coût, le temps et les compétences".
      • Opportunités : "améliorer l'efficacité opérationnelle, moderniser des services pour les bénéficiaires, renforcer l'impact des associations".
      • Exemple : Numérisation de processus administratifs chronophages (ex: suivi des bénévoles via fichiers Excel) pour gagner du temps et "passer ce temps-là du coup on peut le passer sur ces métiers".

      2. Du besoin métier au produit numérique :

      • Identifier un besoin métier : Souvent issu d'un "point de douleur" (ex: "processus d'adhésion très complexe", "beaucoup de saisies manuelles").
      • Question clé : "où est-ce qu'on dépense trop d'énergie et de temps ?"
      • Rédiger un cahier des charges : Document "de synthèse en fait de tous ces besoins", permettant de "prendre du recul avant de vous lancer dans la dans le développement".
      • C'est "le document qui vous permet d'expliquer et d'expliciter le ou les objectifs à atteindre de votre service ou de votre outil numérique".
      • Sert de référence pour le développement, que ce soit avec un prestataire ou en interne.

      3. Structure recommandée d'un cahier des charges (6 parties) :

      • Contexte : Qui est l'association, son histoire, ses objectifs, l'origine du besoin numérique (passé, présent, futur du projet).
      • Lexique : Définir les termes et acronymes propres à l'association pour une compréhension externe.
      • Technique : Préciser les éléments techniques existants (langage, hébergement, développeur précédent, contraintes spécifiques, migration des données, contrat de maintenance, RGPD).
      • Règles d'utilisation (User Stories) : Décrire les interactions des utilisateurs avec le service sous forme de "petites histoires". Ex: "En tant que bénévole de l'association, je souhaite pouvoir me connecter à un espace membre qui m'indique depuis combien de temps je suis bénévole". Inclure le résumé, les détails et les critères d'acceptation.
      • UX (User Experience) et UI (User Interface) :UX : "la capacité à concevoir ce qu'on un parcours utilisateur" (comment l'utilisateur interagit avec le logiciel et ses différentes étapes).
      • UI : "l'interface utilisateur" (ce que l'utilisateur va voir, l'aspect visuel, les maquettes, les wireframes - schémas d'écran).
      • Annexes : Tout document complémentaire pertinent.

      4. Exemple de CRM pour une association d'entrepreneuriat :

      Le cahier des charges a permis de suivre les interactions avec les parties prenantes. Le besoin de CRM est venu d'un "audit qui a fait remonter le besoin". Illustration concrète des user stories et des contraintes techniques (intégration dans un SI global, respect RGPD).

      IV. La construction du produit : Intégrer les utilisateurs et itérer

      La phase de construction insiste sur l'importance d' "intégrer en fait les équipes les bénévoles vos utilisateurs et vos utilisatrices dans la réflexion de ce à quoi va ressembler votre produit".

      1. Mener des actions terrain (Interviews Utilisateurs) :

      • Objectif : Comprendre les points de douleur et les besoins des utilisateurs (ce qu'ils veulent, ce qu'ils pensent de l'existant, comment améliorer).
      • Cinq grandes étapes :Préparation efficace : Définir les informations à recueillir et le "fil rouge" de l'entretien.
      • Début d'entretien : Poser le cadre, mais surtout insister sur le fait qu'il n'y a "pas de bonnes réponses" pour encourager l'honnêteté.
      • Pendant l'entretien : Parler "20%" et écouter "80% du temps". Privilégier les "questions ouvertes".
      • Après l'entretien : Traduire les besoins en fonctionnalités.
      • Priorisation : Développer en priorité ce qui "coûte le moins de temps et qui apporte le plus pour mes utilisateurs" (les "victoires rapides").

      2. Méthodologie Agile et "Petits Pas" :

      • Mettre l'utilisateur au cœur de la réflexion.
      • Commencer par un "plus petit lot possible de fonctionnalité à développer" (un "skateboard" avant la "voiture").
      • Processus itératif : Proposer de nouvelles fonctionnalités, les utilisateurs les utilisent, remontent de nouveaux besoins, et le cycle recommence.
      • Exemple : Formulaire d'adhésion simple (nom, email) puis ajout progressif de champs (adresse, région) basés sur les retours des équipes.
      • Avantages de l'approche itérative : Développer uniquement les fonctionnalités demandées, éviter le budget inutile, créer des outils adaptés aux besoins.
      • Observation d'usage : Observer physiquement les utilisateurs pour comprendre leurs interactions et ajuster le produit.

      V. Le développement : Code traditionnel vs No Code Deux grandes familles de développement sont présentées :

      1. Code traditionnel :

      Avantages : Peu ou pas de limites, possibilité de "tout faire" pour répondre à des besoins très précis. Inconvénients : Plus long et donc plus cher (coût basé sur le temps de développement), "complicité technique" qui rend la compréhension difficile pour les non-initiés (nécessite un bon partenaire pour "vulgariser les points techniques").

      2. No Code :

      • Définition : Outils pour créer des applications ou sites sans coder, comme des "Legos" (assemblage de blocs).
      • Avantages : "Rapidement mettre une solution en place", itérer vite, coût "un petit peu moins cher".
      • Inconvénients : "Moins personnalisable", nécessite une grande vigilance sur "l'écoconception, l'accessibilité et parfois du RGPD", outils propriétaires (la solution ne vous appartient pas).

      3. Exemples d'outils No Code :

      • CRM : Monday, Airtable (attention au RGPD car hébergement aux USA, lié au Patriot Act), Grist (alternative RGPD, hébergeable où l'on veut).
      • Formulaires : Type Form, Tally (version hébergée en Europe, plus RGPD).
      • Sites vitrines : Wix, Webflow, Bubble (Canva peut être une alternative si l'association est à l'aise avec l'outil, car il existe des versions premium gratuites pour les associations).
      • Applications web : Bubble, XAR.
      • Automatisation : Make, Zapper.
      • Wireframes : wireframe.cc (gratuit, simple), Canva, Paint, PowerPoint. Pour des maquettes plus complexes : Figma, suite Adobe (Adobe Express est gratuit en version premium pour les associations).

      VI. Travailler avec une agence et derniers conseils

      Le développement d'outils numériques, qu'il soit en code ou no code, "demande du temps et des compétences techniques".

      Si une association n'a pas le temps et préfère passer par une agence, plusieurs conseils sont donnés :

      • Équipe interne dédiée au pilotage : Avec "un pouvoir décisionnel" pour faciliter les évolutions.
      • Approche collaborative et construite : Intégrer toutes les parties prenantes, surtout les utilisateurs finaux.
      • Ne pas hésiter à demander et exiger la vulgarisation : S'assurer de comprendre ce qui se passe techniquement pour pouvoir reprendre la main si besoin.
      • Adopter la stratégie des petits pas : Éviter de développer des fonctionnalités inutiles et optimiser le budget.
      • Être adaptable : Trouver le juste milieu entre la vision initiale et les retours des utilisateurs.
      • Garder du temps pour se former : Comprendre les aspects techniques du produit.

      Concernant l'utilisation de l'IA pour le développement :

      Réponse nuancée : "J'en sais rien". * Vigilance : Dépend des outils et modèles utilisés. * Prudence : Ne pas déployer des choses non maîtrisées pour éviter les erreurs ou des problèmes ingérables.

      • Ce briefing offre une feuille de route complète, de l'identification du besoin à la concrétisation du projet, en soulignant l'importance de l'écoute des utilisateurs et d'une approche itérative et adaptable.
    1. Synthèse Détaillée : Comprendre et Combattre les Préjugés

      Ce document explore en profondeur la nature des préjugés, des stéréotypes et de la discrimination, leurs origines, leurs manifestations subtiles et leurs impacts.

      Il propose également des stratégies concrètes pour les identifier, les mesurer et les réduire, soulignant l'importance de la conscience de soi et de l'éducation.

      1. Distinction des Concepts : Stéréotypes, Préjugés et Discrimination

      Le document établit une distinction claire entre trois concepts souvent confondus :

      • Stéréotype : Défini comme "une croyance, une opinion, où l’on plaque des caractéristiques à tout un groupe social".

      Ces croyances peuvent être personnelles ou, plus souvent, "des croyances partagées qu'on a apprises sans s’en rendre compte, via nos proches, nos environnements sociaux, les médias, etc."

      Les stéréotypes peuvent être "positifs" (ex: "les garçons sont généralement doués en maths") ou "négatifs" (ex: "les filles seraient moins douées en maths").

      Il est crucial de noter que les stéréotypes ne sont pas seulement descriptifs mais aussi prescriptifs, créant des attentes.

      • Préjugé : Représente "l’émotion, le sentiment, les attitudes négatives qu’on peut avoir vis-à-vis d’un groupe social", souvent associées à des stéréotypes.

      Les préjugés sont renforcés dans des contextes où l'on se sent menacé par un groupe, que ce sentiment soit fondé ou non.

      Une personne confrontée à une réalité qui contredit ses stéréotypes peut générer une "réaction négative : un préjugé."

      • Discrimination : Désigne des "comportements spécifiques où l’on traite différemment les individus selon leur groupe social perçu".

      Cela peut se manifester par des "remarques déplacées, ou encore ignorer ou désavantager volontairement quelqu’un."

      • Il est souligné que ces concepts ne sont pas toujours interconnectés de manière linéaire :

      "On peut avoir connaissance des stéréotypes, même les plus négatifs, sans que cela génère en nous des préjugés.

      On peut aussi avoir des préjugés, sans que cela aboutisse à des comportements discriminants."

      La conscience de ses propres préjugés peut même permettre de s'ajuster pour éviter les comportements discriminants.

      2. Le Masque des Préjugés et les Stratégies de Dissimulation

      Les préjugés sont souvent dissimulés ou exprimés de manière détournée, car "nos préjugés avancent masqués."

      • Humour de dénigrement : Une stratégie courante est l'utilisation de l'humour, où "une remarque sexiste, suivie d'un « Oh mais ça va, c'est une blague ! »" sert de "couverture" pour "rendre socialement plus acceptable l’expression de préjugés, tout en pouvant se défendre qu’il s’agit là de préjugés."

      • Rhétorique pseudodémocratique : Dès les années 40, Adorno et ses collègues ont étudié cette stratégie où les personnes "préfèrent atténuer l’expression de leur préjugé en utilisant le conditionnel, ou des conjonctions comme mais."

      L'exemple classique est "Je ne suis pas raciste, mais..." ou "Ce n'est pas que j'ai des préjugés, mais...". Ces discours à forts préjugés sont "déguisé[s] sous l’apparence d’ouverture et de tolérance."

      • Déni et sous-estimation : Paradoxalement, "on peut avoir tendance à sous-estimer ses propres préjugés, à croire qu’on n’en a pas, et paradoxalement, c'est ce qui peut alimenter des stéréotypes et conduire à des discriminations."

      Les personnes ayant des préjugés se répètent, à elles-mêmes et aux autres, "ne pas en avoir, comme s’il suffisait de dire Je ne suis absolument pas raciste. Pour annuler le reste du propos."

      3. Préjugés Implicites et Leurs Origines

      Le document introduit la notion de préjugés implicites : "Oui. Et on parle dès lors de préjugés implicites."

      • Nature des préjugés implicites : Contrairement aux préjugés explicites (conscients), les préjugés implicites sont "inaccessibles, automatiques, omniprésents, et influencent d’une manière unique nos jugements et comportements."

      Ils agissent "comme des tâches en arrière plan" de notre conscience, influençant nos interactions sans que nous nous en rendions compte.

      "Autrement dit, on peut sincèrement penser ne pas avoir de préjugés et pourtant en avoir en toile de fond."

      • Sources des préjugés : Qu'ils soient implicites ou non, les stéréotypes et préjugés sont "construits, appris très tôt dès notre enfance auprès de nos parents, de notre famille, de nos environnements sociaux, à partir de certains évènements vécus, ou encore à travers les médias de masse."

      L'exemple donné est celui de la télévision dans les années 80, où "plus les gens regardaient la télévision, plus leurs préjugés racistes et sexistes se retrouvaient fortifiés" à force de voir des "représentations stéréotypées."

      4. Les Microagressions : Manifestations Subtiles de la Discrimination

      Le document met en lumière les "microagressions" comme des "comportements plus subtils et bien plus présents au quotidien."

      Ces comportements, bien que peu visibles, ont des conséquences préjudiciables lorsqu'ils sont répétés :

      • Exemples : "faire des blagues sexistes, avoir tendance à couper la parole et à la monopoliser, mépriser l’identité d’une personne, par exemple en la mégenrant, ne pas tenir compte de l’avis d’une personne en raison de sa couleur de peau, de son genre, orientation sexuelle, handicap, etc."

      • Impact : Elles entraînent une "diminution de l’estime personnelle, dépression, anxiété, sentiment d’impuissance, culpabilisation" chez les victimes, et contribuent à "maintenir et renforcer les inégalités dans la société."

      5. Mesurer les Préjugés : Les Méthodes des Psychologues

      Les psychologues utilisent diverses méthodes pour étudier les préjugés, notamment :

      • Questionnaires d'auto-évaluation : Simples, mais sujets au "biais de désirabilité sociale", où les gens modifient leurs réponses pour être bien perçus. L'anonymat peut atténuer ce biais.

      • Observation comportementale : Des situations mises en scène permettent d'observer les comportements des gens sans qu'ils sachent qu'ils sont testés.

      L'exemple donné est celui de l'aide apportée à des personnes hétérosexuelles ou homosexuelles, montrant un "pourcentage plus élevé d’aide dans la condition “hétérosexuel”."

      • Mesures physiologiques : Fréquence cardiaque, activité électrique du cerveau (IRM fonctionnelle).

      Il est mentionné que "lorsqu’on présente à des personnes blanches sous IRM fonctionnelle des photos d’hommes noirs, ils auront une réponse émotionnelle négative, ce qui n’est pas le cas devant la photo d’un homme blanc," interprétée comme une "perception de menace."

      • Tests d'association implicites (IAT) : Mesurent le temps de réaction entre des catégories de groupes sociaux et des mots à valence positive ou négative, révélant des "associations automatiques, des attitudes implicites."

      • La combinaison de plusieurs méthodes permet de "capturer nos préjugés à plusieurs niveaux, des plus explicites aux plus implicites."

      6. Les Motivations Derrière la Dissimulation des Préjugés

      Le conflit intérieur entre le désir d'exprimer des émotions et le maintien de valeurs contradictoires explique pourquoi les préjugés sont cachés. Deux types de motivations sont identifiés :

      • Motivations internes : Liées aux "valeurs personnelles, telles que l’altruisme, la tolérance ou l’égalité."

      Ceux qui sont animés par ces motivations "lutter[ont] contre eux [leurs préjugés]" et "travailler[ont] sur moi-même, en diminuant mes propres préjugés de manière autonome." Ils ont effectivement de plus faibles préjugés.

      • Motivations externes : Dictées par "des motifs extérieurs, sociaux, normatifs," comme la "crainte par exemple d’être socialement mal perçus" (biais de désirabilité sociale).

      Ces personnes "tenter[ont] de résoudre ce conflit en évitant d’exprimer mes préjugés sans vraiment travailler à les diminuer."

      Leurs préjugés sont généralement plus forts et ils les déguisent par "des blagues dégradantes, des rhétoriques pseudo-démocratiques ou diverses justifications tel que des arguments naturalistes : « ce sont les faits », « c’est la biologie », « c’est la nature »."

      7. L'Impact des Normes Sociales et de la Rhétorique Politique

      Le document aborde la manière dont les normes sociales influencent l'expression des préjugés :

      • Changement des normes : Si les normes sociales deviennent plus permissives envers l'expression des préjugés, "les personnes qui jusqu’ici cachaient leurs préjugés risquent de les exprimer davantage, parfois avec force, comme un barrage qui vient de céder."

      • L'effet d'encouragement ("effet Trump") : La rhétorique de figures politiques, comme celle de Donald Trump en 2016, "participe à banaliser l’expression de préjugés, à les rendre comme socialement plus acceptable."

      Cela déplace les normes sociales, autorisant "les personnes qui jusqu’ici réprimaient leurs préjugés selon des motivations externes" à "exprimer le fond de leur pensée, parfois avec grande violence."

      8. L'Héritage des Stéréotypes et Préjugés : L'Exemple de "Couleur Café"

      Le document utilise la chanson "Couleur Café" de Serge Gainsbourg pour illustrer comment les stéréotypes implicites et les préjugés coloniaux peuvent être ancrés dans la culture populaire :

      • Interprétation contrastée : Alors que pour beaucoup, c'est une chanson qui "célèbre la diversité," pour les personnes de couleur, elle "réduit [notre identité] à une couleur et à un produit colonial, le café."

      • Clichés coloniaux : La chanson réactive "tout un imaginaire et des préjugés coloniaux," associant "femmes noires, produits coloniaux et sexualité."

      Le texte explique l'origine de l'image de la femme métisse "dansante, au service de l’homme blanc," créée par la "propagande coloniale" pour attirer de jeunes colons.

      • Persistance et déconstruction : Aujourd'hui, les femmes noires et métisses "essayent de se débarrasser de ce cliché," ce qui est difficile car "les gens pensent que c’est un cliché positif."

      Le document appelle non pas à la censure, mais à "écouter les paroles et essayer de comprendre l’histoire des symboles et des préjugés," utilisant la chanson comme un "outil parfait pour analyser les stéréotypes et faire de la pédagogie antiraciste."

      9. Stratégies pour Réduire et "Hacker" les Préjugés

      Malgré leur omniprésence, il est affirmé que les préjugés "peuvent être diminués, voire hackés, y compris quand ils sont implicites."

      • Auto-régulation et reconnaissance : "Apprendre à reconnaître ses préjugés, à ne pas les nier, sans se juger sévèrement," en voyant cela comme une "occasion de les travailler pour s’en débarrasser."

      Avec l'entraînement, cela peut devenir automatique.

      • Aider autrui : En évitant les jugements sévères, "poser des questions, sur ses émotions, l’amener à prendre conscience par lui-même que certaines attitudes et comportements peuvent être problématiques."

      • Développer des valeurs : Cultiver des "valeurs d’égalité et de tolérance de manière autonome," issues de motivations internes.

      • Prise de perspective et empathie : "Imaginer le monde du point de vue d’une autre personne, se mettre à sa place," par l'écoute de témoignages ou la fiction.

      • Éviter le déni des inégalités : Refuser la croyance que "les préjugés et les discrimination n’auraient plus vraiment cours," car cela "favorise les préjugés" en rendant aveugle à leur gravité et aux microagressions. Préférer une "approche multi culturelle qui valorise les différences."

      • Environnements diversifiés et inclusifs : Favoriser dès l'enfance des "environnements sociaux diversifiés et inclusifs" (théorie du contact intergroupe).

      • Représentations positives dans les médias : Promouvoir une meilleure image des divers groupes sociaux.

      • Éviter les cadres compétitifs : Limiter les situations qui renforcent le clivage "nous contre eux."

      • Programmes de sensibilisation et de formation : Dans les écoles et sphères professionnelles, "sensibiliser à la diversité, en expliquant ce que sont les stéréotypes, les préjugés, et les moyens de lutter contre," et "exposer des récits contre-stéréotypés, de proposer des prises de perspectives."

      • En résumé, le document offre un aperçu complet de la complexité des préjugés, allant de leur définition conceptuelle à leurs manifestations les plus subtiles, et propose des voies claires pour leur réduction individuelle et sociétale.

    1. Note de synthèse : Convention Citoyenne sur les Temps de l'Enfant

      Cette note de synthèse est un compte-rendu des thèmes principaux, des idées maîtresses et des faits importants extraits des interventions d'ouverture de la Convention Citoyenne sur les Temps de l'Enfant.

      Elle inclut des citations pertinentes des sources originales.

      I. Contexte et Objectif de la Convention

      La Convention Citoyenne sur les Temps de l'Enfant est la troisième convention citoyenne souhaitée par le Président de la République, le Premier Ministre et le Gouvernement français, marquant ainsi "l'inscription durable de ce format de cet instrument dans notre paysage institutionnel".

      Elle fait suite à celles sur le climat et la fin de vie, et vise à approfondir la démocratie participative en France.

      Question centrale posée aux 140 citoyens tirés au sort :

      "Comment mieux structurer les différents temps de la vie quotidienne des enfants afin qu'ils soient plus favorables à leurs apprentissages, à leur développement et à leur santé ?"

      Cette question englobe un large éventail d'aspects de la vie des enfants :

      • Le temps de l'école
      • Le temps des familles
      • Le temps des vacances
      • L'accès aux loisirs, au sport, à la culture
      • Le temps passé devant les écrans
      • L'objectif est de produire des "réponses concrètes" et "nécessaires" sur un sujet "central pour la société". Les travaux de la Convention sont destinés à "éclairer la décision publique" et à servir de "boussole dans la société". Il est explicitement mentionné que les citoyens "n'allez pas faire la loi", mais leurs propositions "nourrissent les travaux législatifs".

      II. Principes Fondateurs et Méthodologie

      La Convention se déroule au Conseil Économique Social et Environnemental (CESE), un lieu où le débat est traditionnellement "respectueux, fondé, contradictoire mais toujours apaisé".

      Ces principes sont également ceux qui guideront les travaux de la Convention citoyenne :

      • Égalité : "tous les membres sont à égalité il n'y a pas de voix plus importante que d'autres". Chaque citoyen est considéré comme "légitime à prendre la parole dans le respect de vos différences".
      • Fondé : Les travaux "reposent sur des éléments factuels et vérifiés et se nourrissent de nombreuses rencontres et échanges".
      • Contradictoire : "tous les points de vue doivent s'exprimer", sans "nier, gommer ou affair les opinions les différences".
      • Apaisé : Les désaccords, même "francs massifs", ne doivent "jamais être violents ou blessants". La démocratie au CESE "n'est pas un sport de combat".
      • L'importance de l'intelligence collective est soulignée comme le "meilleur levier pour bâtir à plusieurs les meilleures solutions dans un esprit de construction".

      • La méthodologie de travail s'étend sur sept sessions jusqu'à fin novembre, soit six mois et 21 journées de travail. Elle se décompose en plusieurs phases :

      • Acculturation (avant l'été, sessions 1 & 2) : Faire groupe, apprendre à se connaître, explorer le sujet, rencontrer des intervenants (chercheurs, spécialistes, acteurs, jeunes, enfants) pour se forger une "culture commune" et une "perception commune des enjeux".
      • Exploration approfondie et élaboration de propositions (dès début septembre, sessions 3 à 6) : Les citoyens choisiront les sujets à approfondir et recevront en audition des acteurs de terrain, experts, porteurs de points de vue, etc. L'objectif est d'échanger, dialoguer et élaborer des "propositions qui seront argumentées qui seront construites collectivement y compris des opinions minoritaires".
      • Finalisation (session 7) : Remise du "rapport citoyen final au gouvernement et au président de la République".

      III. Inclusivité et Diversité des Acteurs

      La Convention met un accent particulier sur la diversité de ses membres et l'inclusion de différentes perspectives :

      • 140 citoyens tirés au sort : Représentatifs de la diversité de la population française. Les statistiques présentées montrent une répartition équilibrée en termes de genre (56% femmes, 44% hommes), une large diversité d'âges (moins de 25 ans, plus de 65 ans et entre les deux), une représentation des différentes catégories socio-professionnelles et une couverture de toutes les régions métropolitaines, y compris les Outre-mer et la Corse.
      • Implication des enfants : Un "groupe d'une vingtaine d'enfants" sera constitué pour début septembre. Ils pourront "vous faire part directement de leur vécu de leur perception de leurs attentes de leurs propositions". Cette démarche est jugée essentielle, car "nous ne pouvons pas parler des temps de l'enfant sans les enfants eux-mêmes".
      • Contribution des territoires : Des ateliers seront organisés durant l'été "dans les territoire" pour recueillir de la matière et "nourrir vos réflexions dès la rentrée".
      • Rôle du CESE : Les membres du CESE (175 représentants de 81 organisations de la société civile) se saisiront également de la question pour donner "l'avis de la société civile organisée". Des points de rencontre entre les citoyens et le CESE seront organisés.
      • Acteurs de la Convention : Plusieurs groupes de soutien et d'encadrement sont identifiés par des couleurs de cordons :
      • Blanc : Membres de la Convention citoyenne.
      • Vert : Comité de gouvernance (présidé par Kenza Kaucé), garantissant la liberté et la sérénité des débats.
      • Bleu foncé : Garantes, assurant l'intégrité, l'indépendance, la transparence et la qualité des travaux.
      • Rouge : Organisation (membres du CESE facilitant le parcours).
      • Bleu clair : Collectif d'animation, accompagnant les séances de travail et les débats.
      • Rose : Observateurs chercheurs, analysant et rendant compte du processus.
      • Jaune : Journalistes (présents à certains moments).
      • Noir : Personnes auditionnées.

      IV. Engagement et Attentes

      Les organisateurs expriment leur gratitude envers les citoyens pour leur engagement, reconnaissant les "sacrifices personnels" que la participation implique. Il est souligné que l'expérience sera "passionnante" et que les citoyens "par procuration pour la société tout entière" en apprenant à se connaître et à débattre.

      Il est rappelé que les citoyens sont "parfaitement légitime[s]" à être là, à poser des questions aux experts et à interroger des ministres, comme Madame Borne (Ministre de l'Éducation Nationale, de l'Enseignement Supérieur et de la Recherche) et Sarah El Haïry (Haute Commissaire à l'Enfance) qui viendront les rencontrer.

      Le travail des citoyens "aura un impact bien au-delà de ces murs pour les enfants d'aujourd'hui et pour la société de demain". Les organisateurs s'engagent à ce que le travail des citoyens "soit prise en compte par ceux qui vous ont saisi". Un urne sera mise à disposition pour que deux citoyens puissent se porter candidats et assister au comité de gouvernance le dimanche après-midi pour partager leur vécu de la session.

    1. Synthèse et Analyse Approfondie des Cancers Professionnels et de leur Invisibilité en France

      Ce document de synthèse explore les multiples facettes de l'invisibilité des cancers professionnels en France, s'appuyant sur les travaux du Giscope (Groupe d'Intérêt Scientifique de recherche sur les cancers professionnels) en Seine-Saint-Denis, notamment les recherches d'Anne Marchand, sociologue et historienne, et les commentaires de Nathalie Bajos.

      Il met en lumière les mécanismes institutionnels, scientifiques, sociaux et culturels qui contribuent à cette invisibilité, malgré une prévalence significative et des conséquences humaines et sociales dramatiques.

      1. Le Cloisonnement Historique et Institutionnel entre Santé au Travail et Santé Publique

      • Un thème central est le cloisonnement historique et persistant entre l'espace du travail et l'espace de vie en matière de santé. Ce cloisonnement, analysé par l'historien Thomas Lerou, a conduit à "l'effacement progressif du corps ouvrier dans les préoccupations sanitaires et politiques" dès les 18e et 19e siècles. Il a créé une séparation artificielle entre l'hygiène industrielle et l'hygiène publique, cette dernière devenant "l'hygiène d'une partie seulement du public ignorant ce qui se déroule dans l'espace de travail".

      Cette dichotomie a des conséquences majeures :

      • Approche fragmentée de la santé : Elle empêche de "penser la santé des individus et des populations dans leur globalité" et "laisse dans l'ombre de nombreux facteur d'inégalité sociale".
      • Campagnes de prévention inadaptées : Les campagnes de prévention contre le cancer sont "exclusivement centrées (...) sur la modification des comportements dits individuels", ignorant le rôle des conditions de travail et la responsabilité de l'État et des employeurs. Cela conduit à une approche qui "pointe la responsabilité des seuls individus" tout en laissant dans l'ombre les "cancérogènes présents dans le monde du travail".
      • Angle mort de la recherche en santé publique : Le travail est souvent "un angle mort des approches en santé", comme si les lieux de travail n'étaient pas aussi des lieux de vie où l'on passe une grande partie de son temps.

      • L'Épidémie Cachée : La Sous-Estimation et la Sous-Déclaration des Cancers Professionnels

      • Les sources révèlent une sous-estimation et une sous-déclaration massives des cancers d'origine professionnelle, contrastant avec l'augmentation constante de l'incidence du cancer en France (doublée depuis les années 1990).

      • Disparité Chiffrée : En 2023, seules 1452 reconnaissances de cancers professionnels ont été enregistrées, majoritairement liées à l'amiante. Or, les estimations épidémiologiques consensuelles indiquent que "4 à 8 % des nouveaux cas de cancer seraient d'origine professionnelle", soit "jusqu'à 34 644 cas par an". Cette énorme divergence crée un "phénomène un peu circulaire : moins il y a de cancer professionnel reconnus moins les personnes atteintes de cancer seront en mesure de penser le lien entre leur travail et leur maladie moins elles le déclareront en maladie professionnelle".

      • Exposition Généralisée : L'étude Sumi révèle que "11 % des salariés en moyenne des secteurs publics et privés (...) sont exposés à au moins un cancérogène dans leur activité habituelle de travail". Ces expositions sont fortement inégalitaires, touchant particulièrement les ouvriers qualifiés de l'industrie automobile (90% exposés), les intérimaires, et les jeunes de moins de 25 ans.
      • Polyexposition : La "poliexposition", c'est-à-dire l'exposition simultanée ou successive à différents cancérogènes, "démultiplie le risque de contracter un cancer". Un exemple frappant est celui d'un homme exposé à 17 cancérogènes identifiés au cours de son parcours professionnel.
      • Longue Latence : Le caractère différé des effets des cancérogènes (20 à 50 ans après l'exposition) rend le lien causal difficile à établir pour les victimes et le corps médical. De plus, il est "impossible scientifiquement et médicalement de distinguer un facteur sur l'autre dans sa survenue" (ex: amiante vs tabac pour le cancer du poumon).

      • Les Mécanismes d'Invisibilisation des Cancers Professionnels

      • Plusieurs facteurs, imbriqués et complexes, contribuent à cette invisibilité :

      3.1. Les Données Officielles et la Prévalence de l'Amiante

      • Loupe déformante : Les chiffres de reconnaissance de l'Assurance Maladie sont le "premier facteur de cette invisibilité sociale", donnant l'impression que les cancers professionnels sont rares et majoritairement liés à l'amiante. L'amiante est "l'arbre qui cache la forêt des autres cancérogènes".
      • Maladies "signatures" et droits spécifiques : L'existence de maladies "signature" (mésothéliome) et de droits spécifiques (retraite anticipée, FIVA) pour les victimes de l'amiante a paradoxalement renforcé cette perception limitée des cancers professionnels.

      3.2. Le Cadre Juridique et Administratif : Les Tableaux de Maladies Professionnelles

      • Objet de négociation et de rapport de force : Les tableaux de maladies professionnelles, créés par le Code de la Sécurité Sociale, sont le "résultat de négociation entre représentant de syndicat de salariés et représentant de syndicat d'employeur". Chaque terme choisi est le fruit de "rapports de force", ouvrant ou fermant les conditions de reconnaissance.
      • Restrictions et obsolescence : Ces tableaux sont des "objets mouvants du droit" mais leur contenu est souvent "très en deçà des connaissances scientifiques". L'exemple du cancer de la vessie lié aux amines aromatiques, dont le "titre" nécessite "un bac + 12 en chimie pour arriver à relier son travail à ce cancer", illustre la complexité et l'inadéquation.
      • Cancer du sein : un exemple d'invisibilité levée : L'absence de tableau pour le cancer du sein a longtemps masqué son origine professionnelle, le cantonnant à une "certaine fatalité". Les efforts de syndicats et de recherches ont permis de "rendre visible le facteur professionnel dans cette épidémie", montrant l'impact potentiel de l'inscription dans un tableau.
      • La "maladie négociée" : La maladie professionnelle n'est pas une catégorie médicale mais "une catégorie juridico-politique", une "maladie négociée", ce qui la rend distincte de la causalité médicale.

      3.3. L'Ignorance des Expositions et le Sentiment de Protection des Salariés

      • Manque d'information : La plupart des personnes touchées "ignoraient avoir été exposées à des substances cancérogènes". Cette ignorance peut venir de la méconnaissance des dangers de substances (comme l'amiante dans les années 80) ou de leur présence insidieuse et imperceptible (rayonnements ionisants, produits chimiques sans odeur ni effet immédiat).
      • Fausse impression de sécurité : Les salariés ont le "sentiment d'avoir été protégés" car ils imaginent que "sauf situation accidentelle tout est maîtrisé dans l'entreprise" ou que les substances dangereuses seraient interdites.
      • Dispositifs trompeurs :Valeurs Limites d'Exposition Professionnelle (VLEP) : Les VLEP sont le "fruit de compromis sociaux" et ne signifient pas l'absence de risque, car "la plupart des cancérogènes sont sans effet de seuil".
      • Surveillance Médicale Renforcée (SMR) : La SMR, bien que réservée aux salariés exposés, "ne protège en rien" mais peut créer l'illusion de protection ("Il pensait qu'on le protégeait en fait on l'endormait").
      • Équipements de Protection Individuelle (EPI) : Les EPI sont souvent inefficaces ou utilisés pour d'autres raisons (protection du produit), brouillant la perception du risque (ex: gants en salle blanche).

      3.4. Le Manque d'Intérêt pour la Déclaration et l'Indemnisation Insuffisante

      • L'horizon indemnitaire : Le "montant proposé au mieux (...) ne peut dépasser le montant mensuel des derniers salaires", ce qui est souvent "pas assez pour devenir moteur d'engagement". L'indemnisation est "forfaitaire" et très éloignée de ce qu'une victime obtiendrait devant un tribunal.
      • Dispositifs concurrents : Le dispositif d'invalidité est perçu comme "plus facile et plus rémunérateur", orientant les victimes loin de la reconnaissance en maladie professionnelle. Cette stratégie "contribue largement à rendre invisible les effets du travail sur la santé et donc les cancers professionnels" et "socialise le coût de ces maladies à l'ensemble de la collectivité" au lieu qu'il soit financé par les employeurs.
      • Signification de l'argent : L'argent de l'indemnisation revêt différentes significations culturelles. L'ignorance du principe "pollueur-payeur" fait que certains ne veulent pas "coûter davantage à la Sécu", ou ressentent de la "honte" à "assimiler cette démarche à une demande d'aide sociale". Pour les veuves, l'argent peut "brûler les doigts", générant une stigmatisation sociale.

      3.5. Le Rôle Déterminant et les Lacunes du Corps Médical

      • Formation insuffisante : Les médecins sont "très peu formés sur ce volet très spécifique du droit de la sécurité sociale" (environ "une dizaine d'heures sur leurs dizaines années d'études").
      • Difficulté à établir le lien : Formés à la causalité médicale, ils "appréhendent avec beaucoup de circonspection cette catégorie médico-administrative" et sont nombreux à refuser de rédiger un certificat médical pour des patients fumeurs, ignorant ou refusant d'admettre la présomption d'origine professionnelle.
      • Crainte du conflit : Le certificat médical initial (CMI) est un "espace de conflit" et peut entraîner des convocations devant le Conseil de l'Ordre à la demande d'employeurs. La tâche de "certifier" une origine professionnelle les éloigne de leur cœur de métier, le soin.
      • Manque d'interrogatoire : Dans l'ensemble, les médecins "interrogent très peu les activités exercées et encore moins les conditions de travail" de leurs patients.

      3.6. Les Inégalités d'Accès à la Reconnaissance et les Transformations du Travail

      • Charge de la preuve : La présomption d'origine professionnelle des tableaux est limitée, et le salarié doit souvent "apporter des preuves de la maladie", "des preuves de l'emploi" (certificats de travail, fiches de paye) et surtout "des preuves de l'activité habituelle de travail de l'activité exposante jusqu'à 40 ans en amont de la survenue de la maladie".
      • Fragilité des parcours : Cette capacité à prouver les activités exposantes est "très inégalement distribuée". Elle est plus facile pour les salariés avec une "stabilité professionnelle" ou qui peuvent compter sur un "réseau syndical ou de retraités dynamiques" (mineurs, dockers).
      • Travail morcelé et sous-traitance : La situation est "bien plus dur pour des salariés isolés", ceux "qui ont connu des parcours très morcelés" (jusqu'à 35-40 employeurs), et surtout pour les "salariés des entreprises sous-traitantes", qui sont à la fois "parmi les plus exposés et les moins reconnus". La sous-traitance, légalisée dans les années 70, est devenue un moyen de "contourner leurs obligations" et d'"externaliser des activités qui étaient les plus pénibles et les plus exposantes", renforçant l'invisibilité.
      • Intérimaires et travailleurs migrants : Les intérimaires, dont les documents ne disent "absolument rien du site sur lequel ils ont travaillé", et les "migrants travailleurs agricoles saisonniers", souvent "affectés au traitement chimique là où les risques toxiques sont les plus importants mais dont la maladie si elle survient ne sera pas visible en France ni reliée au travail", sont particulièrement vulnérables.

      3.7. Le Manque de Traçabilité Institutionnelle

      • Volatilité réglementaire : La "valse des réglementations" empêche la mise en place d'un dispositif stable garantissant une "traçabilité rigoureuse dans le temps des expositions cancérogènes" sur de longues périodes (20, 30, 40 ans).

      • Le Caractère Structurel de l'Invisibilité et l'Enjeu de Justice Sociale

      • L'analyse de la genèse de la catégorie "cancer professionnel" révèle une "certaine récurrence dans les obstacles à la construction de la connaissance". Dès le début du 20e siècle, malgré une identification précoce des cancers liés à des industries spécifiques (houille, colorants, rayons X), les mêmes constats d'échec de déclaration et de reconnaissance se répètent. Les affiches de 1938 exhortant les médecins à déclarer les maladies professionnelles témoignent de cette problématique ancienne.

      • Absence de données fiables : Les données sur le cancer sont "incomplètes", avec des registres qui ne couvrent "moins d'un quart de la population en France", et qui présentent des biais (population plus rurale, plus âgée, plus favorisée, moins de personnes d'origine étrangère). Les zones les plus polluées (sites Seveso) sont souvent non couvertes. La proposition de loi pour créer un registre national des cancers est une étape "indispensable".

      • Fabrication de "non-problèmes" : L'invisibilité des cancers professionnels s'inscrit dans une dynamique de "fabrique des non-problèmes ou comment éviter que la politique s'emmêle".
      • Question de justice sociale : En définitive, cette invisibilité pose la "question de la valeur différentielle des vies" et constitue une "question de justice sociale", comme le souligne Nathalie Bajos.

      En conclusion, la lutte contre les cancers professionnels exige bien plus que des campagnes de prévention individuelles.

      Elle nécessite une réforme profonde des mécanismes de reconnaissance, une formation accrue du corps médical, une meilleure traçabilité des expositions, une indemnisation plus juste, et surtout, un changement de paradigme qui intègre pleinement la santé au travail dans la santé publique, reconnaissant le lieu de travail comme un lieu de vie essentiel.

    1. Note de synthèse : La sous-reconnaissance des maladies professionnelles en France : un problème de santé publique et de justice sociale

      Ce briefing documente l'ampleur et les causes de la sous-déclaration et de la sous-reconnaissance des maladies professionnelles en France. Il s'appuie sur une analyse processuelle et met en lumière les multiples obstacles rencontrés par les victimes, ainsi que les lacunes du système juridique et médical actuel.

      1. Ampleur et enjeu de la sous-reconnaissance

      Les maladies professionnelles (MP) représentent un problème de santé publique majeur et invisible en France, exacerbant les inégalités sociales de santé.

      • Chiffres alarmants : En 2022, on estime à plusieurs centaines de milliers le nombre de maladies professionnelles non déclarées. Concernant spécifiquement les cancers professionnels, la fourchette est estimée entre 67 000 et 99 000 cas, dont seulement 4 000 sont déclarés.
      • Coût financier et social : La sous-déclaration transfère le coût de ces maladies de la branche « Accidents du Travail et Maladies Professionnelles » (AT/MP), financée par les cotisations patronales, vers la branche « Maladie » du régime général, désavantageant financièrement les victimes qui ne bénéficient pas des indemnisations plus favorables (prise en charge des frais de santé, indemnités journalières, rentes viagères). Au-delà de l'enjeu financier, il existe un enjeu symbolique fort pour les victimes.
      • Inégalités sociales : L'exposition aux risques professionnels est fortement inégalitaire. Les ouvriers sont nettement plus exposés aux contraintes physiques intenses et aux cancérogènes que les cadres ou les professions intermédiaires, soulignant un lien direct entre position sociale et risques pour la santé au travail.

      2. Cadre juridique et ses limites

      • Le droit à la santé et à la sécurité au travail repose sur deux principes : la responsabilité de l'employeur et la réparation des atteintes à la santé. La loi de 1898 (étendue en 1919 aux MP) a instauré un système d'assurance forfaitaire, supprimant la nécessité de prouver la faute de l'employeur, mais en contrepartie, le droit à poursuivre pénalement l'employeur a été perdu.

      • Les tableaux de maladies professionnelles : Créés pour identifier les pathologies éligibles à la reconnaissance et à l'indemnisation, ils sont aujourd'hui considérés comme obsolètes et incomplets. Leur création est le fruit de négociations entre l'État, les syndicats de salariés et d'employeurs, où les considérations économiques et les arguments patronaux ont historiquement pesé lourd.

      • Critiques de l'ANSES (2024) : Les tableaux sont jugés "incomplets", "loins" de la réalité des expositions et "hétérogènes". Les diagnostics d'exclusion méconnaissent le principe de présomption d'origine.
      • Ralentissement de l'actualisation : Seulement 2 créations et 5 révisions de tableaux sont intervenues au régime général entre 2010 et 2018. Ce ralentissement est dû à la divergence des intérêts patronaux (financeurs uniques de la branche AT/MP), l'absence de consensus sur la présomption d'imputabilité, et le caractère plurifactoriel des pathologies.

      3. Le processus de reconnaissance : une "course d'obstacles"

      • La reconnaissance d'une maladie professionnelle est un processus complexe, jalonné d'obstacles à chaque étape :
      • Exposition au risque : Les contraintes et expositions physiques varient considérablement selon le sexe et la position sociale. Par exemple, les ouvriers sont majoritairement plus exposés aux risques cancérogènes. Le cas de l'amiante est emblématique : classé cancérogène en 1977, son usage n'a été interdit qu'en 1997, et il reste présent dans de nombreux matériaux, exposant encore des travailleurs.
      • Reconnaissance par le salarié de l'origine professionnelle :
      • Méconnaissance des maladies : De nombreuses MP restent mal connues, notamment les troubles psychiques qui représentent un "angle mort très important".
      • Difficulté à établir le lien travail-maladie : Il est souvent "pas évident pour un individu de faire le lien entre sa maladie et son travail, de considérer que le travail puisse être pathogène". Cette démarche est source de "tension normative".
      • Déni du danger : Dans certains métiers, des salariés développent une "attitude de déni du danger pour tenter d'y faire face", comme le montre le travail de Christophe Dejours sur les ouvriers du bâtiment ou l'exemple des coiffeuses.
      • Méconnaissance des droits : Même en ayant conscience du lien travail-maladie, de nombreux salariés ignorent les droits qui leur sont ouverts.
      • Absence de perception d'intérêt : Certains ne perçoivent pas d'intérêt matériel, financier, ni même symbolique à la déclaration, surtout en cas de traitements lourds où "les démarches de réparation sont vues comme secondaires par rapport aux enjeux de soins, voire inutiles ou même néfastes".
      • Peur des représailles : La crainte de perdre son emploi ou de subir des représailles de l'employeur ou des collègues est un frein majeur.
      • Déclaration de la maladie professionnelle :
      • Responsabilité de la victime : Contrairement aux accidents du travail, c'est la victime elle-même (ou ses ayants droit) qui doit effectuer la demande, nécessitant un certificat médical initial.
      • Complexité administrative et juridique : La procédure est "compliquée" et "complexe", décourageant de nombreux potentiels bénéficiaires.
      • Manque d'information et de soutien des médecins : La formation des professionnels de santé sur les MP est insuffisante (environ 10h en 2e cycle des études médicales, contre une moyenne européenne de 25h). Certains médecins du travail sont réticents à accompagner les démarches, parfois par méconnaissance des avantages financiers pour le salarié ou par crainte de l'impact négatif sur l'emploi du patient.
      • Obstruction des employeurs : Les employeurs n'ont "évidemment pas d'intérêt financier à ce qu'il y ait des maladies professionnelles déclarées". Ils peuvent exercer des pressions, proposer des ruptures conventionnelles en échange de la renonciation, ou contester le lien avec l'accident/la maladie.
      • Reconnaissance administrative et médico-légale :
      • Obstruction des caisses primaires d'assurance maladie (CPAM) : Des "obstructions importantes" sont documentées, se manifestant par une "très forte hétérogénéité entre les caisses dans les délais de traitement des dossiers".
      • Caractère différé des maladies : Le "temps de latence" entre l'exposition et l'apparition des symptômes (plusieurs années, voire décennies pour certains cancers) rend difficile la traçabilité des expositions passées.
      • Ressources inégales face à la contestation : Les "grandes entreprises qui ont les moyens de recourir à des cabinets d'avocats spécialisés" peuvent manipuler les données et "mettre en scène l'ignorance pour contester la parole des travailleurs et limiter le coût de la reconnaissance". La stratégie de certains avocats est de "repérer un bon cas" pour créer une jurisprudence favorable.

      4. Perspectives et recommandations

      • La situation est marquée par une "stabilité" voire une "inertie" des logiques sociales et institutionnelles qui construisent la non-reconnaissance. Des "petites mesures" ne suffiront pas ; une "modification de la loi" est nécessaire.
      • Manque de connaissance et biais dans la recherche :
      • Analyses genrées : Il y a un "manque de connaissance" et une "absence particulière" des analyses genrées en santé publique sur les MP, malgré leur pertinence. Les études épidémiologiques sur les cancers professionnels ont historiquement porté majoritairement sur les hommes, sous-estimant les expositions et les cancers chez les femmes (ex: agentes de nettoyage).
      • Populations vulnérables : Les travailleurs étrangers ou d'origine étrangère, et les personnes en situation de précarité, sont confrontés à des obstacles particuliers et sont "pas du tout assez étudiées". Une approche intersectionnelle est nécessaire pour articuler les rapports sociaux de domination (classe, genre, race).
      • Facteurs de risque et multiexpositions : La recherche doit continuer à identifier les facteurs de risque, notamment pour les maladies plurifactorielles (expositions professionnelles et environnementales simultanées). L'idée qu'on puisse isoler une cause unique est une "illusion épidémiologique". La question est de savoir si une exposition professionnelle favorise ou aggrave la maladie, indépendamment d'autres causes (ex: tabac, environnement).
      • Nécessité de modifier la loi et le système de reconnaissance :
      • Formation des professionnels de santé : Renforcer la formation des médecins sur les MP, même si cela ne suffit pas sans mesures structurelles.
      • Traçabilité et information : Améliorer la traçabilité des expositions et l'information des salariés sur leurs droits.
      • Contrôle et sanctions : Renforcer l'arsenal de contrôle et de sanction des entreprises qui procèdent à des déclarations incomplètes.
      • Actualisation et refonte des tableaux : Actualiser les tableaux de maladies professionnelles, voire en modifier l'objectivation des pathologies en se basant sur les examens recommandés par les sociétés savantes ou la Haute Autorité de Santé.
      • Refonte globale du système : La loi elle-même est interrogée pour sa capacité à produire la non-déclaration. Une refonte du système de reconnaissance est indispensable pour tenir compte :
      • De l'évolution des modes de management.
      • De la plus grande discontinuité des carrières professionnelles.
      • De l'augmentation des produits dangereux et de la reconnaissance de leur dangerosité.
      • Des multiexpositions.
      • De la "question fondamentale de la reconnaissance des troubles psychiques qui ne font toujours pas l'objet d'un tableau de maladie professionnelle".
      • De l'exclusion de certains travailleurs.
      • En conclusion, la reconnaissance des maladies professionnelles est un "enjeu majeur de santé publique" qui contribue aux inégalités de santé. C'est un enjeu "politique", "scientifique" et "éthique" qui nécessite des changements profonds pour sortir de l'inertie actuelle. Les expériences de terrain, comme celle du GISCOPE, peuvent dessiner des pistes concrètes pour une transformation fondamentale.
    1. Note de synthèse : L'emprise sectaire - Conférence CRIAVS (Jean-Baptiste Bron)

      Cette synthèse est basée sur l'intervention de Jean-Baptiste Bron, avocat spécialisé en emprise sectaire, lors de la conférence CRIAVS.

      Son propos, bien que contraint par un temps limité, offre une analyse pertinente de la nature de l'emprise sectaire, la comparant à un État totalitaire et détaillant les mécanismes de manipulation employés.

      I. Définition et nature de l'emprise sectaire : Un État totalitaire

      Jean-Baptiste Bron introduit la notion d'emprise sectaire en la comparant directement au concept orwellien de la "redéfinition de la réalité" à l'image du célèbre "2 + 2 = 5" tiré de George Orwell.

      Pour lui, "la trahison quelque part de la réalité, la redéfinition de la réalité est l'élément le plus grave et le plus difficile pour s'en extraire que l'on impose aux adeptes de communauté sectaires."

      Il précise que l'emprise sectaire, au-delà de la "neutralisation du désir d'autrui, l'abolition de toute altérité, de toute différence, de toute singularité pour ramener l'autre à la fonction et au statut d'objet entièrement assimilable", se distingue par son exercice sur les plans social et politique.

      Chaque communauté sectaire est perçue comme un "état totalitaire" où l'emprise vise à "supprimer l'individu mais également de remplacer la société".

      Le gourou, figure centrale, incarne à lui seul les trois pouvoirs d'un État totalitaire : législatif, exécutif et judiciaire.

      A. Le pouvoir législatif du gourou

      • Création et enrichissement permanent de la doctrine/du dogme : Seul le gourou est habilité à créer les règles et prescriptions du groupe. Il est le "maître de la loi" dont la parole est incontestable.

      • Discours globalisants et mouvants : L'enseignement du gourou est souvent totalisant, redéfinissant par exemple la santé (ex: Thierry Casasnovas) ou la réalité de la maladie.

      Cette doctrine est également dynamique, s'enrichissant des désirs des adeptes pour les réimposer à toute la communauté.

      B. Le pouvoir exécutif du gourou

      • Redéfinition du réel et du langage : Le gourou modifie la signification des termes pour créer la confusion.

      Des concepts comme la maladie, l'agression sexuelle ou la relation sexuelle sont réinterprétés ("travail tantrique", "voyage cosmique", "échange d'énergie").

      • Effacement de l'identité et induction de faux souvenirs : Une nouvelle identité est imposée aux adeptes, effaçant la leur.

      Des techniques comme les faux souvenirs induits ou la redéfinition des liens de parentalité (le gourou comme père/mère de tous les enfants) sont utilisées pour déstructurer l'individu.

      C. Le pouvoir judiciaire du gourou

      • Monopole de la sanction : Le gourou détient le droit exclusif de sanctionner, même en déléguant ce pouvoir à des membres du groupe dans un but précis (ex: imposition de relations aberrantes).

      • Déstabilisation permanente et menaces immatérielles : Le gourou "souffle le chaud et le froid" sur les adeptes, les jugeant, les punissant et organisant une surveillance constante.

      Des "châtiments physiques ou immatériels" (menaces de maladie, de mort, de sanctions sur la famille) planent constamment, agissant comme "une épée de Damoclès".

      II. Le rôle du groupe sectaire

      La communauté elle-même joue un rôle crucial dans l'emprise :

      Accueil et insertion : Le groupe facilite l'intégration des nouveaux membres. Renforcement de l'autorité : Il consolide le pouvoir du gourou.

      Désubjectivisation et indistinction : Le groupe participe à la "disparition de l'individu" par l'indifférenciation et l'identification fusionnelle, conduisant à une "indistinction entre soi et l'autre".

      III. Techniques de manipulation et stratégies d'altération du jugement

      Jean-Baptiste Bron décrit une séquence récurrente de techniques utilisées pour abolir le jugement et l'individualité des adeptes :

      • Love Bombing (Bombardement d'amour) : L'objectif est d'"apater le futur adepte", de l'entourer de flatteries et de lui faire miroiter une "réalité beaucoup plus attrayante, une utopie idyllique" pour le détourner de sa réalité souffrante.

      • Isolement progressif : Sous prétexte de "purification et d'évolution spirituelle", l'adepte est coupé de son "environnement habituel (familial, social, professionnel) et avec la société", et finalement, de "sa propre moralité, ses propres convictions".

      • Affaiblissement systématique : Pour empêcher toute révolte ou rétractation, l'adepte est affaibli physiquement et mentalement, soit par insuffisance (régimes alimentaires stricts, privation de sommeil, postures prolongées), soit par excès (travail excessif, logorrhée du gourou).

      • La doctrine/L'enseignement : Le dogme du gourou devient le "ciment de l'emprise", construisant son mythe et devenant un "prête à croire ou un prête à penser".

      • Déstructuration du réel : Des outils sont utilisés pour "couper l'adepte de ses anciens repères et de ses anciennes valeurs", en imposant la "grille interprétative de lecture" du gourou et en "altérant la perception du monde de l'adepte".

      • Culpabilisation du doute : Toute remise en question de la parole du gourou est interdite et perçue comme un "signe de faiblesse", visant à "annihiler le libre arbitre de l'adepte".

      • Mise en place de rappels : Des "rituels, bilans journaliers, annonces de dangers imminents, menaces de châtiment ou de damnation" sont constamment utilisés pour maintenir l'emprise et la peur.

      • En conclusion, l'intervention de Jean-Baptiste Bron met en lumière la complexité de l'emprise sectaire, qu'il analyse comme une forme de totalitarisme miniature, où la déconstruction de la réalité individuelle et collective est la pierre angulaire du contrôle exercé par le gourou.

    1. Compte rendu détaillé : La soumission chimique – Comprendre, Identifier et Lutter

      Ce document de briefing est basé sur la conférence de Juliette Descœurs, praticien hospitalier et biologiste au laboratoire de toxicologie de la Péronie, et experte près la cour d'appel de Montpellier, axée sur le phénomène de la "soumission chimique".

      Il vise à synthétiser les concepts clés, les substances impliquées, les méthodes d'analyse et les stratégies de prévention.

      1. Définition et Distinction de la Soumission Chimique

      Juliette Descœurs débute par une définition précise de la soumission chimique : « l'administration volontaire de substances psycho-actives à l'insu de la victime ou sous la menace à des fins à la fois soit délictuelles pour des vols des signatures de documents par exemple ou à des fins criminelles pour faire des agressions sexuelles des viols de la pédophilie ou des affaires que l'on retrouve dans des maisons de retraite ou même intrafamiliales ».

      Elle établit une distinction cruciale avec la "vulnérabilité chimique". Cette dernière désigne la « consommation volontaire par une personne de substance psychoactive qui conduirait à un état de vulnérabilité », où les agressions sont majoritairement perpétrées sur des victimes ayant consommé de l'alcool et/ou du cannabis.

      • Un point important soulevé est l'utilisation des substances comme « une stratégie pour instaurer une genre d'emprise par addiction à des psychotropes provoqués et alimentés par l'exploiteur ».

      Cette emprise est renforcée par le fait que « l'obtention de ces substances est réalisée par l'exploiteur lui-même », transformant l'emprise chimique en un moyen de « contraindre des personnes en situation de vulnérabilité à commettre des délits des crimes ou même à se mettre en danger ».

      2. Le "Produit Idéal" pour la Soumission Chimique

      Pour un agresseur, le produit idéal de soumission chimique présente plusieurs caractéristiques :

      Facilité d'obtention. Goût agréable ou sans goût. Forme liquide ou soluble, facilement dissoluble dans un milieu aqueux. Invisible. Actif à faible dose et à action rapide. Deux critères principaux sont recherchés pour classer ces substances :

      Vitesse d'élimination : « rapide ».

      Mécanisme d'action : « sédation, un effet amnésiant, une stimulation sexuelle, une action myorelaxante pour pouvoir faire un peu ce qu'on veut de la victime, une diminution de ces des réactions de défense ».

      3. Substances Utilisées dans la Soumission Chimique

      Les substances sont classées en deux catégories principales :

      3.1. Substances Non Médicamenteuses :

      • GHB (Gamma-Hydroxybutyrate) : Surnommé "liquide extasie" ou "drogue du violeur".
      • Forme : Poudre blanche soluble, liquide inodore et incolore.

      • Utilisation : Principalement dans les milieux festifs à des fins illégales en raison de son « effet amnésiant et inducteur de sommeil ». Souvent consommé avec de l'alcool.

      • Effets : Forte sensation de chaleur et d'ivresse (comparable à l'alcool) à faibles doses, puis quiétude, légère euphorie, désinhibition. À fortes doses : vertiges, perte de coordination, nausées, vomissements, coma, dépression respiratoire.

      • Furtivité : Qualifié de "furtif" car il disparaît rapidement du sang (jusqu'à 5-6h) et des urines (jusqu'à 10-12h). Sa particularité est sa double production : physiologique (taux basal de 2 à 3 mg/L) et in vitro (formation dans les échantillons mal conservés), rendant l'analyse complexe et nécessitant de prendre en compte la conservation, le seuil physiologique et les délais de prélèvement.

      • Alcool : Souvent le "numéro 1" des substances retrouvées, agissant comme un "alter ego du GHB" avec des effets euphorisants, désinhibants, stimulants et amnésiques. Les cas suspects de GHB se révèlent souvent être des intoxications alcooliques sévères (3 à 4 g/L).

      • Extasie (MDMA) : Mentionnée en lien avec l'affaire du sénateur Joël Guerriot. Présente une forte prévalence dans ce type de situations.

      • Effet : Antactogène, c'est-à-dire qu'il « altère le consentement de la victime » et provoque une « amnésie antérograde ». Bien que stimulant, il est un bon candidat pour la soumission chimique car il agit comme « un adjuvant de l'humeur par effet euphorisant et en abolissant la méfiance », rendant la victime « participative ».

      • Catinones de synthèse, cannabis, cocaïne.

      • Hallucinogènes :Scopolamine : Action sédative, provoque hallucinations, amnésie et pertes de conscience.

      • Ayahuasca (dérivé de la diméthyltriptamine) : Souvent associée aux rituels chamaniques, la littérature montre que les victimes se retrouvent souvent dans un « état second avec une impossibilité de s'opposer à des agressions sexuelles ».

      3.2. Substances Médicamenteuses :

      • Benzodiazépines et "Z-drugs" (hypnotiques apparentés) : (Bromazépam, diazépam, alprazolam, zolpidem, zopiclone). Mentionnées en écho au procès de Mazan (affaire Gisèle Pélico). Des langues bleues (additif du clonazépam) ont été observées dans des vidéos.

      • Propriétés : Anxiolytiques, anticonvulsivantes, sédatives, myorelaxantes et surtout « amnésiantes très recherchées par les agresseurs ». L'« amnésie antérograde et lacunaire » est particulièrement retrouvée avec les benzodiazépines hypnotiques sédatives à demi-vie courte, permettant aux agresseurs de faire accomplir des actes dont la victime ne gardera aucun souvenir.

      • Antihistaminiques (H1) : (Atarax, désloratadine, Aérius).

      • Effets : Sédation, somnolence, étourdissement, ralentissement des réflexes.

      • Neuroleptiques : Souvent détournés de leur usage, retrouvés dans des cas de maisons de retraite où des personnes âgées sont en état léthargique après administration à leur insu.

      4. Statistiques et Prévalence (Enquête CEIP-A 2022)

      En 2022, sur 1229 signalements suspects, 97 cas de soumission chimique ont été jugés vraisemblables. Les victimes étaient « essentiellement des femmes et dans des milieux festifs ».

      La majorité des substances impliquées étaient médicamenteuses, mais une part non négligeable de substances non médicamenteuses était également présente.

      Top 1 non médicamenteuses : MDMA (extasie), cocaïne, cannabis. Top 1 médicamenteuses : Benzodiazépines (bromazépam, zopiclone, hydroxyzine) et tramadol.

      5. Prise en Charge en Laboratoire (CHU La Péronie)

      Le laboratoire du CHU La Péronie a mis en place un protocole avec les urgences, l'Institut de Médecine Légale et la pharmacologie pour la prise en charge des cas suspects de soumission chimique.

      • Circuits de prélèvement :

      • Conservation : Demande de 4 tubes minimum (hépariné, fluoré, EDTA, urine).

      • Clinique : Demande de tubes supplémentaires si nécessaire pour des analyses complémentaires.

      • Gestion des échantillons : Détruits après 3 ans sans saisie de justice ; traités en cas de réquisition judiciaire.

      • Formulaire de réception des prélèvements : Essentiel pour compiler un maximum d'informations rapidement.

      • Informations clés : Date/heure supposée des faits, date/heure des prélèvements, prise en charge thérapeutique, traitement habituel de la victime, consommation éventuelle de stupéfiants.

      • Signes non cliniques : Agression physique (signes de violence), préjudice matériel (perte de carte bancaire, chéquier), découverte de substances sur les lieux.

      • Signes cliniques (neuropsychiques) :Durée de la phase léthargique et qualité du réveil : Différents selon les molécules (ex: GHB : sédation courte, réveil rapide et complet ; benzodiazépines : somnolence prolongée, réveils difficiles).

      • Troubles de la vigilance, propos désorganisés, troubles du comportement, hallucinations.

      • Amnésie : Classiquement « antérograde » (empêche l'enregistrement de nouveaux souvenirs) et « lacunaire » (absence de souvenir d'un moment de la vie).

      • Autres symptômes : Vomissements (GHB, absents avec antihistaminiques H1), sécheresse buccale marquée (effets anticholinergiques des antihistaminiques).

      • Types de prélèvements pour l'analyse :

      • Sang : Permet de remonter à la quantité prise, mais fenêtre de détection courte (quelques heures).

      • Urine : Fenêtre de détection plus large grâce à la présence de métabolites.

      • Cheveux : « Stabilité exceptionnelle » car matrice biologique non biodégradable.

      • Principe : 1 cm de cheveux correspond à environ un mois de condition de vie.

      • Avantages : Constitue une « sauvegarde des molécules » avec lesquelles le sujet a été en contact, documente un usage répété ou une exposition unique. Réalisé en zone de confidentialité et conservé à température ambiante.

      6. Moyens de Lutte et de Prévention

      • Mission gouvernementale sur la soumission chimique (rapport du 12 mai 2025) : Juliette Descœurs met l'accent sur la recommandation 43 : « un soutien à la recherche scientifique en galénique et en toxicologie qui permettra d'entraver la lutte contre le détournement criminel de médicaments ».

      • L'Agence du Médicament demande aux laboratoires titulaires d'une AMM de « modifier l'aspect visuel de tels médicaments en ajoutant par exemple des colorants (...) un goût, une odeur facilement identifiable et peut-être une texture aussi inhabituelle (faire des grumeaux à la surface) », pour permettre aux victimes de repérer un éventuel détournement.

      • Mouvement #metoo et visibilisation : Les agressions sexistes et sexuelles facilitées par l'absorption non consentie de substances psychoactives ont été mises en lumière dans le cadre d'événements festifs (#balancetonbar) et de la sphère privée (affaires Sandrine Josu et Gisèle Pécelico).

      • Campagne de sensibilisation (mai 2023) : Lancée par le CRAFS (Société Francophone des Sciences Pharmaceutiques Officinales), l'Ordre National des Pharmaciens, et l'association #Mandorpa, avec le soutien du Secrétaire d'État à l'égalité entre les femmes et les hommes. Le CRAFS est la « plateforme référente de santé publique qui informe sur les substances actuellement de soumission chimique ».

      • Ce briefing souligne l'importance d'une approche multidisciplinaire pour comprendre, identifier et combattre la soumission chimique, impliquant à la fois la recherche scientifique, l'adaptation des médicaments, la sensibilisation du public et une prise en charge médico-légale rigoureuse.

    1. Note de synthèse : Les expulsé.e.s, figures de la lutte contre les politiques migratoires ? par Clara Lecadet

      Cette note de synthèse s'appuie sur la conférence de Clara Lecadet, anthropologue et chargée de recherche au CNRS, présentant son livre "Les expulsés, sujets politiques".

      Elle explore la problématique des expulsions d'étrangers, leur évolution historique et géographique, et met en lumière l'émergence de mouvements d'auto-organisation des personnes expulsées dans leurs pays d'origine.

      Thèmes principaux et idées clés :

      • L'Expulsion : Une Question Ancienne et Actuelle, Nationale et Internationale :

      • Actualité et permanence : La question des expulsions est à la fois "très actuelle et très ancienne". Elle se manifeste dans les débats législatifs contemporains (ex: loi immigration en France) et dans les décisions gouvernementales (ex: expulsion de migrants afghans par le Pakistan).

      • Euphemisme du "retour" : Le terme "retour" est un euphémisme qui "sert d'euphémisme à la violence et à la brutalité des expulsions d'étrangers".
      • Prérogative étatique et évolution : Historiquement, les expulsions sont des prérogatives étatiques liées au contrôle du territoire. Cependant, elles ont évolué vers une dimension communautaire, notamment avec la directive "retour" de l'Union Européenne (2008), permettant des "vols conjoints" d'expulsion entre plusieurs pays européens.
      • Système international de police des étrangers : L'expulsion est devenue un "système international qui suppose la collaboration entre les États et certaines organisations internationales" comme l'OIM ou le HCR, qui promeuvent le "retour" comme garant de l'équilibre du système d'asile. William Walters parle de "police internationale des étrangers" pour qualifier ce système.
      • Angle Mort de la Recherche sur les Expulsions : Une Approche État-Centrée :
      • Domination de la perspective étatique : La majorité des travaux historiques et sociologiques sur les expulsions se sont concentrés sur "l'expulsion du point de vue des politiques instituées, de la construction historique des États", négligeant "le point de vue des personnes soumises à ces mesures".
      • Déséquilibre géographique : Il existe un "extrême rareté des travaux sur le devenir des étrangers une fois qu'ils ont été expulsés et sur l'impact de ces politiques sur les pays d'origine et de transit des migrants". Ce déséquilibre reflète les "fractures et les inégalités géopolitiques" du régime international de l'asile et des migrations, où le point de vue des "États entre guillemets forts" prévaut.
      • Nécessité d'une anthropologie du "removal" : Nathalie P. évoque la nécessité d'une "anthropologie capable de s'emparer de l'expulsion comme un continuum allant de la vie précaire des sans-papiers [...] au transport et à la phase du retour en passant par la phase de l'enfermement".
      • L'Émergence des Sujets Politiques Expulsés : Le Cas de l'Association Malienne des Expulsés (AME) :
      • Déclencheur de la recherche : La centralité de la figure de l'étranger dans le débat public français de 2007, contrastant avec leur "disparition réelle et symbolique" une fois expulsés, a motivé la recherche de Lecadet.
      • Découverte de l'AME : La découverte de l'Association Malienne des Expulsés (fondée en 1996 à Bamako) a révélé que "tout ne se finissait pas avec l'expulsion", et que les expulsions pouvaient être "le seuil d'initiatives nouvelles et de subjectivation politique tout à fait inédite".
      • Le geste fondateur de l'AME : L'accueil des expulsés à l'aéroport de Bamako par des membres de l'AME (dont Mahamadou Keita) symbolise "le geste même de l'organisation qui est au fondement de cette association", visant à "constituer une communauté de semblable" et à mettre en place une solidarité face à "l'indifférence et l'abandon total des pouvoirs publics de leur pays d'origine".
      • De l'expérience individuelle au politique : L'AME a œuvré à "sortir l'expulsion d'une expérience intime, individuelle, privée pour en faire une expérience collective" et ainsi "transformer la figure de l'expulsé en un sujet et en un acteur politique".
      • Double critique de l'État : L'AME a développé "une double critique de l'État" : celle des politiques migratoires des États qui expulsent et celle de "l'attentisme, voire de la complicité des gouvernements africains" dans la mise en œuvre de ces expulsions.
      • Champs d'intervention de l'AME :Social/Humanitaire : Accueil, hébergement, soins médicaux/psychologiques, recours juridiques (en cas de séparation familiale), formation et réinsertion professionnelle.
      • Médiatique : Diffusion de témoignages, interpellation des politiques, mise en lumière de questions comme la perte des biens, le gel des comptes bancaires, les salaires impayés. Organisation de forums publics pour permettre aux expulsés de prendre la parole.
      • Politique : Actions de protestation (ex: manifestations pour la libération de maliens emprisonnés après une expulsion), mobilisation contre les "accords de réadmission" qui font des expulsés une "monnaie d'échange" dans l'aide au développement.

      Diversité des Expériences d'Auto-Organisation :

      • Contexte politique national : La capacité des associations à se structurer et leurs modes d'action varient selon les "contextes politiques nationaux". L'AME a bénéficié de la fin de la dictature au Mali et de l'émergence du "mouvement des sans-voix" dans les années 1990.
      • Contraintes et adaptations : À l'inverse, l'Association Togolaise des Expulsés (créée en 2008) a rencontré des difficultés pour obtenir une reconnaissance légale en raison d'un "régime très autoritaire", l'obligeant à adopter des "revendications infiniment plus consensuelles".
      • Thèmes spécifiques : Au Sierra Leone, "The Network of Asylum Seekers in Sierra Leone" s'est concentrée sur la question du "stigma de la stigmatisation sociale", cherchant à sensibiliser la population sur les causes réelles des expulsions, souvent associées à tort à des délits individuels.
      • Positionnements antagonistes : Le principe d'auto-organisation peut mener à des "positionnements radicalement antagonistes". Si l'AME adopte une posture de "confrontation politique radicale", d'autres associations (notamment au Cameroun) peuvent "relayer finalement le message de dissuasion" de l'UE et de l'OIM sur les "dangers de la migration irrégulière".

      Conclusion : Dépasser les Biais de la Recherche et Politisation des Sujets :

      • Critique du champ de recherche : L'étude des expulsés vise à interroger les "biais du champ de la recherche sur l'émigration", qui s'est souvent construit sur "l'oubli de certaines subjectivités politiques".

      • Continuité de la politisation : Lecadet établit un parallèle entre la politisation des expulsés et la "micropolitique" des réfugiés au sein des camps, où ils développent également des formes d'auto-représentation pour "critiquer, contester le régime humanitaire".

      L'objectif est de montrer que les migrants ne sont pas des "objets passifs" des politiques migratoires, mais des "sujets de prise en main politique de leur situation".

    1. Document de Synthèse : "Genre et torts épistémiques" - Camille Zimmerman Introduction : Présentation de Camille Zimmerman et de ses recherches

      Camille Zimmerman est une doctorante dont les recherches se situent à l'intersection de la philosophie et des arts de la scène, co-dirigée par Amandine Catala (Université du Québec à Montréal - UQAM, Chaire de recherche du Canada sur l'injustice et l'agentivité épistémique) et Grégory Schiller (UGA, Laboratoire Litt&Arts, co-directeur du Performance Lab).

      Son travail vise à développer une "pédagogie des corps" pour mieux comprendre l'aspect incarné de l'agentivité épistémique, un concept initialement élaboré par Miranda Fricker en 2007 dans son ouvrage Epistemic Injustice: Power and the Ethics of Knowing.

      La question centrale qui l'anime est de savoir "en quoi et comment notre capacité à utiliser, générer et communiquer du savoir sollicite-t-elle notre corps, nos sensibilités, nos gestes, nos actions, et pas seulement, comme le défend la tradition dominante en philosophie, notre raison ?"

      Plus encore, elle s'interroge sur ce que cette incarnation de l'agentivité épistémique nous apprend sur "les mécanismes tacites de l'oppression, notamment de genre, c'est-à-dire sur leur fonctionnement comme sur les stratégies que nous pouvons développer pour résister à ces mécanismes."

      Son objectif est de donner aux corps un rôle émancipateur dans l'échange des savoirs, malgré ou grâce à leur vulnérabilité.

      Ses travaux s'inscrivent dans l'épistémologie sociale, reconnaissant que la connaissance n'est pas produite de manière isolée mais à travers des relations sociales où des "torts" peuvent se manifester.

      1. Biais Sexistes, Stéréotypes et Menaces du Stéréotype dans le Partage du Savoir

      Camille Zimmerman commence par clarifier les distinctions entre stéréotypes, préjugés et biais, soulignant leur impact sur la perception de soi et des autres dans le partage du savoir.

      Stéréotypes, Préjugés et Biais :

      • Un stéréotype est un raccourci cognitif qui simplifie le traitement de l'information quotidienne. Il peut être utile mais devient problématique lorsqu'il est "trop réducteur" et "négatif", menant à des préjugés.

      • Les préjugés sont des jugements ou des croyances négatives envers des groupes sociaux.

      • Les biais sont des associations néfastes qui accentuent les préjugés et affectent la perception des personnes.

      • Menace du Stéréotype : Introduit par Steele et Aronson (1995) pour comprendre l'échec scolaire des minorités ethniques, ce concept décrit comment, en tant que membre d'un groupe marginalisé, la conscience des stéréotypes négatifs à son égard génère un climat de stress ou d'anxiété.

      Cette anxiété peut paradoxalement "rejouer" et confirmer le stéréotype (ex: "les femmes sont trop émotionnelles", "pas bonnes en maths").

      La menace du stéréotype "impacte vraiment la manière dont on va nous-même agir dans la situation et rejouer et confirmer en fait les stéréotypes négatifs à notre égard."

      Application au Genre et à la Philosophie :

      • Une sous-représentation des femmes en philosophie (peu de philosophes femmes citées dans le canon, peu d'enseignantes) renforce la menace du stéréotype. Les étudiantes manquent de modèles et peuvent internaliser l'idée qu'elles "ne sont pas faites pour ça", ce qui accroît la peur de mal performer.

      • Les biais sexistes se manifestent par des réflexions associant les femmes à l'émotion (les rendant "pas crédibles"), par une attention portée à leur apparence plutôt qu'à leur propos, ou par une réduction de leur espace de parole, exacerbant le stress et la pression lors de l'expression.

      • Stratégies de Déconstruction : Pour contrer ces biais, il est proposé d'augmenter la représentation des femmes en philosophie (inviter des conférencières, afficher des portraits), et de diversifier le canon philosophique.

      L'intervenante cite des initiatives comme le groupe "Philo Situé" (anciennement "Philo-Sophia") et le Symposium de philosophie féministe au Québec, qui visent à créer des espaces de reconnaissance professionnelle pour les femmes en philosophie.

      2. Les Injustices Épistémiques : Cadre Théorique et Manifestations

      Les recherches de Camille Zimmerman s'appuient sur le concept d'injustice épistémique, issu de l'épistémologie sociale, qui étudie les "torts" commis dans les relations de partage du savoir.

      • Définition et Origines : L'injustice épistémique concerne les torts éthiques commis à l'égard de notre "agentivité épistémique", c'est-à-dire notre droit à développer notre capacité à utiliser, communiquer et transmettre du savoir.

      Ces torts minent la confiance en soi. Le concept a été formellement introduit par Miranda Fricker en 2007, mais ses racines se trouvent dans les théories du Black Feminism et du standpoint theory (années 60-70), soulignant d'emblée une dimension intersectionnelle des oppressions (genre, race, classe sociale).

      Les Deux Formes Majeures d'Injustice Épistémique (selon Fricker) :

      • L'Injustice Testimoniale : Concerne la crédibilité du témoignage. Lorsqu'une personne appartenant à un groupe social non dominant (basé sur le genre, la race, la classe, les capacités, l'orientation sexuelle, etc.) partage du savoir, on va "arbitrairement [lui] donner ou pas du crédit".

      Ce n'est pas lié à la véracité du propos, mais à l'identité de la personne.

      C'est une situation "systématique" et non accidentelle, qui "mine [la] confiance" de la personne.

      L'accent est mis sur le "contexte social" plutôt que sur un coupable individuel.

      • L'Injustice Herméneutique : Caractérisée par un "déficit d'intelligibilité" ou un "manque d'intelligibilité".

      Elle se produit lorsque les termes ou les concepts utilisés par une personne appartenant à un groupe non dominant ne sont pas compris ou reconnus par le groupe dominant, qui impose ses propres "ressources herméneutiques" (langage, concepts).

      Cela conduit à une "marginalisation" et une "exclusion" du partage du savoir.

      L'exemple emblématique est celui du harcèlement sexuel avant que le terme n'existe, où l'absence de mot pour nommer une expérience vécue empêche sa reconnaissance juridique et sociale (exemple de Suzanne Brer).

      L'exploitation herméneutique est "un vrai enjeu politique" car elle maintient les groupes marginalisés "en marge".

      3. La Conception Pluraliste de l'Agentivité Épistémique et la Place de l'Affect

      La critique de la définition traditionnelle (logocentrique et rationnelle) de l'agentivité épistémique est au cœur des recherches de Camille Zimmerman et de sa directrice, Amandine Catala.

      • Critique du Logocentrisme : La définition de Fricker, basée sur la rationalité, réduit l'intelligence et exclut ceux qui ne s'expriment pas verbalement ou rationnellement (ex: personnes en situation de handicap, neurodiverses).

      Cela pose problème car si une personne n'est pas considérée comme un agent épistémique, elle ne peut pas défendre le fait qu'elle subit des injustices épistémiques. * Les Cinq Caractéristiques de l'Agentivité Épistémique Pluraliste (selon Alexis Shotwell) : Cette nouvelle approche élargit la définition de la connaissance au-delà du "savoir propositionnel" (basé sur le langage et la vérifiabilité logique) pour inclure d'autres formes de savoir cruciales pour comprendre l'expérience humaine, notamment les expériences d'oppression.

      • Savoir Propositionnel : Formulation verbale, vérifiable (le "know that" en anglais).
      • Savoir-faire : Connaissance pratique acquise par l'expérience corporelle (ex: faire du vélo), irréductible à un manuel.
      • Savoir Incarné : Intégration des codes sociaux et adaptation corporelle aux normes (ex: posture, ton de voix, performance du genre). Non verbal, implicite, et pourtant crucial pour la crédibilité sociale.
      • Savoir Tacite : Ce qui n'a pas besoin d'être explicité par le langage (sens commun, stéréotypes), permettant les raccourcis dans l'interaction.
      • Savoir Affectif : La manière dont on vit, éprouve, ressent les choses. "Disent aussi quelque chose par rapport à mon identité." C'est une "forme de compréhension des choses, des sens."
      • L'Affect comme Ressource Épistémique : La conception pluraliste réhabilite l'affect, souvent dévalorisé et associé aux femmes, comme une source de connaissance.
      • Dans la Marginalisation Herméneutique : Le vécu corporel, émotionnel et sensible, même sans mots, "nous révèle une importance par rapport à ce qui se passe." Il peut catalyser la recherche de termes ou de reconnaissance (ex: Saraha Ahmed et la violence subie à vélo, dont le corps garde la mémoire).
      • Dans la Menace du Stéréotype : Le "climat de stress", l'anxiété et la fatigue ne sont pas neutres et affectent la performance épistémique. Reconnaître l'impact de l'environnement (ex: salles de conférence avec portraits d'hommes blancs) permet de comprendre comment l'affect mine l'agentivité.
      • L'Exploitation Épistémique (Nora Berenstein) : Ce concept, mis en lumière par des chercheur·es racisé·es, montre comment les groupes privilégiés, face aux explications des marginalisé·es sur leur oppression, "discréditent les ressources épistémiques qu'ils apportent et les force[nt] à produire un travail cognitif et émotionnel supplémentaire." La personne opprimée est contrainte de s'expliquer, malgré l'effort physique et émotionnel que cela représente, car son expérience n'est pas reconnue si elle n'est pas "adéquatement expliquée".

      L'ignorance active du privilégié est ainsi reproduite.

      Ce phénomène met clairement en évidence l'importance du corps et de l'affect dans les injustices épistémiques.

      4. Pédagogies de l'Inconfort et Vulnérabilité Épistémique

      Pour faire face à ces injustices et valoriser l'affect, Camille Zimmerman propose d'explorer les pédagogies de l'inconfort.

      • Bell Hooks et l'Intégrité en Éducation : Inspirée par Paulo Freire, Bell Hooks soutient que la salle de classe n'est pas un espace neutre politiquement.

      Les rapports de pouvoir et les identités sociales influencent l'expérience de l'enseignement et de l'apprentissage.

      Elle promeut l'enseignement avec "intégrité", en intégrant le corps et l'esprit, cherchant le "désir d'apprendre" des étudiant·es et la connexion avec leurs vécus.

      L'enseignant·e doit également considérer son "état émotionnel" et la place de l'affect dans son propre enseignement.

      • Megan Boler et le Sentiment d'Appartenance : Boler, spécialiste des pédagogies féministes, insiste sur l'importance de créer un "sentiment d'appartenance" en classe.

      Elle reconnaît que l'espace n'est pas intrinsèquement sécuritaire pour tou·tes et qu'il peut devenir insécuritaire. Il s'agit de travailler à partir du ressenti des étudiant·es pour améliorer l'espace et discuter ouvertement des rapports de pouvoir.

      Boler explore également comment les normes sociales (liées au genre, par exemple) influencent l'expression des émotions et peuvent desservir les individus dans certains contextes (ex: l'injonction à "combattre son idée" en philosophie).

      • La Vulnérabilité Épistémique (Erin Gilson) : Ce concept est proposé comme une "vertu" en opposition à l'ignorance active.

      Il s'agit d'accepter d'être vulnérable, de reconnaître que nos propres croyances ne sont pas les seules valides, et que l'écoute des croyances d'une personne issue d'une identité sociale différente peut "déconstruire ma propre croyance."

      Cette démarche, bien que "déstabilisante", est essentielle pour une "ouverture des esprits" et pour ne pas "résister à ne pas comprendre".

      Elle permet de reconnaître l'importance des affects dans la capacité à utiliser, partager et générer du savoir.

      Conclusion Générale

      La présentation de Camille Zimmerman propose une exploration approfondie des injustices épistémiques, en particulier celles liées au genre, en insistant sur le rôle central de l'incarnation et des affects.

      Le cheminement s'articule comme suit :

      • Identification des Problèmes : Les biais sexistes et la menace du stéréotype influencent négativement le partage du savoir.
      • Cadre Théorique : Les injustices épistémiques (testimoniale et herméneutique) décrivent les torts subis, souvent invisibles et liés à l'identité sociale.
      • Refonte Conceptuelle : La conception pluraliste de l'agentivité épistémique, intégrant le savoir incarné, tacite et affectif, déconstruit les limites du logocentrisme et valorise les affects comme sources de connaissance.
      • Stratégies Pédagogiques : Les pédagogies de l'inconfort (Bell Hooks, Megan Boler) et le développement de la vulnérabilité épistémique (Erin Gilson) sont des approches concrètes pour transformer les espaces d'apprentissage et de partage du savoir, en reconnaissant et en travaillant avec le vécu émotionnel et corporel.
      • L'objectif final est de créer des environnements où l'inconfort (lorsqu'il est géré constructivement) peut devenir "un indicateur dans ma propre éducation à accepter la croyance de l'autre ou à rentrer dans une collaboration plutôt que de maintenir ma propre croyance", ouvrant ainsi la voie à une compréhension plus riche et équitable du savoir.
    1. synthèse présente les idées principales et les faits marquants de la conférence de David Sander intitulée "Comprendre les émotions et leurs fonctions".

      Professeur de psychologie à l'Université de Genève et directeur du laboratoire "Émergence et expression de l'émotion" et du Centre Interfacultaire en sciences affectives, David Sander est un spécialiste des émotions et des mécanismes cognitifs qui leur sont liés.

      I. Définition et composantes des émotions

      David Sander souligne la difficulté de définir une émotion, citant Thomas Brown :

      "Chacun sait ce qu'est une émotion jusqu'à ce qu'on leur demande d'en donner une définition et à ce moment-là, il semble que plus personne ne sache."

      Il propose une définition contemporaine des émotions en s'appuyant sur l'histoire de la psychologie et des neurosciences.

      Perspective historique de l'étude des émotions :

      • Aristote : Les émotions sont "toutes ces choses à cause desquelles les gens changent et évoluent dans leur jugement" et sont "accompagnées de douleur et plaisir". L'idée de la valence (agréable/désagréable) est un élément central qui perdure.

      • Descartes : Dans son dernier ouvrage "Les Passions de l'âme" (1649), Descartes a une vision "assez positive des émotions", les considérant comme "utiles" et "fonctionnelles", si elles sont à la bonne intensité.

      • Charles Darwin : Avec son livre "L'expression des émotions chez l'homme et les animaux" (1872), Darwin a initié l'étude scientifique des émotions, mettant en lumière la "fonctionnalité des émotions" et leur "raison fonctionnelle évolutionnaire" (par exemple, les expressions faciales).

      • Behaviorisme : Au 20ème siècle, cette approche s'est intéressée aux comportements émotionnels et à l'acquisition des réactions émotionnelles.

      • Révolution Cognitive (années 1930-40) : L'accent est mis sur les "processus dans l'esprit qui peuvent être la cause des émotions" et qui se déroulent pendant une émotion, établissant un lien fondamental entre connaissances et réactions émotionnelles.

      • Sciences Affectives (années 1970-80) : Cette nouvelle discipline utilise les outils des sciences cognitives pour comprendre les phénomènes affectifs (émotions, humeurs, bien-être, stress). Elle intègre diverses disciplines comme la psychologie, les neurosciences, l'économie comportementale, l'histoire, la philosophie, la littérature, les arts et l'informatique (affective computing, IA émotionnelle).

      • L'Affectivisme : Proposé comme un courant où tout "modèle psychologique qui s'intéresse à une fonction cognitive... gagnera en valeur explicative à intégrer les émotions dans son modèle." Les émotions ne sont plus vues comme l'opposé de la cognition mais comme des éléments intégraux. "Les émotions ne sont pas du tout l'opposé de la cognition."

      • Neurosciences Affectives et la complexité cérébrale :

      • Il n'y a "pas un centre des émotions dans le cerveau" ni "un centre par catégorie d'émotion".

      • Un "très grand nombre de réseaux dans le cerveau sont importants pour différentes composantes des émotions", incluant des régions corticales comme le cortex préfrontal dorsolatéral (important pour la régulation) et l'amygdale.

      • Cette complexité suggère que les émotions partagent un "ensemble de mécanismes communs".

      La subjectivité des émotions et l'évaluation cognitive :

      • Les émotions ne sont pas des réflexes ; leur déclenchement passe par une "fenêtre temporelle qu'on appelle l'évaluation cognitive".

      • Cette évaluation explique "la subjectivité dans les émotions", pourquoi des individus réagissent différemment au même événement objectif (ex: un but au football).

      • La reconnaissance des émotions est souvent "en contexte" ; les expressions faciales seules ne suffisent pas.

      L'approche componentielle des émotions :

      • Déclenchement : Un événement est évalué en fonction des "motivations", "intérêts", "préoccupations" et "valeurs" de l'individu.

      Cinq composantes de la réponse émotionnelle :

      • Réaction corporelle physiologique : "un nœud dans l'estomac, de la sueur, la température de la peau qui peut changer, le cœur s'accélère, la respiration change".

      • Tendance à l'action : "s'approcher plus de ce qui est agréable et au contraire à éviter ce qui est désagréable." Les émotions sont "extrêmement liées à l'action".

      • Expression : Souvent associée à l'émotion, mais modulée par les stratégies de régulation et le contexte culturel.

      • Ressenti conscient : "je me sens heureux, je me sens triste, je me sens amoureux, je me sens en colère".

      • Objet de l'émotion : Une émotion est "toujours déclenchée par quelque chose" et "toujours focalisée sur un événement", contrairement aux humeurs. "L'émotion est toujours rattachée à un événement déclencheur."

      • Définition proposée : Une émotion est un "processus rapide qui va durer quelques secondes, peut-être quelques minutes... qui est toujours focalisé sur un événement... et puis qui est constitué de deux étapes : le premier étape c'est un mécanisme de déclenchement qui est basé sur la pertinence souvent motivationnel et puis qui va façonner une réponse qui est constituée des quatre composants de la réponse émotionnelle : la tendance à l'action, la réaction corporelle, l'expression, le ressenti."

      II. Fonctions cognitives des émotions

      Les émotions ne sont pas des phénomènes isolés, mais "vont beaucoup influencer un grand nombre de processus cognitifs", ce qui est central à la deuxième partie de la conférence.

      Modulation de l'attention :

      • L'attention est "automatiquement orientée vers ce qui est émotionnel".

      • Un "système particulier dans le cerveau, l'attention émotionnelle" (impliquant l'amygdale et d'autres régions) permet de s'orienter rapidement vers les stimuli importants. C'est une "première fonction très positive des émotions".

      • Modulation de la mémoire (mémoire émotionnelle) :

      • Les événements émotionnellement forts sont mieux mémorisés (ex: attentats du 11 septembre). L'amygdale interagit avec l'hippocampe pour faciliter cette mémorisation.
      • Ceci est vrai pour les épisodes négatifs comme positifs. L'émotion "d'intérêt" ou de "curiosité" peut faciliter la mémorisation de contenus.

      • Les émotions influencent les trois étapes de la mémoire épisodique :

      • Encodage : Traitement initial et mise en mémoire de l'information émotionnelle.

      • Consolidation : Maintien en mémoire de l'information (ex: pendant le sommeil), les informations émotionnelles ayant une caractéristique de "rester en mémoire".

      • Rappel : L'émotion ressentie au moment du rappel peut aider à retrouver le souvenir.

      • La curiosité épistémique : Des études utilisant le "paradigme trivia questions" montrent que plus le niveau de curiosité est élevé, plus la "réaction corporelle" est forte et meilleure est la "mémorisation de la réponse".

      • Application scolaire : L'étude PISA et les travaux de Pekrun montrent un lien clair entre l'état émotionnel de l'élève ("passionné par une matière") et ses "résultats scolaires".

      La joie et la fierté sont associées à de bonnes notes, tandis que d'autres émotions peuvent prédire de mauvaises notes.

      Rôle dans la prise de décision :

      • Les émotions peuvent être "très utiles pour nous guider dans nos décisions" ou non.

      • Émotions incidentes : "ne sont pas liées aux options directement", elles sont externes à la décision (ex: colère après une dispute).

      Elles peuvent biaiser la décision (ex: la colère favorise une prise de risque plus élevée en matière financière). Ces émotions sont "à négliger et presque toujours à réguler".

      • Émotions intégrales (intégrées) : "déclenchées par la valeur que vous attribuez aux différentes options" (ex: émotions liées aux valeurs politiques ou esthétiques). Elles sont "à considérer" car elles sont pertinentes pour la décision.

      • Émotions anticipées : Émotions imaginées concernant les conséquences d'une décision, qui influencent le choix (ex: ne pas choisir un film d'horreur si l'on ne veut pas avoir peur).

      • Fonctions sociales des émotions et prise de décision sous incertitude : L'expérience de la "falaise visuelle" (Visual Cliff experiment) de Joe Campos démontre comment les bébés d'un an utilisent le "référencement social" (social referencing) pour prendre des décisions.

      Ils interprètent les expressions émotionnelles des adultes (joie, peur) pour évaluer le danger d'une situation, montrant "à quel point est-ce que finalement les émotions des autres peuvent être des guides dans nos décisions."

      En conclusion, David Sander insiste sur l'importance de comprendre les émotions non pas comme de simples ressentis, mais comme des processus complexes et multifactoriels, indissociables de la cognition et du comportement, qui jouent un rôle crucial dans notre attention, notre mémoire et notre prise de décision.

    1. Note de synthèse : Rythmes et Temporalités du Numérique Territorial (Philippe Vidal)

      • Cette conférence de Philippe Vidal, professeur en géographie et aménagement à l'Université du Havre Normandie, explore les dynamiques complexes du numérique au sein des territoires, en se focalisant sur les concepts de rythme et de temporalité.

      Il propose une grille d'analyse articulée autour de trois idées clés : la concomitance, l'instantanéité et la temporisation, pour comprendre l'interaction entre le numérique mondialisé et le numérique territorial.

      Thèmes Principaux et Idées Clés :

      • Le Numérique : Infrastructures, Contenus et Usages – Une Approche Ternaire Faussement Séquentielle
      • Définition du numérique : Vidal décrit le numérique comme un ensemble d'infrastructures de télécommunication (connectivité, déploiement), de contenus et services dématérialisés (données, innovation) et d'usages/usagers (appropriation, validation de l'innovation).
      • Cycle Ternaire : Loin d'être séquentielle (infrastructure, puis contenus, puis usages), cette progression est "un rythme ternaire à faussement séquentiel fait de concomitance, d'hybridité et de glocal". L'usager, en particulier, est essentiel pour valider l'innovation et justifier le déploiement des infrastructures.
      • Cycles du numérique : L'auteur identifie plusieurs cycles :
      • Cycle infrastructurel : ADSL, fibre, 2G à 5G (environ 10 ans par génération).
      • Cycle de calcul : Algorithmes simples au machine learning, deep learning et IA (ex: application pour délibérations municipales).
      • Cycle de service/contenu : Web 1.0 (digitalisation de l'information), Web 2.0 (contenus interactifs, réseaux sociaux, mobile), Web 3.0 (plateformisation).
      • Cycle d'usage : Sensibilisation, acculturation, généralisation, expertise, vers le transhumanisme.
      • Concomitance : Le Numérique Mondialisé contre le Numérique Territorial
      • Hypothèse centrale : Le numérique mondialisé impose son rythme au numérique territorial, bien que ce dernier cherche à "rattraper et reprendre la main".
      • Numérique mondialisé : Représente une "modernité dominante", top-down, érigée en normes (ubérisation), considérant le monde comme un territoire sans frontières (call centers, Amazon, cloud).

      Il confère un "temps d'avance" grâce à sa vitesse d'innovation et son efficacité. "C'est quand même les États-Unis qui ont lancé cette histoire du numérique et de l'Internet notamment... les USA sont devenus des acteurs dominants du numérique mondialisé." * Numérique territorial : Perçu comme une "modernité émergente", bottom-up, moins marchandisé, axé sur les communs territoriaux et la souveraineté locale (France Tiers-Lieux, Data Lab). C'est une "proposition à l'adresse du territoire en provenance des acteurs territoriaux". * L'Entre-Deux Glocal : Existence d'un espace intermédiaire où le territoire est vu comme un "stock de ressources à exploiter" (ex: Blablacar, géocaching). * L'échec du Minitel : La France, malgré son avance avec le Minitel (première expérience télématique domestique généralisée, sans avance ni retard territorial), n'a pas su valoriser cette expérience à l'international face à l'Internet américain. * Rhétorique du retard/avance : Les politiques publiques post-Minitel ont été rythmées par cette rhétorique de la "performance numérique des territoires", se manifestant par : * La fracture numérique (Nord-Sud mondial, puis urbain/rural en France). * La Smart City (course à l'intelligence urbaine, classement des territoires). * La plateformisation (nécessité de développer des plateformes numériques). * Instantanéité : Le Risque du Délaissement Territorial face au Solutionnisme Numérique * L'efficacité à court terme : Les plateformes numériques offrent une "redoutable efficacité" face à des problèmes territoriaux, comme la désertification médicale ou les services pendant la COVID-19.

      "Cette efficacité à court terme des plateformes fait de mon point de vue courir le risque du délaissement territorial au motif que comme c'est efficace on a plus besoin d'investir le territoire." * Le solutionnisme numérique : Il y a un risque que les territoires se "satisfont" de cette efficacité, entraînant un désinvestissement public à long terme, notamment des services publics dans les territoires "peu rentables". * Évolution de la position des élus :1995 (Précurseurs) : Intérêt pour la citoyenneté numérique, web public territorial, internet citoyen. L'acteur public gardait le contrôle. * 2005 (Fracturés) : Prise de conscience de la fracture numérique, efforts pour réduire les inégalités d'accès (RIP). Les élus investissent dans l'infrastructure, mais délaissent l'innovation sociale. * 2010 (En déprise) : Perte de maîtrise des élus face aux applications géolocalisées privées et mondiales (ex: Airbnb, e-commerce impactant les petits commerces). "Pour la première fois l'élus perdait la maîtrise de ce qui se passait vraiment sur son propre territoire." * 2015 (En reconquête) : Mouvement FrenchTech, Smart City. Référentiel offensif, lié au "récit métropolitain". * 2020 (Responsables) : Intérêt pour la sobriété numérique, l'inclusion habitante, la souveraineté numérique locale. Recherche d'un "équilibre territorial" et maturité accrue des élus. * L'exemple de la téléconsultation : Face à la désertification médicale, la téléconsultation (particulièrement via bornes/cabines en pharmacie) est une solution palliative très efficace à court terme. Vidal s'interroge :

      "Est-ce qu'on va pas s'installer tranquillement dans cette espèce de confort numérique de plateforme parce que c'est de plus en plus efficace et cetera ? Est-ce que ça pose pas des problèmes sur le vivre ensemble, sur le bien-être territorial, sur le lien social et cetera ?" * Temporisation : Le Rôle de Régulation de l'Acteur Public * Un rôle de régulateur : Le rôle de l'acteur public aujourd'hui est "de réguler les spatialités numériques, les dynamiques territoriales à l'heure du numérique, les nouveaux rythmes urbains." * Conséquences du monde connecté :Régularité et progression incontestable de l'usage. * Le numérique comme "opérateur de lien social socio-territorial". * Génération d'incertitudes mais aussi capacité à les gérer. * Controverses territoriales et questions de justice spatiale (fractures générationnelles, littératie numérique). * Le numérique met à l'épreuve la capacité d'innovation des territoires et la nécessité de réguler les externalités négatives. * Un "défaut d'anticipation" : L'acteur public a un "temps de retard" face à l'accélération du changement induite par le numérique (ex: l'IA). La régulation est une "temporisation" face à l'urgence des problèmes, mais qui ne comble pas toujours ce retard. * Interprétation légitime : Le numérique est au cœur d'un "conflit quant à l'interprétation de ce qui est légitime et ce qui ne l'est pas". * L'épreuve de force et l'épreuve de grandeur : Face aux "épreuves de force" imposées par les externalités numériques, il est nécessaire d'organiser des "épreuves de grandeur" via les valeurs pour retrouver des "termes d'accord stables" (ex: régulation des trottinettes électriques).

      En conclusion, Philippe Vidal souligne la puissance du numérique mondialisé qui dicte le rythme, mais met en lumière les efforts du numérique territorial pour s'adapter et reprendre la main.

      Il alerte sur les risques du solutionnisme numérique à court terme qui pourrait mener à un délaissement des territoires et questionne le rôle des acteurs publics qui, après avoir été précurseurs, fracturés puis en déprise, cherchent aujourd'hui à reconquérir et réguler un monde numérique en constante accélération.

    1. Damien DELILLE – Théories Queer à l'Épreuve des Pratiques Artistiques et Vestimentaires

      Ce briefing document synthétise les thèmes principaux et les faits importants abordés par Damien Delille dans sa présentation sur les théories queer à l'épreuve des pratiques artistiques et vestimentaires.

      La conférence met en lumière une approche transdisciplinaire de l'histoire de l'art, de la culture visuelle, de la littérature, de la sociologie et de l'histoire du vêtement, avec un accent particulier sur la figure de l'androgyne et l'émergence des concepts liés à la sexualité et au genre.

      I. L'Androgynie comme Obsession Artistique et Sociale (Fin XIXe - Début XXe Siècle)

      Damien Delille débute sa présentation par une exploration de l'androgynie, thème central de ses recherches doctorales et de son livre "Genre, androgyne, art, culture visuelle et trouble de la masculinité (XVIIIe-XXe)".

      Il souligne que l'androgynie est devenue une véritable "obsession" dans les milieux symbolistes et idéalistes de la fin du XIXe siècle.

      • Une démarche transdisciplinaire : Contrairement à une approche traditionnelle d'historien de l'art, Delille ne part pas uniquement des images, mais intègre la "production littéraire, philosophique, sociologique" et même "médicale et scientifique" pour resituer la figure de l'androgyne dans un vaste champ social et politique. Cette démarche est justifiée par une citation de Schwar et Prideski : "la juxtaposition d'un texte littéraire avec un texte médical ou une image visuelle [permet] de clarifier les marges de ces textes et images, éclairant ainsi les particularités de chaque forme et révélant par la même occasion des attributions partagées à travers une culture donnée."
      • Généalogie de l'androgynie : La figure de l'androgyne est retracée depuis le mythe platonicien et ovidien (l'hermaphrodisme), en passant par sa reprise à la Renaissance, jusqu'à sa réinterprétation par les savants de la fin du XIXe siècle. Cette relecture des figures homoérotiques de la Renaissance a contribué à l'élaboration d'une "culture homosexuelle underground qui est en train de se constituer."
      • Androgynie et Symbolisme : Le mouvement idéaliste de la fin du XIXe siècle, en opposition au naturalisme et au réalisme, "va énormément rechercher des formes justement de dépassement en quelque sorte des représentations classiques, de dépassement aussi des identifications entre des figures masculines et féminines." Ce dépassement est intrinsèquement lié à l'idéal androgyne, qui se poursuit au début du XXe siècle avec les premières formes d'abstraction.
      • La menace sociale de l'androgynie : Les pratiques artistiques et littéraires explorant l'androgynie sont rapidement perçues comme une "forme de menace pour la société." Dans un contexte de promotion de la natalité et de méfiance envers les artistes et intellectuels "hors normes", l'androgynie est associée à l'efféminement et, de manière quasi homophobe, aux premières théories sur les "perversions sexuelles" et l'homosexualité naissante. Il y a "une sorte de convergence ou du moins d'amalgame entre efféminement considéré comme efféminement de la figure masculine, projet symboliste et puis donc première théorie des perversions sexuelles." Cette association est alimentée par la peur de la "dégénérescence morale [et] physique de l'homme."

      II. Le Rôle de la Caricature de Presse et l'Émergence d'une Culture Queer Populaire

      La présentation insiste sur l'importance de la caricature de presse comme reflet et acteur des perceptions sociales de l'androgynie et de l'homosexualité.

      • Péladan et la caricature homophobe : Joséphin Péladan, figure centrale du symbolisme et organisateur des Salons de la Rose-Croix, est un exemple frappant. Obsédé par l'androgyne, il publie le roman "L'Androgyne" en 1891. Sa personnalité et ses idées extravagantes sont la cible privilégiée des caricaturistes. Delille montre une caricature où Péladan est représenté "en tutu, en danseuse", une "féminisation très clairement en fait du corps et de l'apparence de Péladan." Cette féminisation est une manière de discréditer ses idées et de les lier à une "sexualité perverse" et un "désordre érotique."
      • Amalgame entre art et "perversion" : La caricature fait l'amalgame entre l'idéal androgyne et les "théories de perversion sexuelle" développées par des sexologues comme Richard von Krafft-Ebing. Des critiques comme Émile Zola et Octave Mirbeau fustigent les salons symbolistes, associant l'idéal androgyne à une forme de "détraqué homosexuel."
      • Le "troisième sexe" et l'identification de l'homosexualité : Des caricatures, comme celle de Jean-Louis Forain (1888) sur "Le Troisième Sexe", renvoient directement aux théories psychologiques de l'homosexualité de Karl Heinrich Ulrichs (1868-1869), qui invente le terme d'homosexuel. Ces images sont les "toutes premières images finalement d'homosexuels identifiables par la caricature de presse," souvent dans des contextes stéréotypés (parcs, figures efféminées) et associés à la "sodomie passive."
      • L'artiste androgyne/homosexuel : Après le procès d'Oscar Wilde (1895), l'homosexualité devient de plus en plus médiatisée. Une caricature du début du XXe siècle associe l'artiste directement à l'androgyne et au sphinx, avec des glissements "d'animalisation" et des rappels à des figures féminines progressistes, créant un lien fort entre l'androgyne "homosexuel" et l'artiste "féministe."

      III. Le Vêtement, le Collectionnisme et l'Esthétique du Placard

      La deuxième partie de la présentation explore la mode vestimentaire et le collectionnisme comme lieux d'expression et de négociation de l'identité et de la sexualité.

      • Le japonisme comme évasion : Le japonisme, apparu en France en 1874, offre une voie de "dépassement des identités normées." S'habiller en kimono est "précisément dépasser une apparence vestimentaire masculine ou féminine." Le Japon représente un "ailleurs" qui permet aux individus de "vivre mieux, différemment leur sexualité."
      • Robert de Montesquiou et l'esthétique du placard : Robert de Montesquiou, dandy et figure homosexuelle majeure de la fin du XIXe siècle, est présenté comme l'anti-Oscar Wilde, ne "jamais véritablement assum[ant] publiquement son homosexualité." Delille s'appuie sur des photographies inédites de son intérieur privé pour explorer ce qu'il nomme "l'esthétique du placard" (en référence à "Epistemology of the Closet" d'Eve Kosofsky Sedgwick). Cet espace intime, avec ses objets et ses vêtements, devient un lieu de "négociation avec soi-même et avec les autres" concernant sa sexualité.
      • Objets comme porteurs d'émotion : Les objets collectionnés par Montesquiou, notamment japonais, et les photographies d'hommes (comme un gymnaste de cirque, le comte de La Rochefoucauld) dissimulés dans ses albums, sont autant de "signes cachés, signes cryptés de l'homosexualité" que Delille décrypte.
      • Féminisation et Japon : Montesquiou associe le Japon à une "forme de grâce féminine" qu'il intègre dans sa gestuelle et son apparence, comme en témoigne son portrait par Antonio de la Gandara, où il porte un manteau ambigu et met en scène la "délicatesse" de ses mains, signe de sa "féminisation de son allure masculine."
      • Charles Appleton Longfellow et l'incarnation du Japon : Ce collectionneur américain, qui a beaucoup voyagé au Japon à la fin du XIXe siècle, incarne une appropriation encore plus profonde. Il rapporte de nombreux kimonos, les porte, et fait même tatouer une carpe sur son dos, motif retrouvé sur un kimono féminin. Longfellow, qui ne s'est jamais marié ni n'a eu de relations avec des femmes, est une figure "Outcast", un "marginal" dont le "recours au vêtement et surtout par ces sortes de parures corporelles témoigne véritablement d'enjeux complexes du rapport de l'Occident au Japon." Son histoire illustre une "véritable imprégnation, incarnation" des motifs et des codes japonais, allant jusqu'à la modification corporelle.

      IV. L'Historiographie Queer et les Persistances Historiques

      En conclusion, Damien Delille esquisse ses recherches futures sur l'historiographie queer en histoire de l'art, cherchant à identifier les origines et le développement du concept.

      • Aux sources des théories queer : Il se tourne vers les années 1950-1960 et l'émergence du "queer theater" à New York, avec des figures comme le cinéaste Jack Smith. Smith est considéré comme une "figure tutélaire des théories queer" des années 1990-2000, notamment par José Esteban Muñoz, pour sa remise en cause des "normes de genre, mais aussi les normes liées à la race, lié justement à la classe."
      • Jack Smith et l'Orient fantasmatique : Jack Smith, cinéaste, photographe, costumier et acteur, crée des "performances de réinvention de soi" avec des références "très complexes, très éclectiques" à un "Orient fantasmique." Ses photographies, ses costumes, et la présence d'acteurs et actrices transgenres (identifiés comme tels à l'époque) dans ses films, montrent une continuité de ces préoccupations sur le genre et l'apparence.
      • Continuité historique : Delille conclut en soulignant l'existence de "survivances", "d'effets d'écho", et de "parallèles" entre les époques, permettant de tracer un "continuum d'histoire qui se prolonge du XIXe au XXe et peut-être XXIe siècle" dans l'exploration des théories queer et de leurs manifestations artistiques et vestimentaires.
    1. Briefing sur la Cohérence Cardiaque : Gestion du Stress et Au-delà

      Ce document de briefing vise à synthétiser les concepts clés, les mécanismes physiologiques, les bénéfices et les applications pratiques de la cohérence cardiaque, tels que présentés par Caroline Sévoz-Couche, neuropharmacologue et chercheuse à l'Inserm, spécialiste du nerf vague.

      1. Qu'est-ce que la Cohérence Cardiaque ?

      La cohérence cardiaque est une technique de respiration contrôlée qui vise à harmoniser les variations de la fréquence cardiaque avec la fréquence respiratoire.

      Bien que popularisée en Occident plus récemment, ses principes sont connus et pratiqués depuis des millénaires dans les civilisations orientales, notamment à travers le Pranayama du yoga.

      • Définition et Historique : C'est une technique simple et rapide, souvent associée à une origine américaine récente. Cependant, la régulation de la fréquence respiratoire est connue depuis des milliers d'années dans les civilisations orientales.

      "L'expire produit la stabilité du mental", une phrase écrite il y a près de 2000 ans, souligne l'importance de l'expiration contrôlée.

      En Occident, elle est apparue au 18ème siècle et a été popularisée en France par le Dr. David Servan-Schreiber.

      • Non une Simple Relaxation : Il est crucial de comprendre que la cohérence cardiaque n'est pas une simple relaxation menant à l'endormissement. Au contraire, elle prépare l'esprit aux actes d'attention, augmentant la concentration et la rapidité de prise de décision.

      "Ce n'est pas une relaxation où on s'endort... c'est-à-dire qu'en fait quand on va faire la cohérence cardiaque on va être beaucoup plus sensible à tout ce qui va se passer autour à l'environnement on va être beaucoup plus concentré on va avoir des prises de décisions beaucoup plus rapide".

      Elle peut être pratiquée avant une compétition sportive ou une tâche nécessitant une grande vigilance.

      2. Le Mécanisme Physiologique Clé : La Variabilité Cardiaque et la Fréquence de Résonance

      Le cœur ne bat pas à une fréquence parfaitement régulière ; il présente une variabilité constante, essentielle pour s'adapter aux stimuli internes et externes.

      La cohérence cardiaque vise à optimiser cette variabilité.

      • Variabilité Cardiaque (VFC) : Un cœur en bonne santé présente des oscillations rapides de sa fréquence. Une faible variabilité est souvent associée à une pathologie. Lors d'une respiration spontanée (environ 15 cycles/minute), ces oscillations sont de faible amplitude.

      • Optimisation à 6 cycles/minute : La pratique de la cohérence cardiaque à 6 respirations par minute (soit un cycle respiratoire de 10 secondes) maximise l'amplitude des oscillations cardiaques.

      Cette fréquence est la plus efficace car elle entre en résonance avec les oscillations automatiques naturelles du corps, qui sont également de 6 par minute.

      "Ces amplitudes sont maximales avec une fréquence respiratoire spécifique de 6 par minute".

      • Analogie de la Balançoire : Le principe est similaire à celui d'une balançoire : si l'on pousse la balançoire à sa fréquence naturelle, l'amplitude de son mouvement augmente considérablement. De même, en synchronisant la respiration avec les fréquences oscillatoires naturelles du corps, on amplifie la variabilité cardiaque.

      • Cohérence des Oscillations, pas des Fréquences : Il est important de noter que ce ne sont pas les fréquences cardiaques (ex: 60-80 battements/minute) et respiratoires (6 cycles/minute) qui sont mises en cohérence, mais le nombre d'oscillations cardiaques par minute induites par la respiration et celles produites automatiquement par le corps, qui se synchronisent à 6 par minute.

      3. Aspects Techniques de la Respiration en Cohérence Cardiaque

      Pour maximiser les bénéfices, certaines pratiques respiratoires sont recommandées :

      • Ratio Inspiration/Expiration : Le ratio idéal est de 5 secondes d'inspiration et 5 secondes d'expiration pour un cycle de 10 secondes (6 cycles/minute).
      • Un léger allongement de l'expiration (ex: 4 sec inspiration / 6 sec expiration) est acceptable et conserve une bonne amplitude.
      • Un allongement excessif de l'expiration (ex: 3 sec inspiration / 7 sec expiration) ou une inspiration plus longue que l'expiration réduit significativement l'amplitude des oscillations et peut être contre-productif ("on perd la cohérence").
      • Volume Thoracique : Il est crucial d'augmenter le volume thoracique pour maintenir une bonne ventilation. "Il faut penser à avoir une grande amplitude thoracique quand on fait la cohérence cardiaque".
      • Respiration Nasale : L'inspiration par le nez est fortement recommandée car elle active davantage les ondes cérébrales bénéfiques (ondes thêta) et apporte d'autres avantages physiologiques (filtration de l'air, humidification, meilleure oxygénation, réduction des ronflements).

      "Si vous voulez avoir des effets au niveau central il faut penser à l'inspiration il faut respirer par le nez". L'expiration peut se faire par la bouche ou le nez.

      4. Le Rôle Central du Nerf Vague

      La cohérence cardiaque stimule de manière maximale le nerf vague, un nerf cranien crucial pour le système nerveux parasympathique.

      • Le Nerf Vague : Un "Vagabond" : Nommé d'après le latin "vagare" (errer, vagabonder), le nerf vague innerve de nombreux organes depuis le cerveau (cœur, poumons, tube digestif, etc.).
      • Effets sur les Organes Périphériques : Sa stimulation a des effets positifs variés :
      • Cardiaques : Amélioration de la variabilité cardiaque.
      • Digestifs : Amélioration des sensations de goût, augmentation de la sécrétion des sucs gastriques, amélioration de la motilité gastro-intestinale.
      • Anti-inflammatoires : Libération de neurotransmetteurs qui réduisent l'inflammation systémique et organique (ex: poumons chez les asthmatiques).
      • Boucle Vago-vagale et Effets Cérébraux : Seulement 20% des fibres du nerf vague descendent du cerveau vers les organes, tandis que 80% remontent. Cette boucle vagale permet une influence bidirectionnelle. La stimulation du nerf vague par la cohérence cardiaque active des structures cérébrales clés :
      • Cortex insulaire et cingulaire : Impliqués dans l'intéroception (perception des signaux internes du corps) et la prise de décision.
      • Amygdale : Régulation du stress.
      • Hippocampe : Mémoire et cognition.
      • Modulation du Système Limbique : Cette activation cérébrale conduit à une amélioration de :
      • La concentration, la mémoire de travail et l'apprentissage.
      • La prise de décision et le contrôle de l'impulsivité (réduction des comportements impulsifs liés à l'alimentation, l'alcool, la drogue, augmentant le temps d'abstinence).
      • Le seuil de la douleur (augmentation).
      • La gestion du stress et la diminution des symptômes anxieux et dépressifs.

      5. Bénéfices et Applications Prouvées Scientifiquement

      De nombreuses études scientifiques, incluant des groupes placebo, ont démontré l'efficacité de la cohérence cardiaque.

      • Réduction Immédiate du Stress et de l'Anxiété : Une session de 5 minutes chez des volontaires sains (musiciens avant un concert, sportifs avant une compétition) réduit significativement l'anxiété et le niveau de stress.

      Effets à Long Terme et Persistance :

      • Basketballeurs : 20 minutes/jour pendant 10 jours ont montré une diminution de l'anxiété qui persiste pendant au moins un mois après l'arrêt de la pratique, contrairement aux groupes contrôle.
      • Vétérans atteints de SSPT : 20 minutes/jour pendant 4 semaines ont significativement diminué la perception du stress, de la douleur et des émotions négatives.
      • Patients déprimés résistants aux traitements : Sessions hebdomadaires de 20 minutes pendant 10 semaines, combinées à 20 minutes quotidiennes non supervisées, ont entraîné une diminution "très importante" de la dépression et de l'anxiété, visible dès 4 semaines.
      • Pression Artérielle : Une étude a montré une diminution de la pression artérielle qui persistait 6 mois après l'arrêt de la pratique chez ceux qui l'avaient faite sur le long terme.
      • Adaptation à l'Âge et aux Pathologies :
      • Bien que l'amplitude des oscillations puisse être légèrement moindre après 40 ans ou chez des patients atteints de diabète, la cohérence cardiaque augmente toujours cette amplitude par rapport à la respiration spontanée, offrant des bénéfices à tous.

      "Quel que soit l'âge quel que soit la condition il tout le monde peut faire la cohérence cardiaque et avoir un effet bénéfique".

      • Gestion de la Douleur : Des sessions courtes (5 minutes) avant un événement douloureux (ex: prise de sang) peuvent réduire la sensation de douleur.
      • Sommeil : Améliore le temps d'endormissement (latence d'endormissement). Il est plus efficace de la pratiquer juste avant de se coucher.

      6. Protocoles de Pratique Recommandés

      La durée et la fréquence de la pratique varient en fonction des objectifs :

      • "Traitement Ponctuel" / Avant un Événement : 5 minutes (5 secondes inspiration, 5 secondes expiration, inspiration nasale).
      • "Traitement de Fond" Léger (Concentration, Mémoire, Stress ponctuel) : 10 minutes par jour pendant au moins 2-3 semaines.
      • "Traitement de Fond" Important (Anxiété, Dépression, Douleur Chronique) : 20 minutes par jour pendant 4 à 8 semaines et au-delà.
      • Il est préférable de faire des sessions de 10 minutes plutôt que de multiples sessions de 5 minutes pour un effet plus rémanent.
      • Les effets peuvent persister au moins un mois après l'arrêt pour une pratique prolongée.

      7. Outils et Aides à la Pratique

      De nombreuses ressources facilitent la pratique de la cohérence cardiaque :

      • Vidéos et Applications :
      • Sites web : vimeo.com, onedeepbreath.
      • Chaînes YouTube avec animations visuelles (ex: celle de Caroline Sévoz-Couche avec nuages ou flèches).
      • Applications mobiles (iOS/Android) : "Cardia", "Breathing App", "Breath+ (permet de visualiser la fréquence cardiaque en direct et la calque sur la respiration idéale)".
      • Montres Connectées : Certaines montres proposent des fonctionnalités de cohérence cardiaque.
      • Pratique sans Outil : Il est possible de la pratiquer n'importe où en comptant mentalement 5 secondes d'inspiration nasale et 5 secondes d'expiration.

      8. Questions et Remarques Importantes

      • Différence avec d'autres Techniques de Respiration : La respiration carrée (inspiration-pause-expiration-pause) peut être utilisée pour d'autres objectifs (relaxation), mais elle n'est pas optimale pour la cohérence cardiaque car les pauses interrompent la "cohérence" des oscillations et réduisent l'amplitude.

      Pour la cohérence cardiaque, l'absence de pause ou de très courtes pauses (0,5 sec) est préférable. * Complémentarité avec d'autres Thérapies : La cohérence cardiaque est reconnue par certains professionnels de la santé, notamment en psychiatrie et psychologie positive, comme un outil efficace et complémentaire à d'autres techniques (hypnose clinique, EMDR), car elle active des structures cérébrales similaires. * Contre-indications ou Effets Indésirables : Très rares. La seule prudence concerne les personnes sujettes aux malaises vagaux très prononcés. Certains moments de vie (ex: 3ème trimestre de grossesse) peuvent rendre la pratique plus difficile en raison de contraintes physiques. * Cohérence Cardiaque et Effort Sportif : Non indiquée pendant un effort sportif intense, car celui-ci active le système nerveux sympathique, qui s'oppose à l'action du nerf vague (parasympathique). * L'objectif et la concentration : Il ne faut pas trop se concentrer sur un objectif pendant la pratique elle-même, car cela peut augmenter la partie sympathique et réduire les effets bénéfiques. L'important est de se concentrer sur la technique respiratoire. * Processus d'Habituation à l'Anxiété : Bien que ce ne soit pas directement un processus d'habituation, la stimulation vagale par la cohérence cardiaque peut aider le cerveau des patients déprimés (et potentiellement anxieux) à mieux accepter les nouvelles informations et à sortir des ruminations, en réactivant les systèmes inhibiteurs de l'impulsivité.

      En conclusion, la cohérence cardiaque est une pratique basée sur des mécanismes physiologiques solides, facilement accessible et aux bénéfices avérés sur la gestion du stress, l'anxiété, la dépression, la douleur, la concentration, la mémoire et le sommeil, quel que soit l'âge ou la condition de santé.

      Sa simplicité et son efficacité en font un outil précieux pour le bien-être général.

    1. Synthèse de la Conférence : "A la recherche du temps perdu, les enfants face aux écrans" - Grégoire Borst

      Cette conférence de Grégoire Borst, professeur de psychologie du développement et chercheur en neurosciences cognitives, vise à démystifier et nuancer le débat public autour de l'impact des écrans sur les enfants et adolescents, en s'appuyant sur des données scientifiques.

      Il met en lumière les idées fausses véhiculées et propose une approche plus complexe et contextuelle de la problématique, notamment à travers le prisme du rapport "À la recherche du temps perdu" auquel il a contribué.

      1. Démystification des Idées Reçues sur les Écrans

      Grégoire Borst commence par interroger l'audience sur des affirmations courantes concernant les écrans, pour ensuite les déconstruire systématiquement :

      • Baisse de l'intelligence des nouvelles générations : "il y a aucune de ces informations qui n'est vraie qui est vraie en tout cas pas posé comme cela il y a nécessité d'avoir d'introduire un peu plus de complexité làdessus".
      • Troubles neurodéveloppementaux (troubles des apprentissages, TSA, TDAH) : Les écrans ne peuvent pas en être la cause. "par définition les troubles du neurodéveloppement ne peuvent pas avoir comme cause l'exposition aux écrans". Il insiste sur la fausse information concernant "l'autisme virtuel", qui est une "fake news" nuisible, surtout dans un pays ayant déjà une prise en charge déficitaire des TSA.
      • Symptômes dépressifs des adolescents : "il y a aucune donnée qui suggère ça la dépression c'est multifactoriel et les les réseaux sociaux en tant que tel ça peut pas être la cause de la dépression".
      • Dépendance/Addiction : La communauté médicale n'a pas reconnu d'addiction aux jeux vidéo, aux réseaux sociaux ou à l'usage des écrans en général, "pour l'instant en tout cas en l'état actuel de nos connaissances la communauté médicale a décidé que il n'y avait pas d'addiction ni au jeux vidéos ni aux réseaux sociaux ni à un ensemble d'usages qui peut être fait des des écrans".

      2. Statistiques Clés sur l'Équipement et le Temps d'Écran

      Borst souligne l'importance de s'appuyer sur des données fiables et met en garde contre les sondages peu rigoureux.

      • Difficulté d'évaluation : Il est intrinsèquement difficile d'évaluer le temps d'écran réel des enfants et adolescents.
      • Taux d'exposition : Augmente avec l'âge. La dernière cohorte consolidée pour l'ensemble des enfants et adolescents date de 2017, donc les chiffres actuels sont probablement plus élevés.
      • Équipement personnel (hors smartphone) :7-12 ans : environ 1,6 écran personnel (console, etc.).
      • 13-19 ans : 2,9 écrans personnels.
      • Smartphones :Seulement 35% des 7-12 ans ont un smartphone (contre une idée répandue de 90% ou 100% au collège).
      • L'âge moyen d'acquisition pour ceux qui en possèdent un est de 9 ans et 8 mois.
      • Il est crucial de comprendre que ce chiffre s'applique à une sous-population spécifique, pas à la moyenne générale.
      • Ordinateurs personnels :19% des 7-12 ans.
      • 60% des 13-19 ans.
      • Consoles de jeu :58% des 7-12 ans.
      • 63% des 13-19 ans.
      • Utilisation des smartphones (15-17 ans) : Sur 4h43 d'utilisation déclarée par jour, 2h43 sont consacrées à des activités liées à l'école. Cela "permet de relativiser considérablement je dirais la variable temps d'écran c'est évidemment ça dépend de ce que vous y faites".
      • Accès aux réseaux sociaux :63% des 7-10 ans déclarent être inscrits sur les réseaux sociaux (contre 49% déclaré par les parents), alors que l'âge légal est 13 ans.
      • 91% des 11-14 ans ont accès aux réseaux sociaux.

      3. La Complexité des Effets des Écrans : Corrélation vs. Causalité

      Grégoire Borst insiste sur la distinction fondamentale entre corrélation et causalité, illustrant son propos avec l'exemple humoristique de la consommation de margarine et des taux de divorce.

      • Piège de l'association : De nombreuses études montrent des associations entre le temps d'écran et des effets sur le développement, mais cela ne prouve pas un lien de causalité direct. "on a beaucoup plus de mal à mettre en évidence des liens de causalité".
      • Directionnalité : Une association peut signifier que le temps d'écran affecte le développement, ou que des vulnérabilités préexistantes (liées au développement cognitif et socio-émotionnel) conduisent à une plus grande consommation d'écrans. Seules les études longitudinales peuvent commencer à établir une directionnalité.
      • Variables tierces : L'importance cruciale de contrôler les variables comme le "milieu social d'origine des familles". "Toute étude pour faire simple prochaine étude que vous regardez sur cette questionl si dans le modèle statistique on a va pas contrôler pour le milieu social d'origine vous prenez l'étude vous l'achetez à la poubelle elle veut rien dire en soi".

      4. Effets Spécifiques Documentés et Nuances

      • Développement langagier :
      • Une étude française (coHorte Eden) montre qu'il n'y a pas d'effet du temps global d'exposition à 2 ans sur les compétences langagières à 5-6 ans.
      • Cependant, "quand on a la télé allumée pendant les repas on a des effets négatifs sur le développement langengagé de l'enfant à 5 ou 6 ans".
      • Méta-analyses : Confirment un effet négatif du temps d'écran sur le développement langagier (taille d'effet faible, 16% d'écart-type). Le "bruit de fond" de la télévision a un effet négatif similaire.
      • Co-visionnage et programmes ludo-éducatifs : Des effets positifs sont observés. "le simple covisionnage avec un enfant d'un contenu audiovisuel a un effet positif sur le développement Lang langagé de l'enfant qui est de la même taille que les effets négatifs observés pour le temps d'exposition global".
      • Qualité du contenu : L'enjeu est de sortir de la "question du temps d'écran et qu'on rentre dans quelque chose de beaucoup plus complexe qui est la question de la qualité du contenu et des interactions qui peuvent exister des interactions sociales autour du contenu audiovisuel". Éviter les contenus pauvres en langage oral (ex: Télétubbies).
      • Sommeil : C'est un domaine où "toutes les études sont concordantes globalement" sur l'impact négatif des écrans.
      • Adolescents : impact négatif si utilisé dans l'heure précédant le coucher.
      • Jeunes enfants : impact à tout moment de la journée.
      • Impact en cascade : Le sommeil étant crucial pour le développement cérébral et l'apprentissage, des perturbations peuvent affecter d'autres fonctions cognitives comme le langage.
      • Sensibilisation parentale : 49% des parents d'enfants de moins de 11 ans ignorent l'impact des écrans sur le sommeil de leurs enfants.
      • Facteurs multiples : Le déficit de sommeil des adolescents n'est pas uniquement dû aux écrans ; la structure du système éducatif (heures de cours tôt le matin) y contribue également.
      • Sédentarité : 33% des enfants de moins de 3 ans ne pratiquent aucune activité physique. La sédentarité est liée à l'obésité et aux risques de maladies cardiovasculaires. "C'est un vrai enjeu de santé publique".
      • Réseaux Sociaux et Bien-être Adolescent :
      • Il existe un lien statistique entre le temps passé sur les réseaux sociaux et le bien-être, mais la taille de l'effet est très faible (0,4% du bien-être).
      • Il existe des facteurs de vulnérabilité individuels où l'usage peut avoir des effets négatifs.
      • Effets positifs : Une étude (2016) suggère que le temps passé sur les réseaux sociaux à 10 ans peut avoir un effet positif sur le développement de l'empathie affective et cognitive.

      "les réseaux sociaux ça rend pas les adolescents moins empathiqu de façon générale ça peut même avoir des effets positifs y compris sur des domaines qui relèvent des compétences psychosociales ou socioémotionnelles".

      5. La Place du Numérique à l'École

      Faible équipement en France : Le taux d'équipement numérique des élèves français est "très très faible" comparé à d'autres pays comme la Suède. "on est très en retard sur le numérique éducatif".

      Effets positifs : La mise à disposition d'équipements mobiles individuels (tablettes) à l'école peut avoir "des effets positifs y compris sur les apprentissages scolaires fondamentaux que ce soit en 5e ouou en 4e on a des effets positifs sur les compétences mathématiques sur la compréhension de l'oral et sur la compréhension de l'écrit".

      6. Recommandations et Conclusion

      Le rapport de la commission sur les écrans (disponible sur le site de l'Élysée) propose un ensemble de recommandations, mettant l'accent sur la complexité des enjeux et la nécessité d'une action publique nuancée et informée par la science.

      La conférence souligne l'importance d'un discours mesuré, basé sur des preuves solides, pour éviter les alarmismes infondés et orienter efficacement les politiques publiques.

      L'accent doit être mis sur la qualité des interactions et des contenus, ainsi que sur l'environnement global de développement de l'enfant (sommeil, activité physique, milieu social), plutôt que sur une simple restriction du temps d'écran.

    1. Note de synthèse : Comprendre l'Adolescence à travers le Prisme des Neurosciences et de la Psychologie du Développement (Mathieu Cassotti)

      Cette synthèse est basée sur les extraits de la conférence "C'est pas moi, c'est mon cerveau" de Mathieu Cassotti, Professeur en psychologie du développement à l'Université Paris Cité.

      L'objectif principal de cette intervention est de déconstruire les perceptions souvent négatives et biaisées de l'adolescence pour proposer une compréhension plus nuancée, fondée sur les spécificités du développement cérébral et les interactions avec l'environnement social.

      1. La Perception Biaisée de l'Adolescence

      Traditionnellement, l'adolescence est perçue sous l'angle de la prise de risque, des difficultés et de la vulnérabilité. Les adultes ont du mal à comprendre le fonctionnement des adolescents, et cette incompréhension est réciproque.

      Les adolescents, malgré les cours de biologie, ont peu d'informations sur leur propre cerveau et ses spécificités. La psychologie a souvent abordé l'adolescence sous l'angle des psychopathologies.

      Cassotti et son collègue Grégoire Bord ont cherché à changer cette perspective, arguant que notre perception est souvent biaisée par un "biais de génération" : "on a tendance à considérer que les générations d'après les nôtres sont d'après la nôtre est toujours moins bien que la nôtre les générations d'après sont toujours moins bien ah bah de mon temps on était meilleur".

      Ce biais nous pousse à ne pas suffisamment explorer les aspects positifs de cette période. L'engagement des adolescents pour des causes comme la justice sociale ou le climat est souvent minimisé ou dévalorisé par les adultes.

      Le livre "C'est pas moi, c'est mon cerveau" vise à vulgariser le fonctionnement du cerveau adolescent pour les adolescents eux-mêmes, afin qu'ils "comprennent un petit peu mieux leur fonctionnement pour qu'ils puissent à partir de cette compréhension euh soit euh faire en sorte de changer un certain nombre de comportements soit au contraire de se sentir légitime de pouvoir essayer de de faire quelque chose et d'essayer de le changer".

      2. Le Cerveau Adolescent : Une Période de Développement et de Plasticité

      Le cerveau adolescent, bien que similaire en forme à celui de l'adulte, est encore en plein développement, une période qui peut s'étendre "jusqu'à 25 ans".

      Cette immaturité n'est pas uniquement biologique mais est fortement influencée par l'environnement.

      L'adolescence est une "fenêtre de plasticité particulière" avec des changements tardifs et d'importantes différences interindividuelles (par exemple, le début de la puberté).

      Une découverte clé des 20 dernières années en neurosciences, notamment grâce aux travaux de Bétio Ky, est la maturation progressive et hétérogène du cerveau :

      Les régions impliquées dans la réactivité émotionnelle (système limbique) maturent beaucoup plus rapidement. Les régions impliquées dans la régulation et le contrôle (cortex préfrontal) maturent plus tardivement.

      Ce décalage explique en partie la spécificité de l'adolescence : une "maturation fonctionnelle des systèmes de la réactivité émotionnelle mais pas encore c'est du contrôle".

      Cela conduit à une "hypersensibilité émotionnelle" observée dans de nombreuses recherches, notamment face aux stimuli positifs comme les visages exprimant la joie, qui activent fortement le réseau de la récompense.

      Cependant, cette immaturité n'est pas une "incapacité" mais plutôt une période "en cours d'apprentissage". L'environnement joue un rôle crucial dans le développement de l'autorégulation émotionnelle.

      L'apprentissage de la verbalisation, de l'identification et de la gestion des émotions est essentiel et "très peu enseigné de façon explicite aux adolescents".

      3. Émotions Complexes et Prise de Décision

      L'hypersensibilité émotionnelle des adolescents n'est pas uniforme pour toutes les émotions.

      Si elle est bien établie pour la joie et la peur, les émotions sociales comme la honte, la culpabilité ou la jalousie, ainsi que le regret et le soulagement, sont plus complexes.

      Le Regret : Les adolescents ressentent moins de regret que les adultes et l'anticipent moins.

      Le regret, défini comme la différence entre le résultat obtenu et ce qui aurait pu être obtenu avec un autre choix, est soutenu par le cortex préfrontal, qui est encore immature. Cela peut expliquer une moindre capacité à apprendre de leurs erreurs dans des situations où le regret est un signal d'apprentissage clé.

      Prise de Risque : Concernant la prise de décision et de risque, les adolescents sont "aussi bons que les adultes" à partir de 15 ans lorsqu'ils disposent de toutes les informations nécessaires.

      Cependant, leur capacité à apprendre des feedbacks de l'environnement (positifs ou négatifs) est plus difficile que chez les adultes, en particulier lorsque l'information sur le risque n'est pas explicite et doit être extraite de l'expérience.

      "ce n'est pas uniquement une question de contrôle c'est aussi parce que ils sont pas des preneurs de risque complètement fous c'est c'est aussi parfois une capacité à apprendre de des feedback qu'il vont avoir de leur environnement positif et négatif et donc là c'est plus difficile que chez les adultes".

      4. Influence Sociale et Conformisme

      Contrairement à l'idée répandue, les adolescents ne sont pas "davantage des moutons que nous le sommes nous en tant qu'adultes".

      Les adultes sont également très sensibles au conformisme social, même dans des situations où la bonne réponse est évidente.

      Les études montrent que le conformisme social est maximal chez les enfants et "minimal à l'adolescence à l'âge de 17 ans".

      Cependant, cette tendance s'inverse dans les situations d'incertitude et surtout en contexte social, où les adolescents peuvent montrer une "hypersensibilité au contexte social", particulièrement dans les situations de prise de risque.

      En présence de leurs pairs, ils sont enclins à prendre plus de risques.

      L'imagerie cérébrale révèle que cette influence sociale n'affecte pas le contrôle mais stimule le réseau de la récompense. Deux interprétations sont proposées :

      • Le contexte social stimule la sensibilité aux récompenses immédiates.

      • La "représentation qu'ils ont de la norme sociale de ce qui est valorisé par leur père" inclut la prise de risque, menant à une récompense sociale. Cette seconde interprétation est privilégiée par Cassotti, d'autant plus que l'effet est plus prononcé chez les garçons que chez les filles, reflétant des normes sociales différentes.

      • Lorsque l'observateur change (par exemple, la mère au lieu des pairs), l'activation du striatum ventral (récompense) diminue et les régions de contrôle s'activent, réduisant la prise de risque.

      Cela souligne l'importance des "normes sociales et l'impact en vérité de ces normes sociales sur les adolescents sont sont différentes".

      Il est crucial de travailler sur le conformisme social avec les adolescents, non pour le supprimer (ce qui est impossible), mais pour les aider à "comprendre cette dynamique avoir une vraie représentation explicite du fait qu'il existe ce conformisme social et détecter dans certaines situations où il faut pas se conformer".

      La peur de l'exclusion est un moteur puissant du conformisme, et il est important d'aider les adolescents à relativiser ce "coût affectif".

      5. Écouter et Soutenir les Adolescents : La Créativité comme Moteur

      Cassotti insiste sur l'importance d'écouter davantage les adolescents et de ne pas se contenter de leur dicter des solutions.

      Il propose un "changement de paradigme" où les adolescents deviennent "acteurs de la façon de résoudre les problèmes", en particulier pour des défis complexes comme la transition écologique, pour lesquels les adultes n'ont pas toujours les solutions.

      Le laboratoire de Cassotti s'engage dans la co-conception de recherche avec les adolescents, leur fournissant des "outils pour penser, les outils pour réfléchir par eux-mêmes et proposer les solutions par eux-mêmes".

      La Réactivité Émotionnelle comme Moteur d'Engagement : L'hypersensibilité émotionnelle des adolescents aux injustices sociales peut être un puissant moteur d'exploration et d'engagement.

      Cette réactivité émotionnelle est non seulement plus forte mais "dure plus longtemps dans le temps" que chez les adultes, qui ont tendance à diluer leurs émotions, à utiliser des mécanismes de coping pour réguler les affects négatifs, ou à ne pas savoir quoi faire.

      Cette "spécificité de l'adolescence qu'on peut documenter d'un point de vue neuro" peut être utilisée comme un élément de stimulation pour "une volonté d'agir et de changer les choses".

      Créativité : Les adultes ont souvent des "blocages cognitifs" qui les empêchent de proposer des solutions créatives, retombant au niveau d'enfants de CM1/CM2 pour des problèmes complexes.

      Le cerveau a tendance à rechercher des solutions par analogie, ce qui mène souvent à des réponses convenues et peu originales.

      Par exemple, pour le problème de l'œuf lâché de 10m, la plupart des solutions se regroupent en trois catégories : ralentir la chute, amortir la chute, ou protéger l'œuf.

      Il est essentiel de "sortir de ce cadre là" en explorant de nouvelles connaissances (par exemple, les propriétés naturelles de l'œuf, jouer sur le problème lui-même).

      Même les idées "farfelues" peuvent être précieuses car elles "déclenchent comme activation de connaissance pour pouvoir ensuite aller explorer des solutions nouvelles".

      Il y a un "vrai enjeu à travailler avec les adolescents pour les aider et les soutenir dans leur démarche plutôt que pour les enfermer".

      En somme, Mathieu Cassotti invite à reconsidérer l'adolescence non pas comme une période de problèmes à gérer, mais comme une phase de développement unique avec des spécificités neurologiques et psychologiques qui, si elles sont comprises et soutenues, peuvent devenir de puissants atouts pour l'innovation, l'engagement social et la résolution de problèmes complexes.

    1. Note de synthèse : "Le Gaslighting, outil de pensée et arme d’émancipation" - Hélène Frappat

      • Cette note de synthèse s'appuie sur une retranscription d'une conférence donnée par Hélène Frappat, philosophe, traductrice et écrivaine, autour de son essai "Le Gaslighting ou l'art de faire taire les femmes" (2023).

      L'intervention explore la notion de "gaslighting" non seulement comme concept psychologique, mais aussi comme outil philosophique et politique pour comprendre les mécanismes de manipulation, de déshumanisation et de destruction du langage.

      Thèmes principaux et idées clés :

      1. Le Gaslighting : Un concept philosophique et politique issu du cinéma

      • Origine du terme : Le terme "gaslighting" provient directement du film éponyme de George Cukor (1944), lui-même une adaptation d'une pièce de théâtre. Le film met en scène la manipulation d'une femme par son mari qui la convainc qu'elle est folle, notamment en abaissant l'intensité des lampes à gaz (d'où le nom) et en niant la réalité de ses perceptions.
      • Fonctionnement du gaslighting : Il s'agit d'une destruction du langage humain et du sens commun, une "déliaison" du langage. Le but est de "tuer l'autre dans le langage", de le faire douter de sa propre perception du réel, de le rendre fou ou docile. Frappat souligne que le gaslighting n'est pas tant une question d'intentionnalité psychologique que de mécanismes de pouvoir.
      • Dimension politique du gaslighting : Hélène Frappat étend le concept au-delà des relations interpersonnelles pour l'appliquer à la sphère politique. Elle cite des exemples contemporains comme le macronisme ("bienveillance" détournée de son sens) ou le négationnisme ("qui se souvient des Arméniens ?"), où des mots sont volés, des faits niés, et des réalités alternatives imposées. Elle affirme que le négationnisme est une forme de gaslighting.

      2. Le cinéma comme outil de pensée et de révélation

      • Le cinéma comme "thatrum" : Reprenant l'étymologie du mot "théâtre" (le lieu où l'on regarde), Frappat insiste sur le cinéma comme "lieu du regard", de la "convergence des regards", et donc comme lieu de la pensée et du désir. Elle critique l'utilisation réductrice du cinéma comme simple illustration d'idées.
      • "Les films nous regardent" : Le cinéma n'est pas passif ; il nous confronte, nous interroge et révèle des enjeux très contemporains. Elle analyse le film Gaslight de Cukor comme une réflexion sur le mariage traditionnel comme "maison de l'horreur" et un "manuel de déshumanisation" de la femme.
      • Révolutionner le regard : Le film Basic Instinct de Paul Verhoeven est présenté comme un contrepoint à Vertigo d'Hitchcock. Si dans Vertigo, l'héroïne est "regardée" (et tuée), dans Basic Instinct, l'héroïne "regarde" (et tue), incarnant l'émancipation par le regard et la voix. La "chatte" de Sharon Stone devient un "regard qui nous regarde", un lieu de subjectivité qui tue, une subversion de la prédation du regard masculin.

      3. Le lien entre violence conjugale et violence politique : La voix de la femme niée et réappropriée

      • La voix comme enjeu de pouvoir : L'étranglement de la voix est un thème central. Le film Gaslight montre comment la voix d'Ingrid Bergman est progressivement éteinte, du contenu de ses phrases à la tonalité de son son. Ce mécanisme d'étouffement de la voix féminine est historique.
      • La généalogie de la voix féminine répugnante : S'appuyant sur les travaux d'Anne Carson (The Gender of Sound), Frappat retrace la longue histoire de la dénégation de la voix féminine dans la philosophie grecque, notamment chez Aristote. Celui-ci, par une "pseudo-analogie" absurde entre la machine à tisser et les testicules, lie la voix grave (masculine) à la suprématie politique et la voix aiguë (féminine, homosexuelle, des "calamites") à l'absence d'autorité. La voix de la femme est perçue comme un "flux" lié au corps (utérus, menstruations, larmes), donc impur et répugnant, devant être verrouillé.
      • Le silence comme "cosmos" de la femme : Citant Sophocle ("le silence est le cosmos de la femme"), Frappat souligne que le silence a longtemps été la "loi" imposée aux femmes.
      • L'acte de "pleurer à la place de" : L'écrivaine se voit comme celle qui "pleure à la place de" (référence à Something's Got to Give de Cukor), non pas pour une écriture larmoyante, mais pour incarner un travail d'empathie, de se mettre à la place de l'autre, dévoyé par des discours politiques comme celui de Macron sur la "bienveillance".

      4. La méthode d'écriture : La "nonfiction" et l'analogie comme mode de pensée

      • La forme comme méthode : Pour Hélène Frappat, la méthode d'écriture est intrinsèquement liée à la forme. Elle se reconnaît dans le genre de la "nonfiction" (Rebecca Solnit, Anne Carson), qui transgresse les frontières des genres littéraires et mélange roman, essai, traduction, et critique cinématographique.
      • La démarche analogique : Sa pensée est profondément analogique, cherchant à "faire le lien" entre des domaines, des époques et des œuvres apparemment disparates (philosophie de Kant, tragédie grecque, films hollywoodiens, littérature enfantine comme Fantomette). Elle rejette les hiérarchies bourgeoises du "bon goût" et la chronologie linéaire.
      • L'écriture comme acte de résistance : L'écriture, en particulier le fait de "dire la vérité" et de "témoigner" (comme le journal dans 1984 d'Orwell), est une arme contre le gaslighting. La "suspension consentie de la croyance" (Coleridge), permise par l'ironie, est une manière de ne plus consentir aux récits qui nous nient.
      • L'incarnation et le présent de l'œuvre : Les œuvres, qu'elles soient antiques ou contemporaines, existent au présent pour le lecteur. L'écrivain donne corps aux personnages, les rendant plus réels que certaines personnes.

      Citations marquantes :

      • "Le gaslighting, c'est l'art de faire taire les femmes."
      • "Les films nous regardent."
      • "Le livre [Gaslighting] est autant une enquête qu'une méthode de combat contre les pratiques de gaslighting contemporaines."
      • "La question c'est pas Célan et ce poète grec, la question c'est le lien en fait." (Anne Carson)
      • "Est-ce que je peux pleurer pour toi ?" (Something's Got to Give) – l'épigraphe de Trois femmes disparaissent.
      • "La voix d'une femme est une partie intime." (Les talibans, écho à Aristote)
      • "Le silence est le cosmos de la femme." (Sophocle)
      • "Le plus grand film jamais réalisé sur le mariage, c'est un film d'horreur." (Sur Gaslight de Cukor)
      • "L'intentionnalité, ça nourrit des pensées du péché, c'est pas mon sujet. Et par ailleurs, je ne m'intéresse pas à la psychologie, et George Cukor non plus. Parce que la psychologie nous éloigne de la politique."
      • "Il faut être deux pour commencer à parler, sinon on est fou." (Wittgenstein)
      • "Écrire c'est pas mettre des mots les uns à côté des autres comme on tisse un collier de perles." (Henry James)
      • "La question c'est est-ce que ce qu'elle [Monique Wittig] va dire est intéressant ou pas." (Deleuze)

      En résumé, Hélène Frappat propose une exploration riche et transversale du gaslighting, en le dépeignant comme une violence fondamentale qui s'exerce sur le langage, la perception du réel et la subjectivité, particulièrement celle des femmes.

      Son approche, qui embrasse philosophie, cinéma, littérature et histoire, vise à déconstruire ces mécanismes pour mieux les combattre, en plaçant la forme, le lien, l'empathie et la résistance de la voix au cœur de sa démarche intellectuelle et créative.

    1. Briefing sur "La confiance en soi, un atout vital" - Frédéric Fanget

      • Frédéric Fanget, médecin psychiatre et psychothérapeute, spécialiste des thérapies comportementales et cognitives (TCC), met en lumière l'importance cruciale de la confiance en soi, non seulement pour le bien-être individuel mais aussi comme outil de prévention en santé mentale.

      Selon Fanget, le manque de confiance en soi est le premier motif de consultation en psychologie, 68% des Français doutant de leur intelligence.

      1. Concepts Fondamentaux : Confiance en Soi, Estime de Soi et Affirmation de Soi

      Fanget propose une pyramide de la confiance en soi, divisée en trois concepts interdépendants :

      • Affirmation de soi : Située au sommet de la pyramide, elle représente "comment je me comporte avec les autres". Il s'agit de prendre sa place sans écraser autrui, trouvant un équilibre entre soi et les autres, ni "paillasson" ni "hérisson".
      • Confiance en soi : Il s'agit d'un "sentiment de compétence", basé sur ce que l'on se sent capable de faire.

      C'est une notion contextuelle, on peut être confiant dans un domaine (ex: travail) et moins dans un autre (ex: relations sociales). La confiance en soi implique une "juste appréciation de nos forces et de nos faiblesses".

      • Estime de soi : C'est une "opinion globale que nous avons nous-mêmes et notre valeur", "l'image globale de ce que j'ai de moi".

      Fanget suggère de remplacer progressivement ce concept par celui d'acceptation de soi, car une bonne estime de soi ne doit être "ni trop haute... ni trop basse".

      Elle doit également être stable, avec des fluctuations acceptables en fonction des événements de vie, mais sans les extrêmes observés dans des pathologies comme le trouble bipolaire.

      • Fanget identifie trois formes d'estime de soi, souvent déséquilibrées chez ses patients : * Liée à la performance : "Je m'aime lorsque je suis performant".

      Le risque est l'addiction à la performance et l'effondrement en cas d'échec. * Liée à l'approbation des autres : "Je m'aime si les autres m'aiment".

      Le risque est l'addiction au besoin d'être aimé. * Inconditionnelle : "Je me respecte sans conditions", avec une valeur unique, ni meilleur ni moins bon que les autres, mais avec des points forts et des points faibles.

      C'est la forme d'estime de soi la plus saine, et elle est liée au concept d'acceptation de soi.

      2. Causes du Manque de Confiance en Soi : Un Modèle Bio-Psycho-Social

      Frédéric Fanget utilise un modèle à trois dimensions pour expliquer les causes du manque de confiance en soi :

      • Facteurs biologiques (Neurosciences) : Les études génétiques, notamment sur des jumeaux, suggèrent qu'"un tiers de facteur génétique et deux tiers de facteurs environnementaux" influencent le manque de confiance en soi.

      La métacognition – la capacité à évaluer sa propre fiabilité – est étroitement liée à la confiance en soi.

      Des études d'imagerie cérébrale ont montré que les personnes ayant une meilleure métacognition possèdent plus de matière grise dans le cortex préfrontal antérieur, indiquant une base neurologique à cette capacité.

      • Facteurs psychologiques : Fanget décrit sept "préjugés capitaux" qui minent la confiance en soi et qui se manifestent souvent en "cercles vicieux" entre comportements, émotions et cognitions (pensées) :

      • "Je ne suis pas capable de"

      • "J'ai besoin qu'on m'aime" (besoin d'approbation)
      • "Je me trouve nul"
      • "Je dois faire toujours mieux" (perfectionnisme)
      • "Je n'arrive pas à me décider" (indécision)
      • "Je dois toujours me faire des soucis"
      • "Je dois me méfier des autres" (souvent lié à un traumatisme)

      • Ces préjugés entraînent des boucles de pensées négatives qui renforcent le schéma initial, par exemple, le perfectionnisme qui, à la longue, fait baisser l'estime de soi.

      • Facteurs sociaux : L'environnement social (vie professionnelle, amicale, etc.) joue un rôle crucial.

      Fanget souligne l'importance de prendre en compte le contexte social dans l'évaluation et le traitement des problèmes de confiance en soi.

      3. Thérapie de la Confiance en Soi : Comprendre, Agir, Accepter

      La psychothérapie, selon Fanget, ne vise pas seulement à résoudre les problèmes, mais surtout à "aider ceux qui se comprennent mieux eux-mêmes". Elle se déroule en deux phases :

      • Phase de compréhension : Il s'agit d'aider le patient à cerner ses problèmes ("tout ce qui va pas"), mais aussi et surtout à "lui montrer qu'il a un potentiel, qu'il peut faire plein de choses, qu'il a plein de ressources en lui".

      Le thérapeute doit aider le patient à découvrir ses compétences souvent inaperçues.

      • Phase d'action et de solution : Cela implique de "changer mes comportements, changer mes cognitions, changer mes émotions", mais aussi, et c'est un point essentiel, "de s'accepter".

      Certaines choses ne peuvent pas être changées, et l'acceptation de l'inconfort ou des différences est fondamentale pour éviter le "syndrome du perfectionnisme thérapeutique".

      La thérapie de la confiance en soi se décline en trois piliers :

      • Savoir s'affirmer : Améliorer la relation avec les autres en adoptant un comportement affirmé, équilibré, respectueux, sans être passif, agressif ou manipulateur. Fanget présente la méthode "DES" (Décrire la situation,

      Exprimer ses émotions, Suggérer une solution positive et ses conséquences positives) comme un moyen de "critiquer calmement et constructivement".

      Ce comportement affirmé est "libérateur" et "protecteur" face aux agressions et aux demandes excessives (comme celles menant au burn-out).

      L'affirmation de soi passe aussi par le travail sur la "voix intérieure" ou "voix critique intérieure" (VCI), souvent héritée du passé (voix parentale).

      Il s'agit de "répondre à notre voix intérieure issue du passé" pour modifier les pensées automatiques qui inhibent l'affirmation.

      Apprendre la "bienveillance envers soi-même", en se parlant comme on parlerait à "notre meilleure amie", est une technique clé.

      • Savoir agir : L'action est l'ennemi de la procrastination et un pilier de la confiance en soi. Il faut "s'engager dans l'action mais en acceptant l'échec, l'erreur ou le résultat imparfait".

      La méthode de l'action se déroule en trois temps :

      • Avant l'action : Se préparer, prendre des décisions, "braver l'appel de l'échec".
      • Pendant l'action : Être conscient des exigences trop élevées, ne pas hésiter à demander de l'aide.

      • Après l'action : S'encourager soi-même, se renforcer sur l'effort (être content d'avoir essayé), sur l'émotion positive (fierté), et sur le courage.

      • Savoir se connaître, s'accepter, se respecter : Cela implique de travailler sur l'estime de soi et l'acceptation de soi. Les thérapies cognitives aident à distinguer les auto-jugements négatifs des faits.

      La thérapie des schémas permet de comprendre et de modifier les schémas infantiles.

      L'ACT (Acceptation and Commitment Therapy) est un mouvement thérapeutique majeur qui vise à "mieux s'accepter" et à vivre en accord avec ses valeurs, même en présence d'anxiété.

      En conclusion, Frédéric Fanget insiste sur l'importance d'une vision objective du patient, en identifiant non seulement ses difficultés, mais aussi et surtout son "potentiel".

      La thérapie de la confiance en soi est un chemin vers une meilleure compréhension de soi, l'action courageuse et l'acceptation de qui l'on est, dans ses forces et ses faiblesses.

    1. Document de Synthèse : Sociologie de la Défiance et de l'Adhésion aux Croyances dans le Domaine Scientifique

      Ce document explore la sociologie de la défiance et de l'adhésion aux croyances scientifiques, en se concentrant sur l'affaire Wakefield et ses répercussions sur la confiance vaccinale.

      L'analyse met en lumière le rôle des médias, les normes scientifiques, le contexte social et la diffusion des informations sur internet.

      1. Cadre Sociologique et Point de Vue de l'Auteure

      • Romy Sauvayre, l'auteure, se positionne dans une approche sociologique qui étudie "les raisons pour lesquelles les acteurs sociaux vont faire ce qu'ils font, croire ce qu'ils croient".

      Elle ne cherche pas à déterminer ce qui est "vrai" ou "faux" en soi, mais plutôt ce que les scientifiques considèrent comme tel à un moment donné, reconnaissant que cette perception peut évoluer.

      Son analyse se concentre sur "la relation entre empirique et perception qu'on a de recherche scientifique". * 2. L'Affaire Wakefield : Une Chronologie et ses Effets

      L'affaire Wakefield est un cas d'étude central pour comprendre la défiance vaccinale.

      • Origine (1998) : Le Dr. Andrew Wakefield, gastro-entérologue, publie un article dans la revue The Lancet suggérant un lien entre le vaccin ROR (rougeole, oreillons, rubéole) et l'inflammation intestinale, et potentiellement l'autisme. Il est important de noter que l'article était publié sous l'étiquette "article de prévention", indiquant qu'il s'agissait d'une recherche préliminaire et non d'une preuve définitive. Les co-auteurs eux-mêmes n'ont pas établi de lien direct entre l'autisme et les vaccins, seulement entre le vaccin et la maladie intestinale.
      • Contexte Préexistant à la Publication :
      • Crise de la Vache Folle (ESB) : De 1985 à 2000, la crise de la vache folle a fortement érodé la confiance du public britannique envers les scientifiques et le gouvernement. "La science elle dit soyez sûrs c'est un cas de déviation britannique qui est appelé chance dans la science". Cela a créé un terrain fertile pour la méfiance envers les déclarations scientifiques officielles.
      • Retrait de Vaccins ROR (1992) : Deux vaccins ROR avaient déjà été retirés du marché six ans plus tôt en raison d'effets secondaires, renforçant les craintes préexistantes.
      • Rôle des Médias (1998-2004) :
      • Soutien Initiale : Les médias britanniques, en particulier le Sunday Times et le Panorama de la BBC (émission "MMR: What The Doctors Won't Tell You" en 2002), ont "promptement soutenu la thèse de Wakefield". Ils ont accordé une grande visibilité à Wakefield, en partie parce qu'il était un expert reconnu et avait un statut académique important (76 publications, senior researcher).
      • Biais de Diffusion : Les journalistes ont "davantage diffusé la thème de Wakefield que toute autre thèse", en privilégiant les études qui abondaient dans son sens et en "ne médiatisant pas" les études remettant en cause son hypothèse. Le pic de médiatisation a eu lieu en 2002, suite au documentaire de la BBC.
      • Conséquence Directe : Cette médiatisation a eu un "impact énorme sur la vaccination des génies". On observe une "chute conséquente du taux de vaccination" après la publication de l'article de Wakefield en février 1998, et pendant toute la période de médiatisation. Le taux de vaccination ROR est passé de 92% à 83% dans certaines régions du Royaume-Uni.

      3. Point de Vue des Scientifiques et Contestations

      Bien que les médias aient initialement soutenu Wakefield, la communauté scientifique n'était "pas unanime" et des contestations ont rapidement émergé.

      • Critiques Méthodologiques (Dès 1998) :
      • Taille de l'Échantillon : L'étude de Wakefield portait sur seulement 12 enfants, un nombre jugé insuffisant pour tirer des conclusions générales. "12 c'est quand même pas bon".
      • Manque de Groupe Témoin et de Double Aveugle : La méthodologie ne comprenait pas de groupe de contrôle ni de protocole en double aveugle, des normes aujourd'hui "très valorisée" en recherche médicale.
      • Biais de Sélection et Conflits d'Intérêts : Le recrutement des enfants s'est fait via un "réseau d'association de personnes plaignantes qui pensaient que le vaccin contre la rougeole posait l'autisme", suggérant un biais de sélection. Il a été révélé plus tard que Wakefield avait des "conflits d'intérêt" et des "fins pour pouvoir apporter des preuves en faveur de son hypothèse".
      • Données Partielles et Antécédents : Les données rapportées étaient partielles, et les travaux précédents de Wakefield, bien que reçus, contenaient déjà des "problèmes méthodologiques" qui rendaient difficile la détection d'un virus dans l'intestin.
      • Réponse des Institutions Scientifiques :
      • Académie des Sciences : L'Académie des Sciences a initialement déclaré ne pas avoir "les moyens de falsifier l'hypothèse de Wakefield", ce qui, selon l'auteure, n'aurait pas dû être interprété comme une validation. En sciences médicales, on ne se prononce qu'avec des preuves suffisantes.
      • Institute of Medicine (2004) : En 2004, l'Institute of Medicine a publié un rapport concluant qu'il n'y avait "pas de danger à inoculer le vaccin ROR", marquant un tournant.

      4. Le Rôle de l'Investigation Journalistique et la Rétractation

      Le changement de perception médiatique est dû à une enquête journalistique approfondie.

      • Enquête du Sunday Times (2004) : Brian Deer, un journaliste d'investigation du Sunday Times, a mené une enquête minutieuse, rencontrant tous les acteurs et consultant les dossiers d'éthique. Il a "constaté qu'il y a des examens invasifs sur les enfants" (colonoscopies, fonctions d'anglais) qui n'étaient "pas possibles" ou "inacceptables" d'un point de vue éthique. Cette révélation a alerté le conseil de l'ordre.
      • Arrêt du Soutien Médiatique : Suite à ces révélations, "les médias arrêtent de soutenir" Wakefield.
      • Radiation de Wakefield (2010) : Le Conseil Général Médical (General Medical Council) a mené une longue enquête (2004-2010), culminant par le "retrait le droit d'exercer" à Wakefield en 2010. L'article original a été "retiré en 2010" par The Lancet. Les motifs incluaient des "conflits d'intérêt" et la réalisation d'"examens organisés pour les fonds et sur le peuple sans collectivité".

      5. L'Ère d'Internet et la Persistance de la Défiance

      Malgré la radiation de Wakefield et le retrait de son article, la défiance vaccinale a persisté, amplifiée par les plateformes numériques.

      • Diffusion de Théories Conspirationnistes : Wakefield a "publié un qui s'appelle conspirationnisme" après sa radiation. Il a affirmé que ses découvertes étaient si importantes que l'industrie pharmaceutique tentait de le "faire taire". "Bref il était donc sur le groupe d'une machination pour le feu terre".
      • Documentaire "Vaxxed" (2016) : En 2016, Wakefield a publié un documentaire "Vaxxed" sur les réseaux sociaux, qui "tient pour consiste le conspirationnisme de santé CDC", affirmant que le CDC (Centers for Disease Control and Prevention) aurait "caché des dans son et il continue à diffuser ça".
      • Rôle des Réseaux Sociaux : Les réseaux sociaux ont permis une "division très massive de ces antivaccinisme". La défiance vaccinale a été "d'abord puis sur les différentes réseaux sociaux". L'auteure souligne que le manque de validation scientifique ne freine pas la diffusion : "On est tous des cobages, c'est un maxin expérimental voilà ce qui se sur les réseaux sociaux".
      • Influence sur la Perception : La persistance de l'antivaccinisme est également liée à des mécanismes psychologiques : "si quelqu'un est gentil avec vous curieusement vous lui faites" confiance. La diffusion de ces idées est alimentée par des "personnes" qui "disent des choses comme ça affirmative", tandis que les scientifiques, dans leur rôle, "doivent toujours parler avec précaution" car les preuves sont "toujours sous une" incertitude jusqu'à confirmation par de multiples études.
      • Conséquences Durables : Malgré les efforts pour rétablir la confiance, "la défiance qu'il n'y avait à monde se sur les réseaux sociaux se retrouve avec une plus grande population de défis qui n'ont pas". En France, une partie de la population (environ 35%) "continue à marquer vacc".

      6. Leçons Apprises et Précautions

      Nécessité de la Précaution Scientifique : "Il est nécessaire d'être près que pressionner avec des études". La science exige une multiplicité de preuves et des méta-analyses pour valider les conclusions. Critique des Sources : L'auteure conseille de se méfier des informations sur les réseaux sociaux et de privilégier les sources fiables comme Google Scholar pour les questions médicales, qui "font des analyses sur plein de sujets libres" et permettent d'"assurer d'avoir une information juste".

      Responsabilité des Journalistes : Les journalistes ont une "part de responsabilité" dans la diffusion d'études minoritaires et contestées. Ils devraient "diffuser davantage l'information que la précaution" quand ils se basent sur un consensus scientifique majoritaire.

      En conclusion, l'affaire Wakefield illustre la complexité de la diffusion des croyances scientifiques, l'impact majeur du contexte socio-historique, le rôle ambivalent des médias (initialement facilitateurs de la désinformation, puis correcteurs par l'investigation), et la capacité d'internet à perpétuer et amplifier la défiance, même face à un consensus scientifique établi.

    1. ote de synthèse : L'affectivité, les émotions et les relations à l'école selon Gaëlle Espinosa

      Cette présentation de Gaëlle Espinosa, professeure en sciences de l'éducation à l'Université de Lorraine, s'inscrit dans le cycle de conférences Filgout.

      Elle explore l'importance de l'affectivité, des émotions et des relations à l'école, tant entre enseignants et élèves qu'entre pairs.

      S'appuyant sur 25 ans de recherche, elle met en lumière les enjeux et les liens entre ces concepts et le bien-être et la réussite des élèves.

      I. Parcours et objets de recherche de Gaëlle Espinosa

      Gaëlle Espinosa est chercheuse au Lisec (Laboratoire Interuniversitaire des Sciences de l'Éducation et de la Communication) depuis 2005 et collaboratrice internationale du réseau québécois Réverbire (réseau de recherche et de valorisation de la recherche sur le bien-être et la réussite).

      Elle participe également à l'Observatoire du Bien-être à l'École.

      Ses travaux, menés depuis 25 ans, se concentrent sur l'expérience scolaire de l'élève, son rapport à l'école, au savoir et à l'enseignant, en interrogeant ce qu'il ressent et les émotions vécues.

      Elle ne s'intéresse pas prioritairement aux notes et au cognitif, mais plutôt à "ce que l'expérience scolaire fait émotionnellement affectivement à l'enfant".

      Progressivement, elle a intégré les concepts de bien-être et de réussite dans ses recherches, ainsi que les compétences psychosociales (CPS), choix de l'Éducation nationale pour aborder l'affectivité et les émotions.

      II. Premiers travaux et constatations (Ouvrage de 2003)

      Son premier ouvrage, issu de son doctorat (2001), s'intitule "Rapport au savoir, rapport au maître et affectivité : contribution à une analyse du chemin scolaire de l'élève".

      Il a été particulièrement bien accueilli au Québec, influençant le ministère de l'Éducation québécois.

      L'étude, menée auprès de 32 élèves de CE2 et de Seconde, en difficulté ou en réussite scolaire, a mis en évidence des résultats importants concernant la relation enseignant-élève :

      • L'enseignant, figure clé : Tous les élèves interrogés accordent une place importante à l'enseignant dans leurs apprentissages, le considérant comme un "personnage clé de leur expérience scolaire".

      Différences entre élèves en réussite et en difficulté :

      • Élèves en réussite : Attendent un "échange professionnel", c'est-à-dire un apport de contenu pour l'obtention du baccalauréat ou l'orientation.

      • Élèves en difficulté : Outre l'exigence professionnelle, ils ont une "exigence plus humaine" dans la relation. Ils souhaitent que l'enseignant les reconnaisse en tant qu'individus et se préoccupe d'eux au-delà de leurs difficultés scolaires.

      • Centralité de l'enseignant pour les élèves en difficulté : Ce sont "plutôt les élèves en difficulté scolaire, tout compte fait, qui avaient accordé une place centrale à l'enseignant dans leur expérience scolaire et dans leur scolarité".

      • Les plus jeunes (CE2) ont tendance à "confondre leur année (...) avec l'enseignant".

      • Les plus âgés (Seconde) pensent que "carrément sans tel ou tel enseignant, on ne pouvait pas réussir".

      • L'affectivité, pas seulement pour les plus petits : Les élèves en difficulté, notamment les plus âgés, sont "en forte demande affective humaine à l'égard des enseignants".

      Les recherches futures, notamment au Québec, ont confirmé que même les adultes en formation sont "en demande affective, en demande de relation humaine avec les enseignants pour réussir par exemple ou pour persévérer".

      III. Évolution des recherches et ouvrage à paraître (2025)

      Après avoir exploré d'autres objets de recherche (liaison CM2-6ème, activités périscolaires), Gaëlle Espinosa est revenue à ses "premiers amours de recherche", constatant que l'affectivité et les émotions étaient toujours au cœur de l'expérience scolaire.

      Son prochain ouvrage, issu de son Habilitation à Diriger des Recherches (2021), s'intitule "De l'affectivité et des émotions de l'élève dans son expérience scolaire : perspective de développement global de l'enfant pour son bien-être et sa réussite".

      L'objectif est de "rendre explicite des liens implicites qui existent" entre les différents concepts et de montrer qu'à l'international, la littérature existe sur l'intérêt de combiner les aspects affectifs et cognitifs pour le développement global de l'enfant.

      Le livre, structuré en quatre chapitres, définit les notions de bien-être, d'affectivité, d'émotions, de satisfaction et leurs liens. Il aborde plus particulièrement les émotions, l'affectivité, et les relations de l'élève à l'école.

      IV. Idées fondamentales du nouvel ouvrage

      Gaëlle Espinosa propose de "considérer que l'affectivité, les émotions sont des éléments d'importance équivalente à la cognition dans l'école".

      Elle estime qu'en France, "on a un petit peu de mal (...) à considérer que les éléments affectifs et émotionnels devraient être pris en compte travailler autant que les aspects cognitifs et intellectuels à l'école." Mettre à égalité ces sphères permettrait d'aller vers le bien-être et la réussite de l'enfant.

      Elle explicite plusieurs liens cruciaux :

      • Affectivité, émotions et bien-être : Les émotions sont une composante de l'affectivité, et les affects positifs et négatifs sont deux des trois composantes du bien-être subjectif (avec la satisfaction à l'égard de la vie).

      Une personne satisfaite de la vie ressentira fréquemment des émotions positives et rarement des émotions négatives.

      • Bien-être et relations positives : Le bien-être eudémonique, notamment le bien-être psychologique, comprend des composantes liées aux "relations positives avec les autres". Ces relations de qualité renvoient à l'aspect humain et affectif.

      V. Relations de qualité à l'école : enseignants-élèves et entre pairs

      La littérature scientifique, depuis la fin des années 90, démontre qu'une "relation enseignant-élève positive ou en tout cas une relation affective" est bénéfique à la fois pour l'individu dans et hors de l'établissement scolaire.

      Bénéfices internes : persévérance, réussite, comportements scolaires adaptés. Bénéfices externes : baisse de la dépression, de l'anxiété, de la délinquance.

      La dimension affective de la relation enseignant-élève inclut la "confiance, l'intimité, la proximité, la communication, le partage, l'affect positif", le "soutien émotionnel, la chaleur émotionnelle, l'acceptation".

      • Les relations entre enfants de qualité ou positives impliquent également la "confiance, l'intimité, se partager des secrets", le "soutien émotionnel", la "chaleur émotionnelle, l'acceptation", ainsi que "l'amitié, les liens électifs".

      Ces liens "sont importants à l'école et tout compte fait, je me dis que pour développer des relations de qualité (...) ce qui est aussi intéressant, c'est de développer des relations qui pourraient être qualifiées avec tous ces qualificatifs."

      VI. Complémentarité des recherches : psychologie et sociologie

      • Gaëlle Espinosa souligne la complémentarité des travaux menés en psychologie (facteurs de risque/protection des relations entre enfants à l'école, psychologie de l'amitié) et en sociologie (climat scolaire, harcèlement, violence).

      Ces approches, bien que distinctes, s'enrichissent mutuellement pour comprendre et agir sur le climat scolaire et les relations interindividuelles.

      Le climat scolaire, dimension collective, vise la sécurité et la progression des apprentissages.

      La "finalité commune" de ces travaux est d'avoir "une connaissance assez fine de l'ensemble des dimensions qui existent et sur lesquelles on peut travailler en établissement scolaire pour permettre tout simplement l'installation de un climat scolaire serein ou de relations apaisées à l'école qui serait au bénéfice à la fois des élèves dans leur expérience scolaire mais aussi des enseignants dans leur pratique professionnelle."

      Elle intègre également les notions de bienveillance et d'empathie dans ce cadre.

      La bienveillance, souvent mentionnée dans les textes de loi, est une "posture éthique" dans la relation enseignant-élève, tandis que l'empathie est plus pertinente pour les relations entre enfants.

      VII. Intérêt de travailler les émotions et les relations à l'école

      • Compréhension de soi et des autres : La capacité d'un élève à comprendre "ce qu'il ressent", ses "affectivités, ses émotions", et celles des autres, est "déterminant de sa réussite scolaire" et a des "conséquences plutôt positives sur la qualité de ses comportements sociaux".

      • Disponibilité pour les apprentissages : Comprendre et réguler ses émotions permet de "se rendre plus disponible pour les apprentissages" et d'être "plus apaisé dans ces relations sociales". Comme le résume une citation,

      "Les capacités à exprimer, discriminer, identifier et réguler ses émotions font partie de ce que les chercheurs appellent les compétences émotionnelles. (...)

      Le développement de ces compétences chez l'enfant est un aspect important du développement cognitif qui est relié à de nombreux facteurs tels que les comportements sociaux, les performances, la santé.

      Le développement de ces compétences est donc d'une importance capitale. Il est possible de les entraîner dès le plus jeune âge et (...) tout au long de la vie."

      • Développement socio-émotionnel et bien-être : Apprendre à exprimer ses émotions est un "élément clé de son développement socio-émotionnel pour l'enfant" et de sa santé, favorisant sa réussite et son bien-être scolaire.

      VIII. Pistes pour développer des relations de qualité

      • S'en occuper au quotidien : Les émotions et les relations doivent être une préoccupation quotidienne, tant pour les élèves que pour les professionnels, et non seulement en cas de problème. Cela représente également un élément de protection pour soi-même.

      • Formation des enseignants : Il est crucial d'intégrer la formation sur l'affectivité, les émotions et les relations dans la formation initiale et continue des enseignants. Au Québec, ces notions sont déjà plus ancrées.

      • Construction de la posture enseignante : Permettre à l'enseignant de "construire sa posture qui sera aussi évolutive", être indulgent avec soi-même dans cette construction, apprendre par "tâtonnement, les essais et les erreurs".

      • Réflexion sur la relation enseignant-élève : Qu'est-ce qu'une relation de qualité ? Qu'est-ce qu'un élève attend ? Quelles sont les limites à ne pas dépasser ?

      • Questionner son propre rapport aux élèves : Éviter de "ne plus prendre plaisir à être dans une salle de classe" ou de ne pas "tisser des liens présent avec beaucoup d'envie ou à beaucoup de plaisir avec des élèves".

      • Travailler ses propres compétences psychosociales (CPS) : Elles sont essentielles pour la réflexivité, pour soi et pour les autres, et constituent un "élément de protection".

      IX. Conclusion : Un projet de société éducatif

      Gaëlle Espinosa conclut en proposant un "projet de société éducatif" basé sur trois "clés de voûte" :

      La régulation émotionnelle

      La maturité relationnelle La disponibilité intellectuelle (qui découlerait des deux premières).

      Ces objectifs permettraient à l'élève de devenir autonome et mature relationnellement, de parvenir à son autorégulation émotionnelle, et d'être plus disponible pour les apprentissages, menant ainsi à son bien-être et sa réussite.

      Elle insiste sur le fait qu'un tel projet "demande du temps" et une constance politique, sans "changer de cap", pour que l'affectivité et les émotions soient positionnées** "au même niveau que la cognition".

      X. Précisions terminologiques

      • Affectivité vs Émotions : L'affectivité est un concept plus large, incluant les émotions, les sentiments, les humeurs, la motivation et la confiance en soi.

      Les émotions sont une composante plus précise de l'affectivité.

      • Confiance en soi : Liée aux pratiques, construite par le tâtonnement, les essais et les erreurs, et par l'expérience de la réussite ou des difficultés.

      Elle peut être rapprochée du sentiment d'efficacité personnelle.

      • Justice scolaire : Se réfère à "l'impression de pouvoir être traité comme les autres", à l'équité perçue des sanctions ou des remarques. Une injustice perçue peut générer "de la rancœur, de la colère".

      • Réflexivité : Pas d'échelle connue pour la mesurer, mais elle se construit et évolue, notamment par la formation et l'expérience.

      • La présentation souligne enfin que les études quantitatives tentent d'analyser la contribution de chaque dimension (famille, relation enseignant-élève, etc.) sur le bien-être de l'élève, tout en reconnaissant qu'il n'y a rien d'automatique et que de multiples facteurs interdépendants sont en jeu.

    1. Note de synthèse détaillée : L'Enseignement Explicite pour la Réussite Scolaire et la Gestion de Classe

      Cette note de synthèse s'appuie sur la conférence "Enseignement explicite : des pistes pour gérer les apprentissages et les comportements des élèves" pour présenter les thèmes principaux, les idées clés et les faits importants concernant l'enseignement explicite, en incluant des citations pertinentes.

      1. Introduction : Une double problématique et un enjeu sociétal

      La conférence aborde une double problématique touchant les élèves et les enseignants :

      Pour les élèves : Les difficultés scolaires et comportementales peuvent entraîner des problèmes d'apprentissage et un risque d'abandon scolaire sans qualification.

      Pour les enseignants : La gestion des apprentissages et la gestion de classe sont des défis majeurs, même pour les expérimentés, contribuant à la pénurie d'enseignants.

      Dans ce contexte, "la mise en œuvre de pratiques efficaces ça représente finalement un enjeu sociétal majeur pour favoriser la réussite du plus grand nombre d'élèves mais aussi la rétention des enseignants".

      L'enseignement explicite est présenté comme un cadre pertinent pour adresser ces deux facettes inséparables : la gestion des apprentissages et la gestion des comportements.

      "La gestion des apprentissages et la gestion des comportements représentent les deux phases d'une même pièce".

      2. Qu'est-ce que l'efficacité en éducation ?

      L'efficacité en éducation est définie non pas comme un gros mot, mais comme la capacité à atteindre un objectif. Se basant sur la définition de Bloom, l'efficacité de l'enseignement va au-delà de la simple sélection des talents.

      Pour Bloom, "les sociétés modernes optent pour le développement éducatif d'un plus grand nombre de personnes et toute société qui accorde une telle valeur à l'éducation ou à la scolarité jusqu'à obliger tout individu à consacrer à l'école une partie importante de sa vie elle ne peut se contenter de sélectionner des talents elle doit les développer".

      Un enseignement efficace, selon Bloom, doit :

      • Augmenter la moyenne des élèves de la classe.
      • Réduire la variance (différences de résultats) entre les élèves.
      • Diminuer la corrélation entre les résultats et les caractéristiques initiales (ex: origine sociale), rendant ainsi l'enseignement équitable.

      Pour la gestion de classe, l'efficacité est mesurée différemment : elle vise "à instaurer les conditions propices pour que les apprentissages puissent se réaliser", en augmentant l'attention des élèves et en diminuant les écarts de conduite.

      C'est la conjonction des stratégies d'apprentissage et de gestion de classe qui permet d'améliorer les apprentissages et le cadre d'apprentissage.

      3. Les fondements de l'enseignement explicite : Une approche basée sur la recherche

      L'enseignement explicite n'est pas une théorie isolée, mais le fruit de décennies de recherches :

      • Recherches corrélationnelles : Observation des comportements des enseignants et des résultats des élèves, identifiant des pratiques liées à une meilleure réussite (ex: révisions, démonstration, pratique guidée).

      • Recherches expérimentales : Formation d'un groupe d'enseignants à ces pratiques prometteuses et comparaison avec un groupe contrôle, démontrant un lien de cause à effet.

      • Méta et méga-analyses : Synthèse de nombreuses recherches expérimentales, confirmant "l'efficacité d'un enseignement explicite pour aider les élèves et en particulier ce en difficulté", mais aussi pour les élèves ayant plus de facilité, et ce, à tous les âges.

      L'enseignement explicite est une "importante base de connaissance qui a été minutieusement conçue", s'étendant des années 70-80 jusqu'à nos jours, et aucune recherche n'a fondamentalement remis en cause son efficacité.

      Il repose sur une triple concordance :

      • Efficacité démontrée par les recherches pédagogiques.

      Recherches en psychologie cognitive :

      • Distinction apprentissages naturels/secondaires : Certains apprentissages (lire, calculer, écrire) sont "secondaires" et nécessitent un enseignement formel et explicite, contrairement aux apprentissages naturels (marcher, reconnaître des visages).

      • Charge cognitive : L'enseignement explicite tient compte de la charge cognitive.

      L'effet du problème résolu (Cooper et Swiller, 1987) montre que les élèves étudiant un problème résolu performant mieux et peuvent expliquer leur démarche, contrairement à ceux en résolution de problèmes classique qui peuvent réussir sans comprendre le cheminement.

      • Définition conceptuelle robuste : Les concepts et stratégies sont concrets, opérationnels et réplicables.

      4. Clarifications et définitions de l'enseignement explicite

      Le terme "explicite" signifie "ouvert à la compréhension, pas obscur ni ambigu".

      John Hattie utilise les termes "visible teaching" et "visible learning", soulignant que l'enseignement doit être visible pour les élèves et que leur apprentissage doit être rendu visible pour l'enseignant.

      L'enseignement explicite est "une combinaison de comportements conçus pour promouvoir l'apprentissage des élèves".

      Il est important de ne pas le confondre avec d'autres terminologies :

      • "Instruction directe" (minuscules) : Peut désigner l'enseignement explicite ou d'autres approches, voire tout enseignement mené par le maître.

      • "Direct Instruction" (majuscules ou DI) : Approche très formalisée créée par Engelmann où les enseignants suivent un script, différente de l'enseignement explicite où les enseignants conçoivent leurs leçons.

      Le terme "enseignement explicite" est utilisé depuis 1986 par Rosensteine, formalisant l'approche à partir des recherches.

      Un synonyme apprécié est "Active Teaching", soulignant une approche très active pour l'enseignant et les élèves.

      5. Stratégies de gestion des apprentissages : Les cinq étapes de la leçon explicite

      L'enseignement explicite s'inscrit dans le modèle de réponse à l'intervention (RTI), qui propose des stratégies universelles (palier 1) bénéficiant à 80% des élèves.

      Il met l'accent sur la phase d'interaction et la planification, ainsi que la consolidation (pour contrer la courbe de l'oubli).

      Les cinq étapes fondamentales d'une leçon d'enseignement explicite sont :

      Ouverture de la leçon :

      • But : Capter l'attention, présenter les objectifs et leur utilité, rappeler les connaissances préalables.

      • Stratégies : Signal non verbal, énoncé clair de l'objectif, explication de l'utilité dans la vie quotidienne et future scolarité (ex: inférences en lecture). Vérification fine de la compréhension et rétroactions de qualité. Réenseignement des prérequis si nécessaire.

      Modelage (Je te montre) :

      • But : Montrer et expliquer comment réaliser la tâche, en "mettant un haut-parleur sur sa pensée".

      • Stratégies : Verbaliser le raisonnement (étapes, questions, pièges à éviter). Montrer des exemples et contre-exemples. C'est une étape riche qui développe la métacognition. "Elle est parfois mal comprise et assimilée à tort à une sorte uniquement d'exposé". C'est une étape brève (quelques minutes).

      Pratique guidée (On le fait ensemble) :

      • But : Les élèves réalisent des tâches similaires sous la supervision active de l'enseignant, dialoguent et explicitent leur cheminement.

      • Modalités :Collective : Choisir des élèves au hasard pour refaire la tâche en explicitant.

      • En binômes (enseignement réciproque) : Les élèves s'expliquent mutuellement comment ils ont fait.

      • Stratégies clés :Consignes claires.

      • Vérification de la compréhension (plus pertinente que "avez-vous compris ?" : "si je prenais le temps maintenant de m'arrêter de choisir quelqu'un et lui demander de me reformuler ce qui est une métaanalyse ben là j'aurai beaucoup plus d'informations sur sa compréhension").

      • Désignation aléatoire des élèves : Pour augmenter l'attention et répartir équitablement la parole.

      • Rétroactions de qualité : Fournir des informations sur la production et comment l'améliorer, et former les élèves à l'auto-feedback et au feedback mutuel (métacognition).

      • Aide si besoin : Rappels, listes d'étapes.

      • Test formatif : Avant de passer à la pratique autonome, s'assurer que les élèves ont atteint un seuil de réussite (80%). Les autres restent en pratique guidée ou reçoivent un réenseignement.

      Pratique autonome (Tu le fais seul) :

      • But : Consolider les nouvelles connaissances en mémoire. L'aide de l'enseignant est réduite mais il continue de vérifier la compréhension et de fournir de l'aide.

      • Stratégies : Suffisamment d'exercices variés, incluant des exercices de transfert. Le seuil de réussite visé est de 90 à 95% de réponses correctes.

      Clôture :

      • But : Synthétiser les apprentissages, prendre du recul, poursuivre la pratique et introduire la prochaine leçon en explicitant les liens.

      • Stratégies : Questions métacognitives ("Qu'a-t-on appris aujourd'hui ?", "À quoi ça sert ?"), rétroactions riches, introduction de l'objectif de la prochaine leçon.

      • Différenciation : Ces étapes ne sont pas linéaires mais itératives. L'enseignant peut revenir à une étape précédente si nécessaire (ex: refaire un modelage ou une pratique guidée pour des élèves en difficulté).

      Cela permet une différenciation basée sur l'observation objective des besoins des élèves, rendant l'approche "beaucoup plus réaliste que l'idée de se dire qu'on va différencier de manière un peu finalement même à l'aveugle".

      6. Stratégies de gestion des comportements : Mieux vaut prévenir que guérir

      Le principe fondamental est que "mieux vaut prévenir que guérir".

      Les enseignants efficaces mettent en œuvre environ 80% d'interventions préventives et seulement 20% d'interventions réactives.

      La punition n'est pas la seule option corrective, et d'autres stratégies sont à privilégier.

      Les gestes professionnels fondamentaux incluent :

      Relations positives :

      • Stratégies concrètes : S'intéresser aux élèves, discuter avec eux, les accueillir. "Le positif finalement attire le positif".

      • Attentes élevées : Croire au potentiel de tous les élèves, sans se fier aux préjugés.

      • Outil "Efforts et stratégies" : La réussite dépend des efforts des élèves et des stratégies fournies par l'enseignant. "Je bannis de mon vocabulaire les mots faciles et difficiles".

      • Environnement sécurisant et enseignement explicite des comportements :

      • Justification : L'éducation aux comportements est aussi le rôle de l'école, car tous les élèves n'ont pas appris ces codes à la maison.

      Cela fait gagner du temps à long terme en réduisant les problèmes. "Si un élève ne sait pas lire, on va lui apprendre à lire... mais s'il ne sait pas se comporter, est-ce qu'on va lui apprendre ou est-ce qu'on va le punir ?".

      • Matrice comportementale : Choisir 3 valeurs (ex: respect, responsabilité, solidarité) et identifier les comportements positifs attendus dans les différentes activités/lieux (formuler en "je" et de manière positive).

      • Enseigner les comportements : Appliquer les cinq étapes de l'enseignement explicite pour les comportements, en contexte réel (ex: dans le couloir, dans le bus).

      • Ouverture : Présenter la valeur et la règle, son importance.

      • Modelage : Montrer le comportement attendu (ex: marcher calmement, donner une rétroaction). Inclure des contre-exemples humoristiques.
      • Pratique guidée : Les élèves pratiquent les comportements attendus devant l'enseignant, qui donne des rétroactions sur leur comportement par rapport aux valeurs.
      • Pratique autonome : Non explicitée mais implicite dans la consolidation.
      • Clôture : Non explicitée.

      Encadrement et supervision des élèves :

      • Stratégies : Superviser constamment du regard, "marcher la classe de manière imprévisible" pour augmenter la prévention des écarts de conduite.

      Renforcement positif :

      • Importance : Dire aux élèves que leur comportement est bon est essentiel pour le maintenir. Le renforcement verbal est prioritaire, mais des renforcements tangibles (étiquettes, jetons échangeables contre des privilèges) sont aussi efficaces.
      • Principe : "On ne retire jamais de points on s'en sert uniquement pour dire aux élèves ce qui est bien". Les écarts de conduite sont gérés par un autre système.
      • Organisation de la classe :
      • Stratégies : Disposer le mobilier pour une visibilité et une circulation aisées, préparer le matériel à l'avance. "Au plus ma classe est organisée au moins aussi il va y avoir de de place pour des écarts de conduite".

      • Enseignement efficace (en tant que stratégie préventive) :

      • Les cinq étapes de l'enseignement explicite, lorsqu'appliquées aux matières académiques, "augmentent l'attention des élèves parce que c'est une approche qui les sollicite constamment".

      Cela contribue directement à une meilleure gestion de classe.

      7. Gestion des écarts de conduite : Interventions correctives

      Les interventions correctives sont hiérarchisées et visent à être les plus discrètes et à moindre coût.

      Une distinction est faite entre :

      • Écart de conduite mineur : Ne perturbe pas l'enseignement ni l'apprentissage des autres (ex: bavardage léger).

      • Écart majeur : Nécessite une intervention plus forte, potentiellement le retrait temporaire de l'élève (ex: bagarre).

      Stratégies pour les écarts mineurs (du plus discret au plus direct) :

      • Proximité physique.

      • Contact physique (ex: main sur le bureau).

      • Signal sonore (ex: raclement de gorge).

      • Ignorer momentanément et féliciter un autre élève ayant un bon comportement ("quatre interventions positives si possible pour une négative").

      • Rediriger : Rappeler brièvement le comportement attendu.

      • Réenseigner le comportement (avec les 5 étapes).

      • Offrir un choix (ex: écouter ou conséquence).

      • Conséquences formatives : Réparer (ex: nettoyer ce qui a été sali, s'excuser).

      • Isolement avec activité réflexive : Demander à l'élève d'observer et de décrire les bons comportements de ses pairs.

      • Rencontre en face-à-face hors du cours pour comprendre les raisons du comportement.

      • La punition (ex: recopier un texte) est une option si aucune stratégie constructive n'est trouvée, mais elle "n'apprend nullement le comportement qui est attendu de lui". L'objectif est d'apprendre à l'élève le comportement attendu.

      Gestion des écarts majeurs : Dépend fortement de la politique d'école (plan d'intervention, schéma de procédure) car l'enseignant seul est limité.

      Un exemple d'étude récente sur le soutien au comportement positif (PBIS) montre une diminution significative des écarts de conduite majeurs dans les écoles appliquant ce système sur plusieurs années.

      8. Conclusion

      L'enseignement explicite est une "approche pédagogique concrète qui favorise la réussite des élèves et la mise en place d'un climat propice aux apprentissages".

      C'est une série de stratégies concrètes pour la gestion des apprentissages et des comportements, pour lesquelles il est possible de se former.

    1. Compte-rendu : L'Évolution du Rôle des Directions d'Établissement et la Formation au Pilotage

      Ce document de synthèse est basé sur l'épisode 54 des "Cafés de l'INAS", qui poursuit la réflexion amorcée lors de la journée d'étude marquant les 10 ans du "Pacte pour un enseignement d'excellence".

      Il met en lumière les discussions avec des acteurs impliqués dans la formation des directions d'école en Belgique francophone, notamment Christine Joris (référente de la cellule d'appui pédagogique au CECP) et Jean Castin (chercheur, formateur, accompagnateur à l'Université de Mons et l'INAS).

      1. Contexte et Objectifs

      L'émission s'inscrit dans un contexte de profonde transformation du paysage éducatif belge francophone, où les politiques de pilotage redéfinissent le rôle des directions d'établissement.

      L'objectif est de comprendre les liens entre les directions d'école et de recueillir leurs perceptions sur un métier devenu "plus exigeant et plus complexe".

      2. Types de Formation des Directions d'École

      Les formations se déclinent en deux grands types :

      • Formation initiale des directeurs : Composée de trois volets, elle inclut des modules pédagogiques, relationnels et un module d'intégration/accompagnement à l'entrée en fonction. Jean Castin est particulièrement investi dans ces modules à l'Université de Mons.

      • Formation continue : Destinée aux directeurs en cours de carrière.

      Christine Joris est concernée par le volet réseau et l'axe pédagogique de la formation initiale.

      3. L'Intégration du Pilotage dans les Formations

      Depuis 2018, la formation pédagogique a été profondément revue pour axer les modules sur le modèle du pilotage.

      • Approche interactive et contextualisée : Les modules partent d'"analyse de cas", d'"analyse de données" et sont "très interactifs", rompant avec la "formation descendante".

      L'objectif est de "donner du sens à toute cette réforme" en liant les actions pédagogiques au plan de pilotage de l'établissement.

      • Développement de la capacité d'analyse et de la réflexion systémique : Un axe majeur est d'apprendre aux directions à "s'arrêter, à regarder la situation, à l'évaluer, à essayer de comprendre ce qui se passe avant de poser des axes". Il s'agit de les aider à "aller au-delà de ce qui de ce qu'on voit en premier lieu".

      • Positionnement et leadership : Les formations travaillent sur la manière dont le directeur "se positionne dans le système", notamment à travers l'exercice de son leadership.

      L'objectif est de le rendre capable de "mobiliser son équipe et faire en sorte que ben il ne soit pas le seul acteur de l'école mais que son équipe soit partie prenante du travail".

      4. L'Évolution vers un Leadership Partagé et Distribué

      Le leadership partagé est une "demande institutionnelle" et une nécessité sur le terrain.

      Injonction institutionnelle et adaptation : Il est attendu des directeurs qu'ils exercent un "leadership partagé distribué".

      Les formations les aident à "réfléchir à la manière dont ils exercent naturellement leur leadership et aussi de pouvoir on va dire adapter leur leadership aux situations qu'ils rencontrent".

      Nécessité pragmatique : Christine Joris souligne que "le directeur ne peut plus être à la barre de tout au niveau de du pilotage de son école et donc forcément effectivement il distribue enfin ce leadership partagé se met en place et se distribue".

      Cette évolution a donné du sens à la demande institutionnelle pour les directeurs.

      5. Surprises et Évolutions dans l'Approche des Directeurs

      Au fil des dix dernières années, l'approche des directeurs a évolué positivement.

      Passage de la conformité au besoin : Initialement, la demande institutionnelle était très présente et les directeurs cherchaient à être conformes.

      Aujourd'hui, on observe un passage à une motivation intrinsèque : "maintenant on est plus dans une on y va parce qu'on en a besoin".

      Prise de sens et confortement : Jean Castin note que "beaucoup de directions maintenant mettent beaucoup plus de sens dans ce qu'ils font" et ont compris que le travail demandé "pouvait les aider les servir et pouvait cadrer la manière dont ils pilotaient leur école avec leurs équipes".

      L'idée d'un "sens plus construit et partagé avec les autres de leur équipe" conforte les choix institutionnels.

      6. Besoins Particuliers des Directions en Formation La formation actuelle est jugée insuffisante pour couvrir tous les besoins des directeurs.

      • Accompagnement au transfert et temps : Il existe un besoin d'accompagnement pour "faire ce transfert" entre la formation et la réalité du terrain, et un besoin de "temps pour installer les choses" car les transformations ne se font pas du jour au lendemain.

      • Difficultés relationnelles et communication : Un besoin majeur identifié par Jean Castin concerne les "difficultés relationnelles" (parents, élèves, équipe, extérieur) auxquelles les directeurs sont confrontés sans prévenir.

      D'où un besoin de "continuer à se former au niveau du développement de leurs compétences relationnelles" et de la "communication" pour "pacifier les choses à certains moments". Ce besoin est généralisé à toutes les directions.

      • Temps réflexif et analyse de pratique : Les directeurs apprécient énormément les "temps de s'asseoir, un temps d'arrêt de réfléchir à leur pratique, d'avoir ce temps réflexif sur leur manière d'agir". Ce temps d'analyse de pratique est considéré comme manquant dans le système.

      • Codéveloppement et communautés de pratique : Les ateliers de codéveloppement, où les directions se réunissent et choisissent leur thématique, rencontrent un grand succès. Ils répondent au besoin d'être "un peu moins isolés", constituant des "communautés de pratique professionnelle".

      7. Frustrations et Défis des Directions

      Le principal défi est le manque de temps et la surcharge de travail, qui entravent le pilotage réel.

      • Surcharge et "lasagne des injonctions institutionnelles" : Les directeurs se disent "noyés" par les "injonctions institutionnelles" et les "interactions" quotidiennes. Jean Castin parle de "lasagne des injonctions institutionnelles".

      • Gestion à court terme vs. pilotage : Cette surcharge conduit les directeurs à ne faire que "ce qu'on leur demande de faire, de la gestion à très court terme", ce qui n'est pas du pilotage. Il y a "très peu de vue à moyen terme, à long terme, de régulation, d'une mise en projet".

      • Impossibilité de piloter : Pour Jean Castin et ses collègues chercheurs, les directions sont "dans l'impossibilité de piloter" compte tenu du contexte et de la situation actuelle.

      Christine Joris confirme qu'ils sont "tout le temps dans la réponse, dans l'action-réponse" et n'ont plus "ce temps de recul pour pouvoir se poser" et avoir des "temps de réflexion, des temps d'analyse".

      8. Évolutions Positives et Tendances Encourageantes

      Malgré les défis, des évolutions positives sont observées chez les directions.

      • Volonté et motivation : Les directeurs sont jugés "très volontaires et très motivés" en formation initiale, avec une "prise de conscience de toute l'étendue" de leur nouveau métier et une "vraie volonté de bien faire les choses".

      • Nécessité du pilotage : Il y a une prise de conscience accrue de la "nécessité de piloter l'établissement", d'avoir "réellement un pilote dans l'avion de l'école". Par le passé, les directeurs étaient plus "purement dans l'organisationnel".

      • Développement de la réflexion pédagogique : Jean Castin observe avec satisfaction que les directeurs "développent une réflexion pédagogique".

      Ils "remettent l'enfant au cœur de leur réflexion et ils emmènent leur équipe à réfléchir à remettre en question leur pédagogie, à évoluer".

      Cette évolution, bien qu'ils ne puissent abandonner totalement l'obsession organisationnelle, est un point positif majeur.

      • En conclusion, si le métier de direction d'école est devenu plus exigeant et complexe, notamment en raison de la surcharge de travail et des injonctions, les formations ont permis une meilleure appropriation du concept de pilotage et une évolution positive des directeurs vers un leadership partagé et une réflexion davantage axée sur le pédagogique.

      Cependant, des besoins importants subsistent, notamment en matière d'accompagnement, de gestion relationnelle et de temps dédié à la réflexion et au pilotage stratégique.

    1. Compte Rendu Détaillé : Les Niveaux d'Explication et les Levers de Changement Comportemental face à la Crise Climatique (d'après le neuroscientifique Moukheiber à l'Académie du Climat)

      • Ce document de briefing synthétise les points clés et les arguments principaux développés par le neuroscientifique Moukheiber lors de son intervention à l'Académie du Climat, en se concentrant sur les niveaux d'explication des phénomènes et les stratégies efficaces pour induire un changement comportemental, notamment en lien avec la transition écologique.

      1. La Faillite du Niveau d'Explication Cérébral et Individualiste pour les Problèmes Sociétaux

      Moukheiber insiste sur la nécessité de choisir le "bon niveau explicatif" pour comprendre un phénomène.

      Il utilise l'analogie d'un accident de voiture : chercher la cause au niveau atomique de la carrosserie est absurde si la cause réelle est le verglas ou l'alcoolémie du conducteur.

      De même, réduire des comportements complexes, comme ceux liés à la transition écologique, au seul fonctionnement du cerveau est une erreur fondamentale.

      • Le Mythe du "Cerveau Seul" et la Cognition Incarnée : Le neuroscientifique critique le "tour de passe-passe cognitif" qui a remplacé l'esprit par le cerveau, traitant ce dernier comme une entité isolée.

      Il promeut le concept de cognition incarnée, un courant majeur en neuroscience qui stipule que le comportement humain doit être analysé à travers un "triptyque" : le cerveau, l'état du corps (sommeil, faim, douleurs, etc.), et l'environnement/contexte.

      • Citation : "On pourra jamais expliquer le comportement d'un humain juste en regardant son cerveau

      Il faut regarder tout le temps un triptique le cerveau l'état du corps... et l'environnement le contexte dans lequel cet agent incarné qui est l'humain est en train d'évoluer."

      • L'Exemple des Fast-Foods : Plutôt que d'expliquer la consommation de fast-food par le cerveau des jeunes, le bon niveau explicatif est "l'organisation des villes qui ont mis des McDo à chaque coin de rue."

      Cela illustre que des phénomènes comme l'anxiété sociale peuvent relever du cerveau, mais d'autres, comme la surconsommation, sont des "propriétés émergentes" liées à des facteurs macro.

      • Le Refus de la Réduction au Cerveau : La complexité de nos rapports à la transition écologique ne peut être attribuée "simplement au fonctionnement de nos cerveaux."

      Il remet en question la tendance à sur-responsabiliser l'individu et son cerveau pour des problèmes systémiques.

      2. Le Modèle du Déficit Informationnel est "Profondément Fallacieux"

      Moukheiber dénonce avec force l'idée que les gens n'agissent pas pour le climat par manque d'information, qu'il nomme le modèle du déficit informationnel.

      • L'Inefficacité de la Pédagogie Seule : Des milliards ont été dépensés en campagnes de sensibilisation, notamment sur la cigarette ou le climat, avec des résultats limités.

      • Citation : "On a dépensé des milliards... Les hommes et les femmes politiques [disent] que si on s'oppose à une loi c'est qu'on a c'est qu'il faut faire de la pédagogie

      Les Français n'ont pas compris C'est vraiment l'arbre qui cache la forêt c'est ça revient tout le temps à une cette sorte de surres de l'individu

      Si les gens ne sont pas en train de prendre moins à l'avion c'est parce qu'ils ont pas compris S'ils sont encore en train de manger de la viande c'est parce qu'ils ont pas compris Alors que c'est pas vrai."

      • La Dissonance Cognitive : Bien que la dissonance cognitive (savoir qu'une action est mauvaise mais la faire quand même) soit un phénomène réel, les neurosciences, au travers du cadre de la cognition incarnée, ne suggèrent pas que la solution réside dans plus de pédagogie individuelle.

      3. L'Importance des "Conditions Facilitantes" et des Actions Systémiques

      Le neuroscientifique met en lumière le pouvoir des "conditions facilitantes" (enabling conditions) et des "propriétés émergentes" pour modifier les comportements à grande échelle.

      • L'Exemple du Tabac : L'interdiction de fumer en intérieur et l'augmentation des prix ont eu un impact bien plus significatif sur la consommation de tabac que des années de campagnes de sensibilisation.

      • Citation : "À un moment on a fait quelque chose à un niveau supérieur dans ces niveaux explicatifs On a passé une loi deux lois principalement une loi qui a augmenté le le prix une deuxième loi qui a interdit de fumer en intérieur

      Et là tout d'un coup le taux de nouveau fumeur à toutes les tranches d'âge commença à diminuer."

      • Le Climat : Une Problématique Systémique : Les comportements néfastes pour le climat ne relèvent pas du niveau individuel, mais de l'organisation des villes, des tarifs, des salaires, et des lois.

      • Citation : "Les comportements qu'on a qui sont délétaires pour la transition écologique ne se jouent pas au niveau de l'individu il se joue au niveau de l'organisation des villes des tarifs des salaires des lois qu'on est en train de faire passer

      Et tant qu'on va essayer de tout toute la pédagogie du monde tout l'esprit critique du monde ne suffira pas à inverser la tendance tant qu'on veut juste agir au niveau de l'individu."

      • Le Conseil aux Partis Écologistes : Moukheiber conseillerait d'« arrêter d'avoir une grille de lecture individualiste ». Les initiatives individuelles sont une "goutte d'eau dans l'océan" face à un problème systémique.

      L'impact réel vient de l'influence sur des acteurs systémiques (ex: convaincre Tim Cook de modifier le cycle de vie des iPhones plutôt que 300 000 individus).

      4. La Nuance de la Dérégulation et de la Responsabilité Individuelle

      Moukheiber anticipe l'objection de la "déresponsabilisation" de l'individu.

      • Une Part de Responsabilité Individuelle Minime : Il reconnaît qu'il y a une part de responsabilité individuelle (trier ses déchets, moins prendre l'avion, moins manger de viande, consommer local).

      • Citation : "Il y a comme une part des choses qui est de ma responsabilité Trier c'est c'est minime C'est c'est c'est une goutte d'eau dans l'océan de ce qu'on doit faire."

      • Le But du Comportement Individuel : Un Signal Social : Le but de ces actions individuelles n'est pas d'inverser directement la tendance de la destruction climatique, mais d'envoyer un "signal social pour qu'il y ait systématisation", de créer une "norme sociale" qui puisse ensuite se traduire par des changements plus macro (ex: interdire la pub pour le tabac).

      5. Stratégies de Changement Comportemental : Au-delà de l'Explication Rationnelle

      Face au déni ou à la résistance, Moukheiber suggère des approches alternatives à la seule explication rationnelle.

      • Questionner la Motivation : Avant d'expliquer, il faut se demander "pourquoi vous voulez leur expliquer ?" Si l'objectif est un changement de comportement, l'explication seule est souvent inefficace.

      • L'Action Avant la Compréhension : Il a réussi à changer des comportements sans mentionner le climat, en proposant des alternatives attrayantes.

      • Exemple : Emmener un ami dans un restaurant végétarien sans dire que c'est végétarien, le laissant découvrir et apprécier par lui-même.

      • Adapter le Message : L'approche doit être différente selon la personne (expliquer le cycle de l'eau à un enfant vs. parler politique à un oncle de 65 ans).

      • Le Rôle des Normes Sociales et des Tendances : Une grande partie de nos comportements ne découlent pas d'un fonctionnement rationnel ("homo économicus") mais de ce que font nos pairs, de la disponibilité, et des effets de mode (ex: la quinoa, le chou kale).

      • Citation : "Une grande partie de nos comportements ne viennent pas d'un fonctionnement rationnel... On fonctionne selon ce que font les les nos potes Euh qu'est-ce qui est disponible."

      • La "Manipulation" comme Levier (non péjoratif) : Le neuroscientifique conclut que parfois, il suffit de "manipuler" les conditions ou les choix pour modifier les comportements, reconnaissant que nous nous "manipulons les uns les autres" constamment.

      Cela implique de créer les environnements et les incitations qui favorisent les comportements souhaités, plutôt que de s'appuyer uniquement sur la conviction intellectuelle.

      • Citation : "Il suffit de manipuler Vous avez bien compris ouais On est tous en train de se manipuler de toute façon les uns les autres."

      En somme, Moukheiber plaide pour un changement de paradigme dans l'approche de la transition écologique, délaissant l'individualisme et la survalorisation de la pédagogie au profit d'une compréhension plus nuancée des niveaux d'explication et d'une action prioritairement orientée vers les leviers systémiques et les "conditions facilitantes".

    1. Note de synthèse : Le rôle du Replay et de la Connaissance Structurelle dans l'Apprentissage et la Cognition

      Cette note de synthèse explore les idées principales présentées par le Professeur Tim Behrens sur la manière dont le cerveau construit des modèles du monde, en mettant l'accent sur le rôle du "replay" (rejeu) et des représentations structurelles dans l'apprentissage et l'inférence.

      1. Le Débat Fondamental en Psychologie : Skinner vs. Tolman L'exposé de Behrens débute par une rétrospective historique du débat entre deux figures majeures de la psychologie du milieu du XXe siècle :

      • B.F. Skinner (Behaviorisme) : Skinner soutenait que tout comportement est contrôlé par la récompense et la punition, à travers un processus de "conditionnement".

      Il affirmait qu'un comportement sophistiqué pouvait être créé en "assemblant" des comportements prédisant une récompense, même à long terme.

      Sa célèbre citation, "The real problem is not where the machines think but whether men do," illustre sa vision externaliste du contrôle du comportement.

      Ses idées ont eu une influence notable sur le système éducatif américain des années 60 et 70.

      • Edward Tolman (Cognitivisme) : À l'opposé, Tolman, étudiant les rats dans des labyrinthes, a démontré que les animaux apprenaient la structure du labyrinthe même en l'absence de récompense.

      Les rats pouvaient trouver des raccourcis plus tard lorsque des récompenses étaient introduites, ce qui suggère l'existence d'une "carte cognitive" interne ou d'un "modèle interne du monde".

      Sa métaphore était que "the central office itself is far more like a map controll room than it is like an oldfashioned telephone exchange."

      • Behrens conclut que "obviously like all debates in the history of science both of them are right to some extent or the other both of these processes exist in the brain", mais que la "knowledge structure process is a very interesting one and certainly has an increasing reliance as you get higher up The evolutionary chain towards primates and humans." Le cœur de la présentation est de comprendre à quoi ressemble cette "carte" et comment elle est construite dans le cerveau.

      2. La Représentation des Relations et la Généralisation

      • La construction d'un modèle du monde repose sur la compréhension des relations entre les choses. Behrens propose deux manières pour le cerveau de représenter ces liens :

      • Liaisons synaptiques directes : Des neurones associés à deux concepts (ex: Starbucks et café) pourraient former de nouvelles synapses pour s'activer mutuellement. C'est le principe de l'apprentissage associatif.

      • Neurones représentant explicitement les relations : Une approche plus sophistiquée implique des populations distinctes de neurones qui encodent la structure des relations elles-mêmes. L'avantage crucial de cette méthode est la capacité d'inférence et de généralisation.

      Si la relation entre la fée Starbucks et le café est encodée explicitement, le même mécanisme neuronal peut être utilisé pour comprendre la relation entre le "whoosh" de Nike et une chaussure, permettant une inférence comme "I can buy the shoe wherever I see the Nike whoosh."

      3. Les Cellules de Grille et de Lieu : Les Fondements des Cartes Cognitives

      • La démonstration de la représentation structurelle débute avec les découvertes en neurosciences spatiales chez les rongeurs :

      • Cellules de Lieu (Hippocampe) : Ces neurones s'activent lorsque l'animal se trouve dans une position spécifique de l'environnement.

      • Cellules de Grille (Cortex Entorhinal) : Ces cellules sont "super cool cells" qui s'activent selon un motif hexagonal régulier et "understand the structure of the problem that you're talking about". Elles fournissent un système de coordonnées pour la navigation spatiale. Il n'y aurait "no reason to have such a cell if you were not optimized for running around a two-dimensional plane."

      • Cellules de Vecteur d'Objet : Ces neurones représentent un vecteur entre la position actuelle de l'animal et un objet intéressant (ex: "I'm this Vector away from something interesting like a piece of cheese").

      • L'existence de ces cellules permet des inférences spatiales complexes, comme trouver un raccourci vers la récompense, au lieu de simplement reproduire le chemin appris (comme le prédirait Skinner).

      4. La Généralisation des Cellules de Grille aux Domaines Non-Spatiaux

      • Une idée centrale de l'équipe de Behrens est que ces "types of solutions are general types of solutions for many of the problems". Des preuves s'accumulent que les cellules de grille et des systèmes de coordonnées similaires peuvent être utilisés pour des problèmes non-spatiaux :

      • Espace de Fréquence : Des cellules de grille ont été observées chez les rats naviguant dans un espace de fréquence tonale, se comportant "as if you're moving through real space".

      • Dimensions Sémantiques : Dans des études sur les humains (via des "smoke signals" ou des signaux indirects détectés par MEG), des activités similaires aux cellules de grille ont été observées pour des problèmes à deux dimensions non spatiales, comme la longueur des pattes et du cou des oiseaux.

      Plus récemment, des cellules de grille non spatiales ont été enregistrées directement chez le singe, ce qui est "very exciting for me because I started this this thing I guess 12 15 years ago and now we can really see them."

      • Hiérarchies de Séquences : Même pour des structures non bidimensionnelles, comme les hiérarchies temporelles (jours, semaines, mois, années), des preuves indirectes de systèmes de coordonnées similaires ont été trouvées chez l'homme.

      • Ces découvertes renforcent l'idée que ces représentations structurelles sont des "General structural representations of the relationships between objects in your brain."

      5. Le Phénomène de Replay et son Rôle dans l'Inférence

      • Le "replay" est un phénomène d'activité neuronale rapide qui récapitule des séquences d'événements, se produisant souvent pendant le repos ou le sommeil. Behrens soutient que le replay n'est pas seulement une consolidation passive de la mémoire, mais un processus actif d'inférence sur des futurs possibles :

      • Décodage du Replay chez l'Humain : En utilisant la magnétoencéphalographie (MEG), les chercheurs peuvent décoder l'activité cérébrale pendant le repos et voir quelles séquences de stimuli sont "rejouées".

      • Replay Inférentiel : Dans une expérience inspirée de Kill Bill de Tarantino (où l'ordre des chapitres est jumbé), les sujets humains apprenaient des séquences d'événements dans le désordre.

      Pendant les périodes de repos, le replay ne montrait pas la séquence désordonnée vécue, mais la séquence "désembrouillée" et logiquement correcte.

      "What's happening in this rest period after we show subjects the jumbled up sequences... their brain in this rest period is going ABCD ABCD ABCD ABCD with like 40 milliseconds between them and these little packets the little packets being played out doing an inference over what's what's happened."

      Ce processus se produit rapidement (environ 40-50 millisecondes par élément).

      • Lien avec la Structure : Le replay utilise la connaissance structurelle préexistante (par exemple, l'ordre causal des événements) pour réorganiser et inférer des relations non directement vécues.

      • Replay dans la Vie Quotidienne : Des études montrent que le replay se produit "whenever the movie pauses at a scene boundary doing all all sorts of reorganization."

      Ce qui suggère aux éducateurs de "pause regularly when you're trying to explain something to give the opportunity for lots of Replay packets to be to be reorganized in your in your other people's brains."

      6. Mécanismes Cellulaires du Replay Inférentiel

      • Behrens explique comment le replay pourrait permettre la construction de cartes et l'inférence au niveau neuronal :

      • Construction de Cartes à partir de la Récompense :

      L'argument est que l'animal ne planifie pas seulement au moment de l'action, mais que le fait de trouver une récompense déclenche des paquets de replay qui construisent une carte de directions vers cette récompense depuis d'autres endroits de l'environnement. Ces replays "build an entire map to get to that cheese."

      • Association Coordonnée-Vecteur : Le replay lierait la position actuelle (coordonnée) avec un "neurone vecteur" (ex: "cheese over there neuron") pour créer une nouvelle "place field" (champ de lieu) ou modifier une existante. Si le point de récompense se déplace, le replay désassocie l'ancien vecteur et l'associe au nouveau.

      "The replay is taking the neuron that says cheese over here and it's moving it to say cheese is over there now right and so that's what the replay is doing and it's doing this throughout the whole map it's just going around the whole map organizing your representations to point you towards the cheese doing this inference in rest not at the time when you're going to need it when you need it but doing it way before you need it so that it's much quicker when you need it."

      • Surreprésentation des Neurones Vecteurs : Les neurones de vecteur seraient particulièrement représentés dans ces replays, suggérant qu'ils sont la cible principale de cette réorganisation.

      7. Replay Rapide vs. Replay Lent et leur Impact sur la Performance

      • Dans des tâches cognitives plus complexes chez l'humain (comme un jeu de cartes avec des dimensions d'attaque/défense), deux types de replay sont observés :

      • Replay Rapide (Fast Replay, ~50 ms) : Associé à une meilleure performance et à l'utilisation du système de coordonnées interne.

      Plus on a de replay rapide, moins on a besoin de "réfléchir" consciemment.

      Il se situe dans les zones du lobe temporal médian (hippocampe, cortex entorhinal).

      • Replay Lent (Slow Replay, ~150 ms) : Associé à une performance plus faible et à la nécessité de la "pensée" consciente. Il semble provenir davantage du cortex frontal.

      • Ces résultats suggèrent que le replay rapide, qui construit des cartes en mode hors ligne, "is preventing you from having to do this rapid thinking online."

      8. L'Importance du Repos et du Sommeil pour la Construction de Connaissances Structurelles

      • Behrens insiste sur le fait que le cerveau continue de "remplir la carte" pendant les périodes de repos :

      • Construction Hors Ligne de la Carte : Même lorsque les informations sont apprises de manière unidimensionnelle, le cerveau utilise le replay pendant le repos pour construire la carte complète bidimensionnelle.

      "It replays in the two- dimensional in the full two two Dimensions during rest when there's no inferences going on in in their behavior they're just sitting there the brain in the background is is sending these little packets filling out the map building in the two-dimensional replay."

      • Impact sur la Performance Future : "If you do that offline then later online you have more grid cell activity and you're better at the task."

      • Conseil Pratique : "All the time when you're just sitting around having a cup of tea what you should be doing what your brain is doing is filling in all the experiences that you've had that day and making them all match up with each other so that you um so so that you when you get asked a question later you know the answer already you don't have to think about it there and then so get lots of rest and have lots of Cups of Tea."

      • Lien avec l'Éducation et le QI : Les signaux de replay et de structure se développent "in the school time in the age of of school from 8 to 18 and they predict measures real world measures like IQ much better than things like age do."

      Ceci soutient l'idée que les programmes éducatifs devraient se concentrer sur le "developing Rich structural knowledge" plutôt que sur le conditionnement par récompense/punition ("take that Skinner!").

      • Replay et Sommeil Lent : Ces paquets d'activité sont les plus forts pendant le sommeil à ondes lentes, soulignant l'importance du sommeil pour l'organisation des connaissances.

      9. Discussion : Homme vs. Rongeur et Spécialisation Corticale

      • Similarité des Principes Mécanistiques : Behrens reconnaît que le répertoire structurel est "much richer in humans than it is in other species" mais pense que "the principles by which they mechanistically operate are the same." Cela justifie l'étude des mécanismes de base chez les rongeurs.

      • Transfert de Connaissances Hippocampe-Cortex : Il y a "definitely such a transfer" d'informations de l'hippocampe vers le reste du cortex pendant le sommeil.

      Une "onde d'activité" se propage de l'hippocampe vers le cortex entorhinal, puis le cortex préfrontal médian et pariétal médian, avant d'atteindre les cortex associatifs et sensorimoteurs. Ces régions médianes pourraient "mediate the communication of hippocampus to the rest of Cortex."

      • Le Modèle en "Anneaux d'Oignon" (Onion Rings) : Behrens propose une métaphore où les structures les plus universelles et fréquemment utilisées (comme l'espace ou les hiérarchies) seraient représentées "closest to the hippocampus", tandis que les structures plus spécialisées (comme la grammaire du langage) seraient plus éloignées, dans les systèmes corticaux dédiés.

      L'objectif est de construire les souvenirs avec le moins de nouvelles synapses possible, en utilisant au maximum les connaissances antérieures.

    1. Note de synthèse : L'emprise psychotique et la Folie à Deux

      Ce document explore la notion d'emprise psychotique, en se basant sur la « Folie à Deux » comme modèle principal, et la distingue de l'emprise perverse classique.

      La présentation met en lumière les mécanismes, les typologies, les implications médico-légales et les dynamiques relationnelles sous-jacentes à ce phénomène complexe.

      1. Introduction à la Folie à Deux (Folie A2) et son lien avec l'emprise

      La Folie à Deux est une entité clinique décrite initialement par Lasègue et Falret en 1877.

      Elle se caractérise par le développement d'idées délirantes chez un « patient secondaire » sous l'influence d'un « patient primaire » déjà délirant. Les conditions nécessaires incluent une relation étroite et isolée des influences extérieures.

      • Exemple clinique : L'histoire de Sarah et Chloé L'exemple introductif illustre la dynamique de la Folie à Deux : Sarah, une mère anxieuse et contrôlante, et sa fille Chloé, souffrant de pathologies qui renforcent les défenses obsessionnelles de la mère.

      Leur relation fusionnelle et isolée conduit au développement d'un délire de persécution et de spoliation centré sur une tante.

      Initialement, la mère tente de raisonner sa fille, mais face à la violence de Chloé et à leur isolement, elle finit par céder et adhérer aux idées délirantes de sa fille. Cette adhésion conduit à un passage à l'acte violent envers la tante, entraînant leur hospitalisation.

      À la séparation, la mère se restaure rapidement, devenant critique des événements, tandis que la fille met plus de temps à se rétablir.

      Ce cas met en évidence l'influence du patient primaire (la fille) sur le patient secondaire (la mère) dans un contexte d'isolement et de pression.

      2. Typologies de la Folie à Deux L'analyse proposée distingue deux types principaux de Folie à Deux :

      • Folie à Deux Imposée (de Lasègue et Falret) :
      • Le patient primaire est actif dans le délire, et le patient secondaire est plus passif, délirant "par reflet" ou "sous la pression".
      • À la séparation, le patient secondaire retrouve rapidement son état antérieur et sa capacité critique.

      • Ceci est considéré comme une emprise psychotique incomplète, car les effets de la pathologie ne sont pas durables chez le sujet secondaire une fois la relation rompue.

      Folie à Deux Communiquée (de Marandon de Montyel) :

      • Le patient secondaire est un sujet prédisposé qui développe une maladie psychiatrique au contact du sujet délirant.
      • Les troubles persistent même après la séparation.
      • Ceci est considéré comme une emprise psychotique complète, car elle aboutit à un second sujet primaire capable de "contaminer" d'autres individus.

      3. Mécanismes psychopathologiques de la Folie à Deux Deux mécanismes principaux expliquent la dynamique et le maintien de la relation dans la Folie à Deux :

      • Projection de l'hostilité :
      • Dans l'exemple de Sarah et Chloé, l'hostilité de Chloé envers sa mère (due à l'incapacité de s'émanciper) ne peut s'exprimer directement.

      Elle est alors projetée sur un objet externe à la relation (la tante), ce qui permet de maintenir la dyade mère-fille et d'apaiser les tensions internes.

      • L'acceptation du mécanisme projectif par le patient secondaire est cruciale ; toute résistance entraîne une augmentation de l'agressivité et de la violence.

      • "L'acceptation du délire apaise en fait a permis qu'il y ait au final plus de plus d'épisodes de violence dans la relation puisque toute la violence était redirigée à l'extérieur."

      • Identification à l'ennemi (ou à l'agresseur) :

      • Inspiré des travaux de Freud et Ferenczi sur l'identification à l'agresseur (notamment chez les enfants victimes d'abus).

      • Il s'agit d'adopter le point de vue de l'agresseur, d'introjecter sa culpabilité ou d'anticiper ses besoins, dans le but d'apaiser l'agresseur et de se sauvegarder physiquement et psychiquement.

      • Dans la Folie à Deux, l'acceptation du délire par le patient secondaire apaise les violences (physiques) dans la relation, la violence étant redirigée vers l'extérieur du couple.

      4. L'emprise psychotique en miroir avec l'emprise classique (perverse)

      L'emprise psychotique est conceptualisée comme une forme spécifique d'emprise, distincte mais comparable à l'emprise perverse classique.

      Points communs de l'emprise (générique) :

      • Relation asymétrique : Un sujet réduit au statut d'objet, dont l'espace psychique est occupé par l'autre.

      • Déni d'altérité et de critique : L'accès à la critique est impossible ; l'objectif est une fusion totale et l'adhésion aux idées de l'autre.

      • Phases de captation et de domination : L'appropriation de l'autre se fait par séduction/fascination, suivie d'une phase de conditionnement par manipulation (verbale, physique), l'alternance séduction-agression étant au cœur de ce processus.

      • Séquelles durables : La victime peut avoir des difficultés à s'extraire de la dynamique et des séquelles à long terme dans ses interactions futures.

      • Distinction entre Emprise Perverse (Dracula) et Emprise Psychotique (Don Quichotte) :

      • CaractéristiqueEmprise Perverse (Dracula)Emprise Psychotique (Don Quichotte)Objectif /

      MotivationSiphonnement du narcissisme du partenaire ("se nourrit du sang de ses victimes"), jouissance perverse.Décollage de la réalité, sortie de la réalité.

      Le sujet n'est pas motivé par la jouissance de l'autre mais par la maladie elle-même qui guide le voyage pathologique et les interactions.

      Mécanisme sous-jacentMet en place des mécanismes proactifs pour produire ses effets, vise à combler des angoisses narcissiques.

      La maladie guide le "voyage pathologique" et les interactions. Les angoisses sont plus archaïques, des angoisses de "néantisation" très précoces dans le développement psychique.

      Nature de la contrainteLe sujet "pervers" met volontairement l'autre sous emprise pour se nourrir narcissiquement.

      Le patient primaire psychotique met l'autre sous emprise "sous l'effet de la maladie", enfermé dans une bulle délirante.DynamiqueAlternance séduction-agression volontaire pour le conditionnement.

      "L'exposition des mécanismes" (en thérapie) peut aider à s'en prémunir.Alternance fusion (adhésion du secondaire au délire) et agression (résistance du secondaire) ; vise une fusion complète. Mécanisme de projection d'hostilité.

      L'enjeu pour la victime est la menace de basculer complètement dans la folie du primaire.Implications médico-légalesLa victime est sous contrainte morale mais n'est pas "délirante" elle-même.

      Peut être irresponsable pénalement selon la "contrainte irrésistible" (article 122 du code pénal).

      Si passage à l'acte, l'acte peut être imputé au délire si les deux sujets agissent dans ce cadre.

      Le discernement peut être aboli (article 121 du code pénal), ce qui peut mener à une irresponsabilité pénale des deux sujets.Définition de l'emprise psychotique :

      C'est "une relation asymétrique où le sujet primaire psychotique met sous emprise un sujet secondaire dans des conditions d'isolement prolongé avec un déni d'altérité (comme dans l'emprise perverse) mais un déni plus global de réalité qui va se mettre en place, une volonté de fusion et d'adhésion au délire du partenaire dirigé par la maladie, une montée de l'agressivité dans les résistances abaissée par les mécanismes projectifs et une angoisse plus archaïque de néantisation chez les sujets."

      5. Implications Médico-Légales

      • Folie à Deux Imposée (emprise psychotique incomplète) : Le patient secondaire n'est pas malade au sens psychiatrique mais agit sous une contrainte morale irrésistible.

      L'article 122 du code pénal sur l'absence de responsabilité en cas de contrainte peut s'appliquer.

      Un arrêt de la Cour d'appel de Rennes (2017) concernant la compagne d'un gourou sectaire illustre cette situation : la séparation a suffi à mettre fin au délire de la partenaire, qui a été déclarée pénalement irresponsable sous le motif de la contrainte.

      • Folie à Deux Communiquée (emprise psychotique complète) : Si un passage à l'acte violent se produit dans le cadre du délire, l'acte peut être imputé au délire.

      L'expert psychiatre peut conclure à une abolition du discernement sur le modèle de l'article 121 du code pénal, menant potentiellement à l'irresponsabilité pénale des deux sujets.

      6. Réflexion élargie sur l'emprise

      L'emprise n'est pas spécifique à la perversion ou à la Folie à Deux ; elle peut se manifester sous diverses formes (paranoïaque, obsessionnelle, perverse) et est souvent liée à des difficultés développementales précoces et des attachements insécures.

      Plus les difficultés sont précoces et sévères (ex: dans l'environnement parental), plus le risque de développer une maladie psychiatrique (comme la schizophrénie) et de recourir à une modalité relationnelle d'emprise est élevé.

      Cependant, il est important de distinguer une modalité durable et problématique d'interaction d'un recours ponctuel et occasionnel à un type d'emprise (ex: en période de stress aigu), qui ne caractérise pas un fonctionnement pathologique durable.

    1. Synthèse : Les biais cognitifs en psychologie clinique avec Albert Moukheiber

      Ce webinaire, animé par Albert Moukheiber (docteur en neurosciences et psychologue clinicien), explore la nature des biais cognitifs et leur impact, en particulier dans le contexte de la psychothérapie.

      L'intervenant souligne l'importance pour tous les praticiens de comprendre comment leur propre perception influence le travail avec les patients.

      I. Les fondements de la cognition et l'incertitude inhérente

      Albert Moukheiber commence par établir une "règle générale de notre cognition" : nous baignons tous et tout le temps dans ce qu'on appelle un certain degré d'incertitude (incomplétude informationnelle).

      Cette incertitude est due à trois facteurs principaux :

      • Ressources limitées : Notre capacité à traiter l'information est finie.

      • Perception partielle : Nous ne recevons pas toutes les informations de notre environnement.

      • Complexité du monde : Le monde est trop complexe pour être entièrement appréhendé.

      Bien que cette incomplétude soit constante, elle est souvent masquée par nos mécanismes cognitifs.

      II. La perception comme construction : Bottom-up et Top-down

      Traditionnellement, la perception était expliquée par un modèle "bottom-up" : les données sensorielles (ex: photons pour la vue) sont reçues par les récepteurs (rétine), transformées en signaux électriques, puis traitées par le cortex pour reconstruire le monde.

      • Cependant, à partir de 2014-2015, une nouvelle hypothèse a émergé : le cerveau ne fait pas que reconstruire, il prédit aussi le réel, y compris dans le présent.

      L'exemple des voitures de taille identique sur une image en perspective est utilisé pour illustrer cette prédiction : notre cerveau "agrandit" la voiture éloignée pour la rendre cohérente avec notre connaissance implicite du monde ("plus c'est loin, plus c'est petit").

      Cela révèle l'existence de deux mécanismes perceptifs :

      • Bottom-up : Réception et intégration de l'information sensorielle.
      • Top-down : Le cerveau projette et utilise nos "modèles mentaux" ou "connaissances du monde" pour interpréter et compléter l'information manquante.

      L'exemple de la vision périphérique en couleur (alors que peu de récepteurs de couleur y sont présents) est donné comme illustration du top-down :

      "Toutes les couleurs que vous voyez dans votre vision périphérique c'est des couleurs top down que votre cerveau est en train d'inventer".

      Moukhheiber parle d'hallucination contrôlée : "On est en train d'halluciner le monde mais avec des règles très contrôlées qui nous permettent de fonctionner les uns avec les autres".

      Il insiste : "on ne voit pas le monde tel qu'il est mais plutôt tel que nous sommes", tout en précisant qu'il ne faut pas tomber dans un relativisme absolu, car "il y a des règles qui régissent ça".

      Plus une situation est ambiguë, plus nous pouvons lui attribuer un sens personnel.

      III. L'interprétation et la "stabilisation de l'ambiguïté"

      • Le passage de la perception à l'interprétation est illustré par l'illusion de la danseuse qui tourne, un "stimuli ambigu bistable" (manque de marqueur de profondeur). Selon qu'elle est vue tourner dans un sens ou dans l'autre, cela dépend de nos mécanismes top-down et de nos "a priori".

      La réalité, elle, est un "stimuli ambigu multistable", c'est-à-dire qu'il y a de multiples façons de stabiliser son ambiguïté.

      Les traits de personnalité sont fonctionnellement des descriptions de "comment une personne stabilise l'ambiguïté du monde".

      Ex: Une personne jalouse interprétera le non-réponse d'un partenaire comme une tromperie, là où une personne non jalouse pensera à une occupation.

      L'optimisme ou le pessimisme sont des façons de stabiliser l'ambiguïté du futur.

      Une grande partie de la psychopathologie est vue comme une modification de la manière dont on stabilise l'ambiguïté du monde.

      • Dans les troubles anxieux, il y a une tendance à "catastrophiser", à stabiliser l'ambiguïté des enjeux futurs comme "ça va être mauvais" et à avoir des "biais du faux consensus" (penser que mes croyances sont partagées par tous).

      • Dans les TOC, on retrouve la "masturbation" (le piège du devoir, je dois vérifier sinon quelque chose de mauvais va se passer) et la "pensée binaire" (si ce n'est pas parfait, c'est nul).

      • Dans la dépression, il y a des "biais de sélection et de confirmation", où l'on se rappelle davantage les événements négatifs.

      • Nous utilisons des heuristiques, des "solutions approximatives", pour agir rapidement face à l'incertitude, même si elles sont parfois imprécises.

      Les biais cognitifs ne sont pas intrinsèquement négatifs ; ils sont une "rencontre entre une stratégie cognitive et un contexte".

      L'optimisme, par exemple, peut être négatif au casino, mais essentiel pour l'apprentissage de la marche chez un bébé.

      IV. La cognition incarnée et le modèle biopsychosocial

      • Moukhheiber critique la vision purement "cérébrocentrée" de la cognition. Les neurosciences modernes considèrent une cognition incarnée, où l'humain n'est pas juste un cerveau.

      Il y a une boucle de rétroaction constante entre le mental, le physique et l'environnement. Pour comprendre le fonctionnement humain, il faut tenir compte de ces trois dimensions.

      L'expérience des chatons de Hein et Held (années 40) démontre que la vision n'est pas seulement le résultat de l'œil et du cerveau, mais de l'organisme entier en interaction avec son environnement.

      Cette perspective conduit à remettre en question le modèle biomédical (un pathogène = une maladie à soigner) appliqué à la santé mentale.

      L'exemple de la femme développant un trouble anxieux suite à du sexisme au travail montre que le "pathogène" peut être externe, dans l'environnement, et qu'il est absurde de vouloir "soigner" uniquement l'individu.

      L'homosexualité n'a cessé d'être une maladie quand la société a été soignée, pas l'individu homosexuel.

      Le modèle proposé est le modèle biopsychosocial (psyché, corps, environnement). La question centrale en thérapie devient : "Est-ce que j'agis sur le patient ou sur l'environnement ?"

      Ex: Une personne dépressive peut l'être à cause de son cerveau, de son hygiène de vie (manque de sommeil, pollution), ou de son environnement toxique.

      V. Les biais spécifiques à la pratique clinique La prise de décision médicale et thérapeutique est également sujette aux biais.

      Albert Moukheiber énumère plusieurs biais pertinents :

      • Biais de cadrage : La manière dont l'information est présentée impacte sa réception (ex: annoncer un diagnostic de "borderline" versus rassurer sur la possibilité de guérison).

      • Biais de commission : Préférer faire quelque chose plutôt que ne rien faire. Moukheiber confie parfois à ses patients que le temps seul peut les aider à aller mieux, sans intervention active de sa part.

      • Biais de disponibilité : Privilégier les hypothèses récemment rencontrées ou les plus saillantes (ex: un diagnostic d'anxiété de performance car c'est un cas fréquent, manquant un possible TND).

      • Biais de négligence du taux de base : Négliger la prévalence d'un phénomène dans la population générale (ex: attribuer le burnout à des facteurs individuels alors qu'il y a une explosion des cas liée à l'hygiène de vie collective ou aux pressions sociétales).

      • Biais de confirmation : Tendance à chercher des informations qui confirment nos hypothèses initiales (ex: creuser pour confirmer un diagnostic de bipolarité chez un adolescent, ignorant d'autres explications).

      • Règle de conjonction (ou rasoir d'Ockham inversé) : Créer un tableau clinique complexe avec de multiples diagnostics au lieu de chercher une explication plus simple et parsimonieuse (ex: diagnostiquer un trouble anxieux, un TSA et une personnalité histrionique, alors qu'une phobie sociale pourrait expliquer un grand nombre de symptômes).

      • Biais de surconfiance : Surestimer ses propres capacités ou connaissances (ex: un médecin rejetant l'avis d'un psychologue).

      • Biais de représentativité : Associer des stéréotypes à une personne en fonction de son origine, ethnie, genre, etc. (ex: une femme faisant une attaque cardiaque diagnostiquée à tort comme une attaque de panique, le "syndrome méditerranéen").

      • Satisficing (ou "satisfaction de la recherche") : Arrêter de chercher une fois qu'une première explication est trouvée, manquant d'autres diagnostics (ex: diagnostiquer un trouble anxieux et manquer des TOCs associés).

      • Diagnostic momentum : Un diagnostic posé il y a longtemps sur un patient persiste dans le dossier et est transmis d'équipe en équipe, même s'il n'est plus d'actualité.

      VI. Conclusion : Humilité, changement d'avis et écoute du vécu subjectif

      Moukhheiber conclut par deux citations :

      • "Une des idées les plus dangereuses qu'une personne pourrait avoir c'est de se dire 'Si tout le monde était comme moi le monde serait un endroit meilleur'."

      Il insiste sur le besoin de différentes "a priori" et différentes "stabilisations de l'ambiguïté" pour une vision plus riche du monde.

      Il est crucial d'écouter le vécu subjectif des patients, surtout des jeunes, car leurs "a priori" diffèrent de ceux des adultes, ce qui peut rendre leurs comportements incompréhensibles sans une explication.

      • "Qu'est-ce que réfléchir ? C'est une façon élégante de dire changer d'avis." Le clinicien doit être capable de changer d'avis pour mieux écouter le patient et éviter les biais.

      • Il est impossible de ne pas tomber dans les biais, même pour les experts. La solution réside dans la métacognition ("penser contre son cerveau"), en connaissant les biais et les pièges du raisonnement, mais surtout en demandant de l'aide aux autres (le "paradoxe de Salomon" : on est bon pour conseiller les autres, nul pour se conseiller soi-même).

      La complexité des sujets fait qu'on ne peut être expert partout, d'où l'importance de la collaboration et de l'humilité.

    1. Compte-rendu de la Conférence "Emprise"

      Ce document synthétise les points clés de la conférence sur l'emprise, en distinguant ce qu'elle n'est pas, ce qu'elle est, comment elle opère, qui l'exerce, et qui en est la proie.

      1. Ce que l'emprise n'est pas

      L'oratrice commence par définir l'emprise par la négation, afin de la distinguer de concepts proches mais différents :

      • L'Influence : Selon l'école de Palo Alto, "on ne peut pas ne pas communiquer", et "communiquer c'est influencer". L'influence est une caractéristique normale de la communication (ex: influenceurs, publicitaires). L'emprise débute lorsque l'influence "s'accompagne de coercition d'obligation".
      • La Stratégie : La stratégie, même si elle implique des "manœuvres", a des "buts éthiquement recevables" et la personne ciblée "a donné son accord". Contrairement à la manipulation, il est possible de "soulever le capot du moteur et dire ce que je suis en train de faire".

      2. Définition de l'Emprise

      Le terme "emprise" a des origines diverses, toutes liées à l'idée de "prendre" ou de "dominer" :

      • Étymologie : En chevalerie, c'était le contrat unissant un chevalier à son suzerain (relation de pouvoir). En administration, c'est la prise de terrain par expropriation ou occupation. En architecture, c'est la projection d'une construction sur une surface.
      • En psychologie : L'emprise est un "envahissement", une "main mise". Elle est définie comme "une relation de pouvoir et de domination qui est fondé sur la fascination et sur la peur".
      • Conséquences sur la proie : L'emprise "exproprie [...] la proie de sa subjectivité propre", c'est-à-dire sa façon de voir le monde, et de son "agentivité", sa capacité d'agir. En somme, elle exproprie la personne "de soi-même".

      3. Comment l'Emprise Opère

      L'emprise utilise diverses tactiques pour fragiliser et contrôler la victime (appelée "la proie" par l'oratrice, l'auteur étant "le prédateur") :

      Mise sous stress constant : * Renforcement intermittent : Inspiré par la cage de Skinner, le prédateur alterne récompenses et punitions de manière imprévisible ("un coup tu l'as un coup tu l'as pas"). Cela génère un "stress constant" et une "addiction", car la victime est constamment en attente. Ce stress érode le corps et l'esprit. * Mise en confusion cognitive : La victime ne "sait plus quel bout va devant". Cela se fait par la manipulation mentale : * Culpabilisation : Le prédateur rend la victime responsable de ses propres émotions ou situations, souvent en se positionnant en victime ("j'ai voyagé très très longtemps pour venir jusqu'ici... j'espère que vous allez m'écouter"). * Retournement : L'art de faire croire à la proie que "ce n'est pas le prédateur qui a fait une bêtise ou qui a généré une difficulté, c'est la proie". * Décontextualisation-Retournement-Essentialisation : Le prédateur oublie le contexte qu'il a créé, isole la réaction de la proie, et l'essentialise en un trait de caractère permanent et pathologique. L'exemple donné est celui de Monsieur Dupont qui, après avoir agressé Madame Dupont, la décontextualise en alcoolique parce qu'elle boit un whisky pour se calmer. * Gaslighting : "L'art de faire que l'autre doute de sa santé mentale." Cette manipulation est "extrêmement répandue" et vise à faire croire à la victime qu'elle est folle ou dérangée ("ce n'est pas moi qui dis n'importe quoi, c'est toi qui es folle"). * Mise en confusion émotionnelle : Notamment par l'alternance des "chauds et des froids", renvoyant au mécanisme du renforcement intermittent. Le prédateur ne répond pas de la même manière à la même situation, perturbant émotionnellement la proie.

      4. Qui met sous Emprise

      • Trois types de personnalités peuvent exercer une emprise :
      • Personnalités très obsessionnelles : Leur besoin de gérer une forte angoisse par des rituels intangibles et immuables peut amener leur entourage à "se plier à ces rituels" pour éviter des crises. Cette adaptation forcée conduit la victime à "s'exproprier de soi-même".
      • Personnalités paranoïques : Caractérisées par la méfiance, l'orgueil, la psychorigidité et la fausseté du jugement. Pour le paranoïaque, "qui n'est pas avec lui est contre lui" et doit être attaqué. L'entourage finit par adapter son comportement pour "ne pas pouvoir se faire attaquer par le paranoïaque", perdant ainsi sa spontanéité et son identité propre.
      • Pervers narcissiques (PN) : C'est le type le plus approfondi, car ils exercent l'emprise "pour mettre sous emprise, parce que ça le fait jouir".
      • Buts du PN : Il cherche à "asservir l'autre au sens le plus fort du terme", à "le déshumaniser", lui enlever sa subjectivité et son désir. Il cherche à posséder sa proie "comme un objet" pour :
      • Passer à l'acte son "envie hostile" (jalousie), détruisant l'autre.
      • Utiliser la proie comme "un élément de prestige" (ex: partenaire ou collaborateur prestigieux).
      • Flatter son "narcissisme malade", car il "confond son pouvoir avec son pouvoir de destruction". Sa force est mesurée à sa capacité à détruire l'autre.
      • Fonction de "poubelle psychique" : Le PN, derrière un masque de perversité, est d'une "extrême fragilité". Incapable de supporter d'être mauvais ou d'avoir failli, il projette tout ce qui est négatif sur la proie : "tout ce qui est bien c'est moi, tout ce qui est mal c'est toi". Il est en fait "plus dépendant de sa proie que sa proie de lui".
      • Partage de la folie : Citant Harold Searles, l'oratrice explique que le PN, en tant que psychotique ou pré-psychotique, cherche à "faire partager sa folie à l'autre", à "donner sa folie à l'autre par identification projective pour se sentir moins dingue". Le gaslighting, en particulier, sert à cela.

      5. Les Étapes de la Relation d'Emprise (Vue de la Proie)

      La relation d'emprise se déroule en plusieurs phases, souvent difficiles à discerner pour la proie et le monde extérieur :

      • La Séduction : Le prédateur "travestit l'existant", se "grime totalement" pour ressembler au partenaire idéal perçu. Il joue un "rôle de composition" complètement mensonger. La proie est séduite, "se laisse aller à croire au rêve bleu", rencontrant le prince charmant ou le collaborateur idéal.
      • Le Ferrage : Une fois la proie "engagée", survient le "moment chaos", le "ferrage", où la proie ne peut plus reculer "sans y laisser des plumes". Exemples : les enfants, un CDI, un bail commun, un mariage, des confidences compromettantes, des services rendus.
      • La Destruction-Séduction : La phase la plus longue, visant à "détruire, asservir, déshumaniser la proie". Cependant, lorsque la destruction dure trop longtemps, la proie envisage de partir. À ce moment, le PN réactive la séduction, permettant à la proie de "souffler un peu" et de se dire que "ça marche" si elle s'adapte. Cette alternance de destruction et de séduction rend la relation "addicte".
      • Difficulté de discernement : Pour les observateurs extérieurs (ex: juges), la proie apparaît incohérente et stressée, tandis que le prédateur est "beau, parfumé, en costume et tout à fait cohérent", rendant le prédateur plus crédible.

      6. La Relation d'Emprise (Vue du Prédateur)

      Le prédateur, souvent décrit comme un "œuf dur qui a une faille" (Kernberg), est intrinsèquement fragile :

      • Faille narcissique : Son "moi" est fissuré dès la petite enfance. Pour le maintenir entier, il fusionne son "moi" avec son "idéal du moi", cherchant à être une "personne idéale qui n'a aucun défaut". Il passe sa vie à "réparer la coque qui fuit de toute part", à "replatrer le narcissisme qui fout le camp".
      • Vide existentiel : Malgré ses efforts, il se sent "vide, sans couleur, sans saveur, sans odeur".
      • Repérage de la proie : Il repère une proie "riche" de qualités qu'il aimerait posséder. Il manque d'"empathie aimante" mais a une "empathie d'objets", repérant les failles de la proie.
      • Fantasme de fusion : Il se précipite sur la proie dans le fantasme archaïque que s'il la possède, il "va fusionner avec elle et en quelque sorte lui voler ses qualités".
      • Constat d'échec et destruction : Une fois la proie séduite, le PN constate qu'il est "toujours aussi vide, toujours aussi nul", et que sa proie est toujours mieux que lui. Il s'offre alors un "lot de consolation" et passe à l'acte son "envie hostile", la "désinguant à la mesure de ce qu'il en est jaloux". La proie sert alors de "poubelle psychique".

      7. Qui est la Proie

      • Potentiellement tout le monde : "On peut tous se faire avoir", la séduction et la manipulation fonctionnant sur chacun.
      • Caractéristiques générales : La proie est souvent "riche", "généreuse", "solaire", "intelligente" et a souvent "du prestige".
      • Capital économique : Peut entretenir le prédateur.
      • Capital symbolique : Savoir, diplômes, prestige social. Le prédateur peut tenter de s'approprier cette culture "par délégation".
      • Capital relationnel : Réseau social et professionnel.
      • Qualités converties en défauts : Les proies sont souvent "altruistes", de "bonne volonté", "intelligentes", "capables de se remettre en question", "qui cherchent à comprendre" les motivations d'autrui, et développent une "certaine naïveté" en imaginant que "tout le monde est comme ça". Ces qualités, comme l'amour, la compréhension, le pardon, sont transformées en défauts sous emprise.
      • Vulnérabilités (non fragilités) : Les proies ont des vulnérabilités issues de leur histoire (peur de l'abandon, soif d'attention/amour, carence affective). Il est crucial de les considérer comme des "vulnérabilités" (potentiel activable) et non des "fragilités" (potentiel déjà actif), pour ne pas renforcer le gaslighting exercé par le prédateur. Le prédateur "saute à pieds joints sur les vulnérabilités qui finit par transformer en fragilité".

      8. L'Accompagnement Thérapeutique des Proies

      Déconstruire le gaslighting : Contrairement à la psychothérapie habituelle où l'on renvoie la personne à sa responsabilité, dans l'accompagnement des proies, il faut d'abord "parler de l'autre" pour "démonter le gaslighting", mettre à jour et "détricoter" les manipulations. Reconnaître les vulnérabilités : C'est seulement après avoir déconstruit les manipulations et l'impact du prédateur que l'on peut aborder les vulnérabilités de la proie, pour comprendre "par quelle vulnérabilité il vous accroche". L'objectif est de ne pas confirmer la croyance de la proie qu'elle est "dingue" ou "névrosée".

    1. "Conférence CRIAVS - Emprise", organisée par Nelson Paris, pédopsychiatre sexologue et responsable du CRIAVS Lorraine à Nancy.

      Synthèse de la Conférence CRIAVS - Emprise Cette conférence explore la notion d'emprise, en particulier chez l'enfant, en la mettant en regard avec la théorie de l'attachement et le rôle de la figure maternelle/parentale.

      Elle soulève des questions cruciales sur la limite entre un attachement sain et une relation d'emprise, en soulignant les spécificités de l'enfant en tant que victime et les défis cliniques associés.

      Thèmes Principaux et Idées Clés :

      1. L'Attachement à la Figure Maternelle/Parentale et la Notion d'Emprise Précoce

      • Distinction Attachement vs. Emprise : L'orateur introduit la difficulté de distinguer l'attachement, essentiel au développement de l'enfant, de l'emprise, qui a une connotation négative. L'objectif est de "discuter dans une journée qui est dédiée à l'adulte à l'enfant enfin voilà on parle d'un petit peu de tout en terme d'emprise donc de reprendre ce qui concerne plutôt le début de la vie euh avec donc la notion d'emprise de mettre en opposition l'emprise et peut-être l'attachement euh et d'essayer d'y comprendre qu'est-ce qui pourrait être du domaine du normal de la normale".
      • Évolution de la Terminologie de la Figure Maternelle : La notion de "figure maternelle" a évolué de la diade mère-père vers le concept de "caregiver" (Bowlby), qui peut être toute personne significative prenant soin de l'enfant, indépendamment du lien biologique ou administratif. Les évolutions sociétales (congé paternité, couples homosexuels) élargissent cette définition.
      • Rôle Essentiel de la Figure Maternelle/Caregiver : Le caregiver apporte réconfort, affection, alimentation ("rôle nourricier") et soins. L'absence de dimension affective, même avec des soins de nursing impeccables, peut être dévastatrice pour le développement de l'enfant, conduisant à des décès ou des psychoses, comme le montrent des études en orphelinat.
      • Le Lien Parent-Enfant Avant la Naissance : Le lien avec l'enfant se construit avant même la naissance, avec un "lien positif" (enfant attendu, voulu) ou parfois "négatif" (grossesses issues de violences sexuelles, ou traumas transgénérationnels des parents). Un exemple clinique frappant est celui d'une mère victime d'inceste qui qualifie son fils avant sa naissance de "violeur comme tous les autres", influençant le développement de l'enfant et conduisant à des actes de violence.
      • L'Interdépendance et le Lâcher-Prise : La relation parent-enfant est une interdépendance où chacun apporte à l'autre. Cependant, il est crucial que cette relation évolue et que le parent accepte le "lâcher-prise" à mesure que l'enfant grandit et devient moins dépendant. La difficulté de certains parents à lâcher le rôle nourricier ou le "petit dernier" peut poser problème et mener à des situations d'emprise.

      2. La Théorie de l'Attachement (Bowlby, Winnicott)

      • Le Socle Relationnel : L'attachement est le "socle quand même relationnel des êtres humains". La durée, la disponibilité et la qualité des réponses du caregiver sont fondamentales.
      • Fonctionnement de l'Attachement : Le nourrisson manifeste des besoins (câlins, pleurs) et la qualité des réponses du caregiver détermine le type d'attachement. Un attachement sécure est le "socle de la sécurité pour pouvoir explorer le monde".
      • Expériences de Harlow (Bébés Macaques) : Ces études classiques illustrent l'importance du réconfort et de la sécurité. Les bébés macaques privilégient la mère en tissu (chaleur, réconfort) même si la mère en fil de fer fournit la nourriture. En situation inconnue, la présence d'un "facteur de réassurance" (couverture) permet l'exploration.
      • Types d'Attachement :
      • Sécure (50-60%) : Permet l'exploration du monde.
      • Évitant : L'enfant ne reçoit pas de réponses adéquates, recherchant une indépendance inadaptée (ex: enfant qui ne pleure pas, car il n'a jamais de réponse parentale). "C'est là un exemple typique de cette recherche d'indépendance complètement inadaptée qui était une réponse aux besoins maternels plus qu'au besoins de l'enfant et où finalement l'enfant était à ce moment-là un objet et n'a pas été pris en compte comme un être à part entière".
      • Ambivalent/Résistant : Réponses incohérentes et instables.
      • Désorganisé : Présence de violence (maltraitance, violence conjugale, sexuelle), l'enfant craint sa figure d'attachement et reproduit la violence.
      • Rôle de l'Attachement dans le Développement : L'attachement influence le développement intellectuel (impossibilité d'apprendre en étant tétanisé), les relations sociales, et la capacité à créer du lien. Les attachements insécures sont à la base de troubles de la personnalité et augmentent le risque d'être "plus facilement victime ou auteur d'emprise".

      3. Spécificités de l'Emprise chez l'Enfant

      • Dépendance Naturelle de l'Enfant : L'enfant est intrinsèquement dépendant des adultes et "ne peut pas s'extraire de ce milieu-là". Il n'a pas l'autonomie critique pour juger les situations.
      • Intégration des Repères Parentaux : Les repères de l'enfant sont ceux inculqués par les adultes, ce qui rend difficile toute critique de ce qui est "normal" ou "pas normal".
      • Recherche d'Affection et Conflits de Loyauté : L'enfant recherche naturellement l'affection du parent, ce qui alimente l'emprise sans même nécessiter une phase de séduction explicite. Les conflits de loyauté rendent difficile pour un enfant de critiquer un parent, même en présence d'un système familial dysfonctionnel.
      • Naïveté et Vulnérabilités : L'enfant présente une plus grande naïveté et une confiance naturelle envers les adultes, augmentant sa vulnérabilité. Les "événements d'adversité" (ACE) fragilisent l'attachement et augmentent le risque d'être impliqué dans des relations d'emprise.
      • Vulnérabilité et Emprise (même avec un attachement sécure) : Un attachement sécure est un facteur protecteur, mais des facteurs de stress accumulés (ex: infidélité, perte d'emploi, maladie) peuvent rendre n'importe qui vulnérable et tolérer des situations inacceptables, menant potentiellement à l'emprise.

      4. Situations Cliniques d'Emprise en Pédopsychiatrie

      • Münchausen par Procuration : Maladie simulée ou produite délibérément par un parent chez son enfant, souvent pour obtenir une reconnaissance ou pour répondre à un besoin psychique propre du parent (ex: culpabilité face à une maladie génétique transmise). L'enfant n'est pas scolarisé, renforçant le lien. Le risque est le "nomadisme médical".
      • Le diagnostic exige une évaluation en équipe pluridisciplinaire, en prenant le temps de comprendre la dynamique familiale et de ne pas faire de signalement trop rapide.
      • L'orateur estime que le Münchausen par procuration, notamment dans ses formes psychiques, relève de l'emprise, car il s'agit d'un "système relationnel" où l'enfant ne pense plus par lui-même.
      • Aliénation Parentale : Concept débattu où un parent utilise l'enfant pour nuire à l'autre parent et l'exclure de la vie de l'enfant.
      • Controverse : Initialement décrit par Richard Gardner, sa validité scientifique est contestée. Le risque majeur de l'utilisation de ce terme est que "l'enfant n'est plus entendu".
      • Impact Judiciaire : Des études aux États-Unis montrent que l'invocation de l'aliénation parentale par le père divise par deux la probabilité que les accusations de violence faites par la mère soient reconnues, et presque par quatre quand il s'agit de violence envers les enfants, et quasiment jamais pour les accusations de violence sexuelle (2%). Cela peut conduire à ce que des enfants soient confiés à des parents violents ou agresseurs sexuels.
      • L'orateur souligne la nécessité d'une prise en charge globale du système familial si ce concept est retenu, afin d'éviter des préjudices à l'enfant.
      • Inceste : Caractérisé par une "emprise généralisée" où le silence est imposé pour assurer l'impunité de l'agresseur. La structure familiale est "contaminée", et souvent, même lorsque l'enfant parle et est cru, "il se passe rien" (45% des confidents ne font rien). Les agressions ont lieu en présence d'autres membres de la famille dans près d'un cas sur deux, menant à une banalisation et des "distorsions" de la réalité.
      • Loverboy (Prostitution des Mineurs) : Un adolescent (le proxénète) exploite une jeune fille (souvent sa petite amie) par la prostitution, en utilisant le "champ émotionnel" plutôt que la menace directe.
      • Mise en place : Création d'une dépendance affective et financière, isolement de la victime, et potentiellement incitation à la prise de psychotropes.
      • Exploitation : Demandes de prostitution de plus en plus fréquentes, avec un mécanisme de "remboursement" des dépenses créant une dette illusoire.
      • Profil des Victimes : Tous les milieux peuvent être touchés, mais les jeunes filles "carencées avec des attachements insécures" sont plus à risque. Le recrutement se fait souvent dans des foyers, et les victimes peuvent percevoir cette relation comme une forme d'amour ou une "meilleure vie".
      • Défis de l'Accompagnement : La prise en charge est complexe, nécessitant une présence durable et la recherche d'un lien pour développer la "capacité critique" de la victime, sans enfermer, car la récidive est fréquente.

      Conclusion Générale :

      La conférence insiste sur la complexité de l'emprise, particulièrement chez l'enfant, qui est naturellement dépendant et vulnérable. Les troubles de l'attachement, souvent transmis de génération en génération, constituent un facteur de risque majeur pour devenir victime ou auteur d'emprise.

      Cependant, l'emprise peut aussi survenir chez des individus avec un attachement sécure, en cas d'accumulation de facteurs de stress et de vulnérabilités.

      L'orateur souligne l'importance d'une approche pluridisciplinaire et d'une prise en charge attentive pour protéger les enfants et déconstruire les mécanismes de l'emprise.

      La prudence est de mise concernant certains concepts controversés comme l'aliénation parentale, dont l'invocation peut nuire aux victimes et détourner l'attention des violences subies.

    1. Note de Synthèse : Les Enfants, Sentinelles des Inégalités d'Exposition aux Contaminations Industrielles et aux Pesticides

      Date : 2024-2025 Source : Extraits de "La production sociale des inégalités de santé (14) - Nathalie Bajos", cours de Giovanni Prété.

      • Résumé Exécutif : Le sociologue Giovanni Prété, lors du séminaire de Nathalie Bajos sur les inégalités sociales de santé, propose de considérer les enfants comme des "sentinelles des inégalités d'exposition aux contaminations industrielles".

      Son exposé démontre comment les dispositifs de réparation des risques industriels, établis au 20ème siècle, reposent sur des postulats discutables : la distinction nette entre contaminations professionnelles et environnementales, et la concentration de la réparation sur les travailleurs adultes, excluant souvent les riverains et les enfants.

      Des recherches croissantes documentent les effets des pollutions industrielles sur la santé des enfants et les inégalités sociales qui les traversent, notamment concernant les pesticides.

      Prété souligne que la production de connaissances et la reconnaissance des maladies pédiatriques liées à ces expositions sont entravées par des obstacles méthodologiques, politiques et sociaux, notamment la difficulté à établir la causalité, le manque de données fines, et le sentiment de culpabilité des familles.

      Thèmes Principaux et Idées Clés :

      1. La Contamination du Monde et l'Émergence d'un Nouvel Univers Chimique :

      • L'industrialisation a conduit à une augmentation sans précédent de la production de richesses, mais aussi à une "diffusion massive de substances polluantes contaminant la vie humaine et la vie non-humaine." (Prété, citant Jarig et Lerou)
      • La production chimique de synthèse a explosé : "multipliée par 1000 en tonnages entre 1930 et 2000, puis par depuis 2000". Il y aurait "aujourd'hui 194 millions de molécules publiées dont probablement 100 000 environ commercialisées en Europe." (Prété, citant Remy Sama)
      • Cette contamination entraîne des pathologies chroniques, difficiles à dénombrer précisément en raison de leur non-spécificité et des "temps de latence longs" (plusieurs décennies).

      2. Les Postulats Discutables des Dispositifs de Réparation Historiques :

      • Cloisonnement Santé Environnementale / Santé au Travail : Les dispositifs de réparation (accidents du travail 1898, maladies professionnelles 1919) reposent sur une distinction rigide entre maladies professionnelles et environnementales, excluant le travail de l'environnement.
      • Conséquence concrète : les modes de réparation diffèrent. Un travailleur exposé au mercure peut bénéficier d'une présomption d'origine, tandis qu'un riverain exposé à la même substance via l'eau doit engager des "démarches civiles bien plus longues à faire aboutir et bien plus incertaines."
      • Ce cloisonnement se manifeste également dans l'organisation des politiques de prévention (inspection du travail vs. inspecteurs des installations classées).
      • Exclusion des Enfants des Dispositifs de Réparation : Historiquement, les enfants travailleurs étaient reconnus comme victimes de l'industrialisation (ex: étude de Percival Pott sur le cancer du scrotome des ramoneurs en 1775, loi sur les ramoneurs en 1788).
      • Cependant, à mesure que les enfants ont été progressivement exclus du monde professionnel (interdictions successives du travail des enfants en France : moins de 8 ans en 1841, moins de 13 ans en 1890, moins de 16 ans en 1967), ils ont été "de moins en moins considérés comme des victimes des transformations du travail via l'industrialisation et leurs expositions et réparations sont écartées des dispositifs assurantiels mis en place en France en 1998 et en 1919."

      3. Les Enfants comme Sentinelles et les Effets des Contaminations Industrielles sur leur Santé :

      • Vulnérabilité Spécifique des Enfants :Les expositions in utero sont "préoccupantes pour le futur en développement" car c'est une "période de sensibilité accrue aux agents tératogènes et aux expositions environnementales" qui peuvent influencer la santé à l'âge adulte (concept de l'origine développementale de la santé des maladies, David Barker).
      • Après la naissance, les jeunes enfants sont plus exposés aux contaminants (temps passé au sol, ingestion d'objets) et ont un "apport plus élevé en nourriture, en eau et en air par unité de poids corporel", rendant les faibles expositions potentiellement très impactantes.
      • Preuves Scientifiques Croissantes : Il est "admis aujourd'hui le rôle étiologique c'est-à-dire causal des expositions prénatales ou infantiles à certains facteurs de risque dit environnementaux mais qui incluent des facteurs professionnels" pour des pathologies comme les leucémies infantiles (radiations ionisantes, radon, pesticides, solvants).
      • Inégalités Sociales Face aux Maladies Pédiatriques Industrielles :Inégalités d'exposition : "les populations socio-économiquement défavorisées et les populations minoritaires supportent en général un fardeau disproportionné de l'exposition aux pollutions industrielles" (ex: corrélation incinérateurs/faibles revenus/immigrés). Ces inégalités peuvent impliquer des "expositions cumulées" (professionnelles, air intérieur, transports). Cependant, certains cas montrent des gradients non univoques (ex: certaines pollutions chimiques persistantes plus fortes chez les mères favorisées).
      • Inégalités de vulnérabilité : "les populations socio-économiquement défavorisées et les populations minoritaires sont plus vulnérables aux conséquences d'une exposition à des pollutions industrielles même quand elles sont plus faiblement exposées." Cela s'explique par une moins bonne santé initiale, un moindre recours à la prévention/soins, et une capacité réduite à échapper aux expositions (ex: difficulté à déménager).
      • "les enfants pauvres sont victimes d'une double peine" : plus vulnérables à la pollution de l'air en tant qu'enfants, et cette vulnérabilité est "exacerbée par leur statut socio-économique."

      4. Controverses et Obstacles à la Reconnaissance :

      • Débats sur l'ampleur et la causalité : Il existe des "débats sur l'ampleur de l'augmentation des maladies pédiatriques possiblement lié à des pollutions industrielles et sur le rôle des facteurs environnementaux". La Société française de lutte contre les cancers et les leucémies de l'enfant et de l'adolescent a par exemple affirmé publiquement "qu'il n'y a pas d'épidémie de cancer pédiatrique" et a relativisé le rôle des facteurs environnementaux, en contradiction avec d'autres scientifiques et associations pointant des augmentations dans d'autres pays et l'existence de "clusters inquiétants" (ex: Sainte-Pazanne).
      • Difficultés méthodologiques :Mesure de la santé : fragmentation des bases de données en France, absence de registres complets pour certaines pathologies (malformations, problèmes périnataux).
      • Mesure de l'environnement : manque de données environnementales "à des échelles suffisamment fines pour pouvoir objectiver des effets de santé et encore moins des inégalités sociales environnementales."
      • Obstacles politiques et sociaux à la production de connaissances :Les dangers des pesticides sont connus mais leur diffusion a été justifiée par une "fiction d'action publique" d'utilisation sans risque, basée sur des études de toxicologie.
      • Les données épidémiologiques sont arrivées tardivement et se sont concentrées sur les travailleurs masculins permanents, délaissant les femmes, intérimaires, saisonniers, et les expositions indirectes ou les populations difficiles à suivre (migrants, enfants).
      • Les industriels et organisations professionnelles "font obstacle délibérément à la circulation de l'information sur les pesticides" (composition exacte des produits, données d'utilisation à l'échelle de la parcelle), rendant la recherche "longue, coûteuse et décourageante".

      5. La Traduction Politique Réductrice des Connaissances et la Reconnaissance du Droit des Enfants :

      • Limitation des tableaux de maladies professionnelles : Malgré l'accumulation de données épidémiologiques, la création de tableaux de maladies professionnelles liées aux pesticides (cancer du sang, Parkinson, cancer de la prostate) s'est faite "après à chaque fois des négociations visant à limiter leur périmètre." Ils n'incluent pas toutes les pathologies documentées et, surtout, "ne prennent pas en compte les riverains".
      • Marginalisation des riverains : Les mobilisations pour un fonds d'indemnisation de toutes les victimes des pesticides n'ont pas abouti "devant les craintes du gouvernement de voir d'autres victimes environnementales s'en inspirer."
      • Création du droit pour les victimes pédiatriques professionnelles :Une avancée majeure : le Fonds d'Indemnisation des Victimes des Pesticides (FIVP) est désormais "chargé d'instruire les demandes de réparation concernant les enfants dont les problèmes de santé pourraient être liés à une exposition professionnelle au pesticides de leurs parents dans la période prénatale."
      • Ce droit ne bénéficie pas d'une présomption d'origine ; les familles doivent soumettre une demande évaluée par un groupe d'experts.
      • Cette création est liée aux mobilisations associatives et politiques, à l'évolution de la figure de l'enfant dans les sociétés industrielles ("sacralisés" et "valeur plus grande sur le marché de l'assurance", Viviana Zelizer), et aux expertises collectives de l'INCERM (2013, 2021) établissant un "présomption forte de lien entre certaines pathologies (leucémies, tumeurs cérébrales, troubles du neurodéveloppement, malformations congénitales) et l'exposition des parents au pesticides en milieu professionnel."

      6. Sous-Déclaration et Obstacles au Recours des Familles :

      • Seuls "22 [dossiers] concernés des maladies pédiatriques sur les 1970 dossiers reçus par le fond d'anémisation des victimes des pesticides entre 2020 et 2023", ce qui illustre un phénomène de "non recours au droit et de sous-déclaration et de sous-reconnaissance."
      • Facteurs sociaux influençant le parcours de reconnaissance :Faible communication institutionnelle : Le fond a eu une "communication très faible" auprès des associations et professionnels de santé. "Pour activer un droit il faut connaître ce droit."
      • Manque d'information des professionnels de santé : Les médecins (oncopédiatres, chirurgiens pédiatriques) informent rarement les familles d'une étiologie professionnelle possible, car ils sont peu formés sur les causes, centrés sur le soin, et "la question de la causalité du fait des incertitudes qu'elle renferme à l'échelle individuelle met des médecins dans une situation inconfortable."
      • Inégalités sociales face à la médecine : La capacité des familles à questionner l'étiologie dépend de leurs "ressources sociales et culturelles assez importantes pour réduire la symétrie d'information et de savoir entre les médecins et les patients."
      • Enjeux de Responsabilité et de Culpabilité :Les familles médiatisées (Gratalou, Marivin) ont des situations d'exposition "particulières" (exposition accidentelle au glyphosate, exposition salariée en fleuristerie) qui leur offrent des "prises pour construire une représentation limitée (...) de leur responsabilité dans la maladie de leur enfant", facilitant leurs démarches.
      • Les "travailleurs indépendants ont un sentiment de responsabilité plus fort et une difficulté plus grande à recourir en fond que les salariés." En particulier, les "exploitants agricoles rencontrés qui ayant utilisé délibérément des pesticides (...) peuvent se refuser à entrer dans une démarche médico-administrative impliquant de reconnaître pour eux-même et pour l'extérieur que leurs pratiques ont pu empoisonner leurs enfants." (Exemple de l'entretien avec une conjointe d'agriculteur).
      • La prise en charge institutionnelle (FIVP) et le rôle des associations ou consultations spécialisées peuvent être des "levier[s] direct[s] de déculpabilisation des familles" en politisant les maladies pédiatriques et en soulignant qu'elles sont la "conséquence de choix de développement industriel collectif."

      7. Conclusion : Les Enfants, Sentinelles des Politiques Publiques :

      Malgré les incertitudes scientifiques et la complexité multifactorielle des phénomènes, les maladies pédiatriques "révèlent des lacunes des politiques de protection des travailleurs et de l'environnement."

      "leur mise en évidence les doutes qu'elles soulèvent devraient être une invitation non pas à l'attente à l'inaction mais à une réflexion sur notre dépendance au produits chimiques et à une action collective pour s'en affranchir." (Prété)

    1. Document de synthèse : Les inégalités sociales et la santé sexuelle - L'exemple de l'avortement en France et dans le monde

      • Ce document de synthèse s'appuie sur la séance 2 du cours de Nathalie Bajos, "La production sociale des inégalités de santé", qui aborde les enjeux de sexualité et de santé sexuelle, en se concentrant sur l'exemple de l'avortement.

      Il vise à explorer les déterminants sociaux des pratiques liées à l'avortement, ses implications pour la santé des femmes, et les défis contemporains, notamment en France.

      I. L'avortement dans le monde : Une réalité universelle face à des législations hétérogènes

      La légalisation de l'avortement ne supprime pas sa pratique ; elle en modifie les conditions, avec des conséquences directes sur la santé des femmes.

      Légalisation et accès :

      • La carte de 2024 montre une grande variabilité des conditions d'accès à l'avortement dans le monde. La majorité de l'Europe, l'Australie, le Canada et l'Argentine l'autorisent "sur demande" (vert clair), mais cette notion est complexe et sujette à l'appréciation des professionnels de santé, révélant des rapports de pouvoir.

      • Dans d'autres régions, l'avortement est limité à la protection de la vie de la mère (rouge, ex : Brésil), ou totalement interdit.

      • Le cas des États-Unis (révocation de Roe v. Wade en juin 2022) illustre la fragilité des droits acquis, avec des États qui restreignent rapidement l'accès. Une étude a montré une augmentation de 7% des taux de mortalité infantile dans les mois suivant la révocation, principalement due à des anomalies congénitales qui auraient été précédemment interrompues.

      L'avortement malgré l'interdiction :

      • "Que l'avortement soit autorisé ou non, de toute façon les femmes y ont recours." Les restrictions n'empêchent pas les avortements, mais les forcent à être pratiqués dans des conditions sanitaires problématiques, entraînant une morbidité et une mortalité élevées.
      • Les données de l'Institut Allen Gutmacher (New York) confirment cette tendance : les taux d'avortement ne varient pas significativement entre les pays où il est autorisé, restreint ou interdit. Par exemple, même quand il est interdit, le taux de recours est de 39%.
      • Sous-déclaration : Les chiffres concernant l'avortement, surtout dans les pays où il est illégal, sont sous-déclarés, rendant les estimations minimales.

      Conséquences sanitaires des avortements non sécurisés :

      • L'OMS estime à plus de 60 millions d'avortements réalisés chaque année, dont près d'un sur deux n'est pas réalisé dans des conditions sanitaires satisfaisantes (soit au moins 35 millions).
      • Parmi ces avortements non sécurisés, un tiers sont réalisés par des personnes non formées utilisant des méthodes dangereuses (ex: aiguilles à tricoter), entraînant des perforations utérines et des décès.
      • Entre 5 et 13% des décès maternels sont attribués à des avortements non sécurisés.
      • Environ 7 millions de femmes sont hospitalisées chaque année pour des complications liées à un avortement non sécurisé.
      • L'interdiction de l'avortement est directement associée à des dizaines de milliers de problèmes de santé graves et à des décès de femmes.

      II. L'avortement en France : Un droit constitutionnalisé mais toujours sous tension

      En France, malgré la constitutionnalisation de la "liberté garantie" d'avorter le 28 février 2024 (suite à la loi Veil de 1975 et ses extensions), l'avortement reste un enjeu de santé publique et social.

      • Un processus en plusieurs étapes : Pour comprendre le recours à l'avortement, il est nécessaire de décomposer le processus :
      • Activité sexuelle sans intention de fécondité.
      • Absence ou échec de contraception.
      • Décision d'interrompre ou de poursuivre la grossesse.
      • Accès aux soins pour l'IVG.
      • Évolution de l'activité sexuelle et de la contraception :
      • L'activité sexuelle est plus fréquente et diversifiée aujourd'hui, avec un recul de l'âge de la première maternité, augmentant le nombre d'épisodes potentiellement concernés par une grossesse non prévue.
      • Le paysage contraceptif est en pleine évolution et pose problème :
      • Augmentation des femmes sans contraception : En 2023, près de 9% des femmes n'utilisent aucune méthode contraceptive, une proportion plus élevée chez les femmes immigrées et celles en bas de l'échelle sociale.
      • Déclin de la pilule : L'utilisation de la pilule a chuté de 56,4% en 2000 à moins de 50% en 2010, s'accélérant après la crise des pilules de 3ème et 4ème générations en 2012. Ce déclin est lié à une défiance générale envers les produits hormonaux et un mouvement vers des méthodes "plus naturelles" mais moins efficaces.
      • Réticence à la stérilisation et au stérilet : La stérilisation reste très faible en France par rapport à d'autres pays. Le stérilet (DIU), bien que promu par l'OMS comme méthode de première intention, a longtemps été prescrit avec réticence aux femmes nullipares en France, par crainte infondée de risques pour la fertilité. Il y a eu une "norme contraceptive française qui interdit la stérilisation" et stigmatise l'accès au stérilet pour les jeunes femmes.
      • Les méthodes de longue durée (DIU, implant) ont augmenté, mais des inégalités subsistent : l'implant est plus souvent prescrit aux femmes étrangères, reflétant des représentations stéréotypées des professionnels de santé sur leur capacité à gérer une contraception quotidienne.

      Augmentation des grossesses non souhaitées et des IVG : * La baisse de l'efficacité globale de la couverture contraceptive s'accompagne d'une augmentation du nombre de grossesses non souhaitées entre 2016 et 2023. * La France observe une augmentation des taux d'avortement depuis 2015 (particulièrement chez les 20-24 ans, mais présente dans toutes les tranches d'âge). * Le "paradoxe contraceptif" : Jusqu'à récemment, malgré une baisse des grossesses non prévues au niveau mondial (grâce à une meilleure contraception), les taux d'avortement sont restés stables. Cela s'explique par le fait qu'en cas de grossesse non prévue, les femmes l'interrompent plus facilement. Cependant, la tendance actuelle en France est à l'augmentation des grossesses non prévues en raison d'une moins bonne couverture contraceptive.

      III. La norme procréative et la décision d'avorter

      Le recours à l'IVG est profondément ancré dans des normes sociales, notamment la "norme procréative" et la "norme contraceptive".

      • La norme procréative : Elle dicte les "bonnes conditions" pour avoir des enfants (âge, nombre, stabilité relationnelle et financière). L'IVG est souvent un moyen de s'y conformer. "Le recours à l'IVG c'est une façon de respecter la norme procréative."
      • Évolution des représentations de la maternité :En 2023, une majorité de personnes (hommes et femmes) considèrent qu'une femme peut réussir sa vie sans avoir d'enfant.
      • Cette perception a connu une "évolution absolument spectaculaire" : en 2006, 28% des femmes pensaient qu'elles pouvaient réussir leur vie sans enfant, contre plus de 80% en 2023. Cette évolution est particulièrement marquée chez les jeunes générations et reflète un recul de la norme hétérosexuelle et une diversification de la sexualité.
      • La décision d'avorter est socialement construite :Le choix de poursuivre ou d'interrompre une grossesse est fortement influencé par le milieu social. Par exemple, une jeune femme issue d'un milieu favorisé en prépa à Paris aura plus souvent recours à l'IVG pour préserver une trajectoire professionnelle brillante.
      • À l'inverse, une jeune femme du même âge issue d'une zone défavorisée pourrait choisir de poursuivre la grossesse, car la maternité peut lui procurer un statut social que ses études ne lui apporteraient pas. "Ces études ne l'amèneront nulle part et ne lui permettront pas d'acquérir un statut social via une position professionnelle intéressante." La "bonne" décision varie selon les attentes sociales et les opportunités offertes par le milieu.

      IV. La pratique de l'avortement et la culpabilité des femmes

      Malgré la légalisation, l'avortement reste un acte médicalement et socialement complexe, qui génère encore de la culpabilité.

      • Évolution des représentations de l'IVG :
      • La perception selon laquelle il "ne devrait presque plus y avoir d'interruption volontaire de grossesse aujourd'hui" a fortement diminué entre 2010 et 2023. Aujourd'hui, plus de 50% des femmes de 18-24 ans considèrent que les IVG sont inévitables.
      • Cependant, les hommes montrent moins de changement dans leurs représentations.
      • Émotions ressenties après l'IVG :
      • Les femmes ressentent un "soulagement extrêmement élevé" après l'IVG, mais également une "culpabilité qui reste très forte". Près de 60% des jeunes femmes ressentent de la culpabilité, un taux encore plus élevé chez les 35-44 ans.
      • Les hommes semblent moins affectés par la culpabilité, notamment chez les plus jeunes.
      • Culpabilisation par les professionnels de santé :
      • Une femme sur cinq (20%) âgée de 20-24 ans déclare avoir entendu des "propos culpabilisants" de la part de professionnels de santé au moment de l'IVG.
      • Les IVG ne sont pas toutes jugées "légitimes" de la même manière par les professionnels : une IVG suite à un échec de stérilet est mieux perçue qu'une deuxième IVG ou une IVG en l'absence de contraception, qui peuvent être stigmatisées.
      • Le fait que l'avortement reste un "droit qui n'est pas comme les autres" est symboliquement lié à la persistance d'une "clause de conscience superfétatoire" pour les professionnels de santé, spécifique à l'IVG et à la stérilisation, bien qu'une clause de conscience générale existe déjà. Cette spécificité envoie un message symbolique fort.
      • Enjeux contemporains de l'avortement en France :
      • Peu gratifiant professionnellement : L'avortement est un acte "peu gratifiant professionnellement", ne favorisant pas les carrières médicales (contrairement à la PMA).
      • Problème de démographie médicale : Moins de médecins s'engagent dans cette pratique, en partie par manque de "conscience politique" chez les jeunes générations.
      • Difficultés d'accès : Persistance de problèmes d'accès, notamment dans les "déserts médicaux", affectant la rapidité et la qualité de la prise en charge.
      • Préférence pour l'IVG médicamenteuse : L'IVG médicamenteuse est de plus en plus privilégiée, parfois au détriment de l'IVG chirurgicale, limitant le choix des femmes et posant des problèmes en cas de retour à domicile difficile.
      • Le poids du discours : Les mouvements anti-avortement ont évolué : ils ne diabolisent plus les femmes comme "criminelles" mais comme des "victimes" qui manquent de moyens matériels pour poursuivre leur grossesse. Ils promeuvent l'idée d'un "syndrome post-traumatique" lié à l'avortement, bien que la littérature scientifique prouve son inexistence.
      • Persistance du stigmate : La phrase de Simone Veil, affirmant que l'avortement "était un drame et resterait toujours un drame", continue de peser. La stigmatisation de l'avortement est perçue comme un "rappel à l'ordre de genre", car les femmes qui avortent "dérogen" à leur rôle social reproductif.

      Conclusion :

      La compréhension du recours à l'avortement nécessite une analyse multidimensionnelle, intégrant les évolutions des pratiques sexuelles, des normes contraceptives et procréatives, et des interactions avec le système de santé.

      Malgré les avancées législatives, notamment en France, la culpabilité et la stigmatisation persistent, soulignant la nécessité de continuer à travailler pour que les femmes puissent avorter "sans culpabilité" et que ce droit soit pleinement intégré comme un droit de santé à part entière.

    1. Document de Synthèse : La Production Sociale des Inégalités de Santé et le Cas de l'Avortement en France

      • Ce document de synthèse s'appuie sur la présentation de Raphaël Perin, jeune sociologue, qui a mené une thèse sur les médecins et la pratique de l'avortement, et qui s'inscrit dans une nouvelle vague de recherche sociologique sur la santé sexuelle et reproductive en France, initiée notamment par Nathalie Bajos.

      La présentation met en lumière la manière dont la médecine, en prodiguant des soins, peut paradoxalement créer des inégalités de santé, en se basant sur le cas spécifique de l'avortement en France.

      1. Contexte de la Recherche et Importance du Sujet

      • Renouveau de la recherche sociologique en France : Après une longue période de quasi-absence, la recherche sociologique sur l'avortement et la contraception en France connaît un essor significatif. Nathalie Bajos souligne l'émergence d'une "vraie force de recherche dans ce domaine en France," avec de nombreuses thèses et la création d'un laboratoire dédié (Lab Genré Contraception).

      Cette masse critique de recherche permet de "produire des connaissances scientifiques et critiques sur le sujet."

      • Les inégalités de santé comme axe central : Les travaux de Raphaël Perin s'inscrivent dans la lignée des recherches de Nathalie Bajos sur les inégalités de santé, abordant spécifiquement le troisième niveau de production de ces inégalités : la prise en charge par le système de santé.

      L'objectif est de comprendre "la manière dont la médecine en soignant crée des inégalités de santé, ce qui peut paraître contre-intuitif."

      • Pertinence de l'avortement comme cas d'étude :Enjeux politiques et sanitaires : L'avortement est intrinsèquement lié à des questions politiques et sanitaires. Bien que légal en France, son accès égalitaire reste un défi. Dans les pays où il est illégal, il est une cause majeure de mortalité.
      • Portée démographique et sociale : En France, environ 220 000 IVG sont pratiquées par an, concernant "une femme sur trois au cours de sa vie, une femme sur sept recourt deux fois ou plus." Cette large portée, touchant "presque toutes les catégories sociales," en fait un terrain propice à "l'objectivation et à l'observation en série des différences de traitement par l'institution médicale."
      • Cas "contre-intuitif" d'inégalités : L'IVG est un acte médicalement sûr, sans diagnostic complexe (hors confirmation de grossesse intra-utérine) et la loi donne explicitement aux femmes le choix de la méthode. On s'attendrait donc "naïvement à ce qu'il n'y ait pas de variation et pas d'inégalité dans la prise en charge." C'est précisément ce contraste qui rend l'étude de l'avortement "particulièrement fécond[e] pour penser la production médicale des inégalités."

      2. Le Paradoxe de l'Accès à l'Avortement en France :

      Une Loi Simplifiée, une Pratique Complexe et Inégalitaire * Simplification législative théorique : La loi sur l'avortement a connu 50 ans de réformes successives, considérablement simplifiant le cadre légal. Les femmes n'ont plus l'obligation d'attendre une semaine de réflexion, de voir une psychologue, peuvent avorter à domicile, gratuitement, et à des termes plus avancés. Les étrangères non résidentes et les mineures ont également un accès facilité. * Complexité et inégalités pratiques : Malgré la loi, "en pratique l'avortement reste une pratique procréative stigmatisée, taboue" et "l'accès à l'avortement en particulier reste long, complexe, semé d'embûches et inégalitaire." La condition majeure est que l'acte doit être réalisé par un médecin ou une sage-femme, leur "marge de manœuvre dans cette application de la loi" devenant cruciale. * Méthodologie de la recherche : La thèse de Raphaël Perin s'appuie sur une enquête de 4 ans, incluant 6 mois d'observation dans trois centres d'IVG (grande métropole, ville moyenne avec équipe féministe, département rural sous-doté), des entretiens avec des professionnels de santé de toute la France et une enquête qualitative auprès de 1000 médecins.

      3. Les Inégalités d'Accès à l'Avortement en France :

      Variations selon les Médecins, les Centres et les Femmes Raphaël Perin révèle une "grande variation des parcours d'IVG, des modalités de l'avortement selon deux choses : selon les femmes qui le demandent et selon les médecins à qui elles le demandent ou les centres dans lesquels ils travaillent."

      • Variations liées aux professionnels de santé et aux centres :Rapidité du parcours : Malgré la suppression du délai d'attente obligatoire, la plupart des centres imposent un délai incompressible (1 à 2 jours, voire plus), tandis qu'une minorité permet l'avortement le jour même.
      • Terme gestationnel : Certains centres acceptent l'avortement dès le premier signe de retard de règles, d'autres contraignent les femmes à attendre que l'embryon soit visible à l'échographie, ce qui retarde la prise en charge de plusieurs semaines.
      • Limite de terme : Bien que la loi autorise jusqu'à 14 semaines, certains centres refusent au-delà de 10 ou 12 semaines pour des "raisons de refus de médecin[s] de pratiquer ce geste à des termes avancés." De plus, des "subtilités dans le calcul du terme de grossesse" peuvent entraîner des différences allant jusqu'à deux semaines d'un centre à l'autre pour la même grossesse.
      • Conditions imposées : De nombreux centres maintiennent des exigences non obligatoires, comme l'entretien psychosocial (rendu optionnel en 2001) ou la prise du premier médicament abortif au centre, ce qui est "non seulement assez infantilisante mais qui contraint le moment [...] du déclenchement de l'expulsion." Des "examens intimes et non obligatoires," comme le toucher vaginal, peuvent également être imposés.
      • Choix de la méthode : Le choix de la méthode (médicamenteuse ou instrumentale) n'est pas toujours laissé aux femmes. Si des médecins ne pratiquent pas l'IVG chirurgicale ou ne l'aiment pas, les femmes sont "contraintes ou fortement orientées" vers la méthode médicamenteuse.
      • Motivations des complications : "L'inertie d'une représentation de l'avortement comme étant un acte grave, dramatique, voire traumatique qu'il faut prévenir ou à minima défaut qu'il faut encadrer plutôt qu'un acte procréatif simple, sécurisé et banal." Ce n'est pas tant une opposition morale généralisée (le soutien au droit à l'avortement est "très fort, très répandu" parmi les médecins) qu'une réticence à le pratiquer soi-même et la conviction que "sans cet encadrement l'avortement va être traumatique pour les femmes." La phrase fréquente est : "On n'est pas là pour vider des utérus", signifiant que le cœur du travail est l'accompagnement et l'éducation, pas la simple interruption de grossesse.
      • Variations selon les femmes (valeur sociale) :Exemples flagrants de différenciation : Des cas concrets illustrent des traitements radicalement différents. Une étudiante infirmière blanche de 20 ans, sympathique, se voit accorder une exception pour avorter le jour même en urgence pour ne pas manquer ses partiels. Une femme noire nigériane anglophone de 28 ans issue d'un quartier populaire, demandant la même chose car habitant loin, se voit refuser catégoriquement, l'infirmière affirmant qu'aucune exception n'est possible.
      • Jugements moraux et "valeur sociale" : Inspiré de la sociologie de la différenciation des pratiques médicales, le concept de "valeur sociale" condense "les jugements moraux que portent les professionnels de santé sur les patients et patientes selon leur comportement et selon leurs caractéristiques sociales et en particulier leur position dans les rapports de classe de race et d'âge."
      • Critères de la "bonne avortante" : Les femmes les plus jeunes qui "ne peuvent vraiment pas avoir d'enfants aussitôt" et celles qui "ressemblent socialement aux professionnels de santé (plutôt les femmes blanches francophones de classe moyenne ou supérieure)" bénéficient d'une meilleure prise en charge. Les professionnelles de santé elles-mêmes accèdent à l'IVG avec un minimum de contraintes. Le "respect des normes sexuelles et procréatives" est également clé : avorter peu (une ou deux fois), adopter une contraception jugée efficace, avorter précocement, et afficher "un peu de détresse mais pas trop." Les "bonnes avortantes ont plus de chance d'être prises en charge rapidement, hors délais ou de pouvoir choisir les modalités de leur avortement."
      • Conclusion partielle : "Toutes les femmes ont droit à l'avortement en France mais certaines y ont plus droit que d'autres."

      4. La Domination Médicale et ses Mécanismes

      • La capacité des médecins à contrôler les modalités de l'avortement malgré la loi qui les place en "prestataire de service" est expliquée par le concept de "domination médicale."
      • Définition de la domination médicale : C'est un "rapport social spécifique" qui diffère du simple pouvoir. Le pouvoir est la capacité d'influencer autrui ; la domination est une forme particulière de pouvoir où celui-ci est "soit invisible, soit reconnu comme légitime, naturel ou bénéfique," intériorisé par les dominés et les dominants. Il s'agit d'une "asymétrie structurelle qui dépasse les simples contextes individuels de soins" et qui permet aux médecins de contrôler les comportements des patients.
      • Causes de l'asymétrie structurelle :Vulnérabilité physique ou psychologique des patients (maladie, grossesse).
      • Détention d'un savoir expert par les médecins.
      • Monopole légal de l'accès aux biens de santé (médicaments, infrastructures, droit de pratiquer).
      • La combinaison de ces facteurs crée une situation de "dépendance autant que de domination."
      • Mécanismes de contrôle des comportements :En amont : Interprétation de la loi : Les médecins définissent les règles du cadre de l'IVG (nombre et contenu des consultations, durée des parcours). L'exemple le plus frappant est la datation de la grossesse. La loi ne définit pas comment dater une grossesse jusqu'à 14 semaines. Bien que l'échographie soit utilisée, elle donne une image (taille du fœtus) et non un âge gestationnel précis. Les médecins fixent une "taille maximale de fœtus" au-delà de laquelle ils n'autorisent plus l'avortement, et cette taille varie d'un centre à l'autre selon leurs préférences morales ou politiques. Il peut y avoir "une différence allant jusqu'à 10 jours d'un centre à un autre de ce que c'est qu'une grossesse de 14 semaines." Cela rend le contrôle "complètement invisible cette dimension de pouvoir et de marge de manœuvre."
      • Dans l'interaction : Micro-techniques de pouvoir : Ces techniques s'appuient sur le "capital symbolique des médecins" (experts compétents et désintéressés).
      • Conseils : Présenter une option comme "la meilleure" pour la patiente ("l'implant c'est génial," "l'aspiration je vous le déconseille").
      • Menaces de complications sanitaires : Faire craindre des risques sur la fertilité pour encourager l'adoption d'une contraception, même si ces risques sont infondés (ex: "3 IVG pas de contraception vous risquez de pas réussir à en faire").
      • Appel à la loi ou au protocole : Invoquer une contrainte objective pour nier leur marge de manœuvre ("c'est la loi, c'est obligatoire, c'est le protocole").
      • Maîtrise du temps : Jouer sur les délais pour influencer le comportement ou le choix de méthode (proposer l'IVG médicamenteuse "tout de suite" et l'instrumentale "dans une ou deux semaines").
      • Le mensonge : Ces techniques "s'appuie[nt] assez largement sur le mensonge," qui, bien que commun, est difficile à "analyser le fait que les médecins mentent" en raison de leur capital symbolique.
      • Le consentement : Le consentement tel que pratiqué "ne correspond pas du tout à une adhésion libre et éclairée." L'asymétrie de la domination médicale "brouille la question du consentement." Il est "largement produit en amont de l'interaction et dans l'interaction médicale."

      5. Apprentissage de la Domination Médicale et Intersectionnalité

      • Socialisation des médecins : Devenir médecin, c'est aussi "intérioriser une des manière de faire, de penser et de sentir qui correspondent à leur position dans le rapport de domination," c'est "apprendre à exercer le pouvoir et à s'y sentir légitime." Cette socialisation peut inclure un "apprentissage pratique, scolaire presque du paternalisme," même si initialement les internes peuvent ne pas être à l'aise avec cette autorité.
      • Hétérogénéité de la profession médicale : Il est crucial de souligner que la médecine n'est pas homogène. Les parcours professionnels, les influences non professionnelles (génération, expérience personnelle de l'avortement, socialisation politique et engagement féministe) définissent des manières différentes d'exercer. Les médecins formés aux rapports sociaux de pouvoir ont de meilleures chances de ne pas reproduire les inégalités.
      • Intersection de la domination médicale et des rapports sociaux : La capacité des femmes à contrôler les modalités de leur avortement varie "plus ou moins selon qui elles sont." Les micro-techniques de pouvoir et le mensonge sont appliqués différemment.
      • Exemple de la consultation post-IVG : Une femme blanche de 25 ans se voit offrir le choix d'un examen de confirmation du succès de l'IVG. Une femme racisée voilée de 30 ans, avec un taux d'hormone tout aussi bon, se voit imposer un examen vaginal et une échographie, sans choix. La médecin justifie cela en estimant que la première femme est "plus structurée mentalement" et peut comprendre sans examen, tandis que la seconde n'aurait pas les "capacités mentales pour le comprendre," une différence basée uniquement sur "les caractéristiques sociales de ces deux femmes."
      • Inégalités du consentement et violences médicales : Le consentement "libre et éclairé" est une norme contraignante face à "certaines femmes." Celles "qui occupent une position dominée dans les rapports de classe et de race, les plus jeunes, celles qui s'écartent aussi des normes sanitaires et sexuelles ne sont pas jugés aussi responsable et capable de prendre des décisions éclairées." Le paternalisme devient un "devoir professionnel" envers elles. Les "violences médicales" (familiarité excessive, humiliation, sexualisation des patientes par des médecins hommes) sont plus susceptibles de survenir lorsque les patientes sont "en position socialement dominée" (femmes, enfants, femmes racisées, classes populaires précaires, personnes handicapées, minorités de genre ou sexuelles).
      • Racisme et altérité : Les femmes racisées et allophones sont non seulement "moins bien traitées médicalement" (stéréotypes racialisants, non-prise en compte de l'allophonie, refus de l'interprétariat), mais aussi "moins bien soignées en raison de la non prise en compte de leur halophonie [...] mais aussi parce qu'elles sont traitées avec moins de respect dans l'interaction." Des cas de "prises en charges ouvertement racistes" sont observés.

      6. Implications et Perspectives

      • Au-delà des inégalités territoriales : Les inégalités liées à l'avortement ne se limitent pas à l'offre de soins mais sont profondément ancrées dans les "pratiques concrètes des professionnels de santé," même ceux favorables aux droits à l'avortement.

      • Intérêt scientifique, médical et politique de l'analyse sociologique :Formation des médecins : L'analyse souligne l'importance de former les médecins aux rapports sociaux de pouvoir pour atténuer les inégalités de santé.

      • Politiques publiques et luttes pour les droits reproductifs : Le discours sociologique complète les discours existants en France :

      • Le "discours glorificateur des pouvoirs publics" qui "tendent à exagérer les acquis à considérer comme achever la lutte pour l'avortement."

      • Le "regard sombre porté à raison sur l'état actuel du droit à l'avortement et de ses évolutions" qui, en se concentrant sur ce qui pourrait être perdu, "conduit parfois à oublier ce qu'il reste à améliorer."

      • La recherche fournit des pistes pour une politique "non seulement défensive de ne pas perdre le droit à l'avortement mais de continuer à rendre ce droit plus effectif, plus égalitaire ou à continuer à le développer."

      • Redéfinition des inégalités de santé : Les inégalités de santé ne se limitent pas à l'accès aux soins ou aux différences de mortalité, mais incluent "la manière d'être traité, d'être considéré et de contrôler les conditions et les modalités de ces soins."

      • La médecine comme productrice de hiérarchies sociales : La domination médicale et la différenciation des pratiques créent des différences d'accès aux traitements et, au-delà, contribuent, aux côtés d'autres institutions, "au processus de production et d'intériorisation des hiérarchies sociales."

      La médecine "participe à les former en faisant de ces différences des marqueurs signifiant de supériorité ou d'infériorité et en y socialisant les patients."

      • En somme, il ne s'agit pas seulement de voir "ce que l'ordre social fait à la médecine," mais aussi "ce que la médecine fait à l'ordre social," en instituant et reproduisant des inégalités non seulement sanitaires mais aussi sociales.
    1. Note de synthèse : La production sociale des inégalités de santé au travail

      Introduction

      • Ce document de synthèse s'appuie sur la conférence de Nathalie Bajos (2024-2025) intitulée "La production sociale des inégalités de santé (13)", qui explore la question majeure des risques et accidents du travail, ainsi que des maladies professionnelles. L'objectif est de mettre en lumière l'ampleur et la complexité de ce phénomène, souvent sous-estimé et invisible, et d'analyser les mécanismes sociaux qui favorisent la production des inégalités de santé liées au travail.

        1. L'ampleur et l'invisibilité des risques et accidents du travail
      • La conférence souligne que le travail, dans tous les pays du monde, affecte la santé des individus. Il existe une causalité complexe et bidirectionnelle entre l'exposition professionnelle et l'état de santé, l'état de santé pouvant également influencer les trajectoires professionnelles.

      • Les chiffres officiels, bien que sous-estimés, témoignent de l'ampleur du problème :
      • En 2023, on comptait 1287 décès liés au travail, 555 803 accidents du travail et 47 434 maladies professionnelles.
      • Nathalie Bajos insiste sur le fait que ces chiffres ne représentent que « la partie visible de l'iceberg ». La sous-estimation est due au fait que les problèmes ne sont pas toujours connus, déclarés ou reconnus comme professionnels. Le système de l'assurance maladie, axé sur la gestion financière des rentes, contribue à cette sous-déclaration.
      • L'invisibilité sociale des accidents du travail et des maladies professionnelles est un problème majeur depuis au moins 30 ans.

      1.1. L'évolution préoccupante des conditions de travail

      • Les conditions de travail se sont dégradées en France et dans de nombreux pays européens depuis le début des années 1990. Cette dégradation est attribuée à :
      • L'intensification du travail : marquée par des délais courts et des rythmes de travail plus élevés, générant chez les actifs le sentiment d'être « empêché de fournir un travail de qualité ».
      • Le « travail pressé » : un nouveau modèle qui s'est imposé dans tous les secteurs, où plus de la moitié des actifs occupés doivent travailler « toujours ou souvent dans des délais très stricts et très courts ».
      • Le management par objectif et le « toyotisme » dévoyé : Initié pour sortir du taylorisme en fixant des objectifs aux équipes, ce modèle a souvent conduit à une rigidification avec des indicateurs de performance et du reporting permanent, « la fin de l'autonomie et compliqué à l'envie le travail des salariés ». Ce phénomène touche aussi bien le secteur privé que le public.
      • Contrastes avec les organisations apprenantes : Les pays d'Europe du Nord ont développé des organisations apprenantes où les salariés participent activement à l'élaboration des objectifs et disposent d'autonomie, ce qui se traduit par une plus grande satisfaction.

      1.2. Données sur les expositions physiques et psychosociales

      • Expositions physiques : Elles sont en hausse en Europe depuis les années 1990. En France, la proportion de salariés subissant au moins trois contraintes physiques a triplé en 30 ans (passant de 22% des ouvriers en 1984 à 62%).
      • En 2022, 35% des hommes et plus de 30% des femmes sont exposés à au moins trois contraintes physiques intenses (mouvements douloureux/fatigants, bruit intense, produits dangereux, fumées/poussières).
      • Les hommes sont plus exposés en moyenne, notamment aux produits dangereux et au bruit.
      • Les ouvriers sont systématiquement les plus touchés par ces contraintes physiques par rapport aux autres catégories socioprofessionnelles.
      • L'exposition aux produits cancérogènes reste élevée, notamment chez les ouvriers qualifiés (plus de 30% en Île-de-France en 2003).
      • La France se caractérise par une situation plus défavorable que la moyenne européenne et d'autres pays comme l'Allemagne ou les Pays-Bas concernant les postures douloureuses, le port de charges lourdes, l'exposition à des produits toxiques ou les mouvements répétitifs.
      • Risques psychosociaux (RPS) : Les nouveaux modes d'organisation du travail et les exigences croissantes de performance individuelle ont favorisé leur développement.
      • Les RPS ont dépassé pour la première fois les troubles musculo-squelettiques comme problème de santé le plus important lié au travail.
      • Travailler sous pression est plus fréquent chez les cadres (>40%), tandis que le sentiment d'inutilité est plus élevé chez les ouvriers.
      • L'exposition répétée au stress est clairement identifiée comme liée aux troubles mentaux, ainsi que l'intensité du travail, les contraintes horaires, les relations hiérarchiques, le manque de reconnaissance, et les violences au travail.
      • Coût économique : Les maladies et accidents liés au travail coûtent à l'Union européenne environ 476 milliards d'euros par an, soit 3% du PIB de l'UE, soulignant que cet enjeu est non seulement social mais aussi économique.

      2. Les facteurs de risque identifiés et leurs conséquences

      • De nombreuses études épidémiologiques identifient des facteurs de risque spécifiques associés à diverses pathologies :
      • Expositions mécaniques : postures inconfortables, mouvements répétitifs, manipulation de charges lourdes, vibrations (douleurs lombaires, troubles musculo-squelettiques).
      • Produits chimiques et biologiques : poussières, fumées, produits dangereux (cancers, maladies respiratoires).
      • Risques psychosociaux : intensité du travail, stress, manque d'autonomie, contraintes horaires, mauvaises relations hiérarchiques (troubles mentaux, dépression, burn-out).
      • Ces risques ont des effets à long terme sur le corps et la santé, souvent cumulatifs et se renforçant mutuellement.

      3. Les obstacles à la reconnaissance et à la visibilisation

      • Malgré l'ampleur du problème, plusieurs facteurs contribuent à l'invisibilité et à la méconnaissance des liens entre conditions de travail et santé :
      • 3.1. Phénomènes de sélection et limites méthodologiques

      • Effet du travailleur sain : Les personnes en mauvaise santé sont susceptibles d'éviter les expositions professionnelles et sont moins maintenues en emploi, ou ne sont pas embauchées, ce qui biaise les statistiques sur la santé au travail en les sous-estimant.

      • Temps de latence des pathologies : L'impact à court terme des conditions de travail est majoritairement étudié, alors que des pathologies comme les cancers ou maladies cardiovasculaires ont un temps de latence très long, rendant difficile la preuve d'un lien causal.
      • Incomplétude des données épidémiologiques :
      • Elles ne couvrent pas tous les problèmes de santé au travail.
      • Le choix des sujets d'étude et les méthodes d'analyse peuvent invisibiliser certains cancers professionnels, notamment chez les femmes. Les matrices emploi-exposition, majoritairement construites à partir d'emplois masculins, sont peu pertinentes pour les populations féminines, en particulier celles des milieux défavorisés (ex: agentes de nettoyage).

      3.2. Mécanismes sociaux et politiques d'invisibilisation

      • Selon Véronique Dobas Le Tourneux, la méconnaissance ne résulte pas seulement de problèmes techniques ou pathologiques, mais aussi de mécanismes sociaux et politiques qui conduisent à ne pas voir ou à masquer les risques.
      • Au niveau des travailleurs :
      • Déni face au risque : Les travailleurs peuvent nier le caractère pathogène de leur travail (ex: virilité dans le bâtiment, coiffeuses niant les dermatoses pour des raisons pratiques).
      • Pression et peur de perdre l'emploi : Les rapports de domination en entreprise et la précarité (notamment pour les intérimaires) dissuadent les salariés de signaler les risques (ex: maintenance des centrales nucléaires où les intérimaires sont exposés à des radiations élevées sans suivi médical adéquat).
      • Au niveau des entreprises :
      • Masquage des effets néfastes : Les entreprises peuvent chercher à masquer les dangers liés aux produits ou aux modes de management.
      • Système assurantiel et gestion individualisée : La loi de 1898, axée sur l'indemnisation financière, tend à individualiser le problème et à ne pas « questionner les conditions de survenu de l'événement ni par conséquent l'organisation du travail ».
      • Invisibilisation médiatique et politique : Les accidents du travail sont souvent traités comme des « faits isolés » ou des « faits divers » par la presse locale et les politiques, les privant de leur « dimension collective et de leur inscription dans des organisations du travail ».
      • Secteurs et populations concernées : Les secteurs les plus touchés (construction, agroalimentaire, intérim, transport, soin à la personne) et les populations les plus vulnérables (ouvriers, femmes employées, jeunes, intérimaires, peu qualifiés, sans-papiers) sont déjà marqués par une certaine précarité, ce qui « invite à passer sous silence aussi les blessures que ces populations subissent ». Le faible poids des syndicats dans ces secteurs est également un facteur.
      • Déclin de la médecine du travail : Le rôle des médecins du travail, acteurs centraux de la prévention, est de plus en plus réduit par les réorganisations légales et managériales.

      4. L'analyse des processus de survenue des accidents du travail (Véronique Dobas Le Tourneux)

      • Le travail de Véronique Dobas Le Tourneux met en lumière l'importance de « déconstruire un peu les processus qui conduisent à la survenue de ces événements » pour des politiques de prévention plus efficaces.
      • Baisse historique des accidents du travail : Si le nombre d'accidents a baissé depuis les années 1950 (due à l'évolution des structures d'emploi et aux améliorations de sécurité), cette baisse tend à se stabiliser depuis les années 1990.
      • Les accidents comme "événements sentinelles" : Même les accidents mineurs sont importants car ils peuvent alerter sur des situations de travail à risque et avoir des effets significatifs sur la vie quotidienne et la santé des individus.
      • La sous-déclaration administrative : Elle est due aux mécanismes de cotisation des entreprises (indexées sur le nombre d'accidents déclarés), à l'auto-culpabilisation des victimes, à la pression des collègues, et au manque de suivi des travailleurs en situation irrégulière ou précaires (intérimaires, sans-papiers).
      • Véronique Dobas Le Tourneux distingue trois types de situations d'accident :
      • Accidents bénins dans un contexte de travail préservé : Souvent dans les emplois administratifs, ces accidents sont généralement déclarés et reconnus, permettant une visibilité et la mise en place de mesures préventives.
      • Accidents relevant de risques permanents et connus : Les salariés connaissent les risques et les moyens de s'en protéger, mais les « injonctions de production » les empêchent de respecter les consignes (ex: pauses non prises). Le risque est en quelque sorte intégré par l'employeur. Ces accidents sont généralement déclarés sans difficulté.
      • Accidents dans des contextes de « mise en danger » ou de « prise de risque organisé » : C'est la situation la plus grave, touchant principalement les apprentis, jeunes peu qualifiés, nouvellement embauchés, et intérimaires. Ils ont une marge de manœuvre limitée. Les récits des salariés font état de « prises de risque forcées ».
      • Exemples : Un ouvrier déchargeant des tubes d'acier longs et lourds sans matériel adapté malgré un signalement ; une employée de restaurant glissant avec des chaussures inadaptées à cause d'une surcharge de travail et de contraintes vestimentaires.
      • Ces situations combinent « exigences productives et commerciales », « surcharge de travail » et « déstructuration des collectifs de travail ».
      • C'est dans ce type d'accident que les cas de non-déclaration sont les plus nombreux, alors que la gravité est la plus élevée.
      • Thomas Coutre est cité : « les choix en matière d'organisation du travail sont et ont toujours été produit socialement par un système de pouvoir conditionné par les rapports de forces sociaux. Et sous cet angle la notion d'efficacité économique n'est pas un concept abstrait et neutre mais résulte indissociablement du jeu conjoint des techniques de production et de domination. »
      • L'analyse de Véronique Dobas Le Tourneux souligne l'importance de s'éloigner de la perspective du « comportement individuel à risque » pour comprendre les accidents, et de se concentrer sur les « prises de risque organisées » induites par l'organisation du travail.
      • Conclusion et perspectives

      • La question des risques du travail est un phénomène complexe et multifactoriel qui requiert une approche holistique :

      • Nécessité de contextualiser : Il est fondamental de prendre en compte le contexte des conditions de travail et de l'organisation du travail, au-delà des aspects purement techniques.
      • Manque de données : Des données plus fines sont nécessaires, notamment sur les intérimaires, les dimensions de genre (bien qu'elles soient de plus en plus prises en compte) et les dimensions raciales, encore très absentes, alors que ces populations sont souvent les plus exposées.
      • Frontières du travail à redéfinir : La sociologue Maë Simonet est citée pour interroger la définition actuelle du travail, construite autour d'un sujet masculin, rémunéré, et productif. Il est crucial de penser conjointement le travail rémunéré et le « travail gratuit, visible et invisible » (domestique, associatif, soins, bénévolat), majoritairement exercé par les femmes et souvent source de risques et d'accidents non reconnus.
      • Recommandations politiques :
      • Développer des politiques de santé et sécurité au travail à la hauteur de la complexité du problème, avec des mesures préventives et réparatrices.
      • Aller au-delà du cadre actuel de reconnaissance et de réparation des accidents du travail et maladies professionnelles (loi de 1898).
      • Accroître les moyens pour la recherche (postes, financements) sur ce sujet.
      • Mettre en place des mesures législatives interdisant certains produits dangereux.
      • Renforcer le respect par les employeurs de leur devoir de protection de la santé physique et mentale des travailleurs, et le rôle de l'inspection du travail.
      • Enjeux macro-sociaux et politiques : Les causes profondes des inégalités de santé au travail résident dans les choix de société et les modèles d'organisation du travail aux niveaux français, européen et mondial.
    1. Note de synthèse : La production sociale des inégalités de santé sexuelle chez les minorités de genre et sexuelles

      Cette synthèse s'appuie sur la présentation d'Emmanuel Bobati, sociologue et chercheur au CNRS, spécialiste des minorités sexuelles et de genre.

      Il aborde la production sociale des inégalités de santé, en particulier de santé sexuelle, chez les personnes LGBT (Lesbiennes, Gays, Bisexuels, Transgenres) en soulignant l'importance d'une approche critique des catégories utilisées et la nécessité d'inscrire la prévention dans des contextes sociaux et des trajectoires de vie complexes.

      Thèmes principaux et idées clés :

      Visibilité et vulnérabilité des recherches sur les minorités sexuelles et de genre en santé :

      • Les recherches sur les personnes LGBT sont souvent vulnérables, particulièrement dans des contextes politiques incertains pour leurs droits et leur santé.

      • Les minorités sexuelles et de genre sont fréquemment "laissées de côté" dans les recherches en santé, même si elles sont présentes dans les échantillons. Leurs inégalités sociales liées à leur sexualité ou trajectoire de genre sont peu visibles et thématisées.

      • Le domaine de la santé sexuelle est le principal champ où ces minorités sont prises en compte, et c'est souvent grâce à cette approche que les études sur l'homosexualité (depuis les années 80) et plus récemment sur les transidentités se sont développées.

      Historique et évolution des enquêtes sur la santé sexuelle des minorités :

      • Historiquement, la lutte contre le VIH/SIDA s'est focalisée sur les hommes gays cisgenres (personnes qui ne sont pas trans). L'enquête "Presse gay" (lancée par Michael Polac en 1984) en est un exemple.

      • Les femmes trans ont été particulièrement touchées par le VIH/SIDA, avec des taux de prévalence potentiellement supérieurs à ceux des hommes gays, ce qui a été confirmé empiriquement. Cependant, elles n'ont été intégrées aux politiques de santé publique qu'à partir des années 2010.

      • Les femmes lesbiennes sont "très largement sous-enquêtées dans le domaine de la santé sexuelle" malgré une prévalence d'infections sexuellement transmissibles (IST) plus élevée que chez les femmes hétérosexuelles.

      • Les enquêtes sur la sexualité en population générale, comme "Analyse des comportements sexuels en France" (1992) et "Contexte de la sexualité en France" (2006, codirigée par Nathalie Bajos), ont souligné les inégalités socio-sexuelles entre hommes et femmes, ainsi qu'entre hétérosexuels et homosexuels. Cependant, elles n'incluaient pas encore les personnes trans, ce qui est prévu pour l'enquête "Contexte des sexualités en France 2023" de l'INSERM.

      • L'enquête "Trans et santé sexuelle" (INSERM, 2010) a spécifiquement porté sur les populations trans, utilisant des méthodes mixtes (quantitatives et qualitatives).

      • L'approche constructiviste du risque et la production sociale des inégalités de santé sexuelle :

      • Les recherches s'intéressent à la "production sociale des inégalités de santé sexuelle", allant au-delà des comportements sexuels ou des "facteurs de risque" pour comprendre les conditions sociales de production de ces risques.

      • "Aucun groupe social n'est naturellement plus exposé au risque qu'un autre. Cette exposition est le résultat de logique sociale et notamment de rapports sociaux de domination."

      • Cette approche, qualifiée de "constructiviste du risque" ou "socio-culturelle du risque en santé sexuelle", met en lumière le fait qu'en raison des inégalités sexuelles et de genre, les personnes LGBT "ont plus de risque de rencontrer des risques que les personnes hétérosexuelles et cisgenres".

      Le genre comme rapport social et la transition comme mobilité sociale :

      • L'hypothèse centrale de la recherche de Bobati est que "les personnes trans sont en quelque sorte des transfuges", si l'on considère le genre comme un rapport social, à l'instar de la classe sociale (suivant les féministes matérialistes comme Christine Delphy, Colette Guillaumin, Danielle Kergoat).

      • La transition de genre peut être envisagée comme une "forme de mobilité sociale", une "mobilité de genre et conjointement une mobilité de sexualité".

      • Le concept de "passing" (se faire passer pour) est souvent utilisé pour le genre et la race, contrairement à la "mobilité sociale" pour la classe. Bobati critique cette distinction car elle tend à "naturaliser le genre et la race", impliquant une authenticité manquante.

      • Les populations trans sont des "populations minorisées", stigmatisées, opprimées et discriminées, et leur minorisation est due à leur mobilité même. Genre et sexualité sont "indissociables" dans cette minorisation.

      Les trajectoires trans et leurs implications pour la santé sexuelle :

      Il existe différentes trajectoires de transition :

      • Femmes trans qui transitionnent tardivement (autour de la cinquantaine) : Souvent après une première vie d'homme hétérosexuel, mariés et parents.

      • Femmes trans qui transitionnent jeunes : Plus à risque de marginalisation, isolement et précarité (difficultés à trouver un emploi stable, dépendance parentale). Elles sont plus concernées par le travail du sexe.

      • Hommes trans : Transitionnent majoritairement jeunes, dans de meilleures conditions sociales et matérielles que les jeunes femmes trans (moins de ruptures familiales, moins d'expérience de grande précarité). Leur trajectoire est plus homogène.

      • Ces trajectoires socio-sexuelles distinctes influencent la sexualité et le rapport au risque.

      Deux dimensions cruciales pour étudier la santé sexuelle des LGBT :

      • Hiérarchisation des risques (condition minoritaire) : Les risques liés à la santé sexuelle ne sont pas toujours la priorité principale pour les personnes LGBT confrontées à d'autres risques sociaux et psychosociaux :
      • Stigmatisation, marginalisation, précarisation, violence, discrimination.
      • Risque de "réassignation" (être renvoyé à son sexe d'origine) dans les interactions sociales et sexuelles, particulièrement pour les femmes trans.
      • Risque de violence dans la relation médicale, entraînant une réticence à consulter pour la santé sexuelle.
      • Ces risques sont inégalement vécus : les jeunes femmes trans sont les plus touchées par le risque de précarisation.
      • Socialisations sexuelles et préventives (mobilité sociale) :Avant la transition :Femmes trans transitionnant tardivement : Souvent hommes hétérosexuels avec une socialisation préventive minimale (compagne gérant la contraception).
      • Femmes trans ayant été gays : Ont une meilleure conscience du risque VIH/SIDA grâce à leur socialisation dans les milieux gays où la prévention est plus intégrée.
      • Hommes trans : Majoritairement lesbiens, avec une faible préoccupation de prévention (les lesbiennes étant peu ciblées par les politiques de santé publique en la matière).
      • Après la transition (mobilité sexuelle) :Les femmes trans tendent à s'hétérosexualiser ("l'hétérosexualité agit comme une fabrique très puissante de la féminité").
      • Les hommes trans tendent à s'homosexualiser/gayifier (un tiers ayant des relations avec des hommes après transition, plus que les hommes cisgenres). Devenir gay peut être un moyen de composer avec la "culpabilité" liée à l'ascension sociale et à la masculinité hégémonique.
      • Les dispositions préventives initiales survivent en partie à la transition. Certains "habitus de gestion du risque peuvent devenir insuffisants dans les nouvelles configurations sexuelles et relationnelles".
      • Les socialisations secondaires ne s'accomplissent pas comme les primaires. Il y a une "part d'inertie dans les trajectoires de transfuge".
      • Critique des catégories et le "paradoxe minoritaire" :
      • Le chercheur souligne le "paradoxe minoritaire" (Johan Scott) : pour déconstruire les catégories (hommes, femmes, hétéros, homos, trans, cisgenres), on est souvent contraint de les utiliser pour enquêter, communiquer et construire des politiques publiques.
      • Ces catégories sont des "labels qu'on ne questionne pas ou peu", alors qu'elles "rassemblent en fait des personnes et des groupes qui sont très différents les uns des autres" et ne sont "ni figées ni exclusives".
      • La sexualité et le genre sont pluriels et transversaux, non réductibles à un corps, une assignation ou une identité subjective. Ce sont avant tout des "rapports sociaux" qui "infusent l'ensemble de nos pratiques".
      • Il propose de penser le genre et la sexualité comme un "espace social" (inspiré de Bourdieu), au-delà des binarités homme-femme, hétéro-homo, cisgenre-trans.

      L'intersectionnalité des rapports sociaux :

      • Bobati insiste sur l'importance de l'intersectionnalité (Kimberlé Crenshaw), qui montre comment les rapports sociaux de genre, de race et de classe se coproduisent. "Selon la position sociale de race et de classe que l'on occupe on ne fait pas la même expérience du genre et de la sexualité et donc aussi de la santé sexuelle."
      • Cibler un groupe spécifique en santé publique (femmes, gays, trans, travailleurs du sexe) ne permet pas de s'adresser pertinemment à toutes les personnes du groupe, car les expériences sont diverses.
      • Les politiques de prévention destinées aux personnes trans dépendent fortement de celles destinées aux gays, lesbiennes, travailleuses du sexe ou même hommes hétérosexuels. La santé sexuelle de ces populations est interdépendante.

      L'universalisme minoritaire :

      • La présentation se termine sur le concept d'"universalisme minoritaire" (Bruno Perreau) : "protéger une minorité revient toujours à protéger bien au-delà de cette minorité".
      • La défense de la santé et des droits des LGBT bénéficie à l'ensemble de la société, "quelle que soit leur trajectoire de genre et de sexualité".

      En conclusion, la présentation d'Emmanuel Bobati met en lumière la complexité des trajectoires de genre et de sexualité et leur impact sur la santé sexuelle.

      Elle appelle à une approche sociologique fine, qui dépasse les catégories binaires et prend en compte la hiérarchisation des risques, les socialisations, les mobilités sociales et l'intersectionnalité, afin de mieux comprendre et adresser les inégalités de santé.

    1. Note d'information détaillée : La production sociale des inégalités de santé et la sexualité

      Source : Extraits de "La production sociale des inégalités de santé (9) - Nathalie Bajos (2024-2025)"

      Date de la présentation : 2024-2025

      Conférencière : Nathalie Bajos, sociologue au CNRS

      Introduction : La sexualité comme enjeu sociologique et de santé

      • Nathalie Bajos, sociologue au CNRS, aborde dans cette présentation la complexité de la sexualité humaine sous l'angle sociologique, en soulignant qu'elle n'est pas uniquement régie par des facteurs biologiques, contrairement à la sexualité animale.

      La sexualité humaine est "très large et peut se produire à tous les moments de la vie".

      L'objectif est de comprendre comment les enjeux de sexualité et de santé sont façonnés par des facteurs sociaux, notamment les risques liés à l'activité sexuelle (avortement, violences sexuelles, problèmes de santé mentale).

      L'analyse sociologique de la sexualité implique de recueillir des données sur :

      • Les actes (pratiques sexuelles diverses).
      • Les relations dans lesquelles ces pratiques prennent place (relations d'un soir, relations établies).
      • Les représentations sociales (légitimité ou interdit de certains actes), qui "évoluent comme on va le voir".
      • Les contextes sociaux particuliers, incluant les conditions de vie, les trajectoires personnelles, et surtout les rapports de domination.
      • Rapports de domination structurant les sociétés humaines
      • Nathalie Bajos insiste sur le rôle central des rapports de domination, "répéter répéter répéter encore", qui structurent toutes les sociétés humaines et qui renvoient à l'appartenance de genre, de classe et de "race".

      • Domination masculine : Le groupe social des hommes domine le groupe social des femmes, visible à travers des indicateurs comme les écarts de salaires, la sous-représentation des femmes dans les postes de pouvoir (présidentes, députées, dirigeantes d'entreprises) et la répartition des tâches domestiques.

      • Domination de classe : Les classes bourgeoises dominent les classes productrices (classes ouvrières), comme l'a souligné Karl Marx.
      • Rapports sociaux de "race" : Bien que la "race" n'existe pas en tant qu'entité biologique ("il y a une seule race humaine"), elle "tue" en raison des processus de discrimination.

      Ces rapports sociaux ne jouent pas indépendamment les uns des autres. Être une femme, par exemple, prend un sens différent selon la classe sociale ou la "race" :

      "Ce n'est pas la même chose si vous êtes une femme ouvrière noire et une femme ouvrière blanche".

      Le paradoxe de l'idéal égalitaire dans la sexualité Un paradoxe sociologique majeur réside dans la sphère de la sexualité : alors qu'un idéal égalitaire s'est diffusé dans d'autres sphères sociales (travail, famille, politique), la sexualité est la seule où cet idéal "résiste" et "peine encore à émerger".

      La majorité des gens pensent que "non les hommes et les femmes c'est pas pareil dans le domaine de la sexualité".

      L'hypothèse forte de cette résistance est que les représentations dans le domaine de la sexualité forment un "système cohérent" qui permet la "reproduction" des rapports sociaux de sexe.

      L'idée est que "le social ne s'arrête pas à la porte de la chambre à coucher" ; "Le sexuel est politique et n'est pas que intime".

      La vision biopsychologisante de la sexualité

      • La persistance d'une "vision biopsychologisante de la sexualité" est un mécanisme clé pour gérer les tensions entre un éthos égalitaire (où les hommes et les femmes devraient être égaux dans la société) et les pratiques sociales qui restent inégalitaires.

      Cette vision postule que les différences entre les femmes et les hommes sont d'origine "naturelle", justifiant ainsi les inégalités observées.

      Par exemple, une femme adhérant à l'idéal égalitaire mais subissant des inégalités dans sa carrière et les tâches domestiques peut "résoudre cette tension" en se disant : "oui mais finalement quelque part c'est normal on n'est pas pareil.

      La preuve dans le domaine de la sexualité les hommes et les femmes c'est très différent".

      Évolutions des pratiques et représentations de la sexualité en France

      L'exposé s'appuie sur quatre grandes enquêtes nationales sur la sexualité en France (1970, 1992, 2006, 2023), montrant une progression dans la prise en compte des dimensions de genre, classe et "race".

      Évolutions des pratiques :

      • Âge du premier rapport sexuel : L'écart entre filles et garçons s'est réduit au fil du temps, avec un rapprochement des courbes. Une remontée récente de l'âge d'entrée dans la sexualité est observée, attribuée non seulement au Covid-19, mais aussi aux effets de la crise économique qui a retardé l'accès des jeunes à l'autonomie sociale et financière, le premier rapport étant un "marqueur d'une entrée dans une socialisation adulte".
      • Prolongement de la vie sexuelle : La vie sexuelle se prolonge beaucoup plus aux âges avancés qu'auparavant. L'âge de la ménopause (environ 50 ans) n'est plus le "coup près du sortir entre guillemets du marché de la sexualité" pour les femmes, rompant avec une conception de la sexualité féminine liée uniquement à la reproduction. Cependant, une inégalité persiste, les hommes ayant souvent des partenaires plus jeunes.
      • Diversification des partenaires : Le nombre moyen de partenaires sexuels déclarés a "spectaculairement" augmenté entre 1992 et 2023 pour les femmes (passant de 3,4 à 7,9) et pour les hommes (de 11,2 à 16,4). L'écart persistant entre hommes et femmes s'explique par une "définition d'un partenaire sexuel [qui] n'est pas la même pour les femmes et pour les hommes". Les femmes ont tendance à ne compter que "les hommes qui ont compté", c'est-à-dire des relations potentiellement sérieuses, tandis que les hommes comptabilisent aussi les partenaires d'un soir. Cela reflète la valorisation de la sexualité masculine dans sa "grande diversité" et la construction de la sexualité féminine autour de son "rôle reproductif".
      • Sexualité en ligne : Une partie croissante de la sexualité s'exerce dans les espaces numériques, avec un pourcentage élevé de jeunes ayant envoyé des images intimes.
      • Diversification des pratiques : La masturbation, la fellation, le cunnilingus et la pénétration anale sont des pratiques de plus en plus déclarées. L'augmentation spectaculaire de la masturbation chez les femmes (de 42% en 1992 à 73% aujourd'hui) "signe la possibilité pour les femmes de vivre une sexualité beaucoup plus dégagée des enjeux liés à la relation et liés aux représentations sur le rôle reproductif des femmes".
      • Sexualité non hétérosexuelle : La sexualité non hétérosexuelle est de plus en plus fréquente, surtout chez les jeunes et les jeunes femmes. Un indicateur global de "distance avec la norme hétérosexuelle" montre que 37,6% des femmes et 18,3% des hommes de 18-29 ans s'en écartent d'une manière ou d'une autre (attraction pour le même sexe, partenaire de même sexe, identité homo/bisexuelle).
      • Évolutions des représentations :
      • Sexualité récréative : L'acceptation d'avoir des rapports sexuels sans aimer la personne est en nette augmentation, surtout chez les jeunes et les femmes, marquant une "prise de distance très claire vis-à-vis du modèle de la sexualité hétérosexuelle en couple et cetera monogame".
      • Besoins sexuels par nature : L'idée que "par nature les hommes ont plus de besoins sexuels que les femmes" est de plus en plus rejetée, en particulier par les jeunes femmes (45% des 18-29 ans la rejettent), bien qu'elle reste majoritaire dans la population générale. Cette représentation est dénoncée comme une construction sociale sans fondement biologique, servant à "contrôler la sexualité des femmes".
      • Satisfaction sexuelle :
      • Malgré les "bouleversements" dans les pratiques et représentations, la satisfaction sexuelle est restée stable, voire légèrement augmentée chez les hommes. Cela contredit l'idée d'une "guerre des sexes" ou d'une perte de repères pour les hommes face à la libération de la sexualité féminine.

      Mythes, pratiques et tensions : Exemples concrets La présentation illustre comment le mythe des besoins sexuels masculins "par nature" façonne les expériences individuelles et génère des tensions :

      • Anne (23 ans) : Adhère à l'idée que les hommes ont des besoins physiques (besoin de "se vider") et "aide" son partenaire à prendre plaisir, même sans désir, pour éviter qu'il ne tombe "malade". Cela montre une intériorisation de la vision "médicalement reconnue" de cette nécessité masculine.
      • Éric (30 ans) : Croit en des besoins masculins "plus réguliers et plus physiques" et un appétit féminin qui "s'amoindrirait avec le temps". Face à une partenaire jeune ayant de forts besoins, il l'interprète comme une exception due à son jeune âge, maintenant sa représentation du "corps mécanique" masculin et du "corps systémique" (plus psychologique) féminin.
      • Arnaud (31 ans) : Rejette l'idée que les hommes aient plus d'envies, la qualifiant de "conneries culturelles qui permettent de contrôler la sexualité des femmes". Son expérience dans les cercles homosexuels le confronte néanmoins à une "culture de la virilité" et de la "performance" qui le met en décalage.
      • Muriel (55 ans) : Ayant longtemps cru à la supériorité des besoins masculins, elle a développé un regard critique, découvrant le plaisir physique et une sexualité harmonieuse et réciproque, en phase avec ses représentations égalitaires.
      • Sexualité contrainte et violences sexuelles
      • L'adhésion à la représentation que "par nature les hommes ont plus de besoins sexuels que les femmes" est fortement liée à la "sexualité plus contrainte pour les femmes". Les femmes qui adhèrent le plus à cette idée sont celles qui déclarent le plus souvent avoir des rapports sexuels sans en avoir envie "pour lui faire plaisir".

      La présentation met en évidence un "continuum" de contrainte dans la sexualité, où les rapports imposés sont "l'expression la plus violente la plus ultime".

      • Déclarations de violences : Les rapports forcés ou tentatives de rapport forcé sont "extrêmement élevées" : 37% des femmes de 18-29 ans et 12% des hommes déclarent en avoir subi. Dans plus de 95% des cas, l'agresseur est un homme.
      • Violences en ligne : Harcèlement sexuel, réception d'images intimes non sollicitées, diffusion d'images à l'insu sont également significatives (33% des femmes, 25% des hommes de 18-29 ans).
      • Augmentation des déclarations : L'augmentation des déclarations de violences est due à une plus grande facilité à en parler (climat social, enquêtes) et à une évolution de la "définition de ce que c'est qu'une violence" (ex: viol conjugal reconnu depuis 1982).
      • Profil des victimes : Les violences touchent tous les milieux sociaux mais sont plus fréquentes dans des situations de "grandes inégalités entre les partenaires" (dépendance économique, sociale, culturelle).
      • Impact sur les minorités sexuelles : Les personnes ayant une sexualité non strictement hétérosexuelle sont beaucoup plus confrontées aux violences (45% des jeunes femmes non hétérosexuelles vs 31% des hétérosexuelles) et aux problèmes de santé mentale (dépression sévère deux fois plus élevée). Cela est lié aux "multiples discriminations" subies.

      Conclusion et enjeux pour les politiques publiques

      En résumé, il y a une "plus grande diversité des pratiques sexuelles", remettant en question la norme hétérosexuelle et signalant un "mouvement de fond vers une plus grande égalité entre les sexes et entre les sexualités".

      Cependant, des "résistances" et des "discriminations" subsistent, empêchant certains groupes de vivre leur sexualité librement.

      Les enjeux de santé liés à la sexualité (VIH/SIDA, avortement) doivent être compris et interprétés en lien avec le contexte social des sexualités, c'est-à-dire les pratiques, les représentations et les rapports de domination.

      La prévention doit dépasser la logique strictement sanitaire pour s'inscrire dans le contexte social.

      Pour les politiques publiques, cela implique :

      • La lutte contre les inégalités sociales, les stéréotypes et les discriminations.
      • L'éducation à l'égalité et aux sexualités.
      • La question centrale de l'effectivité des droits sexuels et reproductifs, dont l'application quotidienne peut encore poser problème (exemple de l'avortement).
    1. Document de Synthèse : L'Emprise et ses Implications Médico-Légales

      Ce briefing synthétise les points clés de la conférence intitulée "Conférence CRIAVS - Emprise", abordant la nature complexe de la relation d'emprise, son exploration psychiatrique et ses implications juridiques.

      L'intervenant, un psychiatre, met en lumière les désaccords avec les approches précédentes, soulignant l'importance d'une compréhension holistique du lien auteur-victime.

      1. Préambule : Distinction et Compréhension

      L'orateur introduit son propos en soulignant une divergence d'approche avec la loi actuelle. Tandis que le droit distingue clairement les victimes des auteurs, la psychiatrie s'intéresse à la dynamique du lien entre les deux.

      • L'approche juridique vs. psychiatrique : "d'un côté il y a la loi qui aujourd'hui distingue de façon très claire les victimes d'un côté les auteurs de l'autre... moi je me place du côté de la psychiatrie et du côté de la psychiatrie il y a un intérêt à aller chercher à renseigner ce qui se passe dans le lien entre une victime et un auteur."

      • Objectif de la compréhension : Comprendre les mécanismes ne signifie ni excuser l'auteur, ni blâmer la victime, mais "identifier mieux" et "juger mieux" pour des raisons médico-légales et thérapeutiques.

      2. La Complexité du Lien Auteur-Victime

      Le lien entre l'auteur et la victime est intrinsèquement complexe, pouvant même présenter une "zone de chevauchement" où les rôles peuvent s'inverser.

      • Zone grise et inversion des rôles : "il peut exister entre la victime et l'auteur une zone de chevauchement une zone grise... il y a des mécanismes un peu de renversement c'est-à-dire que la victime elle devient un peu hauteur et l'auteur il devient un peu victime."

      • Le même individu peut être les deux : "la victime et l'auteur peuvent être aussi une seule et même personne c'est-à-dire que quelqu'un peut avoir été victime et devenir auteur quelqu'un peut avoir été auteur et devenir victime encore."

      3. Critique de l'Expertise Actuelle

      L'intervenant dénonce la pratique actuelle qui consiste à confier l'expertise de l'auteur à un psychiatre et celle de la victime à un psychologue, alors que l'explication de la relation d'emprise nécessite une approche globale.

      • Scission de l'expertise : "on va confier l'expertise de l'auteur à un psychiatre... et on va confier l'expertise de la victime à une ou un psychologue."

      • Incohérence de la demande : "comment vous voulez expliciter une relation d'emprise si vous n'avez examiné qu'un seul [individu]?"

      • Recommandation : Il est "intéressant que ça soit le même professionnel ou alors une association de mêmes professionnels psychiatres et psychologues par exemple qui puissent examiner à la fois l'auteur et à la fois la victime."

      4. L'Expertise Psychiatrique : Constats et Limites

      L'expertise psychiatrique des auteurs d'emprise révèle des constats importants sur l'absence fréquente de troubles mentaux graves ou d'altération du discernement, mais met en évidence des fonctionnements de personnalité spécifiques.

      • Absence de diagnostics graves : "dans la plupart des cas les auteurs... n'ont pas de pathologie mentale avérée... on ne trouve pas non plus de trouble grave de la personnalité."

      • Discernement non aboli : "dans la plupart des cas il y a pas de notion d'altération il y a pas de notion d'abolition du discernement ou du contrôle de ces actes."

      • Dangerosité criminologique : L'évaluation se concentre sur le risque de réitération, en identifiant des facteurs de bon et mauvais pronostic.
      • Fonctionnements de personnalité identifiés :Obsessionnel : "ils sont dans le contrôle d'eux-même de leurs émotions de le contrôle de leur environnement."

      • Paranoïaque : Avec "suspicion d'infidélité tout ce qui est de l'ordre des interprétations tout ce qui est de l'ordre des projections."

      • Borderline : Caractérisé par une alternance "je fusionne je rejette je fusionne je rejette" et une "dimension abandonique".
      • Refus du terme "pervers narcissique" : Le terme "pervers" n'est pas référencé en psychiatrie et l'intervenant préfère décortiquer les mécanismes comme "la séduction, le déni d'altérité... la manipulation... la transgression."
      • Du côté de la victime, l'expertise cherche à établir un lien de cause à effet entre l'emprise et les troubles psychiques (dépression, anxiété).

      La "vulnérabilité" est entendue au sens médico-légal (mesure de protection), bien que des "fragilités" puissent être notées.

      Traumatisme développemental : Le cœur de la vulnérabilité réside dans le "trauma développemental", souvent lié à des "négligences" précoces. Inadaptation du système d'attachement : C'est la "clé de la relation d'emprise."

      5. Les Étapes de la Relation d'Emprise

      La relation d'emprise suit des phases distinctes, souvent schématisées pour en faciliter la compréhension juridique :

      • Séduction et adhésion initiale (Love bombing) : Compliments, cadeaux, affection intense, fausse empathie créant une "dépendance affective rapide" et une "lune de miel."
      • Confusion et culpabilisation : Introduction graduelle de comportements de contrôle, critiques déguisées, changements d'humeur imprévisibles, "brouillage cognitif" (ex: gaslighting "je ne t'ai jamais dit ça tu inventes"). La victime perd confiance en son jugement. La culpabilisation pour de prétendus manquements s'installe.
      • Isolement et contrôle : L'auteur isole la victime de ses proches. La victime s'isole elle-même par honte ou pour éviter les conflits, perdant ainsi ses repères extérieurs. Le contrôle se manifeste par la surveillance des faits et gestes, du téléphone, de l'argent.
      • Privation et menace : Privation d'affection, harcèlement, et enfin menaces directes ("si tu me quittes je te détruirai", "je me suiciderai", "tu perdras les enfants"), souvent le moment où la justice intervient.

      6. Le Rôle Fondamental de l'Attachement Désorganisé

      L'attachement est un lien affectif essentiel au développement humain. Un attachement sécure permet l'autorégulation, mais un attachement dysfonctionnel, notamment désorganisé, crée le terrain propice à l'emprise.

      • Définition de l'attachement : "un lien affectif et il est à la base c'est une nécessité pour le développement humain."
      • Lien avec l'emprise : "pour moi il n'y a pas d'emprise sans problématique d'attachement." L'attachement désorganisé est le type le plus propice.
      • Origine de l'attachement désorganisé : Figures d'attachement (souvent les parents) "incohérentes," "effrayantes ou effrayées," "sévèrement déprimées," "désaccordées," "avec des traumas non résolus," ou "maltraitantes ou négligentes." La négligence seule peut suffire.
      • Mécanismes : L'enfant est confronté à une "peur sans solution" et sa figure d'attachement est "incapable de le réguler." Il "désactive son système d'attachement" et développe des "stratégies de contrôle" pour rééquilibrer le dysfonctionnement.
      • Mécanismes de contrôle dans l'emprise : "contrôle prendre soin," "contrôle punitif," "contrôle séduction," "contrôle soumission."

      7. Le Fonctionnement Défensif de l'Auteur

      La relation d'emprise est un "fonctionnement défensif" pour l'auteur, qui tente de gérer une problématique interne en l'externalisant.

      • Externalisation : L'auteur "externalise sa propre problématique" et "rend l'autre responsable de ses propres actes et de ses propres défaillances."
      • Projection : "en les pointant chez l'autre ou en les projetant chez l'autre ça va lui permettre de ne pas regarder les siennes."
      • Peur de la projection : Paradoxalement, l'auteur "va avoir peur de ce qu'il voit" chez la victime, désignée comme un agresseur car elle porte la projection de sa propre agressivité.

      8. L'Évolution du Cadre Légal et Recommandation Finale

      La justice évolue, reconnaissant l'emprise sous le terme de "contrôle coercitif", mais sa démonstration reste un défi.

      • Vers le "contrôle coercitif" : "l'emprise ça existait pas donc on a on va appeler ça contrôle coercitif."
      • Démonstration légale : Il faut prouver l'intentionalité de l'agresseur, la perception négative du comportement par la victime, les dégâts causés, et l'existence de "menaces ouvertes" en cas de tentative d'échapper au contrôle.
      • Importance de l'exploration du lien : L'exploration de la "zone grise" entre victime et auteur "ne remet aucunement en question la position de victime et la position d'agresseur devant la loi... mais ça permet de comprendre et je pense que c'est cette compréhension qui permettra de faire avancer les choses."

      En conclusion, la conférence souligne l'impératif d'une approche intégrée en matière d'emprise, où la compréhension des mécanismes psychologiques, notamment ceux liés à l'attachement désorganisé, doit éclairer et enrichir l'action judiciaire, malgré les défis de traduction des concepts psychiatriques dans le langage juridique.

    1. Parcoursup 2025 : aborder sereinement la phase d’admission dès le 2 juin

      FCPE Nationale

      La phase d’admission principale de Parcoursup débutera à partir du lundi 2 juin 2025. Les candidats pourront consulter au fur et à mesure les réponses des formations et ils devront répondre aux propositions dans les délais indiqués par la plateforme.

      Voici le replay du webinaire organisé le 26 mai dernier avec Jérôme Teillard, chargé de mission Parcoursup au ministère chargé de l’Enseignement supérieur et de la Recherche, et une FAQ pour les futurs étudiants et leurs parents

      compte-rendu détaillé d'une réunion sur le processus d'admission post-bac, vraisemblablement via la plateforme Parcoursup.

      Les thèmes principaux abordés concernent le fonctionnement de la phase d'admission, les critères de sélection, les différents types de réponses possibles, la gestion des listes d'attente, l'importance de la réactivité des candidats, les dispositifs d'accompagnement et d'aide financière, ainsi que des conseils pratiques pour les lycéens et leurs parents.

      Thèmes Principaux et Faits Importants :

      1. Le Processus de Sélection et l'Algorithme Parcoursup :

      Il est clairement affirmé que Parcoursup n'examine pas les dossiers des lycéens et ne choisit pas leurs affectations. Ce sont les commissions d'examen des vœux (CEV) de chaque formation, qu'elles soient publiques ou privées, qui définissent les critères, évaluent les candidatures, et établissent des classements. "Ça n'est jamais l'algorithme de parcours. Chute qui examine les dossiers des lycéens. Ça n'est pas non plus parcouru qui choisit leur affectation. Ce sont bien au sein de chaque formation, qu'elle soit publique ou privée, une commission d'examen des vœux qui a défini des critères qui les a appliqués, qui a évalué les candidatures." (00:04:01.230 - 00:04:20.770) Ces commissions pondèrent des éléments de résultats scolaires et des éléments plus qualitatifs. Plus de 120 000 classements sont ensuite remontés à Parcoursup, qui intègre alors les priorités légales.

      2. Priorités Légales et Dispositifs d'Aide :

      Des priorités sont accordées à certains profils de candidats pour garantir l'équité et soutenir la mobilité ou l'intégration :

      Lycéens boursiers : "priorité pour des lycées boursiers. Puisque je rappelle que dechu pour chaque formation, y compris les formations les plus sélectives, il y a des taux minimum de lycées boursiers" (00:05:09.130 - 00:05:20.290). Une aide financière de 500 euros est proposée aux lycéens boursiers qui s'inscrivent dans une formation hors de leur académie de résidence pour accompagner la mobilité.

      Participation aux cordées de la réussite : Prise en compte par environ 40% des formations en 2025. Lycéens professionnels : Places priorisées pour accéder aux BTS.

      Lycéens technologiques : Places priorisées pour les Bachelors Universitaires de Technologie (BUT) car "ce sont les formations dans lesquelles ils réussissent le mieux." (00:06:08.830 - 00:06:11.780)

      Accès aux licences en tension : Priorité pour les candidats du secteur ou de l'académie, avec des exceptions géographiques (ex: Île-de-France). Lycéens français à l'étranger : Prioritaires dans toutes les universités en France métropolitaine ou outre-mer.

      3. La Phase d'Admission (à partir du 2 juin) :

      Types de réponses pour formations sélectives (BTS, BUT, CPGE, IFSI, etc.) :"Oui" : Proposition d'admission. Le candidat a un délai pour accepter ou renoncer.

      "Oui si" : Proposition d'admission sous condition de suivre un parcours d'accompagnement ou de remise à niveau (ex: modules disciplinaires). Ce n'est pas un "non", mais une "réponse avec alerte pour signaler qu'il y a un besoin de renfort". (00:21:48.610 - 00:21:57.520) L'an dernier, 26 000 étudiants ont été inscrits avec un "oui si".

      "Non" : Réponse négative. Le candidat peut consulter une notification pour demander des explications sur les critères et motifs de la décision. "Chaque lycée a un mois à compter de la publication... pour poser les questions" (00:40:29.190 - 00:40:34.390).

      Types de réponses pour les licences non sélectives :"Oui" : Admission.

      "Oui si" : Admission conditionnelle (voir ci-dessus).

      "En attente" : Le candidat est sur liste d'attente. L'évolution de cette liste dépend des réponses des candidats mieux classés.

      Réponses pour les vœux en apprentissage : La réponse est "candidature retenue sous réserve de contrats." (00:41:24.870 - 00:41:28.410) Le candidat doit trouver un contrat d'apprentissage pour que l'admission soit effective. Le calendrier est plus long, jusqu'en septembre. Il est conseillé d'accepter une proposition "étudiant" classique en attendant de trouver un contrat d'apprentissage.

      4. Gestion des Réponses et des Vœux en Attente :

      Fréquence des mises à jour : "Il n'y a qu'une mise à jour le matin. Donc ça ne sert à rien de se connecter 50 fois dans la journée." (00:23:28.800 - 00:23:31.600)

      Délais de réponse : Le délai de réponse initial est court (ex: jusqu'au 5 juin 23h59 pour les premiers jours). Ensuite, un rythme plus "pérenne" se met en place.

      Importance de répondre : "même quand on n'a pas envie d'une formation, il ne faut pas snoer par cour sup, il faut répondre. Vous avez le droit de dire oui ou de dire non, ce que je vous demande, c'est de répondre" (00:27:53.870 - 00:28:03.360).

      Hiérarchisation des vœux en attente : Depuis 2022, les candidats ayant des vœux en attente sont invités à les classer par ordre de préférence.

      Ce classement est personnel et confidentiel pour les formations.

      "La seule question à vous poser, c'est si j'avais une proposition d'admission sur ce vœu là, est ce que je l'accepterai et est ce que je renoncerai à la proposition que j'ai déjà acceptée?" (01:05:27.640 - 01:05:37.760)

      Conséquences du classement : L'acceptation d'un vœu plus haut dans la hiérarchie entraîne l'abandon des vœux inférieurs et la suppression des vœux en attente moins bien classés.

      "Si soit le v et pas le vœ deux, ça supprime le deux." (01:29:23.480 - 01:29:24.590) "l'objectif, ce n'est pas de faire piéger, mais c'est de vraiment que quelqu'un qui avait encore 15 jours en attente, s'il a la proposition qui satisfait i rend beaucoup ça évite que les listes d'attente, elles soient bloquées par certains qui attendent et qui voudraient les garder indéfiniment." (01:30:37.900 - 01:30:49.420)

      Possibilité de ne pas avoir de proposition : "Oui, on peut avoir des candidats... un tiers se trouve en attente sur ses vœux." (00:44:41.430 - 00:44:51.870) Cependant, en moyenne, les lycéens reçoivent près de six propositions sur les 33 jours du processus.

      La phase complémentaire : Une solution pour ceux qui n'ont pas de proposition ou qui souhaitent changer d'orientation. Elle permet de formuler de nouveaux vœux pour des formations ayant encore des places disponibles. Il est impossible de refaire un vœu pour une formation où l'on a déjà été refusé, car le jury s'est déjà prononcé.

      5. Outils et Accompagnement :

      Site d'entraînement Parcoursup : Des ressources (vidéos, règles d'or, quiz, situations fictives) sont disponibles pour aider les candidats à comprendre le fonctionnement et les règles de la phase d'admission. "il n'y a pas de boîte noire." (00:14:10.490 - 00:14:13.560)

      Numéro vert et réseaux sociaux : Assistance disponible. Mise à jour des coordonnées : S'assurer que les informations de contact (numéro de téléphone, adresse e-mail) sont correctes pour recevoir les notifications. "Le risque de ne pas avoir de proposition vient de la déconnexion avec son dossier." (00:46:00.670 - 00:46:03.950)

      6. Cas Particuliers :

      Refus du Bac au rattrapage : Si un candidat n'obtient pas son baccalauréat, la proposition d'admission est annulée.

      Informations sur le lycée d'origine : Les formations ont accès à l'établissement d'origine du candidat. Cependant, un critère géographique discriminant est interdit par la loi.

      Césure : Possibilité de demander une année de césure. Le candidat doit d'abord accepter une formation, puis l'établissement décidera d'accepter ou non le projet de césure, en fonction de sa "crédibilité" et de sa "cohérence". (01:35:54.560 - 01:35:59.700) La césure est différente d'une année sabbatique, car elle implique une inscription dans un établissement et potentiellement un statut social.

      En résumé, la réunion vise à démythifier le processus Parcoursup, en soulignant l'importance de l'évaluation humaine des dossiers par les formations et en détaillant les étapes claires et les règles de la phase d'admission. L'accent est mis sur la réactivité des candidats et la compréhension des différentes options et aides disponibles pour maximiser leurs chances d'intégrer la formation de leur choix.

    1. Note de synthèse : Les formes de la violence - Une analyse multifacette

      Ce document de synthèse explore la nature complexe de la violence, en s'appuyant sur les thèses de Didier Fassin et les exemples historiques et philosophiques cités dans les sources.

      Il met en lumière la dualité morale et politique de la violence, les diverses éthiques du refus de la violence, et la relecture contemporaine des rapports de force et de légitimité.

      1. La Violence : Jugement Moral et Réalité Politique Ambiguë

      La violence est intrinsèquement liée à un jugement moral de réprobation quasi-universel, qu'elle soit domestique, coloniale, ou étatique. Cependant, sa réalité politique est ambiguë :

      • Le Déni Concérté : La violence fait l'objet d'une condamnation générale, ce qui entraîne "le déni concerner la société toute entière ou des groupes particuliers".

      • Double Standard du Pouvoir : Le pouvoir prétend la prévenir et la combattre, mais "il s'en détournent en protègent les auteurs lorsqu'ils sont puissants mais les accablent quand ils appartiennent aux classes populaires aux minorités racisées aux populations étrangères".

      Cette contradiction entre le discours moral et la pratique politique est fondamentale.

      2. Les Éthiques du Refus de la Violence : Diversité et Complexité

      Le refus de la violence s'inscrit dans des traditions religieuses et philosophiques variées, mais sa signification est polysémique et complexe :

      • Traditions Religieuses : Le "Sermon sur la montagne" (Évangile de Matthieu) en est une expression canonique chrétienne :

      "Vous avez appris qu'il a été dit œil pour œil et dents pour dents et moi je vous dis de ne pas résister au méchant au contraire si quelqu'un te gifle sur la joue droite tends-lui l'autre joue."

      C'est l'éthos des premiers martyrs.

      • Traditions Philosophiques : Éric Weil (1967) vise "d'éliminer la violence", considérant cela comme "le secret de la philosophie".

      • Polysémie du Refus : Refuser la violence signifie-t-il la refuser de la commettre, d'y contribuer, de s'y soumettre, de la voir, de l'exhiber, d'en parler ? Ces questions ont des significations morales et politiques distinctes.

      • Légitimité de la Violence Contre l'Oppression : La question se pose de savoir si une réponse violente à l'oppression peut être légitime, et sous quelle forme, tant pour les mouvements de résistance que pour les situations individuelles de mauvais traitement.

      3. La Non-Violence : Manifestes et Figures Pionnières

      Plusieurs épisodes historiques illustrent le développement de la non-violence moderne :

      • "The Mask of Anarchy" de Percy Bysshe Shelley (1819) : Ce poème est considéré comme le premier manifeste moderne de la non-violence, écrit en réaction au massacre de Peterloo.

      Il exhorte la foule : "levez-vous comme des lions après le repos en nombre invincible secouez vos chaînes comme la rosée tombé sur vous pendant votre sommeil vous êtes nombreux ils sont peu".

      • Henry David Thoreau et la Désobéissance Civile : Son essai "Resistance to Civil Government" (1849) prône le refus de payer l'impôt fédéral pour protester contre l'esclavage et la guerre américano-mexicaine.

      Il condamne la violence structurelle de l'esclavage et la violence coloniale de la conquête.

      Thoreau suggère que "Sous un gouvernement qui emprisonne quiconque injustement la véritable place d'un homme juste est aussi en prison."

      Pour lui, le refus de l'impôt par un millier de citoyens ne serait "pas un acte violent et sanglant comme le serait de les payer et ainsi de permettre à l'État de commettre des violences et de répandre un sang innocent", définissant cela comme "une révolution pacifique".

      • Mahatma Gandhi et le Satyagraha : Inspiré par Thoreau, Gandhi a mobilisé des milliers d'Indiens et de Chinois en Afrique du Sud contre le "Black Act".

      Le Satyagraha, "attachement à la vérité" ou "force de la vérité", est une "arme d'effort qui exclut tout recours à la violence et cherche à accéder à la vérité".

      Pour Gandhi, "renverser l'oppresseur n'est qu'une demi-victoire le convaincre de se transformer est une victoire pleine et entière".

      La Marche du Sel (1930) en Inde en est un exemple emblématique.

      • Martin Luther King Jr. et le Mouvement des Droits Civiques : Fortement influencé par Thoreau, King a dirigé des campagnes non-violentes, notamment le boycott des bus de Montgomery et les manifestations de Birmingham.

      Il souligne l'importance de "réunir les preuves de l'existence de l'injustice", "négocier des améliorations", "développer un programme dit de purification basé sur l'apprentissage des pratiques de la nonviolence" et "passer à l'action pour provoquer une crise censé déboucher sur l'ouverture de discussion".

      King n'était pas contre l'État ni la Constitution, mais s'appuyait sur eux pour finir avec la ségrégation.

      4. La Violence Légitime de l'Opprimé : Une Perspective Contestée

      La question de la légitimité de la violence de l'opprimé est un point de divergence crucial :

      • Thoreau et John Brown : Bien qu'apôtre de la non-violence, Thoreau a défendu John Brown, un abolitionniste ayant utilisé des moyens violents.

      Thoreau adopte la position du "spectateur révolutionnaire non violent" qui "cherche à réduire la violence de la vie non seulement en refusant de commettre des actes violents mais également en formant une communauté de spectateurs non violents qui témoignent de l'usage de la violence pour en terminer avec l'oppression et l'extermination et l'exploitation".

      Il admet des circonstances où la violence serait "inévitable" si d'autres options sont inefficaces, en fonction de la gravité de la cause, de l'imminence du danger et de la proportionnalité.

      • Frederick Douglass : Cet ancien esclave a défendu le recours à la violence pour la liberté, arguant que "tous les êtres humains ont des droits fondamentaux à la vie et à la liberté la privation de la seconde la liberté et le risque de privation de la première la vie justifiant alors le recours à la violence".

      Pour lui, les propriétaires d'esclaves perdent leurs droits fondamentaux en privant autrui des siens.

      • Frantz Fanon et la Violence Décolonisatrice :

      Dans "Les Damnés de la Terre" (1961), Fanon défend la violence comme "indispensable au processus de décolonisation".

      Il décrit la rencontre entre colonisateur et colonisé "toujours déroulé sous le signe de la violence".

      Pour Fanon, la violence coloniale est non seulement physique mais aussi morale, "déshumanise et même à proprement parler l'animalise".

      La violence de la décolonisation est "doublement libératrice" : elle mène à l'indépendance et "débarrasse le colonisé de son complexe d'infériorité [...] elle le rend intrépide le réhabilite à ses propres yeux."

      Le texte de Fanon est moins un plaidoyer pour la violence qu'une "description lyrique et une et une explication subjective des faits qui conduisent à la décolonisation de la violence il révèle le caractère inéluctable nécessaire et finalement justifié".

      • Jean-Paul Sartre et la Radicalisation : La préface de Sartre aux "Damnés de la Terre" a radicalisé le propos de Fanon, par exemple avec la formule : "abattre un européen c'est faire d'une pierre de coup supprimer en même temps un oppresseur et un opprimé reste un homme mort et un homme libre".

      Cette interprétation, selon Alice Cherky, transforme l'analyse de Fanon de l'inéluctabilité de la violence en une "enthousiaste justification" du meurtre.

      • Jean Améry et le "Tabou de la Vengeance" : Survivant de la Shoah, Améry établit un parallèle entre la situation du colonisé et celle du détenu juif dans un camp, affirmant que "la liberté et la dignité doivent être acquises par la violence pour être liberté et dignité".

      Il défend le "tabou de la vengeance", arguant que "l'oppresseur ayant subi la violence que lui inflige l'opprimé devient son frère partageant son humanité".

      5. L'Inversion des Valeurs : La Violence du Colonisé comme Terrorisme

      Le texte souligne un "considérable déplacement moral et politique" et une "inversion des valeurs" au cours du dernier demi-siècle :

      • Légitimation Historique vs. Disqualification Actuelle : Kant, Thoreau, Douglass, Fanon, Sartre, Améry ont considéré la violence de l'opprimé comme légitime et une affirmation de l'humanité.

      Aujourd'hui, "la lutte du colonisé est désormais disqualifiée et sa résistance appelée terrorisme tandis que la politique du colonisateur est accepté et sa brutalité justifiée".

      • Redéfinition du Terrorisme : Historiquement, la "terreur" qualifiait un phénomène d'État (la Révolution française, régimes totalitaires).

      Progressivement, le terme "terrorisme" s'est différencié pour désigner "des pratiques et des groupes non étatiques et même s'opposant à l'État par des actions violentes".

      • Terrorisme : Arme du Faible ou Attribut de Délégitimation ? : Selon l'historien Henry Laurens, le terrorisme non étatique tue moins que la terreur d'État et sert à communiquer sur une situation d'oppression.

      Cependant, "en tant qu'attribut il sert aujourd'hui à délégitimer la lutte du faible et à éluder la violence du fort".

      Des figures comme Nelson Mandela, Menahem Begin, et Yasser Arafat ont été qualifiés de terroristes avant de devenir des chefs d'État et des Prix Nobel de la paix, illustrant la labilité de cette qualification.

      6. Refuser la Violence : Au-delà des Modèles Dualistes

      Le cours explore des formes plus subtiles de refus de la violence et remet en question les distinctions binaires :

      • Antigone et Bartleby : Ces figures littéraires représentent deux modalités de refus : la protestation explicite et spectaculaire (Antigone) et la résistance silencieuse et discrète (Bartleby).

      • Objecteurs de Conscience en Israël : Erica Weiss distingue la "résistance" publique (réfusnics) et l'"abstention" majoritaire mais invisible face au service militaire.

      L'abstention bénéficie d'une meilleure tolérance étatique, tandis que la résistance publique expose à des sanctions et à la stigmatisation.

      • Tactiques de Refus des Victimes : Pour les Palestiniens sous les bombes, refuser la violence n'est pas l'empêcher, mais "trouver le moyen de distraire ses enfants quand le vrombissement des avions et la détonation des explosions se font entendre", "s'attacher à des détails de la vie quotidienne en conservant la distance d'un humour tendre", ou "la nommer en décrire les effets sur les corps en exposer les conséquences sur les vies".

      • Violence Structurelle et Complexité des Rapports de Force : Honour Gun Gunai montre qu'en Turquie, c'est l'Autre (Arméniens, Grecs, Kurdes) qui est accusé de violence, jamais l'État. Alpana Roy (en Inde) et sa recherche sur les Naxalites soulignent l'importance de ne pas "se focaliser sur les opérations de guerri et d'oublier la violence structurelle".

      La division des opprimés par les oppresseurs ("diviser pour régner") est une stratégie courante.

      La Politique du Refus et la Violence Épistémique :

      • Audre Lorde : "les outils du maître ne démoliront jamais la maison du maître". Il faut refuser le cadre épistémologique du dominant.

      • Audra Simpson ("Mohawk Interruptus") : En refusant le passeport canadien, les Mohawks rejettent la manière dont l'État canadien les a traités et l'illégitimité de la législation coloniale. Elle plaide pour une "double souveraineté".

      • Gayatri Chakravorty Spivak ("Can the Subaltern Speak?") : La violence épistémique consiste à s'arroger le droit de dire qui est l'autre et de le réduire au silence.

      • Recherches Palestiniennes (Rana Barakat, Diana Allan, Mohamed El Kourd, Nasser Abouour) : Il s'agit de dépasser les analyses extérieures pour faire entendre les voix palestiniennes, refuser la déshumanisation et la censure, et affirmer leur existence au-delà de l'oppression ("writing Palestine studies").

      L'exemple de Nasser Abouour, qui fait du mur de sa cellule son compagnon et affirme ainsi sa liberté, est une illustration ultime de ce refus.

      Conclusion

      Le refus de la violence est un projet multiforme :

      • Il peut être non-violent, à la manière de Gandhi et King, acceptant de subir les coups pour dénoncer l'oppression.

      • Il peut être violent, comme prôné par Douglass et Fanon, en s'attaquant aux agents de l'oppression pour recouvrer liberté et dignité.

      • Il peut être une contestation de la conscription pour les dominants (objecteurs de conscience israéliens) ou une soustraction imaginative à la terreur pour les dominés (civils palestiniens).

      • Il implique de récuser la "division de l'espace moral qui conduit à fermer les yeux sur la brutalité des gouvernements et à blâmer les victimes qui se révoltent contre le contre leur répression".

      • Il s'agit également de rejeter les récits autorisés des vainqueurs qui effacent la version des vaincus, particulièrement dans le cas des peuples autochtones.

      • En somme, il y a "plusieurs demeures dans la maison de la nonviolence", et le cours invite à une "anthropologie du présent" qui explore les complexités de la violence et les responsabilités des sciences sociales face à la violence épistémique qui fait prévaloir la vision des dominants.

    1. complexités de la définition et de la qualification de la violence, en s'appuyant sur des exemples variés allant des violences domestiques aux conflits internationaux. Il met en lumière le caractère socialement construit de la violence, les enjeux moraux, légaux et politiques de sa reconnaissance et de sa caractérisation, et les dynamiques de pouvoir qui sous-tendent ces processus.

      1. La Nature Problématique de la Définition de la Violence

      La violence n'a pas de définition simple ou de délimitation précise. Sa reconnaissance dépend d'une qualification sociale, morale et légale.

      • Qualification sociale et historique: Ce qui est considéré comme violent évolue. Par exemple, "pendant des siècles, frapper son enfant lorsqu'on estimait qu'il avait commis une faute c'était le corriger [...] et puis à la fin du 19e siècle la chose est devenue répréhensible et punissable".
      • Dimensions multiples: La qualification de violence implique des dimensions "morale" (jugement social) et "légale" (jugement pénal). Dans des contextes de belligérance ou de pouvoir, une "dimension politique" s'ajoute, notamment pour nommer des violences "policières" ou des auteurs "terroristes".
      • Deux ordres de qualification:Reconnaissance (premier ordre): Établir si un acte est violent. Les auteurs présumés et leurs avocats tentent souvent de "requalification des faits" en les minimisant, justifiant ou excusant.
      • Caractérisation (second ordre): Une fois la violence reconnue, lui adjoindre un adjectif (ex: "violences domestiques", "violences sexuelles") ou la qualifier au regard du droit international (ex: "crime de guerre", "crime contre l'humanité", "génocide").

      2. La Violence perçue de l'Intérieur vs. de l'Extérieur : Le cas des mutilations génitales féminines

      Certaines pratiques considérées comme violentes par un regard extérieur ne le sont pas par la majorité des membres de la société qui les pratique.

      • L'excision au Soudan: L'anthropologue Janice Boddy, dans son livre Civilizing Women (2007), a étudié l'excision au Nord Soudan. Elle constate que, bien que douloureuse, "l'excision était attendue avec impatience et c'était la perspective de ne pas en faire l'expérience qui était redoutée". Elle produisait une "féminisation génitale idéalisée en terme de propreté et de pureté" et s'inscrivait dans une "esthétique morale" de différenciation genrée.
      • Relativisation historique et culturelle: Boddy invite à une comparaison avec des pratiques occidentales:
      • Au XIXe siècle, l'excision était pratiquée en Europe et en Amérique du Nord par la profession médicale pour soigner divers désordres (insomnie, stérilité, troubles psychologiques, etc.).
      • Aujourd'hui, la chirurgie génitale féminine à visée esthétique ("rajeunissement génital") est en augmentation dans le monde occidental, motivée par "les images de playmet circulant sur internet" et présentée comme une forme d'émancipation, "comme si dans ces deux derniers cas on pouvait faire fi de la domination masculine qu'elle manifeste y compris parmi les femmes par un effet de violence symbolique".
      • Domination masculine et violence symbolique: L'auteur souligne que ces pratiques, qu'elles soient traditionnelles ou modernes, peuvent être vues comme des manifestations de la domination masculine, ajoutant une "violence symbolique" à la violence physique.

      3. Le Rejet de la Souffrance : Le Rituel de "Kagnalen" en Casamance (Sénégal)

      Même si la violence n'est pas "nommée" comme telle, la souffrance qu'elle occasionne est souvent perçue par les victimes.

      • Le Kagnalen: Ce rituel Diola impose aux femmes présumées incapables d'assurer leur fonction procréatrice (stérilité, avortements répétés, décès d'enfants) un exil forcé, un changement d'identité souvent dépréciatif ("chienne qui ne retient pas le sperme"), un accoutrement ridicule, et des "tâches spécialement épuisantes" et "pratiques particulièrement dégradantes".
      • Souffrance reconnue: Malgré l'intégration du rituel dans une "division du travail social" qui rend les femmes responsables de la reproduction biologique, les femmes ayant subi le Kagnalen évoquent un "souvenir douloureux avec une profonde émotion ne pouvant retenir leur larmes" en mentionnant "la cérémonie initiale et la flagélation les années de mortification et d'avilissement l'isolement affectif et le labeur exténuant la peur continuelle des réprimandes et des sanctions".
      • Évitement et résistance: Certaines jeunes femmes tentent d'éviter le rituel en s'installant en milieu urbain ou en préférant les soins médicaux, "cherchaient à rompre le cercle de la violence symbolique dans lequel leur société tendait à les enfermer".

      4. La Violence non dite et les dynamiques de pouvoir

      La non-qualification de la violence dans l'espace public ne signifie pas que les victimes ne la reconnaissent pas.

      Reconnaissance implicite: "une chose peut exister à la fois dans le monde et dans la conscience qu'en ont les agents même s'il ne la nomme pas comme telle". Les femmes victimes de violences sexuelles reconnaissaient la "contrainte sur corps" sans se référer à une définition légale. Stratégies face à la violence reconnue: Les victimes peuvent "s'efforcer de l'éviter" (départ en ville), "essayer de la combattre" (campagnes de protestation) ou "s'en accommoder" (force de la tradition, coût trop élevé de la rupture), selon le modèle "Exit, Voice, and Loyalty" d'Albert Hirschman.

      5. La Violence d'État et le déni de la qualification

      La qualification de la violence est un enjeu majeur dans le cas de la violence d'État, où l'institution tente de l'occulter.

      • Monopole de la violence légitime: L'État revendique le "monopole de la violence légitime" (Max Weber). La différence réside entre "l'usage fondé de la force et le recours inapproprié à la violence".
      • Modalités d'évitement de la qualification des violences policières:Pression sur la victime pour ne pas porter plainte: Menaces ("il avait des petits frères qui avaient déjà fait des bêtises et que si lui portait plainte ce serait eux qui auraient des ennuis").
      • Contre-plainte: Accusations d'"outrage et rébellion contre agent dépositaire de l'autorité publique", qui servent souvent "un moyen de couvrir leur brutalité en la présentant comme un usage nécessaire de la force".
      • Justification: Extension légale de l'usage des armes par les forces de l'ordre, comme la loi de 2017 en France, pouvant aller jusqu'à une "autorisation de tuer au nom de la garantie de sécurité". Cette loi a entraîné un "quintuplement des tirs mortels pour refus d'obtempérer".
      • Définition de la violence d'État: Non seulement des violences commises par une institution agissant par délégation de l'État, mais aussi le fait que "l'État contribue à leur occultation en récusant leur existence en couvrant les déviances en apportant son soutien aux mises en cause [...] et en épargnant à l'inverse les auteurs par les réquisitions des parquets et les pressions sur les juges".
      • Paradoxe de la qualification: "c'est parce qu'il y a flagrant déni par l'État de la violence perpétrée par ses représentants et sous son commandement qu'on peut parler donc de violence d'état".

      6. Le Conflit des Interprétations dans les Conflits Internationaux : Israël-Palestine

      Les conflits internationaux sont aussi des "conflits d'interprétation" des faits, où les mots ont un poids politique et moral considérable.

      • L'herméneutique des discours: En s'appuyant sur Paul Ricœur, l'auteur propose une "herméneutique des discours", c'est-à-dire une "interprétation des interprétations", pour déchiffrer le "sens caché derrière le sens apparent".
      • L'attaque du 7 octobre 2023 : Deux interprétations radicales:Interprétation dominante occidentale (Israël et ses alliés): "acte d'antisémitisme", "le plus grand massacre antisémite de notre siècle", comparé à un "pogrome" ou la Shoah.
      • Enjeux et implications:Place les actes au "sommet de l'échelle des crimes".
      • Justifie "l'intensité de la réponse punitive à Gaza" et le "droit inconditionnel à se défendre" d'Israël.
      • Fragilise les accusations de crimes de guerre contre Israël, s'agissant d'éliminer une "organisation terroriste".
      • "Écarte toute possibilité de référence à ce qui s'est passé avant sa survenue et oblitèrent ainsi l'histoire de la Palestine".
      • Interprétation alternative (Hamas, pays du Sud, certains observateurs): "acte de résistance" inscrit dans une "guerre asymétrique" et une "séquence historique longue" de dépossession des Palestiniens depuis la Nakba (1948) et l'occupation des territoires (1967).
      • Enjeux et implications:Rappelle qu'il s'agit d'une "guerre dans le laquelle un état puissant assujetti un peuple", non d'une minorité persécutée.
      • Souligne "la passivité de la communauté internationale" et sa "complicité" face aux violations du droit international par Israël, privant les Palestiniens d'alternatives à la violence.
      • Permet d'appréhender le sens de l'action des acteurs à la lumière des "luttes contre domination étrangères".
      • Reconnaît "le poids de l'histoire" face aux "pratiques d'effacement des violences subies par les Palestiniens".
      • La qualification de génocide à Gaza:Arguments en faveur: Basée sur la Convention pour la prévention et la répression du crime de génocide (1948), citant "l'intention de détruire ou tout ou en partie un groupe national ethnique racial ou religieux comme tel" et les "quatre premières modalités" (nombre de morts, blessés, conditions de vie, entrave aux naissances). La "Cour internationale de justice [...] a affirmé le caractère plausible de la demande de prévention de la commission d'un génocide".
      • Arguments contre: "une nation composée en partie à sa création de rescapé d'un génocide ne peut pas être elle-même coupable de génocide". Les morts seraient des "victimes collatérales". La contestation se joue "sur le terrain du droit [...] mais également dans le cadre des rapports de force internationaux".

      Conclusion Générale

      La reconnaissance et la qualification de la violence sont des processus sociaux, complexes et souvent conflictuels.

      • Décalage entre victimes et auteurs: Les victimes "identifient bien la violence qu'elles subissent", tandis que les auteurs "soit la minimisent soit la justifie soit la conteste".
      • Enjeux de pouvoir: La "bataille se joue dans l'espace public [...] autant que sur le terrain légal", et est toujours "soutendues par des enjeux politiques".
      • Implications politiques et morales: La manière dont la violence est nommée et interprétée a des "conséquences presque opposées" sur la résolution des conflits, pouvant soit "disqualifier l'adversaire" et "exclure toute autre issue que son élimination", soit "ouvrir la possibilité d'une reconnaissance de tort et leur réparation".
    1. The Stillness in the Room Was like the Stillness in the Air - Between the Heaves of Storm

      Dickinson uses a simile here to compare the stillness in the room to the quiet moment before a storm breaks. This comparison creates a feeling of tension, like something heavy is about to happen. It expresses the emotion of suspense or dread as the speaker nears death, it is calm, but you can feel that something big is coming.

    1. Note de synthèse : Les formes de la violence et le témoignage

      Ce document de synthèse explore les différentes formes et fonctions du témoignage face à la violence, en s'appuyant sur l'analyse de Didier Fassin dans "Les formes de la violence (8)".

      Il met en lumière l'importance de l'attestation de la violence, les diverses figures du témoin, les défis de sa représentation, et l'émergence de nouvelles médiations technologiques pour révéler la vérité.

      I. L'attestation de la violence : une urgence face à l'invisibilisation

      La raison d'être la plus commune de l'écriture et de la représentation de la violence est de l'attester, une urgence d'autant plus grande que la réalité est invisibilisée. L'auteur cite deux exemples contemporains de cette invisibilisation et des tentatives d'attestation :

      La violence coloniale française en Algérie : Malgré une loi de 2005 qui "oblige les programmes scolaires... à reconnaître le rôle positif de la présence française outre-mer", des travaux comme celui d'Alain Ruot (2024) dans "La première guerre en Algérie" rappellent les "spoliations de terre, les déplacements de population, les massacres de villageois, les enfumades de grottes, les centaines de milliers de morts surtout des civils" perpétrées par le corps expéditionnaire français.

      L'expulsion des Palestiniens (la Nakba) : L'expulsion de "750 000 Palestiniens, soit environ la moitié de la population arabe de ce territoire", qui a entraîné la "destruction de villages et dans certains cas du meurtre de leurs habitants", a longtemps été ignorée. Le film "Partition" (2025) de Dana Alan, prolongeant son ouvrage "Voices of the Nagba", vise à "restituer l'expérience de l'enagbactrale à travers les archives coloniales du mandat britannique" et les récits des Palestiniens.

      Ces entreprises visent à attester ce que les nations ont "enfoui souvent dans les profondeurs de l'oubli". Si les auteurs de violence peuvent avoir intérêt à la montrer pour "la jouissance de l'exercice de la force à la production d'un régime de terreur", ils ont souvent "un intérêt plus grand encore à la dissimuler, à la déguiser, à la nier" pour éviter la condamnation ou la sanction.

      Dans ces cas, il est crucial pour les victimes, leurs proches, et les "entrepreneurs de justice" (avocats, militants des droits humains, chercheurs) d'apporter la preuve de la violence, ses circonstances et ses responsables.

      "Attester la violence c'est donc combattre le déni, l'occultation, le mensonge, le révisionnisme historique. Attester la violence c'est emporter témoignage, c'est sans faire le témoin."

      II. Les figures du témoin : entre objectivité et subjectivité S'appuyant sur Émile Benveniste, l'auteur distingue deux conceptions du témoin, principalement à travers le latin :

      Testis : "celui qui assiste entière à une affaire où deux personnages sont intéressés ayant été présent au moment où les faits se sont produits". Sa parole "peut être utilisé pour trancher un litige à condition qu'il soit établi qu'il n'était pas lui-même partie prenante". Le testis est extérieur à la scène, son observation est présumée objective.

      Superstess : "décrit le témoin comme celui qui subsiste au-delà, témoin en même temps que survivant". Son témoignage est autorisé par le fait d'avoir "vécu lui-même les faits notamment lorsqu'il s'implique un danger ou une épreuve et d'avoir survécu à ce péril".

      Le superstess est la victime, son récit est nécessairement subjectif, mais non insoupçon.

      Cette distinction est mise à l'épreuve par la littérature sur la Shoah.

      A. Le défi du témoignage face à la dissimulation nazie

      L'histoire de l'extermination des Juifs et des Roms n'est pas quelque chose dont les nazis se vantaient, mais qu'ils ont cherché à dissimuler, y compris "vis-à-vis du peuple allemand et vis-à-vis d'eux-mêmes". Hannah Arendt, dans "Eichmann à Jérusalem", souligne l'usage d'un "langage codé" ou "règles de langage" qui étaient "dans le parler ordinaire... un mensonge", pour euphémiser les crimes : "solution finale", "traitement spécial", "évacuation".

      L'effet de ce système de langage n'était pas "d'empêcher les gens de savoir ce qu'ils faisaient, mais de les empêcher de mettre leurs actes en rapport avec leur ancienne notion normale du meurtre et du mensonge, en somme de rendre mentalement acceptable ce qui aurait pu leur paraître moralement intolérable."

      Pierre Vidal-Naquet ajoute que ce langage codé a facilité le négationnisme ultérieur. Les nazis, conscients de ce qui allait se passer, avertissaient cyniquement les prisonniers : "De quelque façon que cette guerre se finisse, nous l'avons déjà gagné contre vous ; aucun d'entre vous ne restera pour porter témoignage.

      Mais même si quelques-uns en réchappaient, le monde ne les croira pas, il n'y aura pas de certitude, car nous détruirons les preuves en vous détruisant." (Primo Levi, "Les naufragés et les rescapés").

      Cette peur du non-crédit a hanté les survivants, qui ont souvent raconté un cauchemar récurrent où leurs proches ne les croyaient pas.

      D'où l'importance vitale du témoignage, comme l'exprime Robert Antelme : "nous voulions parler, être entendu enfin".

      B. La complexité du témoignage des survivants (Superstess/Testis)

      Primo Levi, en écrivant "Si c'est un homme", cherchait à "attester" son expérience.

      Cependant, il exprime une profonde gêne, estimant que "nous les survivants ne sommes pas les vrais témoins... car nous sommes ceux qui grâce à la prévarication, l'habileté ou la chance, n'ont pas touché le fond." Les "musulmans" (ceux tellement affaiblis qu'ils étaient voués à mourir) sont les "témoins intégraux".

      La réflexion de Levi met à l'épreuve la distinction testis/superstess :

      • Il est un superstess incontestable, ayant survécu à l'impensable et décrivant l'insulte de la "démolition d'un homme".
      • Mais il est aussi un testis, conscient de ne jamais pouvoir restituer l'expérience de ceux qui ont été dévorés, et pour qui il parle "à leur place, par délégation". L'exemple d'Urbinec, l'enfant paralysé et mutique à Auschwitz, dont la "nécessité de parler jaillissait dans son regard avec une force explosive", et dont Primo Levi écrit "il témoigne à travers mes paroles", illustre cette réconciliation tragique des deux figures : "le superstès devenu testis sauve du néant la mémoire du petit garçon."

      C. Diversité des styles et temporalités du témoignage

      Les récits des survivants du génocide adoptent des styles et des temporalités variés :

      • Témoignage immédiat : David Rousset ("L'univers concentrationnaire", 1946) rencontre un succès rapide malgré la réticence des sociétés européennes, peut-être grâce à une "forme de recherche esthétique" créant une distance "qui neutralise les émotions". Son écriture est "austère et ironique", utilisant "des formules elliptiques et tranchantes, parfois caustiques et troublantes."
      • Témoignage différé : Charlotte Delbo ("Aucun de nous ne reviendra", 1965), écrit un premier brouillon après sa sortie, puis le reprend 20 ans plus tard. Elle commence par la scène collective des arrivées de trains, utilisant des phrases courtes et des images fortes pour dire "l'inconcevable".
      • Anti-mémoire : Imre Kertész ("Être et destin", 1985) adopte le regard "naïf déconcerté" d'un adolescent, décrivant la découverte progressive de l'horreur des camps, comme "l'odeur... doucâtre, en quelque sorte gluante" du crématorium. Il décrit la "détérioration physique" sans pathos, et même un "désir sourd" de vivre au moment du "tri final des mourants".
      • Méfiance et refus d'enfermement : Ruth Kluger ("Refus de témoigner. Une jeunesse", 1992) écrit pour exprimer sa méfiance face à la multiplication des témoignages et son refus d'être réduite à sa condition de déportée.
      • L'expérience des victimes du nazisme est à la fois "spécifique" (partir d'un vécu individuel) et "indéterminée" (nécessité de trouver les mots et la forme face à "l'incommunicabilité abyssale"). Pour l'immense majorité des survivants, il faut "accepter de n'être ni superstès ni testice et donc se taire."

      III. Autres figures du témoin et médiations

      A. Auctor et Histor : l'autorité et la connaissance

      Auctor (latin) : "celui qui augmente la confiance, le garant, la source et donc l'autorité" et "celui qui pousse à agir, l'instigateur, le créateur et donc l'auteur". Le crédit est le fondement de son témoignage.

      Histor (grec) : "celui qui sait, qui connaît... l'historien". L'enquête est le fondement de son témoignage.

      Ces figures n'ont pas vécu les faits mais peuvent en être les garants. Les historiens contemporains "réunissent souvent les deux dimensions", bénéficiant du "crédit de leur discipline" et s'appuyant sur des "enquêtes menées dans des archives ou par des entretiens".

      L'exemple de Jean Hatzfeld et son livre "Dans le nu de la vie" (2000) sur le génocide rwandais illustre l'auctor.

      Il rassemble des récits de survivants, s'autorisant à les convaincre de parler malgré leur réticence. Journaliste et écrivain, il utilise sa double autorité pour "attester ce qu'a été et ce qu'est encore... l'expérience de ces hommes, de ces femmes, de ces enfants qui ont vécu le massacre."

      Bien que les récits soient rédigés à la première personne, ils sont "entièrement écrits par une troisième personne, l'auteur."

      • L'histore est illustré par les chercheurs en sciences sociales qui restituent et interprètent les faits en s'appuyant sur des "archives nationales ou étrangères, des jugements rendus par des juridictions internationales, des articles de journaux locaux, des entretiens avec des personnes occupant des positions différentes, des observations de procès".

      Les travaux de Mahmoud Mamdani ("When Victims Become Killers", 2001) interprètent le génocide rwandais à la lumière de l'histoire coloniale, distinguant le génocide conduit par les "settlers" (colons) et celui par les "natives" (indigènes). Hélène Dumas ("Le génocide au village", 2014) se concentre sur la "mécanique microlocale des violences", montrant que le génocide est "une affaire de voisins et de parents" et que les génocidaires "éprouvent une jouissance dans la souffrance et l'humiliation de leurs victimes."

      Beata Umubyeyi Mairesse ("Le convoi", 2024), une survivante du génocide rwandais, se distingue par sa réflexivité et son intégrité.

      Elle est à la fois superstess, racontant sa survie, et testis, décrivant ce qu'elle a vu.

      Elle se fait également historienne de son histoire, explorant des archives et conduisant des entretiens, mais "elle répugne à faire acte d'autorité," refusant d'être l'auctor.

      B. Martous : le témoin-martyr

      En grec ancien, "Martous" signifie le témoin, mais aussi, plus spécifiquement dans la Bible, le "témoin de Dieu", c'est-à-dire le martyr, celui qui "a accepté de mourir pour attester de sa croyance".

      Giorgio Agamben ("Ce qui reste d'Auschwitz", 1998) note que le martyre chrétien a dû "justifier le scandale d'une mort insensée".

      Le "shaï" arabe a un sens similaire, désignant à la fois le témoin et le martyr.

      En Palestine, la figure du shaïd s'est développée comme "ciment de l'unité nationale". Le shaïd peut être une victime tuée "sans l'avoir choisi" ou un combattant qui s'est exposé "volontairement pour la cause de son peuple".

      Ce dédoublement transforme le sens du martyre, l'étendant du "sacrifice librement consenti à la mort subie", et du "strictement religieux au politique". "Tout palestinien abattu ou exécuté par les Israéliens est un shaïd qui par sa mort dans un affrontement inégal atteste son appartenance à sa communauté et témoigne de la brutalisation de l'ennemi."

      Pour les martyrs palestiniens, le sacrifice ou la mort est une réponse à une "vie impossible à quoi la mort viendrait tragiquement redonner du sens".

      L'auteur cite la photojournaliste Fatima Assuna : "Quant à la mort qui est inévitable, si je meurs, je veux une mort retentissante, je ne veux pas être une simple brève dans un flash info ni un chiffre parmi d'autres, je veux une mort dont le monde entier entendra parler, une empreinte qui restera à jamais, des émotions, des images immortelles que ni le temps ni l'espace ne pourront enterrer."

      IV. Les médiations technologiques du témoignage

      Le témoignage ne s'exprime pas seulement par la parole, l'écrit ou le corps (dans le cas du martyr), mais aussi par des "médiations dans lesquelles les technologies peuvent être mobilisées".

      L'exemple le plus innovant est Forensic Architecture (fondée en 2010 par Eyal Weizman), une agence qui développe des "techniques, méthodes et concepts pour conduire des investigations sur la violence d'État et la violence en entreprise".

      • En combinant "l'imagerie spatiale par satellite, les caméras de surveillance, les enregistrements audio et vidéo, les témoignages individuels et collectifs", Forensic Architecture reconstitue en 3D des événements de violence qui ont été occultés. Parmi les nombreux cas étudiés, on trouve le génocide des Herero et Nama, les massacres israéliens pendant la Nakba, l'assassinat d'otages en Colombie, le meurtre de Mark Duggan au Royaume-Uni, l'utilisation d'armes européennes au Yémen, et des événements en France (Adama Traoré, Zineb Reddouane).

      Ces technologies permettent de "révéler de nombreuses violences, des crimes de guerre identifiés, des coupables reconnus, des versions officielles démenties, certaines vérités dites et la justice parfois rendue".

      Elles "renforcent, enrichissent et parfois même remplacent le témoignage humain".

      V. Conclusion : La complexité du témoignage pour faire exister la vérité

      En résumé, l'auteur a esquissé cinq figures idéaltypiques du témoin :

      • Le testis : présent au moment des faits, dont il peut raconter.
      • Le superstess : survivant, qui peut transmettre ce qu'il a vécu.
      • L'auctor : agent extérieur, qui apporte la crédibilité.
      • L'histor : expert légitime, qui conduit une enquête.
      • Le martous : victime sacrificielle, qui affirme la justesse de sa cause par son renoncement.
      • Chacune de ces figures "engage des formes politiques et morales : la véracité du testis, l'authenticité du superstès, l'autorité de l'actor, la neutralité de l'histor, l'engagement du Martus." Ces figures ne sont pas étanches et "se mêlent, se combinent, se déplacent, se complexifient" dans la réalité.

      Au-delà de ces distinctions, "l'enjeu du témoignage c'est de faire exister une vérité et notamment... de la faire exister contre la dissimulation, l'invisibilisation, la dénégation".

      C'est là toute l'importance de "celles et ceux qui ont pour projet de révéler la vérité ou tout au moins une part de la vérité à laquelle ils ont eu accès."

    1. Document de Synthèse : Les Représentations de la Violence

      Ce document de synthèse explore les multiples facettes de la représentation de la violence, en s'appuyant principalement sur l'analyse de la violence coloniale et de la violence guerrière.

      Il met en lumière la complexité des perspectives, des intentions et des mediums à travers lesquels la violence est perçue et restituée.

      I. La Représentation de la Violence : Une Dualité Fondamentale

      Écrire sur la violence implique deux formes de "représentation" :

      • La représentation mentale (pour les philosophes et psychologues) : Il s'agit de l'image que l'esprit perçoit d'un objet ou d'un événement, influencée par l'histoire collective, l'expérience personnelle, la vision du monde et les préjugés. Un même fait peut ainsi donner lieu à une "variété de représentations mentales possibles."
      • La représentation sémantique/artistique (pour les écrivains et anthropologues) : Cela correspond à ce que les créateurs et chercheurs choisissent de "donner des faits dont il est question," impliquant un double rapport au fait : réalisme et esthétique. Un acte donné peut ainsi engendrer des "récits éloignés."
      • En somme, représenter la violence met en jeu "à la fois la façon dont cela représente à soi-même et dont elle la représente pour les autres."

      Le texte n'est qu'une des formes de représentation, d'autres étant le cinéma, la vidéo, le chant, le son, la peinture et la sculpture, souvent "plus expressives."

      Une pensée critique dans les sciences sociales s'est développée, remettant en question l'idée que la représentation serait une "simple reproduction fidèle de la réalité," rappelant que toute représentation "impliqu[e] toujours des perspectives."

      II. La Violence Coloniale : Fondatrice et Multiforme

      La violence coloniale est présentée comme une expérience "fondatrice en ce qu'elle institue une relation radicale à l'autre," se traduisant par des "pratiques de cruauté et de déshumanisation qui ont permis des massacres et d'expoliation, l'esclavage et l'aliénation."

      Elle est considérée comme un "principe nécessaire par où commencer" pour saisir l'histoire de la violence contemporaine.

      A. Deux Modes de Représentation de la Violence Coloniale : Fiction vs. Rapport

      L'analyse se concentre sur deux textes majeurs concernant le Congo belge :

      • "Heart of Darkness" (1899) de Joseph Conrad (Fiction) :
      • Contexte : Basé sur l'expérience de Conrad au Congo, propriété personnelle du roi Léopold II, marquée par une "répression féroce des populations."
      • Description de la violence : Le roman dépeint une "odyssée de plus en plus sombre, inquiétante, hallucinatoire même où la violence est omniprésente."

      Il illustre trois figures de l'altérité – "les ennemis, les criminels et les travailleurs" – qui correspondent à "trois formes majeures de la violence coloniale : la guerre forcenée, le châtiment inhumain et l'exploitation implacable."

      • Racisme et déshumanisation : La violence est exercée dans le cadre d'un "racisme ouvertement affirmé" par les administrateurs coloniaux. La folie meurtrière de Kurt, culminant dans sa note manuscrite "exterminer toutes ses brutes," et sa dernière vision murmurée "the horror, the horror," révèlent l'horreur des massacres et des tortures derrière le commerce lucratif.

      • Intention de l'auteur : Conrad affirme être parti de son expérience, "poussée un petit peu juste un petit peu au-delà des faits réels de l'affaire dans l'intention parfaitement légitime [...] de la rendre sensible à l'esprit et au cœur des lecteurs." Il visait à donner "à ce thème sinistre une sombre résonance, une tonalité spécifique, une vibration continue." Il s'agit d'une composition visant à "affecter" le lecteur ("pathos").

      • Réception et influence : Initialement modeste, "Heart of Darkness" a connu un succès croissant au XXe siècle, devenant un ouvrage académique clé et étant adapté au cinéma (ex. "Apocalypse Now"), symbolisant le passage du colonialisme à l'impérialisme.

      Hannah Arendt s'est inspirée de ce roman pour critiquer le "capitalisme colonial comme prémisse du totalitarisme européen," notant la "bureaucratie coloniale" comme "arrogante qu'incompétente, aussi raciste qu'inculte, aussi cruelle que lâche."

      L'éloignement de la métropole et l'absence de contrôle "favorise la violence sans borde aux colonies."

      Le "Casement Report" (1904) de Roger Casement (Rapport) :

      • Contexte : Roger Casement, diplomate britannique, a mené une enquête au Congo belge, recueillant "de nombreuses preuves des violences" suite aux témoignages de missionnaires et militaires.

      • Description des atrocités : Le rapport détaille des villages désertés, la privation de subsistance, l'emprisonnement et la mort d'hommes pour des quotas insuffisants. Il révèle les "meurtres" pour le caoutchouc et l'ivoire, avec une "vérification rigoureuse par l'administration" via la présentation des "mains droites des cadavres ainsi coupées." Il mentionne des enfants tués et amputés, et des parents obligés de vendre leurs enfants.

      • Intention de l'auteur : Casement se veut "strictement factuel," se déplaçant de village en village, recueillant des témoignages, constatant des blessures, croisant les sources et examinant des documents. Son but est de "convaincre" par les faits ("logos").

      • Réception et influence : Le rapport a eu une "reconnaissance immédiate," jouant un "rôle essentiel dans la découverte de la violence coloniale et dans l'émergence d'une mobilisation pour les droits des peuples colonisés." Bien qu'il ait connu une période d'oubli (en partie due au discrédit de son auteur condamné à mort pour trahison), il a finalement trouvé sa place dans l'histoire du colonialisme.

      Michael Taussig, anthropologue australien, s'est appuyé sur le "Putumayo Report" de Casement (décrivant des atrocités similaires au Pérou) pour analyser la violence coloniale, y voyant une "subversion mythique du mythe de l'impérialisme."

      Il met en lumière l'"inscription d'une mythologie sur le corps indien" pour justifier la cruauté, et la dimension de "jouissance" dans la torture et le meurtre des Indiens.

      B. Pluralité des Représentations et Enjeux Éthiques :

      La distinction entre fiction et rapport ne doit pas conduire à remettre en question ces représentations, mais à "admettre leur pluralité en terme à la fois d'imagibilité et d'interprétation possible et à porter sur elle un regard critique interrogeant sans cesse la frontière entre les faits et ce qu'on en donne à voir et à comprendre."

      La vérité du roman peut l'emporter sur la réalité du témoignage (comme Arendt privilégiant Conrad), ou inversement (comme Taussig privilégiant Casement).

      III. La Représentation de la Violence Guerrière :

      Omniprésence et Brutalisation

      La guerre est un "fait incontournable de la vie de chaque pays, chaque nation, chaque personne," et l'Europe est aujourd'hui "directement confrontée à deux guerres."

      A. L'Iliade ou le Poème de la Force (Simone Weil) :

      • Le thème central : Pour Simone Weil, le "vrai héros, le vrai sujet, le centre de l'Iliade, c'est la force." Cette force (grec ancien bia) inclut la "force vitale," la "force du corps" et son emploi, c'est-à-dire la "violence."

      • La déshumanisation : La force "fait de quiconque lui est soumis une chose," allant jusqu'à transformer les individus en "cadavre," ou pire, en "êtres plus malheureux qui sans mourir sont devenus des choses pour toute leur vie," un "compromis entre l'homme et le cadavre." Cette description préfigure les "premiers camps de concentration."

      • La jouissance des vainqueurs et l'arrogance : La force "enivre quiconque la possède ou croit la posséder." L'arrogance ("l'hybris") conduit les guerriers à leur perte, car "le fort n'est jamais absolument fort ni le faible absolument faible mais l'un et l'autre l'ignore."

      • La leçon ultime : La violence "pétrifie différemment mais également les âmes de ceux qui la subissent et de ceux qui la manient."

      Les batailles se déroulent entre des "hommes dépouillés de toutes ces facultés, transformés, tombés au rang de forces aveugles."

      Les peuples d'Europe ne retrouveront leur esprit que lorsqu'ils sauront "ne jamais admirer la force, ne pas haïr les ennemis et ne pas mépriser les malheureux."

      B. La Brutalisation des Sociétés (George Mosse) :

      • "Fallen Soldiers" (1990) : L'historien George Mosse analyse la perception de la Première Guerre mondiale en Allemagne, soulignant le rôle de la "technologie" et des "nouvelles et plus efficaces modalités de communication" pour diffuser l'image de la guerre et stimuler l'imagination.

      • Le mythe et le culte du soldat tombé : La guerre prend une "double dimension mythique et religieuse," culminant dans le "culte du soldat tombé au champ d'honneur," qui projette la croyance dans le martyre et la résurrection sur la nation comme une "religion civique."

      • Banalisation et brutalisation :Banalisation (pendant la guerre) : Vise à "domestiquer les horreurs du conflit," à "éviter les évocations douloureuses et à rendre la représentation familière" à travers des objets du quotidien, des jeux pour enfants, et des films qui "distraire le public loin du front" sans montrer la réalité des tranchées. L'objectif est de donner aux gens le "sentiment de dominer les événements."

      • Brutalisation (après la guerre) : Une "continuation des attitudes guerrières en temps de paix au sein du peuple des faits." La politique est conçue comme une bataille, l'idée nationaliste se cristallise autour de la "haine de l'ennemi souvent déshumanisée." La vie perd de sa valeur.

      • Facteurs de brutalisation : La "camaraderie masculine" et le "racisme" (notamment contre les Juifs) sont des éléments cruciaux. Mosse suggère que la banalisation de la violence pendant la guerre a facilité l'adoption de discours et de pratiques violents par la suite, "nourri[ssant] l'expression du ressentiment sur lequel s'est édifié le régime nazi."

      • Le paradoxe de Mosse : Steven Hashaim note une "certaine sympathie pour plusieurs des mythes et des symboles qu'il étudie," et une "identification aux mythes et symboles nationalistes qu'il a pourtant tant fait pour démystifier."

      Mosse lui-même reconnaît la "défaite de sa raison critique et de son savoir historique" face à la "démonstration de force d'une communauté juive d'un guerre décimée."

      Cela illustre comment "les représentations de la guerre mêlent toujours la rationalité et l'émotion, l'imaginaire et l'effacement."

      C. La Guerre à Gaza (Depuis le 7 octobre 2023) : Une "Atrocity Propaganda" Double

      Les événements récents au Moyen-Orient offrent une "démonstration saisissante autant que tragique" de cette transformation des représentations :

      • Victimisation (côté israélien) : L'attaque du Hamas et du djihad islamique a produit un "traumatisme sans précédent." Elle a été comparée à la Shoah, les assaillants assimilés à des nazis, et a nourri un discours de "menace existentielle." Des récits d'exactions commises par l'ennemi (démontées par la suite) ont été diffusés, et la "représentation politiquement maîtrisée des victimes" a prévalu.

      • Brutalisation (côté israélien) : Dès le début de la guerre à Gaza, une "autre représentation" s'est imposée, "documentée dans la requête déposée par l'Afrique du Sud devant la Cour internationale de justice." Elle s'est manifestée par un "discours officiel d'humiliation de la population palestinienne," dénonçant la "nation entière comme responsable" et utilisant des termes déshumanisants ("animaux humains").

      Cette brutalisation s'est exprimée "ouvertement" dans les médias nationaux (montrant des prisonniers palestiniens humiliés) et surtout sur les réseaux sociaux, où les soldats postaient "avec fierté des images de brimade, d'humiliation, de destruction de quartier, de pillage d'habitation" et des "sortes de trophées de guerre."

      Ces vidéos et photos, révélant des crimes relevant de la justice internationale, ont été diffusées "sans restriction" par les autorités israéliennes.

      • "Atrocity Propaganda" : La publicisation des violences perpétrées depuis le 7 octobre 2023 relève de l'"atrocity propaganda," pratique ancienne visant à transformer l'ennemi en monstre pour justifier des moyens extrêmes.

      La "singularité du cas israélien" réside dans une "double publicisation : d'abord des sévices exercés par l'ennemi [...] et des exactions ensuite perpétrées par l'armée."

      • La première visait à "susciter un sentiment d'horreur" pour légitimer les représailles.

      • La seconde, essentiellement militaire, visait à "permettre au public israélien de constater la campagne punitive menée par l'armée et d'assouvir ainsi le désir de vengeance."

      • Cette nouvelle représentation inclut le "culte de la virilité" et l'"ironie d'une parodie érotique violant son intimité."

      • Les médias internationaux ont souvent reflété cette distinction, utilisant des mots comme "horrific, slaughter, massacre" plus souvent pour les victimes israéliennes que palestiniennes.

      D. La Représentation des Victimes Palestiniennes :

      • Après une brève diffusion de vidéos exaltantes du 7 octobre, les images suivantes ont été "généralement celles recueillies par des reporters palestiniens," montrant la destruction, les souffrances, les privations.

      Le film "From Ground Zero" de Rachid Masharaoui, composé de courts métrages réalisés par des Palestiniens, offre un rare aperçu du "quotidien de la vie à Gaza pendant la guerre."

      Il dépeint le "deuil, la désolation, la tristesse, souvent la tendresse, parfois l'ironie, mais jamais la haine, jamais le ressentiment, jamais l'évocation même de l'ennemi, seulement l'espoir que cesse enfin la guerre et que la vie redevienne possible."

      Il vise à rappeler que "les gens sont des humains," donnant "des visages, des noms, des histoires, des métiers, des rêves" à des "chiffres" macabres.

      Le refus de projeter ce film à Cannes pour ne pas faire de "politique" est souligné comme paradoxal, la destruction de Gaza étant comparée à Gernika et inspirant des artistes palestiniens.

      IV. Conclusion

      Représenter la violence est un "défi éthique, politique, esthétique" auquel sont confrontés les écrivains, cinéastes, chercheurs, et de plus en plus de personnes via les nouvelles technologies.

      L'analyse de la violence coloniale et guerrière illustre la "multiplication des modes de représentation," de la fiction au rapport factuel, de la propagande à la documentation journalistique, des célébrations des acteurs de la violence aux récits des victimes.

      Il est crucial de considérer ce qui n'est pas représenté, comme le "traitement sélectif de l'information dans les médias" et la "non-représentation de certaines violences" (ex. la conquête française de l'Algérie, la Nakba), éléments essentiels à toute enquête sur la représentation de la violence.

    1. Note d'Information : Évaluation de l'Efficacité des Politiques Éducatives par la Méthode EDP

      Source : Extraits de "Focus n° 114 mai 2025, Efficacité des politiques éducatives : Sources et hypothèses de calcul", Conseil d’analyse économique (CAE).

      Date de publication : Mai 2025

      Auteurs : Maxime Fajeau, Julien Grenet, Emma Laveissière et Orane Leonetti

      Introduction

      Ce document, publié par le Conseil d'analyse économique (CAE), présente la méthodologie et les paramètres utilisés pour calculer les indices d'efficacité des dépenses publiques (EDP) appliqués aux politiques éducatives analysées dans la Note du CAE n° 84.

      L'objectif est de fournir une évaluation rigoureuse et comparable de diverses politiques publiques en mesurant le bénéfice social généré pour chaque euro net investi par l'État.

      Cette approche intègre les effets à long terme, les retours fiscaux et les économies budgétaires potentielles, offrant ainsi un éclairage pour les décisions budgétaires et les arbitrages redistributifs.

      La Méthode EDP (Efficacité des Dépenses Publiques) / MVPF (Marginal Value of Public Funds)

      • Définition : L'EDP est un outil d'évaluation qui mesure le rendement social marginal d'un euro net investi par l'État. Il permet de comparer différentes politiques publiques en fonction de la valeur qu'elles créent pour la société.
      • Champ d'application : Contrairement aux analyses coût-bénéfice classiques, l'EDP met l'accent sur l'efficacité à long terme, en considérant non seulement les coûts budgétaires immédiats mais aussi les effets différés tels que l'augmentation des recettes fiscales ou la réduction des dépenses publiques futures. Il prend en compte les réponses comportementales des bénéficiaires et les externalités fiscales qui en découlent.
      • Utilité : L'EDP éclaire les arbitrages démocratiques en identifiant les interventions socialement les plus rentables, aidant à hiérarchiser les priorités budgétaires et à identifier les politiques potentiellement "autofinancées". Il vise également à renforcer la transparence des choix publics.

      Formule de Calcul de l'Indice EDP

      La formule générale de l'indice EDP est :

      EDP = ΔB / (ΔC – ΔE)

      Où :

      • ΔB : Bénéfice social total pour les bénéficiaires. Exprimé en termes monétaires, il représente les gains futurs (revenus, conditions de vie améliorées, prestations en nature). Dans le cas des politiques éducatives, l'accent est mis sur l'augmentation potentielle des revenus futurs des bénéficiaires grâce à l'amélioration de leur capital humain et de leurs compétences scolaires.
      • ΔC : Coût brut de la politique pour les finances publiques. Inclut toutes les dépenses de mise en œuvre.
      • ΔE : Externalité fiscale générée par la politique. Représente les recettes supplémentaires pour l'État induites par les effets de la politique (salaires plus élevés, réduction des dépenses sociales, etc.).

      Calcul du Bénéfice Social (ΔB)

      Pour les politiques éducatives, ΔB est principalement basé sur les gains de revenus futurs.

      Il est calculé comme suit :

      ΔB = θ ⋅ δ ⋅ (1 – τ) ⋅ we

      Où :

      • θ : Impact sur les compétences scolaires. Gain en pourcentage d'un écart-type sur les performances scolaires induit par la politique. C'est un paramètre clé qui capture l'efficacité pédagogique de l'intervention.
      • δ : Impact des compétences scolaires sur les salaires futurs. Estimé à 9,5 % en France. Ce paramètre lie l'amélioration des compétences à des gains de revenus sur le marché du travail.
      • τ : Taux marginal moyen d'imposition hors cotisation retraite. Le taux global de prélèvements (impôt sur le revenu, cotisations sociales hors retraite) appliqué au salaire super-brut. Estimé à 39,27 %. Ce taux détermine la part des gains salariaux qui revient à l'individu après impôts et cotisations sociales (hors retraite).
      • we : Revenus futurs contrefactuels actualisés. Les revenus que les bénéficiaires auraient perçus tout au long de leur vie active en l'absence de la politique, actualisés à l'âge d'exposition à l'intervention. L'âge d'exposition a un impact significatif sur les effets cumulatifs, en particulier dans l'éducation. Le taux d'actualisation utilisé est généralement de 3 %.

      Calcul de l'Externalité Fiscale (ΔE)

      L'externalité fiscale est calculée à l'aide des mêmes paramètres que ΔB, en se concentrant sur la part des gains salariaux qui revient à l'État :

      ΔE = θ ⋅ δ ⋅ τ ⋅ we

      Interprétation de l'Indice EDP

      L'EDP prend une large gamme de valeurs, dont les seuils ont une signification spécifique :

      • EDP < 0 : La politique réduit le bien-être des bénéficiaires et génère un coût pour l'État. Intervention coûteuse et dommageable.
      • 0 < EDP < 1 : Le bénéfice social est positif mais inférieur au coût net pour l'État. Ces politiques peuvent être justifiées par des considérations de redistribution ou d'équité.
      • EDP > 1 : Le bénéfice social est supérieur au coût net. La politique est rentable pour la collectivité et représente un bon usage des fonds publics.
      • EDP infini : La politique est intégralement autofinancée (coût net nul ou négatif, par exemple grâce aux retours fiscaux). Même avec un bénéfice social modeste, elle améliore le bien-être collectif sans peser sur les finances publiques.

      Synthèse des Indices EDP pour Certaines Politiques Éducatives Évaluées

      Le document présente une synthèse des résultats de l'évaluation de plusieurs politiques éducatives, regroupées en quatre catégories :

      1. Politiques liées à l'organisation de la classe et de la scolarité :

      Diminution de la taille des classes :

      Primaire : EDP infini. Interprétation : Le dédoublement des classes en primaire est autofinancé, l'externalité fiscale étant supérieure au coût. Bénéfices sociaux : +4 538 € par élève. Coût : +2 856 € par élève. Externalité fiscale : +2 934 € par élève.

      • Collège : EDP = 7,7. Interprétation : Chaque euro net dépensé génère un bénéfice social de 7,70 €. Bénéfices sociaux : +3 509 € par élève. Coût : +2 723 € par élève. Externalité fiscale : +2 269 € par élève.

      • Paramètres clés : Impact sur les compétences (θ) :

      Primaire (1,62 % d'un écart-type par élève en moins),

      Collège (0,97 % d'un écart-type par élève en moins).

      Coût d'un enseignant supplémentaire et coûts non salariaux.

      Redoublement :Primaire : EDP = 0. Interprétation : Bénéfice social nul par euro net dépensé. Bénéfices sociaux : 0 € par année redoublée. Coût : +6 389 € par année redoublée. Externalité fiscale : 0 €. * Collège : EDP = -0,4. Interprétation : Bénéfice social négatif (-0,40 €) par euro net dépensé. Bénéfices sociaux : -4 393 € par année redoublée. Coût : +7 279 € par année redoublée. Externalité fiscale : -2 841 €. * Paramètres clés : Impact salarial du redoublement (β) : Primaire (0 %), Collège (-1,5 %). Coût d'une année de scolarité par élève.

      2. Politiques centrées sur les élèves :

      Tutorat :

      EDP infini, quel que soit le profil du tuteur. Interprétation : Le dispositif est autofinancé, générant une externalité fiscale supérieure à son coût direct. * Bénéfices sociaux (par élève et par an) : Enseignants (+13 507 €), Paraprofessionnels (+10 806 €), Non-professionnels (+5 673 €). * Coût de déploiement (par élève et par an) : Enseignants (+2 981 €), Paraprofessionnels (+874 €), Non-professionnels (0 €). * Externalité fiscale (par élève et par an) : Enseignants (+8 734 €), Paraprofessionnels (+6 987 €), Non-professionnels (+3 668 €). * Paramètres clés : Impact sur les compétences (θ) basé sur une méta-analyse (Enseignants : +50 % d'un écart-type, Paraprofessionnels : +40 %, Non-professionnels : +21 %). Coût horaire du tuteur et volume horaire. * Simulation : Tutorat pour les 10 % des élèves les plus en difficulté :EDP infini. Interprétation : Le dispositif est autofinancé. Bénéfices sociaux : +10 185 € par élève. Coût : +291 € par élève. Externalité fiscale : +6 586 € par élève. * Paramètres clés : Impact sur les compétences (θ) : +40 % d'un écart-type. Coût horaire des tuteurs (rémunérés au salaire minimum).

      Dotation en matériel informatique (PC, tablettes) :EDP = 0. Interprétation : Bénéfice social nul par euro net dépensé. Bénéfices sociaux : 0 € par équipement et par élève. Coût : +566 € par équipement et par élève. Externalité fiscale : 0 €. * Paramètres clés : Impact sur les compétences (θ) : 0 %. Coût unitaire de l'équipement. * Outils numériques d'apprentissage adaptatif :Mathématiques : EDP infini. Interprétation : Le dispositif est autofinancé. Bénéfices sociaux : +4 052 € par élève et par an. Coût : +173 € par élève et par an. Externalité fiscale : +2 620 € par élève et par an.

      Compréhension de l'écrit :

      EDP = 0. Interprétation : Bénéfices observés généralement non significatifs. Bénéfices sociaux : 0 € par élève et par an. Coût : +173 € par élève et par an. Externalité fiscale : 0 €. * Paramètres clés : Impact sur les compétences (θ) basé sur une méta-analyse (Mathématiques : +15 % d'un écart-type, Compréhension de l'écrit : 0 %). Coût annuel par élève du logiciel.

      Compétences socio-comportementales (Énergie Jeunes) :

      EDP infini. Interprétation : Le dispositif est autofinancé. Bénéfices sociaux : +1 391 € par élève. Coût : +65 € par élève. Externalité fiscale : +900 € par élève. * Paramètres clés : Impact sur les compétences (θ) : +8,3 % d'un écart-type. Coût par élève du programme.

      3. Politiques liées aux enseignants :

      • Formation continue des enseignants :

      Formation peu intensive : EDP = 0. Interprétation : Aucun bénéfice social net. Bénéfices sociaux : 0 € par élève et par formation. Coût : +133 € par élève et par formation. Externalité fiscale : 0 €.

      • Formation intensive : EDP infini. Interprétation : Peut être autofinancée. Bénéfices sociaux : +3 157 € par élève et par formation. Coût : +619 € par élève et par formation. Externalité fiscale : +2 042 € par élève et par formation.
      • Paramètres clés : Impact sur les compétences (θ) : Peu intensive (0 %), Intensive (+12,4 % d'un écart-type). Coût journalier et durée de la formation.

      Inspections pédagogiques :EDP infini. Interprétation : Le dispositif est autofinancé. Bénéfices sociaux : +1 277 € par élève et par inspection. Coût : entre +14 € et +20 € par élève et par inspection. Externalité fiscale : +826 € par élève et par inspection. * Paramètres clés : Impact sur les compétences (θ) : +4,2 % d'un écart-type sur les résultats en mathématiques. Coût d'une inspection rapporté au nombre d'élèves.

      Valeur ajoutée des enseignants :Coût maximum acceptable pour être autofinancé (pour une amélioration de 10% d'un écart-type de l'efficacité) : ΔC = 71 000 € par enseignant. Interprétation : Tout dispositif coûtant moins que ce montant et permettant une telle amélioration serait autofinancé. Externalité fiscale générée (ΔE) : +71 000 € par enseignant. * Paramètres clés : Amélioration de la valeur ajoutée de l'enseignant (ΔVA) : 10 % d'un écart-type. Impact sur les compétences (θ) : 10 %. Nombre d'élèves sur une carrière.

      4. Politiques liées aux parents :

      Implication des parents (Mallette des parents) :

      EDP infini. Interprétation : Le dispositif est autofinancé. Bénéfices sociaux : +2 309 € par élève. Coût : +8 € par élève.

      Externalité fiscale : +1 493 € par élève. Paramètres clés : Impact sur les compétences (θ) : +8,3 % d'un écart-type. Coût marginal par collège.

      Hypothèses et Paramètres Clés

      Le document insiste sur le fait que l'outil EDP repose sur des hypothèses et nécessite des données empiriques robustes.

      Les paramètres utilisés dans les calculs sont explicités et justifiés par des références à la littérature de recherche, notamment :

      • L'impact des compétences scolaires sur les salaires futurs (δ).
      • La valeur actualisée des salaires futurs (we) en fonction de l'âge d'exposition.
      • Le taux marginal moyen d'imposition (τ).
      • Les coûts spécifiques à chaque politique (coût des enseignants, coût des matériaux, coût des formations, etc.).
      • Les estimations de l'impact des politiques sur les compétences scolaires (θ ou β), souvent basées sur des méta-analyses ou des études expérimentales et quasi-expérimentales.

      Limites et Considérations

      Bien que l'EDP soit un outil puissant pour éclairer la décision publique, il est important de reconnaître ses limites. Comme tout modèle quantitatif, il dépend de la qualité des données et de la validité des hypothèses retenues.

      L'identification causale des effets des politiques est cruciale pour obtenir des résultats fiables. L'EDP ne remplace pas les arbitrages politiques et sociaux, mais fournit une base factuelle pour ces discussions.

      Conclusion

      Ce document du CAE démontre l'application rigoureuse de la méthode EDP pour évaluer l'efficacité économique et sociale des politiques éducatives en France.

      Les résultats préliminaires présentés suggèrent que certaines interventions, telles que

      • la réduction de la taille des classes en primaire,
      • le tutorat,
      • les outils numériques d'apprentissage adaptatif en mathématiques,
      • les inspections pédagogiques et
      • l'implication des parents via des programmes comme "La Mallette des parents",

      pourraient être particulièrement rentables socialement, voire autofinancées.

      À l'inverse, le redoublement et les dotations en matériel informatique non accompagnées de mesures pédagogiques semblent avoir un bénéfice social nul ou négatif selon cette métrique.

      L'utilisation systématique de cet outil permet de constituer une "bibliothèque" d'évaluations comparables, essentielle pour orienter efficacement la dépense publique dans le domaine de l'éducation.

  6. May 2025
    1. Briefing : Une cure de détox numérique

      Ce document explore les thèmes de l'addiction aux smartphones et aux écrans, des tentatives de déconnexion, et des effets de ces expériences sur les jeunes et les adultes.

      Il met en contraste un programme de détox numérique d'une semaine pour des lycéens en Allemagne et un camp de survie plus radical en Pologne axé sur le retour à la nature.

      Thèmes Principaux :

      • L'Addiction Numérique et les "Digital Natives" : Le document souligne que la génération Z est la première à avoir grandi avec des smartphones dès leur plus jeune âge. L'utilisation constante des appareils, même pendant les activités quotidiennes comme cuisiner, manger, réviser et avant de dormir, est généralisée. Cela est décrit comme une "drogue" par un enseignant.

      • Expériences de Déconnexion : Le document présente deux approches de détox numérique :

      • Une semaine sans smartphone et ordinateur pour des lycéens allemands.

      • Un camp de survie en Pologne mené par Camille Fialkovski, axé sur le renoncement aux commodités modernes et un retour à la vie dans la nature.

      • Les Défis et les Effets de la Déconnexion : Les expériences de déconnexion révèlent les difficultés rencontrées par les participants, notamment l'ennui, le stress lié à l'absence de musique ou de moyens de communication, et le sentiment d'être "pas au courant des choses". Cependant, des effets positifs sont également observés, comme une plus grande interaction sociale en personne, une augmentation de l'activité physique (marcher davantage), la reprise de la lecture et une meilleure concentration sur le travail scolaire.

      • La Nécessité d'Apprendre à Se Débrouiller dans le Monde Réel : Le camp de survie de Camille insiste sur l'importance d'acquérir des compétences pratiques et de savoir se débrouiller sans l'aide de la technologie. Il considère qu'il est plus dangereux pour les enfants de grandir sans ces compétences que de passer du temps dans la nature.

      • Le Sentiment Ambivalent envers les Smartphones : À la fin de l'expérience de détox numérique des lycéens, il est clair que leur relation avec leurs smartphones est complexe. Ils le perçoivent à la fois comme une "malédiction et une bénédiction", conscients de leur dépendance mais aussi de l'utilité et de la fascination de l'appareil.

      Idées ou Faits les Plus Importants :

      • La "génération z est la première à avoir eu un smartphone entre les mains dès le plus jeune âge".

      • Certains jeunes utilisent leur smartphone jusqu'à "11 12h" par jour.

      • La déconnexion est une démarche à la mode car "l'addiction au smartphones et aux écrans en général s'est généralisée".

      • Sébastien Metner, professeur d'histoire, propose de "priver ses élèves de leur drogue pendant une semaine".

      • Les lycéens commencent l'expérience avec des "sentiments mitigés", mais beaucoup reconnaissent avoir développé une "addiction".

      • "la plupart d'entre eux n'ont jamais été déconnecté pendant aussi longtemps".

      • La déconnexion "touche les jeunes de façon existentielle".

      • Les participants à la détox numérique s'attendent à s'ennuyer, à être stressés par l'absence de musique et à manquer de moyens de communication avec leurs amis.

      • Ils cherchent des substituts analogiques, comme des "appareils photos jetables", pour "prendre des photos en général on a besoin de souvenirs".

      • Les lycéens en Allemagne passeraient en moyenne "9h par jour en ligne d'après une étude".

      • Camille Fialkovski, l'instructeur de survie en Pologne, a une "mission personnelle dans la vie rassembler davantage de personnes autour d'un feu de camp et les éloigner des écrans".

      • Camille choisit de vivre de manière autonome et de ne pas être "joignable" constamment pour pouvoir se concentrer sur ses tâches.

      • Les participants à ses stages sont généralement des "citadins stressés qui le sollicitent pour se déconnecter du monde numérique et se ressourcer au grand że przyjeżdansune douza d'anné po iler dans cette tente par mo 10 degrzy".

      • Les enfants dans le camp de survie apprennent à "faire du feu à grimper aux arbres à pêcher des poissons".

      • "Ce qui est dangereux pour les enfants c'est pas d'être ici c'est de grandir sans savoir se débrouiller dans la vie".

      • Le professeur Sébastien Metner est conscient que vivre hors ligne est "devenu quasiment impossible aujourd'hui".

      • À la fin de la semaine de détox, un élève a reçu "394 messages" non lus.

      • La "flamme" sur Snapchat est un exemple de la façon dont les jeunes s'investissent émotionnellement dans les interactions en ligne.

      • Les jeunes "n'arrivent pas à s'en éloigner par eux-mêmes et ils en ont conscience".

      • Le smartphone est à la fois "une malédiction et une bénédiction".

      Points Spécifiques :

      • Les difficultés pratiques sans smartphone incluent ne pas pouvoir joindre des amis, ne pas être au courant des informations de transport en commun (travaux, trains de substitution), et manquer les annulations de cours via l'application scolaire.

      • Les effets positifs incluent passer plus de temps à l'extérieur, faire plus d'exercice, lire davantage, et avoir des discussions plus approfondies en personne.

      • L'expérience de déconnexion a montré à certains participants qu'ils n'étaient "pas aussi dépendants que je le pensais".

      • La déconnexion a permis à certains de "faire plus de choses pour moi" et de "s'informer sur des sujets qui m'intéressent" au lieu de passer du temps non productif sur leur téléphone.

      • Le camp de survie de Camille est intentionnellement difficile pour enseigner la résilience, avec un dicton : "ton état d'esprit doit ressembler à ton feu de camp ça veut dire que si tu n'es pas bien préparé tu auras froid".

      • Ce document offre un aperçu des défis et des opportunités associés à notre dépendance croissante aux technologies numériques, en présentant des exemples concrets d'efforts de déconnexion et leurs conséquences.

    1. Note de Synthèse : Où commence la folie ?

      Ce document de synthèse examine les principales thématiques et idées importantes présentées dans les extraits de "Où commence la folie ? | 42 - La réponse à presque tout | ARTE".

      Thèmes Principaux :

      • La Normalité comme Construction Sociale : Le concept de "norme" est présenté non pas comme une réalité intrinsèque mais comme une construction sociale nécessaire à l'interaction. En conséquence, la folie, définie par opposition à la norme, devient également relative.

      • La Folie au Sens Psychiatrique : La psychiatrie tend à éviter le terme "folie", préférant parler de troubles variés, principalement la psychose. La psychose est caractérisée par une altération du lien avec la réalité et affecte le raisonnement et la perception.

      • Mécanismes de la Psychose (notamment la Schizophrénie) : Les extraits décrivent comment la psychose, souvent associée à la schizophrénie, peut impliquer l'interprétation de coïncidences comme des signes ou des messages codés. Un sentiment d'insécurité identitaire et environnementale peut conduire à des interprétations délirantes.

      • La "Bouffée Délirante" : Un épisode intense d'angoisse et d'interprétation délirante, qui paradoxalement peut apporter un soulagement en trouvant une explication (même absurde) à l'insécurité ressentie.

      • La Folie comme Hyper-sensibilité ou Perception Décalée : L'idée est explorée que les troubles psychiatriques, y compris la psychose, pourraient être des formes amplifiées de caractéristiques présentes chez les personnes dites "normales". Notre perception de la réalité est toujours une interprétation influencée par notre histoire personnelle.

      • Absence de Frontière Claire entre Folie et Normalité : Il n'existe pas de critères strictement définis pour séparer clairement la folie de la normalité. Le critère principal d'une conviction erronée et inébranlable peut aussi s'appliquer à d'autres formes de croyances non pathologiques.

      • Le Diagnostic et la Souffrance : Le but du diagnostic en psychiatrie est de soigner les personnes en souffrance. Cependant, la souffrance n'est pas toujours perçue par la personne concernée (ex: épisode maniaque), mais peut être ressentie par l'entourage ou apparaître après l'épisode (souffrance des conséquences). La pertinence d'un diagnostic se mesure plutôt par la souffrance qu'il vise à soulager.

      • Symptômes Psychotiques chez les Personnes "en Bonne Santé" : Un pourcentage significatif de personnes sans diagnostic formel peuvent présenter des symptômes psychotiques (perceptions différentes, voix, idées bizarres) sans être considérées comme malades.

      • L'Approche centrée sur le Patient : L'importance de déterminer les objectifs d'un traitement en fonction du patient, et non uniquement du médecin. Un symptôme (comme entendre une voix) peut ne pas être source de souffrance pour le patient et ne pas nécessiter d'être supprimé.

      • La Neurodiversité : Ce concept remet en question l'idée que certaines particularités, notamment neurodéveloppementales (comme l'autisme), soient des maladies. Elles sont vues comme des expressions naturelles de la diversité humaine. La distinction est faite entre troubles neurodéveloppementaux (avec lesquels on naît et qui ne guérissent pas) et maladies psychiatriques (acquises et potentiellement curables).

      • L'Évolution du Diagnostic et la Stigmatisation Historique : Les critères diagnostiques ont évolué, menant à une augmentation des diagnostics pour certaines conditions (comme l'autisme). L'histoire montre une persécution et une stigmatisation des personnes jugées différentes, culminant avec les atrocités du régime nazi. La stigmatisation et la discrimination persistent aujourd'hui, notamment dans la sphère professionnelle.

      • La Folie et la Créativité : Le lien potentiel entre une prédisposition aux troubles psychotiques et une tendance accrue à la créativité est évoqué, citant des études génétiques. Cependant, l'idéalisation de ce lien est tempérée par le fait que les phases aiguës d'une psychose entravent généralement la création.

      • Le Diagnostic et les Particularités : Certaines particularités (comme le haut potentiel intellectuel) peuvent être confondues avec des troubles (comme le TDAH), soulignant la nécessité d'une évaluation précise pour distinguer une aptitude d'un handicap. Le diagnostic est évolutif et peut enfermer l'individu.

      • L'Acceptation de la Différence et de sa Propre "Folie" : L'importance pour la société d'accepter les écarts à la norme et pour les individus d'accepter leurs propres singularités et vulnérabilités.

      Idées ou Faits Importants :

      • La norme est une invention sociale et non une réalité absolue.

      • La "folie" dans le langage courant correspond souvent à ce que la psychiatrie appelle "psychose", caractérisée par une perte du lien avec la réalité.

      • Un critère clé de la folie est une conviction inébranlable jugée erronée par les autres, mais ce critère peut s'appliquer au-delà des pathologies.

      • Il n'y a pas de frontière nette entre folie et normalité.

      • La souffrance est un critère important pour le diagnostic psychiatrique, même si elle n'est pas toujours perçue par le patient lui-même durant l'épisode.

      • Des symptômes psychotiques peuvent exister chez des personnes sans diagnostic formel.

      • L'objectif d'un traitement devrait être défini par le patient.

      • Le concept de neurodiversité voit les particularités (notamment neurodéveloppementales) comme des expressions de la diversité humaine, et non nécessairement comme des maladies.

      • Les troubles neurodéveloppementaux sont innés, tandis que les maladies psychiatriques sont acquises.

      • L'histoire a montré une stigmatisation et une persécution des personnes jugées différentes, et cette stigmatisation persiste aujourd'hui.

      • Il pourrait exister un lien entre la prédisposition aux troubles psychotiques et la créativité.

      • Le monde peut parfois nous rendre "fous" face aux expériences traumatisantes, soulignant la vulnérabilité humaine.

      • Accepter la diversité humaine et même sa propre "folie" est crucial.

      Citations Clés :

      • "je pense que la norme en tant que telle elle n'existe pas c'est un concept qu'on a qu'on a inventé qu'on a construit parce qu'on en a besoin pour interagir socialement tous ensemble"

      • "ce que l'on désigne par folie correspond en général à ce que la psychiatrie appelle une psychose à savoir un état dans lequel tout lien avec la réalité ou du moins ce qu'on perçoit comme tel se brouille"

      • "lorsque vous vous dites "Je suis en train de donner une interview" vous savez pertinemment qui est le jeu en question pour une personne schizophrène en revanche c'est loin d'être aussi évident"

      • "il n'existe pas de critères rigoureusement définis qui permettent de tracer une frontière claire entre la folie et la normalité"

      • "ce qui compte dans le diagnostic des maladies psychiatriques c'est plutôt de savoir si une personne souffre et non pas si elle est atteinte de folie ou si elle a un comportement normal"

      • "le but d'un traitement doit être déterminé par le patient pas par le médecin"

      • "en définitive la folie n'est qu'une question de point de vue tout ce qui semble décalé n'a pas forcément besoin d'être soigné"

      • "Le concept de neurodiversité remet en question l'idée même que certaines particularités soient considérées comme des maladies ou des troubles il les entrevoi plutôt comme une expression naturelle de la diversité humaine"

      • "la différence entre un trouble neurodéveloppemental et une maladie psychiatrique c'est que la maladie psychiatrique on on l'acquiert comme on se casse une jambe finalement... alors qu'un trouble neuréveloppemental on vient au monde avec et on le garde toute sa vie"

      • "l'idée reste profondément ancrée dans notre société [la stigmatisation] et que la seule manière d'y faire face ce qui est fondamental notamment pour les personnes atteintes de troubles psychiatriques c'est de sensibiliser le grand public"

      • "il pourrait exister un lien entre une prédisposition au trouble psychotique et une tendance accrue à la créativité"

      • "le monde peut parfois nous rendre fou des expériences traumatisantes peuvent conduire certaines personnes à sombrer dans la folie au fond je crois que cela fait partie de la condition humaine"

      • "peut-être devrions-nous aussi apprendre à mieux accepter notre propre folie"

      En résumé, les extraits remettent en question les notions rigides de folie et de normalité, les présentant comme des constructions sociales ou des spectres de perception et de fonctionnement humain.

      Ils soulignent la complexité des troubles psychiatriques, l'importance de l'approche centrée sur le patient, et appellent à une plus grande acceptation de la diversité humaine et à la déstigmatisation.

    1. Compte rendu détaillé des thèmes et idées clés du podcast "Les enfants rendent-ils heureux ? | Unhappy | ARTE"

      Ce podcast explore la question complexe de l'impact des enfants sur le bonheur parental, en interrogeant différentes perspectives et expériences.

      Il s'appuie sur des témoignages personnels, des opinions d'experts et des études socio-économiques.

      Thèmes principaux et idées clés :

      • La parentalité : Un défi enrichissant mais exigeant ("Une vie d'extrémiste")

      • Le podcast commence par souligner que, bien que les parents puissent parfois préférer des activités solitaires comme regarder la télévision, le temps partagé avec les enfants est souvent source d'enrichissement et de sens.

      • Le bonheur parental ne réside pas toujours dans des moments de joie continue, mais aussi dans la confrontation et le dépassement des défis inhérents à l'éducation.

      • Un parallèle est établi entre la parentalité et des défis extrêmes comme l'escalade du Kilimanjaro, mais avec la différence fondamentale qu'on ne peut pas "revenir en arrière". La philosophe d'iter Tomy est citée, affirmant que la parentalité est "réservée aux extrémistes".

      • Louise, une mère célibataire, témoigne du sentiment d'être constamment dépassée et de la peur de "couler" au début, un mélange de surmenage, d'insomnie, d'angoisse existentielle et de crainte face à la vulnérabilité d'un si petit enfant.

      • La parentalité est décrite comme une "activité extrêmement intense" qui demande énormément de temps et d'énergie, conduisant à reléguer les propres besoins au second plan.

      L'instinct versus la raison dans la décision d'avoir des enfants :

      • La question de savoir si l'on doit suivre son instinct ou la raison pour décider d'avoir un enfant est soulevée.
      • Établir une liste de "pour" et de "contre" pour avoir un enfant est jugé "incongru", notamment en considérant l'impact potentiel sur l'enfant qui grandit et pourrait découvrir qu'il ne "coche pas tous les éléments de la liste".

      • La parentalité est présentée comme un "mythe redoutable très fortement chargé émotionnellement par la société". Il est conseillé de se demander sincèrement si le désir d'avoir un enfant vient de soi ou est influencé par les "désirs des autres".

      • Louise, ayant découvert sa grossesse de manière inattendue, témoigne de s'être fiée à son instinct et de n'avoir jamais douté de vouloir garder son enfant malgré les difficultés.

      Les aspects du bonheur parental :

      • Au-delà des défis, les enfants sont sources de bonheur. Louise explique que le bonheur vient en partie de l'acceptation que son fils peut aussi lui apprendre beaucoup de choses et lui a permis de découvrir de nouvelles facettes d'elle-même. Cela aide aussi à "être plus tolérant envers soi-même".

      • L'attirance innée pour les caractéristiques physiques des bébés (grands yeux, front haut, joues rebondies) est mentionnée comme un facteur initial de sentiment positif.

      • Tilman, père de quatre filles, affirme que pour lui, le bonheur est indissociable : celui qu'il partage en couple, en famille avec les enfants, et celui qu'il cultive de son côté. C'est un bonheur "avec les enfants", et non "malgré" ou "à cause" d'eux.

      Les réalités socio-économiques de la parentalité :

      • Une étude longitudinale allemande (panel socio-économique) révèle que la satisfaction de vie augmente avant la naissance, atteint un pic la première année, puis diminue et revient au niveau initial. La satisfaction de vie ne diffère pas significativement entre les personnes avec ou sans enfants sur le long terme.

      • Le coût financier de l'éducation d'un enfant est souligné (environ 150 000 € pour le premier enfant en Allemagne) ainsi que l'impact sur la carrière professionnelle de nombreux parents.

      • Une augmentation du niveau de colère quotidienne chez les parents 5 ans après la naissance est notée, probablement liée à l'augmentation du stress.

      La dynamique du couple et le partage des tâches :

      • La parentalité transforme la relation de couple en une "sorte de relation de travail", nécessitant une communication constante et une répartition des tâches.

      • Il est observé que les hommes ont tendance à surestimer leur part de travail ménager par rapport à la réalité.

      • Le manque de congé parental pris par les pères est souligné (seulement 18% en Allemagne, prenant en moyenne 2 mois contre 13 pour les femmes), indiquant un déséquilibre persistant dans la charge parentale.

      • Tilman et Ilana, avec quatre enfants, insistent sur l'importance de l'improvisation et de la communication permanente pour concilier famille nombreuse et vies professionnelles.

      Les regrets et le tabou de la non-maternité :

      • La publication de l'étude "Regretting Motherhood" par Orna Donat, interrogeant des femmes qui aiment leurs enfants mais regretteraient de devenir mères si elles pouvaient revenir en arrière, est mentionnée comme ayant brisé un tabou important.

      • La recherche suggère qu'environ 10% des parents, s'ils pouvaient revenir en arrière, choisiraient de ne pas avoir d'enfants.

      • Il est souligné que les femmes devraient avoir la liberté de dire que les enfants ne sont pas toujours une bénédiction, une liberté que les hommes possèdent depuis longtemps.

      • Certains parents peuvent regretter de ne pas avoir consacré autant d'énergie à leur développement personnel après être devenus parents.

      Le concept de "village" et la parentalité partagée :

      • Louise, en tant que mère célibataire, a construit un "village" autour de son fils, un réseau d'amis, de baby-sitters et de connaissances qui la soutiennent. Ce réseau est crucial mais doit être entretenu.

      • Le podcast suggère d'élargir la définition de la parentalité et de revenir à l'idée qu'il faut "tout un village pour élever un enfant". Il n'est pas nécessaire d'avoir enfanté pour être un "parent" dans ce sens.

      • L'expérience en Namibie, où les enfants sont confiés à la garde plus tôt, est citée comme une source d'inspiration pour Louise, lui montrant qu'il est possible de concilier parentalité et autres engagements.

      La transformation de soi et la responsabilité parentale :

      • Devenir parent est décrit comme une "seconde naissance" et une "expérience transformatrice", au point de devenir "quelqu'un d'autre". Il est difficile de savoir à l'avance si l'on appréciera ce changement.

      • Être parent implique d'être "sous surveillance" et de "servir d'exemple", ce qui peut être difficile. Louise confie échouer souvent dans ce rôle, notamment par manque de patience.

      • La capacité à rire de soi et des autres est présentée comme un outil essentiel pour faire face aux imperfections de la vie de famille.

      • L'être humain est vu comme un être en devenir, avec un potentiel de transformation, y compris sur le plan émotionnel.

      Le détachement et la projection dans l'avenir :

      • La relation parent-enfant est réciproque en termes d'attachement, et les deux parties doivent éventuellement parvenir à se détacher l'une de l'autre.

      • Malgré les défis, les enfants permettent aux parents de "voir le monde à travers leurs yeux", de les regarder grandir et devenir autonomes, offrant une "projection dans la société à venir".

      Le rôle de l'instinct et du plaisir des parents :

      • Les parents ne doivent pas se forcer à faire des choses avec leurs enfants s'ils n'en ont pas envie. Le plaisir des parents dans certaines activités est un "acquis précieux pour la vie" des enfants.

      • Les enfants ont besoin de parents "vraiment là", présents et impliqués, plutôt que de directives données de loin.

      • Tilman et Ilana soulignent que la vie avec des enfants est "plus riche", "plus imprévisible", les entraîne sur des chemins inattendus, et surtout, qu'ils rient beaucoup en famille, ce qui serait moins le cas sans leurs enfants.

      Citations importantes :

      • "...le bonheur vient notamment du fait de se confronter à des défis que ce soit en élevant un enfant en courant un marathon ou en escaladant une montagne Surmonter ces difficultés enrichit nos vies"

      • "Je suis d'accord avec le philosophe d'iter Tomy qui a dit un jour que la parentalité était réservée aux extrémistes car contrairement à l'ascension du Kilimanjaro par exemple on ne peut pas revenir en arrière On ne peut pas faire demi-tour On est parent Vitam et Ternam On reste toute sa vie sur le Kilimanjaro quoi qu'il arrive Une vie d'extrémiste"

      • "...la parentalité est un mythe redoutable très fortement chargé émotionnellement par la société Je conseillerai donc de se poser la question est-ce que je le veux vraiment ou est-ce plutôt le désir des autres que j'essaie de satisfaire"

      • "J'étais perdu Je n'étais pas sûr de savoir m'y prendre Mais il a 6 ans maintenant Tu as surmonté pas mal de choses déjà Étonnamment Oui Qu'est-ce qui rend heureux dans le fait d'avoir un enfant pour moi c'est d'admettre qu'il puisse lui aussi m'apprendre beaucoup de choses Grâce à lui j'ai découvert de nombreuses facettes de moi que je n'aurais peut-être pas remarqué sans lui On apprend à être plus tolérant envers soi-même Aujourd'hui je me rends compte que cela me rend vraiment heureuse et que c'est un cadeau"

      • "Une vie d'extrémiste Ce n'est pas vraiment comme ça que j'imaginais la parentalité mais à la réflexion les jeunes parents ont parfois un petit côté fanatique"

      • "...nos résultats montrent que la satisfaction de vie et le sentiment de bonheur augmente au cours des années précédents la naissance Atteignent un pic au cours de la première année après la naissance puis diminuent et reviennent à leur niveau initial La satisfaction de vie ne diffère pas énormément entre les personnes avec ou sans enfant Celles avec enfant ne sont pas plus heureuse ou plus contente de leur vie que les autres"

      • "...lorsque en tant qu'être humain nous sommes face à un être avec de grands yeux un front haut et des joues rebondis nous ressentons un sentiment positif Nous nous sentons bien et nous voulons nous en occuper Et ce sont bien sûr exactement les caractéristiques des bébés"

      • "Quand on devient parent on s'engage dans un travail d'équipe au sein du couple On est dans une sorte de relation de travail et on se critique mutuellement"

      • "Cette étude a brisé un tabou Les femmes devraient être autorisées à dire que les enfants ne sont pas toujours une bénédiction Cela fait longtemps qu'on accorde aux hommes cette liberté de parole"

      • "Peut-être devrions-nous élargir la définition de la parentalité et revenir à l'idée qu'il faut tout un village pour élever un enfant Il n'est pas nécessaire d'avoir enfanté pour être parent"

      • "En devenant parents on devient quelqu'un d'autre et il est difficile de savoir à l'avance si on va apprécier ce changement"

      • "Pour moi le bonheur ne fait qu'un Celui que nous partageons tous les deux celui que nous vivons en famille avec les enfants et celui que chacun cultive de son côté Je trouve que c'est difficile de les séparer C'est un bonheur qui n'est pas malgré à cause d'eux mais avec les enfants"

      • "Ce dont les enfants ont besoin ce sont des parents qui sont vraiment là qui ne crient pas de loin 'Rangent ta chambre' mais qui sont présents mettent la main à la pâte et disent 'Vien on va faire ça ensemble.'"

      • "À une époque où l'on cherche à se prémunir contre tous les risques où l'on cherche à tout sécuriser je trouve tout à fait formidable d'oser se lancer Se jeter ou pas dans le grand bain de la parentalité c'est peut-être au bout du compte aussi une question de confiance"

      • "la vie devient plus riche elle devient aussi plus imprévisible Cela nous entraîne sur des chemins que l'on aurait pas emprunté sinon Et puis c'est très amusant On rit beaucoup en famille On ne rirait pas autant je pense si on avait pas tous ces enfants autour de nous"

      • En résumé, le podcast offre une perspective nuancée sur la parentalité, reconnaissant à la fois ses difficultés et ses récompenses.

      Il remet en question les mythes sociaux, souligne l'importance du soutien et de l'adaptation, et explore les multiples facettes du bonheur que les enfants peuvent apporter à la vie des parents, malgré les défis inévitables.